jeudi, décembre 4, 2025
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Un drone léger anti-personnel entre en service en Turquie

Selon le site Hurriet Daily News, les forces armées turques seraient sur le point de mettre en service un nouveau type de drone armé. Mais il ne s’agit pas d’un drone MALE ou d’un drone tactique équipé de missiles ou de bombes guidées, mais du quadcoptere SONGAR mettant en oeuvre une mitrailleuse légère de 5,56 mm et éventuellement un lance-grenades de 40 mm, en faisant une arme destinée à être utilisée contre des personnels, et non des infrastructures ou des véhicules.

Présenté par le constructeur turc Asisguard à l’occasion du salon IDEX 2019, le SONGAR est conçu pour engager des forces d’infanterie, notamment pour éliminer des points d’appuis feu de l’adversaire lors des phases critiques de déploiement comme lors du débarquement d’un véhicule blindé, par exemple. Le drone peut être mis en oeuvre jusqu’à 10 km de sa station de contrôle, et atteindre une altitude de 2800 m. Il emporte, outre les armements précités, 200 cartouches de 5,56mm pour alimenter la mitrailleuse, un télémètre laser, et un système optronique de contrôle et de visée. Son autonomie atteindrait les 20 minutes lorsqu’il est à pleine charge. Le SONGAR reste controlé par une station de commande, mais il dispose d’une certaine autonomie d’évolution permettant à une unique station de contrôler et diriger jusqu’à 3 drones.

Il s’agit là de la première fois qu’une armée « occidentale » annonce l’entrée en service d’un tel drone à vocation antipersonnelle exclusive. Non pas, d’ailleurs, que le Songar soit unique en son genre. Des constructeurs européens, et notamment français, proposent depuis plusieurs années des drones légers modifiés pour emporter toute sorte d’armement, allant du pistolet 9mm au lance-roquette anti-char RPG-14, en passant par les mitrailleuses légères (6,56 mm), moyennes (7,62mm) et lourdes (12,7 mm), divers types de grenades et de roquettes, ainsi que des charges explosives pouvant être larguées ou détonnées. Mais le sujet est ignoré par les armées et grandes industries de Défense européennes et américaines, craignant un emballement médiatique autour des fameux « robots tueurs ». Or, fondamentalement, ces drones armés ne font qu’apporter plus de mobilité à des systèmes automatiques existants depuis les années 60, comme les mitrailleuses automatiques qui protégeaient le No Mans Land coté soviétique séparant Berlin Est et Berlin Ouest.

Les drones légers européens sont conçus pour engager des véhicules ou des infrastructures, comme le Warmate ici en exemple.

De fait, ce sont, jusqu’à aujourd’hui, des Bases Industrielles et Technologiques secondaires qui se positionnèrent sur ces technologies, sachant d’ailleurs que le marché principal pour ces drones armés légers est composé de pays en developpement, ou de gouvernements connus pour être autoritaires (raisons pour laquelle le domaine jouit d’une réputation parfois sulfureuse).

Mais de nouveaux acteurs se positionnent désormais, apportant des moyens financiers, technologiques et marketing bien supérieurs. Outre la Turquie et son SONGAR, l’Ukraine, la Russie, l’Inde et surtout la Chine ont entrepris depuis plusieurs années de tels développements. Même l’US Army semble avoir franchi le pas. Et les drones légers armés produits par ces industries ont des potentiels opérationnels très supérieurs à ceux existant jusqu’à présent, que ce soit par l’emploi de matériaux et de batteries beaucoup plus performants, l’intégration d’intelligence artificielle embarquée, des moyens optroniques et de visée autrement plus précis, et des capacités de coopération massive entre drones pour faire évoluer des « essaims de drones armés », potentiellement impossibles à arrêter aujourd’hui.

Un essaim de drones légers armés est aujourd’hui virtuellement impossible à arrêter, si ce n’est à rester protégé sous un épais blindage.

Reste qu’il sera plus que délicat à un industriel majeur, qu’il soit français ou européen, d’investir dans ce domaine de manière autonome, même en s’appuyant sur l’existant d’un ou plusieurs acteurs « artisanaux ». Les risques de voir une ONG ou un organisme de presse s’emparer du sujet pour sasseuse dimension symbolique sont, en effet, très importants. Toutefois, l’apport tactique de ces équipements est très important, que ce soit pour mener des tirs de suppression lors des déplacements tactiques, la recherche et l’engagement de tireurs isolés, l’intensification du feu, ou pour prendre à partie un adversaire retranché, pour ne citer que les exemples les plus triviaux. Difficile, dans ces conditions, de laisser à un adversaire, ses alliés et clients potentiels, un avantage tactique aussi déterminant autours de questions plus fanstamées que raisonnées. De fait, il devient aussi indispensable qu’urgent que des instances publiques, comme la DGA, l’AID ou le PESCO au niveau européen, s’emparent rapidement du sujet pour ne pas reproduire la même situation que celle qui perdure aujourd’hui au niveau des drones MALE et HALE en Europe.

L’Agence européenne de défense tire la sonnette d’alarme : les investissements en recherche militaire sont au point mort

Malgré une augmentation globale des dépenses totales de Défense en Europe depuis 2014, l’Agence européenne de défense (AED) souligne dans son dernier rapport une diminution jugée «inquiétante» des achats d’équipements et des dépenses consacrées à la recherche militaire (R&D), ces dernières peinant à retrouver leurs niveaux de 2008.


Une tendance domine les débats en matière de défense européenne depuis quelques années, celle de l’augmentation globale des dépenses de défenses au sein de l’UE puisqu’elles ont atteint un volume de 223 milliards d’euros en 2018 (+3% depuis 2017). Indéniablement, il semble extrêmement positif et rassurant que nombre d’Etats européens aient enfin pris conscience de l’importance de leur propre outil militaire au sein d’un environnement stratégique profondément dégradé. En 2018, 14 Etats membres ont dédié pas moins de 20% de leurs budgets Défense en équipement, contre 7 en 2014, remplissant de fait leurs engagements pris lors du sommet otanien de Newport en 2014. Le rapport signale également que 21 pays consacrent plus de 10% de leurs dépenses de Défense à l’acquisition et à la modernisation de leurs équipements.

En ce sens, cela ne peut que réconforter les partisans d’un renforcement de l’OTAN mais également les fervents défenseurs d’une autonomie stratégique européenne. Et pourtant, de l’aveu même du directeur général de l’AED, Jorge Domecq, les résultats du rapport « brossent un tableau mitigé » et souligne une tendance qu’il qualifie de « préoccupante ». En effet, outre le fait que nombre d’Etats européens ne font que reconquérir des compétences autrefois acquises, le rapport de l’AED met en évidence la faiblesse endémique des investissements faits dans la R&D et la recherche et technologie (R&T), mais aussi dans les achats d’équipements de manufacture européenne. Dans les faits donc, les investissements consacrés par les Etats membres depuis la mise en lumière des crises syrienne et ukrainienne ne profitent pas assez rapidement au renouvellement capacitaire et à la modernisation des forces armées européennes, un véritable non-sens au regard des efforts budgétaires concédés par les Européens.

Paradoxalement, alors même que la chute des investissements en R&T militaire s’est stabilisé dès 2010 aux alentours de 1,3 à 1,1% de part des dépenses totales de Défense, c’est au déclenchement de la crise ukrainienne en 2014 que la chute s’est intensifiée pour atteindre la somme dérisoire de 1,6 milliards d’euros. Cette dégringolade peut en partie s’expliquer par un achat conséquent de matériels militaires auprès de Washington, les ventes d’armes américaines retrouvant un volume équivalent aux montants de 1991, à la chute de l’URSS.

Ce sont bien entendu les industries de Défense nationales qui en pâtissent. La chute toujours plus importante des budgets alloués à la recherche militaire – passant de 3 milliards d’euros en 2006 à 2,1 milliards en 2018 – souligne un désintérêt profond des Européens pour un domaine pourtant attribut de puissance avéré. L’Europe accuse un retard technologique certain, accentué par le rattrapage ces dernières années des Russes et des Chinois, tandis qu’aux États-Unis on évoque déjà une « septième révolution technologique », se concentrant principalement sur les nanotechnologies et creusant un peu plus le fossé technologique avec l’Europe.

Une solution intéressante qui pourrait en partie pallier à ce déficit technologique résiderait dans un investissement massif dans les programmes européens. Mais alors même que les pays européens ont promis de coopérer entre eux à hauteur minimum de 35% de leurs équipements, le rapport de l’AED a calculé que seul 17,8% des dépenses d’équipements – soit 6,4 milliards d’euros – relèvent de programmes européens. Un chiffre qui n’atteint même pas 10% pour la recherche et l’innovation. Pourtant, un engagement prononcé dans de telles coopérations permettrait de stimuler les tissus industriels propres à chaque Etat participant mais aussi et surtout, de développer des compétences clés et briques technologiques indispensables à la pérennité des BITD européennes.

S’engager dans un programme aussi ambitieux que le Système de Combat Aérien Futur (SCAF) est un signal positif envoyé à l’industrie et à la recherche militaire car d’une part, il permet de stimuler les tissus industriels français, allemand et espagnol par des investissements publics dans la R&D, et d’autre part, parce qu’il offre l’opportunité de développer des compétences au sein des bureaux d’études, indispensables pour prétendre maintenir une supériorité aérienne européenne dans les décennies à venir.

Outre la crainte d’un décrochage technologique donc, c’est véritablement le risque d’une perte totale de contrôle sur le creuset industriel de haute technologique en Europe dont il est question. A cet égard, il n’est pas surprenant de constater la pénétration de divers fonds souverains, fonds d’investissements ou groupes étrangers, ces dernières années, dans le capital d’entreprises européennes de pointe dont les activités sont directement ou indirectement liées à la Défense. Ces incursions étrangères peuvent s’expliquer par une difficulté pour ces entreprises à trouver des financements suffisants et le lancement prochain d’un Fonds européen de Défense (FED) doté de 13 milliards d’euros constituerait un élément de réponse intelligent et pragmatique. A cet égard, la proposition de la nouvelle présidence finlandaise de l’UE de réduire de moitié les crédits du futur FED, à la lumière du constat dressé par l’AED, est un contresens absurde et relève d’un quasi-sabotage de la défense « made in UE ».

Ainsi, cette fameuse voie européenne, celle où des partenaires européens développeraient leur volet capacitaire de manière significative ; cette Europe évoluée qui agirait par elle-même en s’investissant plus en avant dans des coopérations industrielles ciblée, au bénéfice d’une plus grande autonomie dans un paysage transatlantique en phase de recomposition ; cette Europe ci nécessite des fonds plus importants, de la créativité mais surtout une volonté politique déterminante qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut.


Axel TrinquierQuestions de défense européenne

Les ambitions du super programme « Big 6 » de l’US Army sont-elles excessives ?

Au début des années 70, à l’issue de la guerre du Vietnam, l’US Army entama un vaste programme de modernisation de ses forces, qui prendra le nom de « Big 5 », car portant sur 5 équipements emblématiques de la puissance militaire américaine pour les 40 années qui suivirent : le Char de combat M1 Abrams, le véhicule de combat d’infanterie M2 Bradley, l’hélicoptère de combat AH-64 Apache, l’hélicoptère de manoeuvre UH-60 Black Hawk et le système de défense anti-aérienne et anti-missiles Patriot. A l’instar des avions de combat F15 et F16 de l’US Air Force, des porte-avions Nimitz, des croiseurs Ticonderoga, sous-marins nucléaires Los Angeles et des F18 de l’US Navy, ces équipements permirent au Pentagone de prendre un ascendant technologique majeur sur l’Union Soviétique, et firent des Etats-Unis le grand vainqueur de façade de la guerre froide.

Le système anti-aérien et anti-missiles Patriot était l’un des 5 piliers du super programme « Big 5 »

L’US Army, qui pendant 15 ans se concentra presque exclusivement aux missions anti-insurrectionnelles en Afghanistan, en Irak et en Syrie, constata à partir de 2016 qu’elle risquait de perdre l’ascendant technologique vis-à-vis de pays comme la Chine ou la Russie, qui maintinrent un effort plus ou moins visible pour moderniser leurs forces armées dans l’hypothèse d’engagements dits de « haute intensité ». C’est ainsi que, sous l’impulsion du général Mattis alors secrétaire à La Défense de la nouvelle administration Trump, l’US Army engagea une réflexion pour moderniser ses capacités et ses moyens. Et comme le super programme « Big 5 » avait donné des résultats dépassants largement les espérances, elle vint rapidement à définir un nouveau super programme, identifié cette fois comme le « Big 6 ».

Alors que le Big 5 portait sur 5 équipements majeurs, le Big 6 se compose de 6 grandes familles de besoin de modernisation : les véhicules blindés et les drones terrestres, les hélicoptères, l’artillerie longue portée, La Défense anti-aérienne et anti-missile, les réseaux de données, et les améliorations de l’infanterie. Et ces 6 grandes familles se décomposent elles aussi en 31 programmes d’équipements et de moyens. Et tout cela va couter cher, très chers. Ainsi, le budget requis pour respecter les plannings définis requièrent 57 Md$ sur la seule période 2020-2024. Connaissant la propension des programmes américains à ne pas respecter les enveloppes budgétaires initialement définies, nombreux sont les spécialistes à mettre en garde contre la soutenabilité de ce super programme.

Le Bell V280 Valor participe à la competition FLRAA du super programme « Big 6 » pour remplacer les UH60 Black Hawk

C’est notamment le cas de Heidi Shyu, qui fut en charge des acquisitions de l’US Army de 2011 à 2015, alors que le budget alloué aux programmes militaires variaient d’une année sur l’autre en fonction des arbitrages politiques. Selon elle, le super-programme « Big 6 » serait trop ambitieux, et exposerait l’US Army à des risques très importants. En effet, une de ses caractéristiques majeures repose sur la simultanéité du developpement d’un grand nombre de programmes hautement technologiques, qui doivent permettre un basculement générationnel de l’US Army sur une période relativement courte. Or, comme dit précédemment, les programmes de défense, surtout aux Etats-Unis, excédent souvent leur planning initial comme leur budget. Pour peu que plusieurs programmes majeurs venaient à glisser simultanément, l’US Army se verrait contrainte à des arbitrages engageant de possibles ruptures capacitaires dans un moment critique et particulièrement exposé face à la Chine ou la Russie.

Même si les programmes venaient à se dérouler conformément aux plans, des facteurs exogènes pourraient avoir des conséquences négatives amplifiées par cette ambition excessive et cette simultanéité. Ainsi, si une crise économique ou financière, comme celle annoncée par de nombreux économistes pour les années à venir, venait à toucher les Etats-Unis, l’US Army serait probablement exposée à des réductions budgétaires, entrainant là encore des ruptures capacitaires critiques. Même sans entrer dans un scénario extreme, la structure actuelle du super programme, et l’absence de marges de manoeuvre qu’il engendre, agit comme un multiplicateur de risques si certains programmes venaient à déborder, alors que la conjoncture économique venait simplement à se tendre, empêchant toute augmentation budgétaire.
Ces risques ont mené Heidi Shyu à appeler l’US Army à plus de raison, en arbitrant d’ores et déjà quels programmes, permis les 31 programmes d’équipement, devaient être décalés ou supprimés, de sorte à donner au « Big 6 » une chance raisonnable d’être mené à son terme même si des événements non pris en compte venaient à apparaitre.

La Russie a entrepris un vaste programme de modernisation de ses moyens blindés, d’artillerie, aériens et missiles sur la base de systèmes existants, comme ici ce T72 B3M, aux performances très largement améliorées vis à vis du T72B initial

En outre, l’étalement des programmes hautement technologiques permettrait, de façon induite, de réduire le risque technologique lui-même. En effet, en développant sur les mêmes existants et postulats technologiques la majorité des systèmes critiques d’une armée, on expose l’ensemble des forces à une vulnérabilité globale accrue, comme à l’obsolescence simultanée de l’ensemble des systèmes. Dans ce domaine, on se doit de reconnaitre que l’approche retenue par la Russie, qui associe des développements technologiques successifs en mode tuilé et qui organise la transition technologique de ses forces grâce à des programmes de modernisation de ses équipements en service, tout en concentrant les développements de haute technologique sur des systèmes critiques, comme les armes hypersoniques, présente une résilience bien supérieure ainsi qu’un lissage performant de la puissance militaire dans le temps, et ce malgré de sévères revers économiques rencontrés depuis 2014.

La DARPA développe un extracteur d’eau potable atmosphérique

L’Agence de recherche des programmes avancés américaines, la DARPA, a entamé le developpement d’un extracteur d’eau potable issue de l’humidité présente dans l’atmosphère, identifié par l’acronyme AWE pour Atmosphéric Water Extraction. Le programme repose sur deux approches complémentaires :

  • un équipement transportable sur véhicule capable d’extraire de l’humidité ambiante suffisamment d’eau potable pour alimenter une force de 150 hommes au combat.
  • un équipement individuel capable de fournir l’eau nécessaire à un homme au combat

L’eau représente en effet une empreinte logistique majeure pour les forces engagées en zone de combat, et la chaine logistique pour alimenter ces forces en bouteilles d’eau potable est à la fois lourde et très exposée. Donner à une force, ou à chacun de ses membres, la capacité de produire elle-même son eau potable, en dehors de la présence de source d’eau traditionnelle comme les rivières, la pluie ou les lacs, représenterait donc un atout certain pour la mobilité et l’autonomie en opération.

Pour y parvenir, les ingénieurs de la DARPA feront appel à de nouveaux méta-matériaux capables d’absorber et de condenser l’eau présente dans l’air atmosphérique, utilisant une faible quantité d’énergie de sorte à ne pas remplacer un problème logistique par un autre. Cette technologie est issue des travaux entamés par les chercheurs de l’Université de Berkley en Californie assistés des ingénieurs du Massachusetts Institut of Technology qui, en 2017, firent la démonstration d’un extracteur d’eau atmosphérique alimenté par l’énergie solaire. Elle repose sur l’utilisation de MOF pour Metal-Organic Framework, l’association à l’échelle moléculaire d’atomes métalliques et de molécules organiques, créant à matériaux super-poreux capable de d’extraire l’humidité de l’air avec un très faible apport énergétique.

L’extracteur d’eau atmosphérique de Berkley avec en jaune-rouge le MOF. 1 kg de MOF permet de produire 2,7 litres d’eau par jour alimenter par panneaux solaires

Le challenge reste toutefois élevé, notamment pour transposer cette technologie de laboratoire basée sur des matériaux extrêmement sensibles, vers des équipements pouvant soutenir la rudesse des missions de combat. En outre, les MOF employés devront être en mesure d’être utilisés intensément sur une durée de temps suffisante pour satisfaire à ce type d’utilisation. Enfin, l’ensemble devra être abordable du point de vue budgétaire, pour espérer entrer en service un jour.

Il apparait également que si cette technologie venait à être fiable et bon marché, elle pourrait représenter une solution très performante pour alimenter certaines populations isolées en eau potable. Mais si elle venait à se répandre, il faudra également en évaluer les effets environnementaux, notamment sur la flore et la faune qui survie en zone désertique grâce à l’humidité de l’air collectée par la rosée par exemple. Une extraction massive de l’eau atmosphérique pourrait entrainer une baisse du taux d’humidité à ce point sensible qu’elle pourrait altérer profondément l’écosystème en zone désertique.

Bien que très différents de ce qui était décrit dans les livres de Franck Herbert, les distilles du film « Dune » de David Lynch de 1984 se sont imposés dans l’imaginaire des lecteurs aujourd’hui

Il est interessant de constater que la technologie comme la façon de s’en servir abordée par la DARPA sont très proche des Distilles et des pièges à vent du roman de science-fiction Dune de franck Herbert, publié en 1965. Dans cette saga, les Fremen, un peuple autochtone d’une planète particulière aride nommée Arakis, ou Dune, utilise des équipements portables pour récupérer l’eau exsudée par le corps par la respiration, la transpiration, et l’urine, leurs permettant de survivre des semaines dans le désert dans eau supplémentaire. Les pièges à vent et les collecteurs de rosée sont présentés comme utilisant un matériaux accentuant la condensation de l’eau atmosphérique en utilisant l’amplitude thermique importante du désert.

La Chine va-t-elle arrêter de construire des porte-avions ?

Selon le site d’information en ligne « Hong-Kong South China Morning », les autorités chinoises auraient laissé entendre que la production de porte-avions sera suspendue, au moins pour un temps, après la construction du deuxième exemplaire du modèle Type 003, un navire à propulsion conventionnelle équipé de catapultes électromagnétiques, et devant jauger plus de 70.000 tonnes. Pour justifier cette décision, Pékin expliquerait que les difficultés technologiques et les couts de ces programmes obligeraient à réduire le rythme de production. Cette déclaration, pourtant relativement peu étayée et isolée, a été reprise par de nombreux sites d’information, notamment à Taiwan. Pourtant, de nombreux facteurs permettent de modérer les propos tenus.

En premier lieu interviennent des paramètres opérationnels et organiques liés à la structure de la Marine Chinoise. Celle ci est composée de 3 flottes, les flottes du nord, de l’est et du sud, chacune chargée d’un théâtre et de missions propres. Chacune de ces flottes devaient recevoir, d’ici 2035, deux porte-avions, soit le premier Type 001 Liaoning, le nouveau Type 002 Shandong qui entre en servie aujourd’hui même, deux porte-avions Type 003 à propulsion conventionnelle, et deux navires Type 004 à propulsion nucléaire, de sorte à pouvoir disposer d’une permanence aéronavale opérationnelle propre, indispensable pour soutenir les actions de projection de force, et notamment les actions du groupe amphibie. En limitant le nombre de porte-avions à 4, dont deux Type 001/A ne disposant pas de catapultes, cette capacité d’intervention et de projection de force sera fortement diminuée, allant en contradiction avec les discours tenus par le président Xi Jinping depuis 2012.

Le premier porte-avions entièrement conçu et fabriqué en Chine, alternativement identifié Type 001A ou Type 002, est entré en service le 17 décembre et a reçu le nom de baptème « Shondang »

En second lieu, cela constituerait une aberration budgétaire et industrielle. En effet, le pays vient d’entamer des travaux de très grande ampleur pour transformer les chantiers navals Jiangnan, à proximité de Shanghai, afin de leur permettre de produire en grand nombre des unités navales majeures, soit des porte-avions ou des navires d’assaut porte-hélicoptères lourds, comme le tout nouveau Type 075 de 40.000 tonnes. Ces travaux permettront de construire simultanément jusqu’à 3 navires lourds, et autant de navires en finition à quai, soit une capacité de production de plus de 1 grand bâtiment par an. La construction d’une telle infrastructure, de l’outil industriel qui l’accompagne, ainsi que le recrutement et la formation des personnels, représentent à eux seuls une part déterminante du prix d’un porte-avions, ou d’un LHD. Il apparait donc inconcevable de s’être engagé dans de tels investissements pour ne faire fonctionner cet outil au quart ou au tiers de ses capacités.

En revanche, il est tout à fait possible que les infrastructures actuelles, là ou sont construits les porte-avions Type 003 à propulsion conventionnelle, soient mal adaptées à la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire qui se veut être l’équivalent de la classe Gerald Ford américaine. Dès lors, et puisque le besoin de navires d’assaut Type 075 est également fort, on peut certainement imaginer que les autorités chinoises préfèrent attendre de disposer pleinement de leur nouvel outil de production avant d’entamer la construction de leurs super porte-avions nucléaires, privilégiant la construction de navires moins sensibles par les infrastructures existantes. En outre, Il est également probable que la Marine Chinoise souhaite marquer une pause après l’entrée en service des deux Type 003, de sorte à assimiler les retours d’experience liés à l’utilisation de tels navires, très différents des version à tremplin comme le Liaoning ou le Shondang.

La marine chinoise dû apprendre à mettre en oeuvre un groupe aérien embarqué sans assistance étrangère importante

D’autre part, ces navires ayant des capacités d’emport d’aéronefs sensiblement supérieures à celle de leurs prédécesseurs, il est également possible que le planning de fabrication des aéronefs ainsi que celui concernant la formation des personnels navigants obligent à plus de retenus en matière de construction de navires. Ainsi, l’aéronavale embarquée chinoise ne disposerait aujourd’hui que d’une quarantaine de chasseurs J15 embarqués, et d’une centaine de pilotes qualifiés, soit un nombre insuffisant pour armer pleinement les deux porte-avions en service qui, à eux deux, disposent d’une capacité de 60 appareils s’ils devaient être mis en oeuvre simultanément, et à peine suffisant pour armer le Shandong et ses 36 avions de chasse embarqués. Quand à la production des chasseurs embarqués dérivés du J-20, rien n’indique qu’elle pourrait être plus dynamique que celle produisant ces appareils pour les forces aériennes chinoises.

De fait, loin de représenter un renoncement vis-à-vis de l’utilisation de porte-avions, la pause annoncée avant d’entamer le construction de la nouvelle classe de porte-avions à propulsion nucléaire chinois, aurait en réalité des fondements opérationnels et industriels bien justifiés. La Marine Chinoise, comme son industrie navale, n’ayant bénéficié que de transferts de technologies et de savoir-faire très limités de la part des Marines et industries occidentales ayant l’experience de ce type de navire (Etats-Unis, France, Royaume-uni), ainsi que d’une assistance restreinte de la part de la Russie, elle se voit contrainte d’apprendre rapidement et de façon autonome l’ensemble des subtilités de la conception et de la mise en oeuvre d’une forcée aéronavale embarquée.

Les porte-avions Type 003 et ultérieurs pourront mettre en oeuvre des avions d’alerte aérienne avancée comme le KJ-600

La construction, en à peine 15 ans, de deux porte-avions STOBAR (à tremplin), puis de deux CATOBAR (équipés de catapultes) mettant en oeuvre des catapultes électromagnétiques (qui posent également problèmes au Etats-Unis sur le Ford), tout en concevant une force aérienne embarquée composée de chasseurs lourds J15 (certes, copiés du Su33) et J-20, de drones de combat ainsi que d’avions d’alerte aérienne avancée, constituent en soit un exploit que personne, il y a 15 ans, ni même 5 ans, n’imaginait possible. Il serait dès lors plus que surprenant que Pékin s’arrête en si bon chemin.

L’Attrition devient un problème épineux pour les flottes d’hélicoptères français

La question du remplacement des appareils perdus par accident ou au combat (voilures tournantes essentiellement) est rarement évoquée. Ceci se rajoute au taux extrêmement préoccupant de disponibilité des matériels récents, à l’instar du Tigre (entré en service en 2005 et dont l’âge moyen de la flotte est de sept ans) ou du NH 90 (entré en service en 2010 dans sa version marine et en 2011 dans sa version terrestre), qui montre des taux de disponibilité technique très faibles, s’élevant à 25 % pour le Tigre, 37 % pour le NH 90 dans sa version terrestre et 41 % dans sa version marine. [efn_note]Rapport du Sénat en date du 11 décembre 2019 : le parc d’hélicoptères des armées : une envolée des coûts de maintenance, une indisponibilité chronique, des efforts qui doivent être prolongés[/efn_note]

Outre le Couguar perdu au large du Gabon en en 2009 causant la mort des 3 membres d’équipage et de cinq opérateurs du 13° RDP, le crash d’Indelimane qui a entrainé la mort de 13 pilotes et commandos a détruit un second Couguar et un Tigre. Il s’agit d’un troisième Tigre perdu au combat. Le premier le fut en Afghanistan, un autre a été gravement endommagé au tout début de Serval en 2013. Au Sahel, l’ALAT a donc perdu deux Tigre, un Couguar, un Caracal et au moins trois Gazelle. Quant à l’armée de l’air, elle aurait perdu deux Mirage 2000D dont un MK3, un MQ-9 Reaper et plusieurs CASA 235 ont été endommagés.  

Malgré l’ensemble des technologies embarquées dans les hélicoptères de nouvelle génération, les accidents et les pertes au combat sont inévitables

Pourtant, un unique H225M Caracal a été commandé en remplacement de l’appareil perdu en 2018 par l’Armée de l’Air. Le parc de l’ALAT subit quant à lui une attrition, par ailleurs statistiquement prévisible, induite par l’utilisation intensive de ses hélicoptères au combat ou en préparation au combat. 

La Loi de programmation militaire prévoit à l’horizon 2025 une cible fixée à 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, soit 67 TIGRE + 80 GAZELLE, ainsi que 115 hélicoptères de manœuvre composés de 70 NH 90 Caïman, 11 PUMA, 26 COUGAR rénovés et 8 CARACAL. Il est donc nécessaire de s’interroger, d’ores et déjà, sur la pertinence d’une telle cible compte tenu de nos contrats actuels d’engagement et sur la projection de ces contrats dans le futur si les matériels perdus ne sont pas susceptibles être remplacés.  Outre le remplacement des materiels les plus anciens par des aéronefs modernes, comme c’est le cas des NH 90 Caiman remplaçant les Puma, ou du futur H160M Guépard pour remplacer les Gazelle de l’ALAT (entre autres), il devient nécessaire de reprendre en considération, dans les modèles prévisionnels, l’attrition accidentelle de même que l’attrition de combat pour que les forces armées soient aptes à disposer dans la durée du format jugé nécessaire par les Lois de Programmation et autres Livre Blanc.

Le H160M Guépard est appelé à remplacer les gazelles ainsi qu’une partie des Puma de l’ALAT. Mais le format commandé prend-il en considération les probables effets de l’attrition ?

A noter que l’attrition et l’usure anticipée des équipements, comme des personnels qui les servent, du fait de la pression opérationnelle effective, ne touchent pas que la flotte d’hélicoptères, même si celle-ci est souvent citée en référence. L’ensemble du parc aérien, mais également des blindés, des systèmes d’artillerie, ou plus prosaïquement des systèmes de communication, de vision nocturne ou des armements des forces subissent une accélération très notable de leur indisponibilité, et de la réduction du parc, du fait de cette pression. Ainsi, moins de la moitié des 77 canon automoteurs Caesar de l’Armée de terre sont aujourd’hui en capacité de feu, du fait de leur emploi intensif en Irak et Syrie, alors que seuls 5 canons étaient déployés en permanence sur place.

On comprend dès lors les messages répétés des chefs d’Etat-majors des 3 armées, ainsi que de leur chef, le général Lecointre, pour alerter aussi bien les autorités politiques que la Représentation Nationale à ce sujet. Il semble indispensable qu’une réflexion approfondie, indépendante et objective, portant sur l’évolution des menaces à venir et le format des armées nécessaires pour y répondre, soit menée en amont des élections présidentielles de 2022, de sorte à fournir aux états-majors politiques la compréhension étendue des enjeux en cours.

Roland Pietrini et Fabrice Wolf

Le remplacement des croiseurs Ticonderoga de l’US Navy enfin défini, partiellement …

La United States Navy (US Navy) a obtenu dans son budget 2020 que seulement 7 croiseurs de la classe Ticonderoga soient modernisés contre 11 initialement prévus, ce qui est moins que l’ambition du Congrès, c’est-à-dire les 22 croiseurs encore au service. Cela pose question quant à la succession de ces plateformes dont l’utilité demeure importante pour l’organisation opérationnelle des carrier strike groups, les groupes navals centrés sur un porte-avions.

Les Etats-Unis pourraient acheter 22 F5 suisses pour 40 m$

Selon un communiqué de l’agence Bloomberg, le budget de La Défense 2020 des Etats-Unis prévoirait une ligne budgétaire de 39,7 m$ pour acheter 22 chasseurs légers F5 des forces armées helvétiques pour équiper le Fighter Weapon School de l’US Navy, plus connu sous le nom de Top Gun. Les forces helvétiques mettent en oeuvre 3 escadrilles équipées du chasseur léger F5 de Northrop, soit 21 F5E monoplaces et 4 F5F biplaces, sur les 110 appareils acquis entre 1976 et 1984 et assemblés sur place par l’industrie suisse. En 2002, L’US Navy avait déjà fait l’acquisition de 32 F5E auprés des autorités suisses, pour remplacer les A4 Skyhawk et simuler des appareils légers et manoeuvrants comme le Mig21, par exemple. 12 autres appareils, des F5F biplaces, furent acquis ultérieurement, amenant le total à 44 appareils, pour un montant atteignant 50 m$.

Entré en service en 1964, le F5 Freedom Fighter a été conçu par Northrop pour fournir à l’US Air Force, et surtout aux alliés des Etats-Unis, un appareil performant et très bon marché, capable de s’opposer aux appareils de facture soviétique de l’époque, comme le Mig17 ou le Mig19, connus pour leur robustesse et leur manœuvrabilité. L’appareil aura été construit à plus de 2700 exemplaires, dont 900 sous licence (dont les appareils suisses). Régulièrement modernisé, il a été employé par plus de 25 forces aériennes dans le monde, et continu d’en équiper 18, parfois en grand nombre, comme la Corée du Sud (194), le Brésil (47), Taiwan (45) ou encore l’Iran (+- 50). Les 22 appareils que la Suisse va vendre à l’US Navy sont des appareils retirés du service, et non pas les appareils encore en service dans les forces aériennes helvétiques, comme on pourrait le croire par la formulation du communiqué.

Mirage F1 de la SMP ATAC en cours de rénovation et de modernisation pour remplir le rôle d’Agressor pour l’US Air Force.

Cette transaction n’aura aucun impact sur le déroulement de la compétition en cours visant à remplacer les 30 F18 et 26 F5 en service dans les forces ariennes helvétiques. Comme pour les 44 appareils précédents, les 22 F5 seront démontés puis transférés vers l’Usine Grumman de Saint-Augustine en Floride, ou leur potentiel sera reconstitué et les appareils modernisés pour remplir leur fonction d’Agressor, pour reprendre la terminologie américaine. L’US Navy (et le Marine Corps) comme l’US Air Force ont augmenté sensiblement les crédits destinés à ce type d’entrainement ces dernières années, notamment en sous-traitant une partie à des Sociétés Militaires Privées, comme la société Draken International qui fit l’acquisition de 22 Mirage F1 auprés de Madrid transformés en F1M pour jouer ce rôle, et de la société ATAC, filiale de Textron, qui acquit 63 mirage F1 CR et CT aux mêmes fins.

Le constructeur chinois Shenyang développe un nouveau chasseur furtif

Selon un rapport publié sur le compte WeChat de la compagnie, le constructeur aéronautique chinois Shenyang, qui construit entre autres les chasseurs J-11 dérivés du Su-27, J-16 dérivés du Su-30 et le chasseur embarqué J-15 dérivé du Su-33, aurait entamé en 2018 le developpement d’un nouveau chasseur furtif. Le nom de code donné au programme, « JJ« , nous indique qu’il s’agit d’un avion de chasse, et non un chasseur-bombardier, et qu’il est destiné aux forces aériennes chinoises, et non à l’export à l’instar du FC-31 Gyrfalcon. Le rapport ne donne aucune indication concernant l’appareil et sa fonction, si ce n’est que la furtivité fait l’objet d’une attention particulière, notamment du fait d’une illustration montrant des entrées d’air conçues pour réduire l’exposition des aubes de turbines aux radars adverses. Aucun planning n’est par ailleurs présenté. Toutefois, il est possible d’émettre des déductions éclairées concernant ces différents points.

En effet, cette annonce semble éliminer toute chance de voir un jour le Shenyang FC-31 entrer en service dans l’Armée Populaire de Libération. En outre, eu égard aux nombreuses difficultés de mise au point, et de performances très en deçà des attentes lors des premiers essais, obligeant le constructeur à profondément revoir son appareil, il est peu probable que l’appareil n’entre jamais en service dans une force aérienne étrangère non plus. De fait, Shenyang semble avoir décidé d’abandonner le programme pour se concentrer sur un nouvel appareil, répondant aux attentes de l’APL.

Le prototype FC-31 de Shenyang voit son avenir s’assombrir avec l’annonce du developpement du JJ

Or, aujourd’hui, les forces aériennes chinoises mettent en oeuvre deux appareils identifiés comme pleinement de « 2nd génération »[efn_note]équivalente à la 3ème génération en nomenclature occidentale[/efn_note], à savoir le chasseur-bombardier JH-7 et le chasseur de supériorité aérienne J-11. Le remplaçant du JH-7, identité JH-XX, serait, selon plusieurs rapports, déjà bien avancé, et plusieurs observations attestent qu’au moins un prototype serait déjà en test. Le programme JJ ayant débuté en 2018, il ne peut être aussi avancé. Dès lors il s’agit probablement d’un aéronef destiné à remplacer le J-11, et par là même, de servir de base à une nouvelle famille de chasseurs lourds pour l’APL, laissant au constructeur Chengdu, qui produit déjà le chasseur J-20, le soin de concevoir le remplaçant du chasseur léger J-10.

En outre, ces 30 dernières années, l’industrie aéronautique chinoise a produit un nouvel appareil tous les 5 à 7 ans en moyenne. En admettant que le JH-XX devra entrer en service en 2025 lorsque la flotte de JH-7 dépassera les 30 années de service, l’annonce du JJ aujourd’hui est cohérente avec le remplacement des J-11 qui devra intervenir à partir de 2030. On pourrait se demander si le J-20 ne représenterait pas, d’ores-et-déjà, un remplaçant de choix pour le J-11. Si les J16 sont avant destinés à remplacer les chasseurs J-8 de « 2nd génération » dans la nomenclature chinoise (Mig 21, Mirage III, F4…), le nouvel appareil devra toutefois être en mesure de remplacer les plus de 250 J-11 en service dans les forces armées chinoises. Rappelons, à ce titre, que le Su-57 russe affiche un prix « intérieur » de 35 m$, alors que le J-20, conçu pour s’opposer au F22, dépasserait les 100 m$. Il est probable que les autorités chinoises visent avec le JJ un cout de production similaire de l’ordre de 35m$, de sorte à disposer d’un appareil pouvant être produit en grande quantité comme le Su57 ou le F35, et non comme le J-20 ou le F-22. Ceci explique également la fin probable du FC-31, un chasseur de catégorie 25 tonnes, et non 33 tonnes comme le J-11.

le J11B, reconnaissable à son radôme noir abritant le nouveau radar EASA, sera probablement la dernière version de la famille J11.

L’échec constaté du programme Gyrfalcon laisse encore planer le doute quand aux capacités réelles de l’industrie chinoise à produire seule des avions de combat de nouvelle génération ayant un rapport performances/prix comparable à ceux des aéronefs occidentaux et russes. En cela, les programmes JJ et JH-XX agiront très probablement comme des révélateurs des capacités aéronautiques industrielles et militaires du pays pour les décennies à venir, et donc du potentiel avéré de l’Empire du milieux à contester la suprématie militaire aux Etats-Unis et à ses alliés.

Note : L’illustration principale de cet article ne représente pas le « JJ » dont on ignore l’aspect.

Les avions de chasse chinois modernes

A la fin des années 80 et le début des années 90, les forces aériennes chinoises étaient équipées en très grande majorité d’appareils de facture locale aux performances très inférieures à celles des appareils occidentaux comme le F15, F16, F18 ou Mirage 2000, ou soviétiques comme le Mig 29 ou le Su27. L’industrie chinoise ne pouvait, alors, produire que des appareils ayant au moins une génération de retard au regard du standard technologique du moment. En l’espace d’une génération, des appareils de facture chinoise affichant des performances comparables aux appareils les plus modernes en service dans les forces aériennes américaines ou européennes sont entrés en service, et semblent désormais être en mesure de contester la suprématie technologique occidentale.

En 2019, les forces aériennes et aéronavales chinoises mettaient en oeuvre 6 modèles d’appareils de combat de facture nationale pouvant être qualifié de « modernes » :

Chengdu J-20

Premier appareil dit de « 5ème Génération » non américain à entrer en service actif (2018), le J-20 de Chengdu est à de nombreux aspects le symbole du changement de statut de l’industrie aéronautique militaire chinoise, mais également des forces aériennes chinoises qui, jusqu’ici, avaient toujours dû s’approvisionner en Russie pour ses appareils les plus modernes, comme le Su-35S et le Su-30MKK auparavant. Avec une masse maximum au décollage de 36 tonnes, une longueur de 20 m pour une envergure de 13 m, l’appareil est très imposant. Malgré ses plans canards, et ce qui fût souvent dit et écrit lorsque l’appareil apparut, il semble que la furtivité du J20 en secteur frontal soit bien au rendez-vous, même si ce n’est pas le cas en travers ou en secteur arrière. La trentaine d’appareils en service sont toujours propulsés par des réacteurs AL31 russes, mais des essais seraient en cours pour l’équiper de moteurs de facture locale équipés d’une poussée vectorielle.

Chasseur J-10 soutes ouvertes, montrant ses missiles PL-15 et PL-10

Le J-20 est également bien pourvu en matière d’équipements de bord, avec un radar AESA, un système optronique avancé, et un système d’autodéfense. Le cockpit est composé de 5 écrans multifonctions et d’un viseur à casque, permettant de mettre en oeuvre les armements air-air et air-sol transportés dans les 2 grandes soutes principales, et les 2 soutes latérales pour les missiles air-air d’autodéfense. Principalement destiné, selon la majorité des observateurs, au combat aérien à très longue distance, et notamment à l’élimination des Awacs, ravitailleurs et autres appareils de guerre électroniques adverses, le J-20 peut mettre en oeuvre 2 missiles à très longue portée PL-15 dans chacune de ses soutes. Il semblerait que des travaux soient en cours pour permettre d’en emporter 3.

Le prix de l’appareil est inconnu, mais il est évalué à plus de 100 m$, raison pour laquelle, malgré l’entame de sa production en série, il n’est pas destiné à entrer massivement en service dans l’Armée Populaire de Libération, qui emploie le J-20 comme un multiplicateur de force bien plus que comme un avion de combat conventionnel. Par ailleurs, le J-20 a été préféré au FC-31 Gyrfalcon pour équiper les porte-avions CATOBAR (dotés de catapultes) chinois qui entreront en service à partir de 2023.

Chengdu J-10

Entré en service en 2003 après plus d’une dizaine d’années de developpement, le J-10 forme aujourd’hui la colonne vertébrale de la puissance aérienne chinoise, avec plus de 400 appareils en service. Chasseur monomoteur léger à hautes performances, le J-10 peut être qualifié de premier appareil de l’ère numérique développé de manière autonome par Pekin. Comme tous les chasseurs chinois modernes, il utilise encore un turboréacteur russe, en l’occurrence le Saturn AL31 du Su-30, mais le reste de l’appareil est entièrement de facture chinoise, bien que plusieurs pays dont des pays européens aient participé à sa conception et sa fabrication. Long de 17 m pour 10 m d’envergure, le J-10 a une masse maximum au décollage de 18 tonnes, pour une masse à vide de 8,3 tonnes. En bien des points, il se rapproche du F16 américain ou du mirage 2000 français, deux appareils en service dans les forces aériennes taïwanaises.

J10C équipés de 2 missiles PL 10 à courte portée, et deux missiles PL-12

Depuis son entrée en service en 2003, le J-10 n’a cessé d’évoluer, et la version J-10C qui arrive dans les unités (110 appareils déjà en service) n’a pas grand chose à envier aux meilleurs chasseurs occidentaux, avec son radar AESA, ses missiles air-air modernes PL-10 et PL-15, sa panoplie de munitions air-sol ou air-surface sur ses 11 points d’emport externes, et des performances et une manoeuvrabilité élevées. A terme, les forces aériennes chinoises devraient aligner plus de 500 J-10, dont 200 J-10C ou versions ultérieures. Etonnement, l’appareil n’a pas encore été exporté, bien que son prix soit attractif à moins de 30 m$. Pour l’heure, les clients des appareils chinois se sont tournés vers le JF-17 Thunder sino-pakistanais, mais Pékin semble désormais mettre en avant le J10 sur ces marchés.

Shenyang J-11

Le J-11 de Shenyang constitue aujourd’hui la principale force de supériorité aérienne chinoise. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un Su-27SK russe construit sous licence et entré en service en 1998, qui s’est transformé avec le temps en un appareil bien davantage chinois que russe. Long de 22m pour 15 m d’envergure, le J-11 est un appareil imposant, atteignant une masse maximale au décollage de 33 tonnes. Il est propulsé par deux AL31 russes, lui conférant comme le Su-27 une vitesse très élevée (Mach 2,3), alors que les 9,5 tonnes de carburant embarqué lui donnent un rayon d’action de plus de 3000 km.

Le J-11B est reconnaissable à son radôme noir abritant le nouveau radar AESA

Si le J-11 et la version améliorée J-11A sont principalement dédiés à la Défense aérienne, la nouvelle version J-11B est multirôle, avec des capacités d’engagement Air-Sol largement étendues, tout en préservant un ADN de chasseur de supériorité aérienne. L’appareil a d’ailleurs subi de très nombreuses modifications pour améliorer son électronique de bord, ses systèmes de détection, son armement ainsi que sa furtivité, grâce au remplacement de nombreuses pièces métalliques par des matériaux composites, et l’ajout d’une peinture anti-radiation réduisant de 30% sa signature radar. L’appareil devrait également être équipé, comme le J-10 et le J-20, du nouveau moteur WS-10 chinois, alors qu’il a déjà reçu un radar AESA en lieu et place du NIIP Tikhomirov N001VE Myech PESA Doppler à impulsion de la version A. Il dispose également d’un système optronique frontal OEPS-27, et d’un viseur à casque NSts-27, et emporte le missile air-air à longue portée PL-12 comparable au R77 ou à l’AIM120 avec une portée supérieure à 100 km, mais ne met pas en oeuvre, pour l’instant, les derniers missiles Air-Air chinois comme le PL-15 ou PL-10. Ainsi paré, le J-11B est considéré comme étant proche des dernières versions d’appareils comme le F-15 ou du Su-35S.

Shenyang J-15

Conçu sur la base d’un Su-33 non achevé acheté auprés du gouvernement ukrainien en 2001, parallèlement à l’acquisition du porte-avions en construction qui deviendra le Liaoning, le J-15 est un appareil de transition pour l’aéronavale chinoise, dans l’attente de l’entrée en service d’un appareil embarqué de 5ème génération. Développé en parallèle du programme J-11B, il en partage de nombreux attributs, ainsi que ses équipements embarqués. Capable de frappe au sol et de mettre en oeuvre des missiles anti-navires comme le YJ-62 ou le Kh-31, le J-15 est avant tout destiné à La Défense aérienne du groupe aéronaval.

Une des rares photos je J15D de guerre électronique biplace

Les informations sur cet appareil qui équipe les 2 porte-avions chinois sont parcellaires, et souvent contradictoires. Si certaines déclarations officielles font du J-15 un appareil aux performances élevées, capable notamment de tenir la comparaison avec le Super Hornet de l’US Navy, d’autres laissent entendre qu’il ferait face à de nombreuses malfunctions, et de nombreux accidents. Et le faible nombre d’appareils en service associé à la cadence de production lente du constructeur Shenyang plaident plutôt vers la modération quand à l’emploi de superlatifs le concernant. Comme le J-11B et le J-16, il dispose d’un radar AESA, d’un cockpit moderne (glass cockpit), d’un optronique performant, et d’un rayon d’action important pour un appareil lancé sans catapulte d’un pont de porte-avions. Il met en oeuvre le missile à longue portée Air-Air PL-12, et pourra dans l’avenir être équipé du PL-15. A noter qu’une version dédiée à la guerre électronique, et identifiée pour l’heure comme J-15D, serait entrée en service de manière limitée, avec des capacités proches de celles du EA-18 Growler de l’US Navy.

Shenyang J-16

Si le J-11 est une version sous licence du Su-27, le J-16 est une copie sans licence du Su-30MKK acquis par Pékin auprés de Moscou en 2000. Il s’agit, comme le Su-30, d’un appareil multirôle lourd bimoteur et biplace, capable aussi bien de mener des missions de supériorité aérienne grâce à son puissant radar AESA, que d’effectuer des frappes de précision, grâce à de nombreuses munitions Air-Sol guidées. Il est équipé du nouveau moteur de facture locale WS-10B comme le J-15, Pékin ne pouvant décemment pas équiper des appareils copier sans licence de moteurs acquis auprés de Moscou. A noter que le WS10 est lui-même issu de la retro-ingénierie du moteur CFM56 du français Safran et de l’américain General Electric qui équipe, notamment, de nombreux avions de ligne du constructeur Airbus.

Le J16 dispose d’un capacité d’emport très importante, et peut mener simultanément des missions de supériorité aérienne et des frappes de précision

La production du J-16 a débuté en 2012, et son entrée en service date de 2013. On estime aujourd’hui que plus de 140 J-16 seraient en service dans les forces aériennes chinoises. L’appareil peut emporter sur ses 12 points d’emport de nombreuses munitions modernes, comme les missiles air-air PL12 portant à plus de 100 km, et le très manoeuvrant PL-10 pour le combat tournoyant. Des clichés récents ont montré l’appareil équipé du missile PL-15 à très longue portée (>200 km). Comme tous les appareils de la famille des Flanker (dérivée du Su-27), le J-16 a un très grand rayon d’action, 3000 km maximum, 1500 km en mission de combat (avec 15 min sur l’objectif). Comme pour le J-15, un version spécialisée de guerre électronique, identifiée J-16D, a été observée

Xian JH-7

Entré en service en 1992, le JH-7 est considéré comme le premier appareil « moderne » de facture entièrement chinoise. Il s’agit d’un chasseur-bombardier, à l’instar du F-111 américain, ou du Su-24 russe, spécialisé dans les missions de pénétration à basse altitude et les missions de lutte anti-navires. Long de 22 m pour une masse maximum au décollage de plus de 28 tonnes, il est propulsé par deux moteurs WS-9 chinois délivrant chacun 5 tonnes de poussée sèche, et de 9,5 tonnes avec la post-combustion. Il peut emporter jusqu’à 9 tonnes de munitions et de réservoirs supplémentaires sous ses 9 points d’emport, lui conférant un rayon d’action de combat de 900 km.

Contrairement à ce qui fut évoqué, le JH-7AII (B) ne présente aucune caractéristique de furtivité

Contrairement à beaucoup d’appareils chinois, le JH-7 dispose d’une perche de ravitaillement en vol, même si Pékin n’aligne, dans les faits, que 3 avions ravitailleurs aujourd’hui. Une version modernisée, le JH-7B, est entrée en service en 2019, équipée du nouveau moteur WS10, et de nombreuses améliorations issues des travaux sur le J11 et le J16. Selon plusieurs rapports concordants, un appareil de 5ème génération serait en developpement et en essai pour remplacer le JH-7 dans la décennie à venir, alors que l’appareil dépassera les 30 années de service opérationnel.

Conclusion

La conjonction d’acquisitions ciblées, de programme d’espionnage et de rétro-ingénierie, et d’un important effort de recherche, a permis à l’industrie aéronautique chinoise de rattraper, en à peine plus de 20 ans, son retard considérable vis-à-vis des industries occidentales et russes. Si de nombreux progrès restent à faire pour arriver à un niveau de fiabilité et de performances comparable à celui des meilleurs aéronefs mondiaux, on ne peut ignorer que la croissance industrielle et technologique de Pékin est beaucoup plus rapide que celle des autres pays. En revanche, le nombre d’appareils produits reste sensiblement inférieur aux besoins de modernisation de l’APL, puisqu’aujourd’hui, seuls 40% des appareils en service dans les forces aériennes chinoises appartiennent aux modèles présentés ici, le reste étant représenté par des appareils purement russes (Su30, Su35..) et surtout de très nombreux appareils obsolètes, comme les J7, J8 ou A5.

Reste à savoir si ce dynamisme n’était le fait que d’acquisitions souvent illégale de compétences exogènes, comme beaucoup semblent vouloir le croire, ou si le pays a su se mettre dans une dynamique permettant de prendre le relais technologique de manière autonome, comme les exemples des J-10 et J-20 semblent le démontrer. Quoiqu’il en soit, nous serons vite fixés ….