La secrétaire d’État à la Défense du gouvernement des Pays-Bas, Mme Barbara Visser, a signé ce vendredi 13 décembre 2019 la lettre B remise aux trois constructeurs de sous-marins sélectionnés pour la phase finale de l’appel d’offres. La lettre B a même été publiée par l’entremise d’un communiqué du ministère de la défense des Pays-Bas. Retenir trois constructeurs serait représentatif de l’incapacité des ministères parties prenantes à la décision de s’entendre et même une source de difficultés pour l’étude plus en avant des propositions. Il est désormais officiel que le remplacement des sous-marins de la classe Walrus débutera une année plus tard que prévue.
Avec le budget Défense 2020, le Congrès US acte la fin d’une époque et le début d’une nouvelle
Le Congrès américain a rendu ses arbitrages concernant le budget 2020 alloué aux forces armées du pays. Si le montant de 738 Md$ reste dans la lignée des derniers budgets votés, la ventilation et les points clés identifiés par les parlementaires américains montrent que l’époque connue comme « Post Guerre Froide » est belle et bien révolue, et qu’une nouvelle ère de tensions majeures entre états se dessine.
Dans les années 2000 et 2010, le budget de La Défense américain s’articulait autour de deux grands axes, les interventions militaires en Afghanistan et au Moyen-orient d’une part, et les grands programmes de Défense, qui se caractérisaient par des dépenses à la hauteur de leurs ambitions technologiques, démesurées. Ce fonctionnement résultait de la perception d’un hégémonisme avéré de la puissance militaire américaine dans le monde, et de l’absence, si pas de tensions, de challenger crédible pour remettre en cause cette suprématie. Outre le fait que la Russie et la Chine ont désormais un potentiel militaire, stratégique et technologique pour menacer la toute puissance américaine, cette politique menée pendant presque 20 ans a généré des conséquences néfastes dans de nombreux domaines, comme d’importantes difficultés de recrutement et de prolongation des militaires, le vieillissement d’une part importante des équipements, et même un déclassement technologique désormais sensible dans certains domaines.

Le budget 2020 se veut être une réponse exhaustive à l’ensemble de ces aspects. En premier lieu, un effort très important est consenti pour améliorer l’attractivité des forces armées, pour reconstituer les effectifs ainsi que la pyramide des grades et des âges. Ainsi, les soldes et primes seront augmentées, en moyenne sur 2020, de prés de 3,5%, soit la plus forte hausse depuis plus de 10 ans. Dans le même temps, des efforts importants seront faits pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leurs familles, avec un important programme d’infrastructures et de logements, et des mesures pour accompagner les militaires dans leur vie de famille (emplois des époux/ses, acquisition de logement etc..).
Le second effort porte sur la modernisation des équipements. Ainsi, la majorité des demandes concernant les programmes d »équipements du Pentagone ont été acceptées intégralement, et même parfois étendues par le Congrès. Ainsi, l’US Air Force recevra en 2020 non pas 78, comme demandé, mais 90 F35A, bénéficiant pour cela d’une rallonge budgétaire de 1 Md$. Parmi ces nouveaux appareils figureront les 6 F35A qui devaient être livrés aux forces turques en 2020, de sorte à maintenir le plan de charge industriel. Le Corps des Marines recevra pour sa part 10 F35B et l’US Navy 20 F35C sur l’année. L’US Air Force recevra, par ailleurs, 8 chasseurs F15EX et 12 avions ravitailleurs KC-46, alors que le programme B-21 Raiders sera pourvu de 3 Md$ et le programme d’étude pour le chasseur de supériorité aérienne de nouvelle génération sera doté de 955 m$. L’US Navy pourra maintenir la construction de ses nouveaux porte-avions de la classe Ford et des 8 nouveaux SNA de la classe Virginia, alors que la construction de 3 nouveaux destroyers Arleigh Burke Flight III , une frégate FFG/X et de deux nouveaux navires d’assaut porte-hélicoptères de la classe América est également approuvé. Comme prévu, les investissements autour des sous-marins nucléaires stratégiques lanceurs d’engins de la classe Columbia sont également approuvés, comme le financement de 24 F/A 18 E/F Super-Hornet, de 3 avions de patrouille maritime P8 Poseidon, et d’un avions de détection aérienne avancée E-2D Hawkeye. L’US Army, quand à elle, pourra financer son super-programme « Big 6 », ainsi que l’acquittions de 152 nouveaux blindés Stryker, de 165 nouveaux chars Abrams, et d’un parc d’hélicoptères (73 UH-60M Blackhawks, 48 AH-64 Apaches, 9 MH-47G Chinooks) pour ne citer que les principaux équipements.
Au delà de l’acquisition, la modernisation des équipements et leur maintenance ont également fait l’objet d’une attention particulière. Le Congrès semble désormais vouloir obtenir une visibilité en profondeur de l’efficacité des investissements consentis de sorte à contrôler la performance budgétaire aux vues de la réalité opérationnelle. Une des mesures phares pour améliorer la maintenance et la disponibilité des équipements repose sur une importante marche arrière, avec le retour à la constitution de stocks de pièces détachées dans les armées, notamment autour du programme F35. Au cours des années précédentes, le Graal industriel reposait sur la promesse d’une efficacité équivalente en sous-traitant une part importante de la maintenance aux entreprises plutons qu’aux ateliers militaires, et notamment pour ce qui concerne les pièces détachées, avec une gestion en flux tendu. La réalité fut toute autre, aux Etats-Unis comme en Europe, avec l’effondrement de la disponibilité des équipements, associé à l’explosion des couts de maintenance. Mais au delà des aspects purement financiers, le retour à des stocks militaires permet surtout de donner de l’épaisseur stratégique aux forces armées dans l’engagement, avec une resilience bien supérieure à l’effort opérationnel.

Enfin, ce nouveau budget remet au coeur de l’investissement de Défense l’effort stratégique, notamment pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, et les relations inter-alliées. Ainsi, d’importants efforts sont consentis pour le financement des programmes de missiles à portée intermédiaires et/ou hypersoniques, ainsi que pour les systèmes anti-missiles. Face à la versalité et l’imprévisibilité du président américain en exercice, le Congrès a également posé des garde-fous, de sorte à se prémunir contre des actions unilatérales à la portée excessives, que ce soit concernant les traités internationaux comme le traité de régulation des armes stratégiques New Start, et le traité Open Sky, tous deux subissant les foudres du président Trump. Les relations avec les alliés, notamment européens, sont également sanctuarisées, avec une rôle plus important accordé au Congrès, là encore pour assurer la fonction de modérateur. A ce titre, le Congrès entend désormais assurer un fonctionnement normal du financement des armées, et ne plus leurs imposer un fonctionnement dégradés du fait des tensions autours des négociations concernant le budget.
Ces bouleversements ont une origine désignée, ou plutôt deux : La Russie et la Chine. Désormais considérés comme les deux adversaires désignés, sans pour autant être qualifiés d’ennemis, Pékin et Moscou sont au coeur de l’action budgétaire du Congrès américain, bien conscient désormais de leurs capacités à remettre en cause la suprématie militaire américaine. Outre ces deux adversaires clés, seule la Corée du Nord est nommément citée dans le rapport comme devant faire l’objet d’une attention particulière.

Si les premiers budgets du mandat Trump avaient pour eux des montants très élevés, c’est bel et bien le budget 2020 qui marque le véritable passage d’époques entre la période ayant suivit la fin de la Guerre Froide, et cette nouvelle période qui s’annonce, avec le retour de nations capables de contester la suprématie américaine à l’échelle d’un continent, voir davantage. Comme Européen, on ne peut que constater l’écart très marqué qui existe entre les idées directrices qui sous-tendent la programmation militaire américaine, et celles qui encadrent leurs homologues européennes, notamment en France et en Allemagne. Il sera difficile, pour ne pas dire impossible, aux français et/ou aux allemands, de promouvoir une vision plus européenne de La Défense du continent, alors que l’Allemagne construit des frégates lourdes équipées pour les missions de basse intensité, et que les armées françaises restent dans un format jugé très insuffisant à la vue de la pression opérationnelle actuelle, qui pourtant sera appelée à s’amplifier. La crédibilité vis-à-vis des autres pays européens ne passera que par un effort marqué, rapide et ambitieux, pour reconstituer une capacité militaire cohérente vis-à-vis des menaces effectives, sans faire reposer, par choix ou nécessité, La Défense du pays et du continent sur un soutien américain massif, plus qu’improbable en cas de double-front Pacifique-Europe.
La Turquie proche d’une seconde commande de systèmes anti-aériens S400
Voilà qui fleure bon la provocation. Selon un communiqué de l’Agence Reuters, citant Ismail Demir qui dirige de Directoire des Industries de Défense turques, Ankara serait très proche de concrétiser une seconde commande pour de nouveaux systèmes anti-aériens S400 qui seraient acquis auprés de Moscou. Cette annonce intervient quelques jours à peine après que le ministre des affaires étrangères du pays ait annoncé que le pays n’envisageait pas de nouvelles commandes de ces systèmes ayant causé un profond Casus Belli avec Washington et ses partenaires de l’OTAN.
Une seconde commande permettrait, pour peu qu’elle soit du même ordre de grandeur que la première, de couvrir l’intégralité du territoire nationale et des zones y attenantes, comme la Mer Egée, la Mer noire, le Bosphore ou les frontières Syriennes et Irakiennes. Cela indiquerait également que, contrairement à ce qu’annonce Ankara lors des rencontres diplomatiques avec l’OTAN ou les Européens, le S400 est considéré comme le principal et unique système de défense anti-aérien et anti-missile du pays. Or, il est évidemment incompatible avec la Défense anti-aérienne intégrée de l’OTAN, signifiant de fait que le ciel turc sortirait du périmètre défensif de l’Alliance Atlantique.

Après le bras de fer tendu engagé contre les forces aériennes helléniques il ya deux jours, et les informations non confirmées selon lesquelles des pilotes pakistanais auraient rejoint les bases aériennes turques pour grossir les rangs de pilotes expérimentés du pays, largement entamés par les purges ayant suivi la tentative avortée de coup d’Etat de 2016, cette annonce vient signifier une nouvelle fois le changement d’alliance et d’allégeance profond en cours à Ankara. Rappelons également que les autorités du pays ont menacé de fermer les bases aériennes de l’OTAN présentes sur son sol en cas de sanctions, sachant que ce risque est très important et même déjà entamé de fait par les Européens.
La Turquie n’est nullement menacée sur son flanc sud, les kurdes n’ayant aucune aviation, les syriens et iraniens étant des alliés, l’Irak n’ayant aucun moyen aérien lourd susceptible de mener une telle action, et Israël n’ayant aucune raison de s’en prendre à Ankara. Il en va de même sur le flanc est de part le rapprochement avec Moscou, d’autant que le S400 n’est certainement pas le système d’arme le plus efficace pour contrer une offensive aérienne russe. Ce renforcement n’a d’autre objet que de renforcer les capacités défensives et offensives du pays contre la Grèce, et éventuellement ses alliés occidentaux en Mer Noire (Roumanie, Bulgarie), et en Méditerranée Orientale (Italie, France, Grande-Bretagne et Etats-Unis).

Reste qu’en dépit d’importants investissements en matière d’équipements de Défense, les forces turques sont encore très affaiblies par les purges menées contre les officiers des 3 armées ayant suivit la tentative de coup d’Etat de 2016. En outre, même si elle se développe rapidement, l’industrie de Défense nationale n’a pas encore été capable de rééquiper massivement les forces en équipements modernes. Ainsi, le char de combat Altay n’est toujours pas en service, les corvettes Ada ne sont disponibles qu’en faible nombre, les F16 ne sont pas au dernier standard. Mais face à elle, les forces grecques ont également largement souffert des 10 années de disette qu’elles viennent de subir pour remettre les finances publiques en état, au risque d’affaiblir lourdement les capacités défensives du pays. Le « succès » enregistré il y a deux jours contre les incursions aériennes turques en mer Egée sont certes bonnes pour le moral des grecs, mais n’est pas représentatif de la réalité militaire dans l’absolue. Sans un soutien sensible de ses partenaires européens, les capacités dissuasives de la Grèce risquent forts de s’avérer rapidement insuffisantes pour maintenir à distance les ambitions de R.T Erdogan, dont l’objectif reste de rétablir la Grèce aux frontières de l’Empire Ottoman de 2012.
Armada española : prochaine fermeture de la coque du sous-marin espagnol Isaac Peral
L’étape symbolique de la fermeture de la coque du premier sous-marin du programme S-80 devrait intervenir la semaine prochaine (Esteban Villarejo, « Navantia, a punto de ensamblar el casco del primer submarino S-81 », Por Tierra, Mare y Aire, 12 décembre 2019). La poursuite du chantier pourra alors se concentrer sur les derniers travaux d’achèvement avec à l’horizon la mise à l’eau, les essais à la mer et l’admission au service actif, aujourd’hui estimé à 2022.
Acquisition du système MQ-9 SkyGuardian par l’Australie : poursuite de la stratégie du « pivot » américain ou affirmation des visées régionales du pays ?
Depuis 2016 l’Australie poursuit la politique de réarmement la plus volontariste des pays occidentaux. Considérée comme le « porte-avion » américain permanent du Pacifique Sud, l’Australie semble vouloir poursuivre une politique d’autonomisation stratégique de ses forces armées, à l’instar du Japon, sans pour autant négliger son alliance avec les Etats-Unis. Cette politique passe par l’affirmation de sa puissance aérienne et informationnelle matérialisée par le choix, ces derniers jours, du drone MQ-9B
Afin de saisir la portée de cette acquisition, il importe de saisir sa place dans l’ensemble du réarmement Australien et par voie de conséquence de saisir l’environnement géostratégique du pays et la perception qu’en a l’état Australien. Cet environnement est complexe et fortement marqué par la notion de « coopétition », caractéristique de la donne internationale mais accentuant les risques pour un pays dans la position de l’Australie. Etat aux dimensions continentales mais à la démographie fragile (23 millions d’habitants), l’Australie est au carrefour de la zone indopacifique et se positionne comme l’un de ses verrous entre l’Asie du sud-est et le pacifique-sud. C’est dès lors un allié militaire- et culturel- clé pour les Etats-Unis. Il serait en revanche erroné de penser que l’Australie ne se positionne stratégiquement que dans une perspective anglo-saxonne.
C’est précisément ce que semble faire apparaitre du « Defense White Paper », équivalent de notre Livre Blanc, publié en 2016. L’Australie appréhende son outil militaire selon trois cercles : la défense de son territoire, la défense de ses intérêts régionaux et l’affirmation de son alliance avec l’Etats-Unis. Concernant la défense de son territoire, l’Australie entend maitriser ses approches via des moyens de surveillance et de patrouille maritime imposants. Toutefois la taille critique de son territoire malgré des bassins de population très concentrés les contraints à prévoir d’emporter la décision à terre via une défense de type « Limes », donnant alors la part belle à l’action aéroterrestre. Sur le plan régional, l’Australie comprend que son ancienne « prépondérance » est menacée. La Chine, nonobstant d’inquiéter Canberra en mer de Chine méridionale, fait de depuis 10 ans une percée d’influence dans les républiques mélanésienne, auparavant sphères d’influences privilégiées de l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Par ailleurs l’Indonésie émergente, écrasante démographiquement, est également une menace pour l’Australie par ses velléités régionales. Le « Defense White Paper » la désigne de manière à peine masquée en insistant sur l’importance des partenariats que Canberra entretien avec la Papouasie Nouvelle-Guinée ainsi que le Timor-Oriental.
Cette appréhension de ses intérêts régionaux justifie des acquisitions en moyens de ISR stratégiques, le renforcement de ses forces terrestres ainsi que la volonté de se doter de capacités amphibies et donc de projection de forces. Une projection qui reposerait sur l’augmentation des capacités spatiale – et de défense spatiales- tout comme de renseignement du pays. En tout état de cause il semblerait qu’il s’agit purement et simplement de doter le pays d’un système C4ISTAR à vocation expéditionnaire. Enfin, l’affirmation de l’alliance avec les Etats-Unis n’est ni surprenante ni contradictoire. Ces derniers forment un parapluie avantageux pour une Australie relativement isolée et en cours de réarmement. Mieux, ce réarmement fait également le jeu du Pentagone qui a besoin de disposer d’alliés-cadres interopérables mais autonomes en opération. Contrairement à la majorité des pays Européens pro-OTAN qui semblent parfois devancer la volonté américaine en termes de vassalisation militaire.
L’effort financier est au rendez-vous. Il est prévu que le gouvernement augmente le budget alloué aux forces armées en le portant à 2% du PIB à l’horizon 2021 et 195 milliards de dollars sur 10 ans. En valeurs relatives et rapporté à la population australienne, il s’agit d’un effort trois fois supérieur à celui de la France. De quoi moderniser et incrémenter, essentiellement depuis 2014, les capacités de chacune des fonctions stratégiques mentionnées : près d’un millier de blindés Thalès Hawkei pour l’armée de terre Australienne, des drones ISR maritimes stratégique MQ4 Triton, une douzaine de sous-marins Naval Group Barracuda à propulsion conventionnelle mais aussi la modernisation récente de ses capacités amphibies avec l’acquisition de deux LHD de la classe Canberra à 27,500 tonnes de tirant d’eau capables de transporter un bataillon d’Infanterie, 110 véhicules et une vingtaine d’hélicoptères. Enfin la Marine Australienne souhaite acquérir à terme d’autres vecteur : neuf frégates de BAE System, Destroyers AA de la classe Hobart, navire de guerre des mines, ect…. Tous les vecteurs acquis ici ont la caractéristique d’être dimensionnés et conçus pour des opérations défensives ou de projections limitées. De facto, ils semblent se trouver en adéquation avec les visées de sécurité et d’influence régionales « indopacifiques » (en particulier Asie de l’Est et Pacifique Sud) de l’Australie tout comme avec la stratégie de « containment » américaine face à la Chine.

L’acquisition la plus récente, les MQ9 B SkyGuardian, seize vecteurs pour une mise en service en 2023, constituent à ce stade l’étape la plus symbolique de cet effort de réarmement. Car ils transcendent l’ensemble des capacités et des besoins stratégiques propres à L’Australie. Par ailleurs ils sont le marqueur de la puissance militaire occidentale en regroupant les deux items principaux qui la caractérise : info-valorisation et maitrise du tempo opérationnel. Un drone stratégique de la portée du MQ 9 B est par ailleurs synonyme du passage d’un palier technologique et organisationnel avancé et donc souverain. En effet, la mise en place d’orbites de drone nécessitent la maitrise de capacités spatiales pour le contrôle du vecteur ainsi que la gestion de ses flux de données – montantes et descendantes – très gourmands en bande-passante. Des données nécessitant des centres de traitements, de fusion et dissémination. Et enfin, l’inclusion au sein d’architectures de commandement et de contrôle nécessaire à son appui aux forces…. Des capacités que très peu de pays sont en mesure de fournir.
Le SkyGuardian est une version modernisée et plus souple d’emploi que le « Reaper ». Avec ses 42H de vol, il est en mesure d’accroitre l’endurance de ses orbites, composées de plusieurs drones, facilitant de facto l’acquisition de la permanence des fonctions ISR. Il dispose a ces fins de capteurs EO/IR, d’un radar multimode Linx d’une portée de plus 80km (SAR, Dynamic Targeting…), il peut en outre passer rapidement sur le mode SeaGuardian avec l’ajout d’un radar dédié de surveillance maritime. On en sait peu sur la commande ou l’utilisation d’autres effecteurs/capteurs. Autre spécificité importante, l’Australie a passé la commande d’une version armée, capable de délivrer des munitions guidées de précision (Laser ou GPS). Cela n’a rien d’anodin, outre l’allonge, la permanence et l’endurance nécessaires aux missions ISR l’ajout de rails de munitions permet au drone de se positionner sur l’ensemble de la boucle décisionnelle OODA en la fluidifiant : ciblage d’opportunité, appui-feu air-sol, réactivité accrue des forces déployées…. Un drone MALE est une brique essentielle pour toute nation souhaitant se doter d’un outil de renseignement stratégique et tactique tout en étant en mesure de traiter rapidement des cibles. Cela contribue à accélérer le tempo opérationnel jusqu’à la saturation de l’adversaire. Par ailleurs l’Australie semble avoir pris la mesure de l’accroissement de la prolifération des capacités A2AD, auxquels les drones stratégiques, et leur environnement opérationnel (satellites, stations-sols de théâtre…) se montrent particulièrement vulnérables. Qu’il s’agisse de ROIM, de GEOINT, d’info-valorisation ou de combat collaboratif, le drone MALE est un outil difficilement contournable, à plus fort titre dans de futurs théâtres indopacifiques semi voire non permissifs. Cela combiné au renforcement de sa flotte aérienne de combat, la modernisation de ses forces terrestres et maritimes, l’Australie semble vouloir devenir une puissance militaire sur laquelle il faudra désormais compter.

Malgré ce volontarisme, L’Australie devra toutefois faire face aux mêmes défis qui touchent de plein fouet les armées occidentales : guerre électronique, capacités SEAD, utilisation de l’IA, massification de ses effectifs…. Si la tonalité de son réarmement plaide pour une forte acuité dans ce sens, Canberra doit en revanche faire face à une crise du recrutement qui touche la plupart des pays occidentaux à des degrés variés (Norvège, Suède, Allemagne…). Le faible vivier démographique, le manque d’attractivité salariale des carrières militaires dans des pays malgré tout prospères et l’affaiblissement de l’esprit de défense sont autant de maux touchant de plein fouet l’Australie. Il n’en demeure pas moins que le volontarisme militaire de Canberra devrait être pris en exemple par tout les états Européens quels que soient leur degré d’atlantisme. Cette nation est fortement liée aux EU dans le domaine militaire : « Anzus », « Fives Eyes » …. Une situation d’autant plus compréhensible que sa vulnérabilité stratégique est bien réelle à moyen-terme. Ce qui n’est plus vraiment le cas en Europe qui a une nette tendance à faire siens les fantasmes stratégiques des Néo-Conservateurs américains.
Pour autant cette « vulnérabilité » australienne ne lui empêche pas de poursuivre, comme on l’a vu, une politique militaire directement adaptée à ses besoins régionaux et de défense de son territoire. Jusque dans la diversification des acquisitions de défense de Canberra, qui semble se garder d’acheter uniquement américain et souhaite développer à terme sa BITD. Le volume de vente avec la France via Thalès et Naval Group en témoigne. On pourrait l’interpréter par une volonté de rapprochement avec le dernier pays d’Europe présent dans le Pacifique-Sud et longtemps conspué pour son « néo-colonialisme » en Nouvelle-Calédonie. La donne a changé et la France dispose maintenant d’un véritable levier d’influence dans une région qui pourrait devenir critique à l’avenir en termes d’intégrité territoriale – la chine ayant des visées à Nouméa- mais aussi via l’augmentation des échanges dans l’axe Asie-Pacifique-Amérique latine. La posture de l’Australie semble alors très équilibrée et conforme à ses intérêts de puissance. On est à mille lieues d’un tropisme atlantiste Polonais ou Allemand. Ou bien des effets déclaratoires de la France sur l’autonomie stratégique mais peu suivis d’actes.
L’Eurodrone est-il vraiment plus cher que le MQ-9B Skyguardian de General Atomics ?
Nous risquons bel et bien de nous diriger vers une absurdité économique dont seuls les européens ont le secret. En effet, selon l’article du journaliste Vincent Lamigeon, très au fait des questions de défense, publié par le site économique Challenge.fr, il semble que les représentants des 4 pays engagés dans le developpement de l’Eurodrone, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, se retrouveraient dans une impasse concernant les négociations autour du prix du système de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) européen, connu pour le nom Eurodrone.
En effet, la facture présenté par le consortium industriel européen emmené par Airbus DS serait 30% plus élevée que le prévisionnel présenté en 2017, atteignant, les 9,8 Md€ là ou le montant initial était de 6 Md€, et ou le montant maximal prêt à être financé ne dépassait pas les 7 Md€. De manière très opportune, le constructeur américain General Atomics a entamé une campagne de Lobbying pour vanter les qualités de son Skyguardian MQ-9B, dérivé du Reaper, jugé plus économique par de nombreux observateurs et politiques européens.
Et en effet, il est probable que le SkyGardian présentera un prix inférieur de 35 à 50% à celui du système européen. Mais sera-t-il pour autant moins cher ?

Rien n’est moins sur ! En effet, comme nous l’avons à plusieurs reprise abordé sur Meta-Défense, un équipement conçu et fabriqué par l’industrie de Défense française produit un retour budgétaire sensiblement supérieur à son prix d’acquisition, du fait des effets sur l’emploi et les économies budgétaires générées. De manière évidente, lorsque l’on importe un matériel, le retour budgétaire est nul. La France a certes un contexte économique privilégiée pour obtenir un retour budgétaire optimum en matière d’investissement de Défense, mais l’Italie et l’Espagne affichent un retour de plus de 80%, et l’Allemagne un retour de plus 70%, sans tenir compte des exportations potentielles. Sur la seule base de ces éléments, même deux fois plus cher que le Skyguardian, l’Eurodrone reviendrait moins cher aux finances publiques de chacun des pays européens engagés dans sa construction que la solution américaine.
Mais là n’est pas le seul aspect à considérer. En effet, il n’aura échappé à personne que l’Eurodrone est un appareil bimoteur, ceci expliquant en parti son prix plus élevé. Le sujet à longuement été débattu, et bien souvent injustement critiqué par le seul biais de l’effet sur le prix d’achat. Car une étude plus approfondie montre que les drones monomoteurs, et en particuliers les Reapers, manquent cruellement de fiabilité à long terme. Or, quand on perd le moteur sur un tel appareil, le crash est presque inévitable. Avec deux moteurs, l’Eurodrone pourra lui regagner sa base, ou tout du moins un terrain dégagement. Une veille maxime des pilotes de multi moteurs (dont je fais parti) dit ainsi que l’avantage des bimoteurs, c’est que lorsque l’on perd un moteur, il en reste un pour voler !
Or, si l’on intègre l’attrition constatée des Reapers en service, on constate que celle-ci dépasse les 10% en moins de 5 ans. Sur 20 ans, il y a donc une attrition de 40%, qui obligera soit à commander des systèmes supplémentaires, soit à dégrader ses capacités opérationnelles.

Enfin, l’Eurodrone a été conçu sur un cahier des charges exigeant, permettant notamment l’intégration dans le trafic aérien civil, le survol d’agglomérations très peuplées à des altitudes moindres, et le franchissement de frontière sans basculement en vol militaire. En outre, le drone européen sera beaucoup plus rapide que ses homologues européens, et pourra emporter une charge utile supérieure. En d’autres termes, à l’instar d’un Rafale qui peut emporter plus de munition à plus longue distance qu’un mirage 2000, l’Eurodrone doit être comparé à potentiel opérationnel équivalent avec ses homologues américains.
De manière individuelle, ces éléments suffisent à justifier l’investissement européen face à une acquisition sur étagère américaine. Mais surtout, ils se combinent ! Ce qui rendrait toute décision en faveur du Skygardian absurde à bien des égards, sans même prendre en compte que cela entamerait encore davantage l’objectif d’autonomie stratégique visé par l’Europe de La Défense et le président Macron.
Reste que les idées, et les paradigmes, ont la vie dure, et qu’il sera très difficile de faire accepter aux décideurs politiques de lever les oeillères qui restreint la perception du sujet dans son ensemble. Cela ne pourra venir que d’un effort concerté entre les industriels, s’appuyant sur des éléments plus que concrets, et probablement des engagements forts pour garantir la pertinence du modèle. Mais s’agissant d’un marché de 10 Md€, il est probable que le jeu en vaille la chandelle !
L’US Navy et l’Administration Trump s’opposent sur les priorités d’équipement
Lors de la campagne présidentielle de 2016, le candidat Trump intégra à son programme l’augmentation du format de l’US Navy à 355 bâtiments d’ici à 2025, contre 297 aujourd’hui. Mais depuis son élection à la Maison Blanche, l’US Navy n’a eu de cesse que de remettre en cause ce format, et surtout le calendrier qui l’accompagne, même s’il est désormais question d’atteindre l’objectif en 2030. Lors d’une conférence de presse donnée le 9 décembre, le secrétaire à la Marine par intérim Thomas Modly rappela qu’il entendait bien respecter cet engagement, et demanda à l’US Navy de lui fournir un calendrier industriel au plus vite pour y parvenir.
L’Amiral Michael Gilday, chef des opérations navales au Pentagone, a indirectement répondu à cette « exigence présidentielle », ce 11 décembre, en précisant que pour l’heure, la priorité de l’US Navy était de reconstituer sa composante stratégique, en remplaceant des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Ohio datant des années 80 et 90, par les nouveaux navires de la classe Columbia. Or, ce seul chantier consomme déjà 40% des crédits d’investissement de l’US Navy, interdisant toute augmentation sensible du format global pour les 10 années à venir. Ce bras de fer entamé par la Maison Blanche et la Pentagone par voie de presse interposée, trouve sa source dans des agendas très divergents entre ses acteurs, et des objectifs aux antipodes les uns des autres.

Pour l’administration Trump, il s’agit avant tout de tenter de présenter un bilan international de la première mandature Trump respectant, autant que faire ce peu, les engagements de campagne du versatile président américain. En effet, celui-ci a fait face, en réalité, à de nombreux échecs concernant les affaires internationales et de Défense, en premier lieu desquels la résistance farouche du Congrès contre le financement du Mur devant bloquer l’immigration illégale le long de la frontière mexicaine. Mais le président Trump devra également assumer les échecs au Moyen-Orient, notamment face à l’Iran après l’annulation in extremis de frappes aériennes, ou face à la Syrie, la Russie et la Turquie, dans la calamiteuse gestion du désengagement américain de la frontière nord syrienne en abandonnant les alliés kurdes du YPG face à l’offensive turque. Il n’obtint pas de meilleurs résultats face à l’habile dirigeant Nord Coréen Kim Jung Un, et la guerre commerciale engagée contre Pékin semble simplement avoir légèrement précipité l’émergence du dragon asiatique sur la scène internationale, et son rapprochement avec Moscou. Enfin, en Europe, l’image des Etats-Unis a été largement entamée autour de plusieurs dossiers, que ce soit les menaces de représailles commerciales lorsqu’un pays ne fléchissait pas assez vite le genou, ou concernant le détricotage méticuleux des accords post-guerre froide avec la Russie, comme le traité INF ou Open Sky.
De fait, en appelant l’US Navy à mettre en oeuvre un plan pour atteindre un objectif de 355 navires, Thomas Modly est évidement en recherche de Quick Win, des gains rapides pouvant être mis au crédit de l’action présidentielle. Le ton employé par ce dernier, notamment lorsqu’il précise qu’il n’est pas du ressort de l’US navy de discuter d’objectifs posés par le président, qui plus est lorsque cet objectif était intégré aux promesses de campagne, en démontre le caractère purement politique. Il faut dire que l’US Navy ne peut guère se reposer sur un bilan particulièrement élogieux ces 30 dernières années en matière de programmes d’équipement. Entre le programme de sous-marins nucléaire d’attaque Sea Wolf qui dut être suspendu puis annulé au bout de 3 unités pour des dépassements de couts importants, le programme de destroyers Zumwalt qui connu le même destin, les Littoral Combat Ships qui, mêmes si ils sont produits en plus grande quantité, affichent des performances opérationnelles les rendant impropres au déploiement, ou l’absence de programme pour remplacer les destroyers A.Burke et les croiseurs Ticonderoga, l’US Navy a été un gouffre financier extraordinaire entre l’arrivée de Bill Clinton à la Maison Blanche et le départ de Barack Obama. Elle n’était pas la seule, l’US Army, l’US Air Force et même le Marines Corps dépensèrent également des fortunes en programmes mort-nés. La fin de l’hémorragie budgétaire est, à ce titre, bien davantage à mettre au crédit du général Mattis, Secrétaire à La Défense de Donald Trump pendant un peu plus de 2 ans après son élection, qu’aux arbitrages du président lui-même.
Dans le même temps, l’US Navy se doit de moderniser sa composante stratégique. Non pas, comme on pourrait l’imaginer, pour faire face aux progrès rapides des capacités stratégiques adverses, même si les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins russes de la classe Borei s’avèrent à la fois performants et discrets. Il s’agit avant tout de préserver le rang et la crédibilité de l’US Navy face à l’entrée en service des futurs bombardiers stratégiques B-21 Raiders qui arriveront dans les escadrilles au cours de la prochaine décennie, ainsi que les nouveaux missiles balistiques hypersoniques qui pourront être mis en oeuvre par l’US Army et l’US Air Force. La composante sous-marine restant, aujourd’hui encore, la plus efficace et la moins vulnérable de la triade stratégique américaine, l’US Navy cherche surtout à préserver ce potentiel et son rang dans la hiérarchie militaire américaine pour les décennies à venir.
On peut également imaginer qu’il s’agit là d’un calcul tactique de l’Etat-Major naval américain, pour obtenir des crédits supplémentaires sans avoir à re-orienter des crédits en interne, afin de respecter les engagements présidentiels. Aux Etats-Unis comme en France, la dissuasion a un caractère sanctuarisé pour l’élite politique. En faisant porter sur le renouvellement de cette composante stratégique pour la sécurité du pays l’impossibilité de satisfaire aux exigences présidentielles, il est possible que l’objectif soit de convaincre l’administration US comme le Congrès de la nécessité d’augmenter ses crédits d’investissement. Il faut rappeler que l’US navy, du fait des nombreux échecs de programmes passés déjà exposés, et d’une catastrophique gestion de la planification budgétaire et industrielle durant les 20 dernières années, se retrouve avec une flotte dont la moyenne d’âge dépasse les 25 ans, et de nombreux programmes urgents se présentant simultanément : programme de frégates FFG/X, programme de Croiseurs Nouvelle génération, programme de SNA nouvelle génération, remplacement des porte-avions de la classe Nimitz, des LHD de la classe Wasp, ainsi que de l’étude d’une nouvelle classe de destroyers, pour ne parler que des unités navales combattantes. La composante logistique du Sea Lift Command est, elle, dans un état dramatique, avec des navires logistiques affichant une moyenne d’âge de 40 ans. En d’autres termes, tout arrive au même moment, et il est probable que, dans les années à venir, le format de l’US Navy soit davantage orienté à la baisse du fait des retraits du service actif de navires trop âgés, qu’à la hausse comme exigé par Thomas Modly.

L’opposition en cours à Washington est relativement classique dans la vie politique américaine. Toutefois, elle intervient aujourd’hui alors que plusieurs pays, dont la Russie et surtout la Chine, ont réussi la transformation de leur outil industriel naval, pour entamer un effort de modernisation important de leurs flottes. Le contraste est d’ailleurs saisissant lorsque l’on observe la montée en puissance de la flotte chinoise, qui aujourd’hui aligne plus de 450 navires malgré un tonnage global inférieur à celui de de l’US navy. En 2030, selon les projections de production de l’industrie navale chinoise, il est probable que la marine de l’Armée Populaire de Libération alignera plus de 550 navires, et un tonnage au moins égal à celui de la marine américaine, avec, par ailleurs, un âge moyen des navires nettement inférieur à celle-ci. Difficile d’imaginer, dans ces conditions, conserver longtemps l’ascendant sur les mers pour l’US navy.
Voïenno-Morskoï Flot : incendie à bord du porte-aéronefs russe Admiral Kuznetsov
Un incendie s’est déclaré en milieu de mâtinée à bord du porte-aéronefs Admiral Kuznetsov (projet 1143.5) amarré à l’un des quais de l’usine de réparation n°35 (United Shipbuilding Corporation), à Mourmansk. 3 morts, sept blessés et un disparu sont à déplorer. Cet accident est de nature à compromettre la date de livraison de l’Admiral Kuznetsov à la flotte maritime militaire de Russie (Voïenno-Morskoï Flot) en 2022.
Indian Navy : reprise des négociations pour la location d’un troisième SNA
New Delhi et Moscou auraient repris leurs discussions en ce début du mois de décembre quant à la location d’un troisième Sous-marin Nucléaire d’Attaque (SNA) russe par l’Indian Navy. L’enjeu est de perpétuer la capacité opérationnelle actuelle dans un contexte de tensions sur le format de la sous-marinade indienne et de la préparation d’un futur programme national indien de sous-marins nucléaires d’attaque à lancer en 2025, date espérée d’entrée en service du troisième SNA loué.