Visiblement, la Turquie a sous-estimé la combativité des grecques. Les forces aériennes grecques ont répondu hiers mardi 10 décembre, à 3 intrusions massives d’appareils turcs dans la zone de contrôle aérienne d’Athènes, en envoyant un grand nombre d’appareils des forces aériennes helléniques les intercepter. Selon le ministre de La Défense grec, N. Panagiotopoulos, les Mirage grecs sont « tombés » sur les avions turcs et leurs ont donné une « leçon de pilotage ».
La première incursion turque aurait eu lieu au dessus de l’ile d’Akritos, puis au dessus de Lemnos Lesvos et de l’ile de Chios. Au total, plus de 20 appareils turcs auraient été détectés pénétrant l’espace aérien grecs. Mais les forces aériennes helléniques répliquèrent avec force, dépêchant 38 appareils, Mirage 2000 et F16, pour intercepter les intrus, qui se retrouvèrent rapidement « encerclés » et furent contraints de battre en retraite, si l’on en croit le récit fait par les pilotes grecs.
Ce face à face musclé intervient quelques jours à peine après que le parlement d’Athènes vota à une immense majorité la modernisation du reste de la flotte de F16 et des mirage 2000-5 en service dans l’Hellenic Air Force. Un budget de 530 millions d’euro a été attribué à cette fin, ce qui représente aujourd’hui, peu ou proue, 80% de l’investissement annuel dont disposent les forces armées du pays pour moderniser ou acquérir des équipements. Selon le ministre de La Défense N. Panagiotopoulos, une part importante de ces travaux concernant la modernisation des F16 sera effectuée par l’industrie nationale, de sorte à être prêt pour d’éventuels demandes internationales du même ordre. La Grèce est, en effet, avec Israël et les Pays-bas, un des membres du consortium chargé d’entretenir et de construire les F16 à l’échelle mondiale.
Si l’accrochage n’est évidement pas perçu ni présenté de la même manière en Turquie, qui par ailleurs revendique une partie des iles de la mer Egée transférées à la Grèce après la défaite de l’Empire Ottoman durant la première guerre mondiale, Il est peu probable qu’Ankara en restera là. Une fois que les batteries de systèmes anti-aériens S-400 seront opérationnelles, ce type d’accrochage au dessus de la Mer Egée se déroulera dans l’enveloppe d’interception du missile russe, faisant peser une menace supplémentaire sur les appareils helléniques. Dans ce domaine, l’emploi de missiles SCALP lancés à partir des Mirage 2000, ainsi que des MdCN qui doivent équiper les FDI en cours de discussion, constitueront probablement l’assurance vie des pilotes helléniques, sachant qu’en cas d’engagement par un système Sol-Air, la riposte pourrait être sévère.
Les Frégates de Défense et d’Intervention FDI grecques emporteront 8 missiles de croisière MdCN capables de frapper des cibles à plus de 1000 km
Reste que cet accrochage montre, une fois encore, les tensions qui règnent aujourd’hui entre Ankara et Athènes, tensions qui pourraient, à tout moment, se transformer en conflit armé. Sachant que la Grèce comme la Turquie sont membres de l’OTAN, seule l’Union européenne, ou une alliance de pays européens, serait en mesure de renforcer la Défense hellénique, à l’instar de ce que fait l’OTAN face à la Russie dans le pays Baltes et en Roumanie. Un tel déploiement, suffisamment significatif pour être représentatif, mais suffisamment limité pour ne pas être perçu comme une menace directe par Ankara, représenterait, à n’en point douter, un premier pas décisif dans l’émergence d’une vrais défense européenne, et dans le message portée vis-à-vis des opinions publiques du continent. Dans ce domaine, des pays comme la France, l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie seraient légitimes pour déployer des forces aériennes, des défenses anti-aériennes et des systèmes d’artillerie et de guerre électronique, de sorte à contenir et dissuader toute initiative malheureuse du président Erdogan. Après nombre de discours, il est temps de concrétiser l’idée, et de lui donner corps !
La
United States Navy (USN ou
US Navy) baptisais le CVN-79 USS John
F. Kennedy le 7 décembre 2019 en
la présence de sa marraine, Caroline Kennedy, la fille du président
assassiné qui avait d’ores et déjà été la marraine du CV-67 USS
John F. Kennedy
(1968 – 2007), seul représentant de cette variante de la classe
KittyHawk. Le
CVN-79 est le deuxième porte-avions de la classe Gerald
R. Ford qui devrait en compter au moins
cinq. C’est aussi le dernier à avoir été commandé dans le cadre
d’une commande unique. L’US Navy
travaille à ce que lors de son entrée en service, prévu pour 2022,
toutes les difficultés techniques rencontrées à bord du CVN-78 USS
Gerald R. Ford
aient été résolues.
En 1980, les forces aériennes des pays européens de l’OTAN comptaient parmi les plus puissantes dans le Monde. La Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Italie se classaient parmi les 10 pays alignant le plus d’appareils de combat, et ensemble, les européens alignaient 40% des forces aériennes de l’Alliance Atlantique. Le rapport annuel publié par la revue internationale FlightGlobal pour 2020 présente une situation bien différente.
Le repli Européen devient critique
Ainsi, si la France parvient à se classer 8ème de classement global incluant avions de combat, de transport, d’entraînement et les hélicoptères, avec 1129 appareils, elle est la seule représentante des nations européennes dans ce classement, quelque soit le sens donné à ce terme (OTAN, Union européenne, continental hors Russie). Lorsqu’il s’agit de comparer les flottes d’avions de combat, chasseurs et bombardiers inclus, aucun pays européen n’apparait dans le Top 10. Avec 249 avions de combat en parc, dont 143 Rafale et 106 Mirage 2000, la France garde la tête des pays européens. Mais elle dispose de moins d’appareils que le seul US Marines Corps, le corps américain formé de 182.000 militaires, qui en aligne 297 dont 52 F35B, et qui dispose, en outre, de 48 F18 et 29 F35B pour l’entraînement des équipages.
Avec 143 Rafale et 106 Mirage 2000, la France aligne le plus grand nombre d’avions de combat en Europe
La seconde flotte aérienne européenne, la Luftwaffe, n’aligne que 128 Typhoon et 72 Panavia Tornado, alors que la Royal Air Force ne dispose que de 118 Typhoon et 15 F35B depuis le retrait de ses Tornado en 2019. La France se positionne 6ème des flottes d’aéronefs aux missions « spéciales » (Awacs, Patrouille Maritime, ISR..) avec 45 appareils, en grande partie grâce à la Patrouille maritime de la Marine nationale, l’Allemagne prenant la 7ème place avec 40 appareils. Avec 20 avions ravitailleurs, la France prend la 3eme place du classement mondial, devant la Russie (19) mais derrière l’Arabie saoudite (22), à comparer aux 614 appareils dédiés à cette mission dans les forces aériennes américaines, représentant 77% de la flotte mondiale d’avions ravitailleurs. Dans le domaine des avions de transport (france 6ème avec 121 aéronefs, Allemagne 10ème avec 71 appareils) et des hélicoptères (France 7ème, Italie 9ème et Allemagne 10ème), certains pays européens parviennent à se positionner, alors que seule la Grande-Bretagne est présente dans le classement des appareils d’entrainement, à la 10ème place.
Les Etats-Unis en leader absolu
Les Etats-Unis, comme l’on pouvait s’y attendre, se classent en tête de tous les classements, que ce soit concernant les avions de combat, les avions ravitailleurs, les hélicoptères, etc.. Avec 13.266 appareils en parc, ils disposent de 25% de la flotte aérienne militaire mondiale. De manière plus surprenante, toutefois, l’US Air Force prendrait cette même position de leader mondial à elle seule dans le domaine des avions de combat, avec 2657 appareils, mais également des avions ravitailleurs, avions de mission spéciale, avions de transport et d’entraînement.
L’US Air Force se positionnerait seule en tête de plusieurs rubriques du classement mondial, dont celui des avions de combat
Avec prés de 4000 hélicoptères, l’US Army se positionnerait sans difficulté en tête du classement des flottes mondiales d’hélicoptères, loin devant les 1460 appareils russes en seconde position, alors que l’US Navy, et 350 appareils de surveillance et patrouille maritime, se positionnerait en tête des appareils dédiés aux missions spéciales. En réalité, dans chacune des 6 catégories, les forces américaines positionneraient au moins 3 des leur dans le top 10 mondial.
La Russie résiste, la Chine progresse lentement
La Russie continue de se maintenir en seconde place, avec 4.163 appareils militaires, soit plus de 900 appareils de plus que la Chine. Sa flotte d’avions de chasse et de bombardement se compose de 1.616 appareils, dépassant de peu la Chine (1606) mais avec des aéronefs en moyenne plus modernes et plus performants. Elle se positionne entre la seconde et la cinquième place dans chacun des classements. On remarque toutefois le faible nombre d’avions ravitailleurs, avec 19 appareils, soit moins que la France.
Contrairement au Su30MKI indien, les Su30SM russes sont dotés de plans canards
La Chine apparait bon 3ème du classement, avec un total de 3.210 aéronefs, dont 50% sont des avions de combat, un taux comparable à celui de pays beaucoup moins présents sur la scène internationale, comme l’Arabie saoudite, ou le Pakistan. Ainsi, le pays ne dispose aujourd’hui que de 3 avions de ravitaillement en vol, même si ce chiffre est appelé à évoluer rapidement. La flotte de transport est également faible, avec seulement 224 appareils, d’autant qu’une part significative de ces appareils sont très anciens. Sur les 1600 avions de combat en parc, seuls 700 peuvent être qualifiés de moderne, le reste étant composé de J7, J8 ou A5 de la génération du Mig 21 ou du mirage III. Là encore, ces chiffres sont appelés à évoluer rapidement, les usines chinoises n’étant pas encore passées à plein rendement concernant la production de J10C, équivalents au F16 Block 70 ou au Gripen E, J16 équivalent au F15 E, ou au J-20, qui se voudrait être l’équivalent du F22. l’arrivée d’appareils de nouvelle génération, comme le Y-20 pour le transport, ou le HH-20 pour le bombardement stratégique, entamera l’ultime transformation de l’Armée Populaire de Liberation qui vise, rappelons le, une capacité opérationnelle pleine entre 2030 et 2035, et une capacité optimum pour 2050.
Les aéronefs à l’image des pays
Concernant le classement des aéronefs eux mêmes, on retrouve sensiblement les même acteurs que dans le classement global. Ainsi, concernant les avions de combat, les Etats-Unis placent le F16 en première position, avec presque 2300 appareils en service, le F15 et le F18 en troisième et quatrième position, et l’antique F5 freedom Fighter en 10ème position. La Russie place le Su27/30 en seconde position avec plus de 1000 aéronefs en service, le Mig-29 en 5ème position, le Su25 en 7ème et le Su24 en 9ème. A noter que sur ces 4 appareils, 2 ne sont plus du tout fabriqués (Su24 et Su25), alors que les Flanker et Fulcrum continuent à être produits en version modernisées (Su-34/35 et Mig-35).
LE Typhoon est le seul appareil européen présent dans le classement des 10 avions de combat dans le Monde
Le seul aéronef européen à entrer dans ce classement est le Typhoon, avec plus de 500 appareils, alors que la Chine ne parvient à ne placer que l’antique J-7 avec 418 appareils en 8ème position. Les classements concernants aéronefs de transport ou hélicoptères consacrent également la suprématie américaine challengée par la Russie, avec une Europe et une Chine en position d’honneur.
Conclusion
Il serait possible d’analyser sans fin chacune des lignes de ce document de référence, mais quelque soit le biais choisi, on ne pourra que constater le recule marqué et très important de l’aéronautique militaire européenne à l’échelle mondiale. Cela entrave non seulement la puissance militaire des européens eux-mêmes sur la scène internationale, que l’on sait reposer pour beaucoup sur la puissance aérienne, mais cela menace également la pérennité de l’industrie aéronautique militaire en Europe, et donc de toute la filière aéronautique sur le continent.
A330 MRTT de l’Armée de l’Air. La France a commandé 18 de ces appareils
En effet, le volet militaire conditionne grandement les performances et les capacités à innover de l’industrie aéronautique civile européenne, et Airbus ne serait pas aujourd’hui le leader mondial des avions de ligne, sans l’existence des programmes militaires français, allemands et britanniques des années 50, 60 et 70. La division des européens, ainsi que les formats bien trop restreint des forces aériennes européennes, constituent de graves menaces pour cette industrie participant au rayonnement et à l’économie de l’Europe dans le monde. Dans le domaine aéronautique comme dans celui de la construction navale ou de blindés, le pire ennemi des européens et de leur avenir, reste de toute évidence la résignation pour s’en remettre, comme l’ont déjà fait plusieurs pays, intégralement aux Etats-Unis.
En 2018, la France augmenta le budget des armées de 1,7 Md€, soit une hausse annuelle de 5%. Ce qui fut présenté comme un effort important est, en fait, dans la ligne des augmentations de dépenses mondiales en matière d’équipements de défense. En effet, les industries de défense mondiales (hors Chine) ont enregistré en 2018, une hausse de leurs chiffres d’affaires de 4,6% vis-à-vis de 2017, pour atteindre les 420 Md$, selon l’étude annuelle publiée par le Think tank suédois SIPRI. Après une période de déflation marquée entre 2010 et 2015, et une très légère reprise entre 2015 et 2017, 2018 marque donc le retour à une progression rapide des investissements de Défense à l’échelle de la planète, dans une dynamique qui n’aura pas surpris les observateurs des tensions géopolitiques mondiales apparues ces dernières années.
Les entreprises américaines apparaissent comme les grands gagnants de ces augmentations de crédits, concentrant à elles seules 59% des dépenses mondiales, pour 246 Md$, soit une hausse annuelle de 7,2%. Conséquences, 43 sociétés américaines sont classées dans les 100 entreprises réalisant le plus important chiffre d’affaires en matière de défense en 2018. Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, Raytheon et General Dynamics forment d’ailleurs le Top 5 des plus grandes entreprises mondiales dans le domaine de la défense, cumulant à elles seules plus de 50% du volume enregistré aux États-Unis et 30% du volume mondial.
Le système HIMARS de Lockheed Martin a été commandé par la Pologne et la Roumanie en 2018
L’Europe se place en seconde position, avec 27 sociétés classées dans le Top 100, représentant 24% des ventes d’armes mondiales. La Grande-Bretagne se positionne de loin en première place, notamment grâce à BAe, première entreprise européenne du classement en 6ᵉ position, avec un total de 35 Md$.
Elle bénéficie notamment de l’accélération du programme F35, et des programmes navals britanniques. Avec 23 Md$, la France se positionne en seconde place du classement européen, et 4ᵉ place du classement mondial. Avec 6 entreprises positionnées dans le Top 100, dont Thales au 10ᵉ rang mondial, la BITD française enregistre une hausse globale de 2,4%, en grande partie liée à l’augmentation des commandes de Rafale à l’export, Dassault Aviation enregistrant, à lui seul, une hausse de plus de 30% sur l’année 2018.
Deux entreprises européennes ont un statut particulier : Airbus et MBDA. À elles seules, elles cumulent 15,5 Md$ de chiffre d’affaires en 2018, en hausse de 9% vis-à-vis de 2017. Airbus est classée 7ème du Top 100 de la SIPRI, avec un chiffre d’affaires annuel de 11,7 Md$, alors que le missilier européen MBDA se positionne à la 23ᵉ place avec un chiffre d’affaires de 3,8 Md$, en hausse de plus de 4%. Ces deux entreprises positionnent « l’Europe » à la 5ᵉ place des industries de défense mondiale. Parmi les autres sociétés européennes notables, on peut nommer l’Italien Leonardo, 8ᵉ du classement mondial avec 11,7 Md$, et l’Allemand Rheinmetall, 22ᵉ avec 3,2 Md$.
L’augmentation des livraisons de Rafale a l’international permit de maintenir la croissance de la BITD française
Malgré les sanctions économiques et la législation CAATSA, l’industrie de défense russe conforte sa seconde position mondiale, avec un chiffre d’affaires annuel de 36 Md$, et 10 entreprises classées dans le Top 100. Le consortium Almaz-Antey représente à lui seul 27% du chiffre d’affaires russe, et avec 9,6 Md$, se positionne à la 9ᵉ place du Top 100.
La progression globale des exportations russes enregistre une petite baisse de 0,4% vis-à-vis de 2017, mais dans le même temps, Almaz-Antey enregistrait une hausse de 18%. Cette progression contraste avec la baisse de chiffre d’affaires d’entreprises comme United Aircraft Corporation ou Russian Helicopters, en baisses de plus de 10%. On comprend dès lors les efforts de consolidation industrielle engagés dans le pays, notamment vis-à-vis de la composante hélicoptère.
L’ensemble des autres pays, incluant le Japon, la Corée du Sud, Israël, la Turquie ou encore l’Inde, représentent moins de 10% du marché mondial, pour 36 Md$, et ne classent que 20 entreprises dans le Top 100. Le Japon est le plus dynamique, avec 6 entreprises classées dans le Top 100, pour un total légèrement inférieur à 10 Md$, suivi de peu par Israël, avec 8,6 Md$ et 3 entreprises classées. 3 sociétés indiennes pour 5,9 Md$, et autant de sociétés sud-coréennes pour 5,3 Md$ sont classées, alors que la Turquie avec 2,8 Md$ n’en place que 2, l’Australie, le Canada et Singapour n’en plaçant qu’une.
Le T129 Atack turc a été sélectionné par les forces armées Pakistanaises
La synthèse fournie par le SIPRI est toutefois incomplète, ne tenant pas compte, par exemple, de l’industrie de défense chinoise. Or, dans un classement similaire publié cet automne par le site Defensenews.com, qui prenait en compte les entreprises chinoises, mais ne disposait pas de toutes les informations concernant les sociétés russes, l’industrie chinoise plaçait 6 entreprises dans le Top 15 des entreprises de Défense mondiale.
En outre, ces entreprises chinoises enregistrent une croissance très rapide, que ce soit vis-à-vis de la demande nationale, le budget de La Défense chinois progressant en moyenne ces 10 dernières années de plus de 10% par an, que vis-à-vis de la croissance des exportations, la Chine ayant décidé de se positionner agressivement sur ce marché.
Avec le JF17 Thunder, la Chine se positionne sur le marché des avions de combat à l’exportation. Ici, un appareil vendu aux forces aériennes du Myanmar
Ce rapport est toutefois révélateur de la différence profonde existant entre l’Europe et les États-Unis. Malgré un PIB sensiblement égal, et une population européenne 30% supérieure à celle des États-Unis, les industries de défense européennes ne représentent que la moitié du volume financier et des entreprises classées outre-atlantique.
Et ces chiffres tiennent compte de la Grande-Bretagne, que l’on sait avoir un positionnement à part dans l’environnement géopolitique européen. Et pour cause ! Alors que les États-Unis produisent 92% en valeur des équipements de défense acquis par leurs forces armées, les entreprises européennes ne produisent que 65% des équipements de défense en service dans les armées du vieux continent, le reste provenant principalement des États-Unis. Tant que les Européens continueront à privilégier la dépendance aux États-Unis à l’indépendance Européenne sur la simple promesse d’une protection américaine de plus en plus hypothétique, l’Europe n’aura aucune chance de s’imposer comme un élément moteur de la diplomatie mondiale, et modérateur des tensions internationales.
Alors que le Congrès américain vient d’attribuer une rallonge budgétaire à l’US Air Force de 1 Md$ pour acquérir les 10 F35A qui devaient être livrés aux forces aériennes turques en 2020, le ministre des affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, a précisé que son pays était prêt à fermer les deux bases aériennes de l’OTAN présentes sur son sol, si la Turquie devait faire l’objet de sanctions américaines. Les tensions entre Etats-Unis, européens et turcs sont désormais à multiples facettes, et les déclarations ne cessent de s’enchaîner dans un immense jeu de poker menteur diplomatique.
La position de Washington envers Ankara est aujourd’hui loin d’être claire, ni même cohérente. D’un coté, la Turquie a été exclut du programme F35 en représailles de l’acquisition de batteries de missiles anti-aériens à longue portée S400 auprés de la Russie, et pourrait faire l’objet de sanctions économiques en application de la législation CAATSA. D’un autre coté, le président Trump semble avoir une position beaucoup moins tranchée que le Congrès Américain, ou ses alliés européens, au sujet de l’opération menée il y a un mois dans le nord de la Syrie contre les alliés Kurdes du YPG. De fait, lors du dernier sommet de l’OTAN, le président américain s’est fait le porte-parole d’une ligne moins radicale vis-à-vis de la Turquie, alors même que le président Erdogan menaçait de bloquer les mécanismes de l’alliance concernant les mesures de réassurance en Europe de l’Est et dans les Pays Baltes. Dans le même temps, la communication d’Ankara, soutenue par celle de Moscou, continuait de distiller une chose et son contraire, passant de négociations pour intégrer les S400 à La Défense anti-aérienne de l’OTAN, à la possibilité de se retourner vers Moscou pour acquérir avions de combat et systèmes de défense supplémentaires.
Le président Poutine présentant le nouveau chasseur Su57 russe au président Erdogan
Cette dernière « menace » des autorités turques, au sujet des bases d’Incirlik et de Kurecik, fait toutefois passer le niveau de tension à un cran supérieur. En effet, la base d’Incirlik est l’une des 5 bases de l’OTAN accueillant les bombes nucléaires B61 allouées par les Etats-Unis à certains pays de l’OTAN avec le principe de la double clé, les Etats-Unis en détenant une, le pays d’accueil qui fournit également le vecteur (l’avion de chasse transportant la bombe), disposant d’une autre, les deux étant nécessaires pour armer l’arme. Qui plus est, Incirlik serait la base de l’OTAN détenant le plus de bombes nucléaires. Si certains échos indiquent que ces armes auraient été déplacées en Bulgarie, la fermeture de ces bases entrainerait sans le moindre doute la redéfinition de l’organisation du flan Sud Est de l’OTAN, que ce soit en Mer Noire, ou en Méditerranée Orientale.
Non pas, d’ailleurs, que l’Aillace soit dépourvue d’options. Elle pourrait ainsi déplacer ses forces sur la base aérienne d’Akrotiri sur l’ile de Chypre, qui accueille déjà les avions de la Royal Air Force. Un tel déploiement fournirait un accès comparable aux bases turques vis-à-vis du théâtre moyen-oriental. Pour ce qui concerne la Mer Egée et la Mer Noire, elle pourrait se déployer sur des bases aériennes grecques, bulgares ou roumaines. En revanche, Si la Turquie devait sortir de l’OTAN, le flanc « Sud » de l’alliance serait très fragilisé, et l’accès à la Mer Noire serait, quand à lui, très problématique. Il serait dès lors nécessaire de procéder au renforcement des pays riverains, Grèce, Bulgarie et Roumanie, au même titre que le renforcement des Pays Baltes aujourd’hui, de sorte à neutraliser un possible basculement d’alliance d’Ankara.
Le président Erdogan lors de sa rencontre avec V.Poutine à Sochi et H.Rouani
Reste que, pour l’heure, l’indécision du président Trump au sujet d’Ankara, ne participe certainement pas à apaiser les esprits, ni à trouver une sortie par le haut, si tant est que cela soit possible. Ce mutisme sur le fond est le même que celui qui suivit la première livraison de missiles S400 aux forces Turques. Mais il faut reconnaitre qu’aujourd’hui, une quelconque annonce sous forme de menace ou d’ultimatum n’aurait, sans le moindre doute, aucun effet, tant le président américain en usa à plusieurs répétitions sans donner de suite. A l’instar de Kim Jong Un, le leader nord-coréen, de Xi Jinping, le président Chinois, ou de Vladimir Poutine, R.T Erdogan a compris que le président américain menaçait beaucoup, mais agissait beaucoup moins. Dès lors, il suffirait de rester ferme face aux menaces, tout en lâchant quelques bribes d’espoirs, pour neutraliser l’action américaine, et avec elle, celle de l’ensemble de l’occident. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle qui précéda la seconde guerre mondiale, lorsque ni la France, ni la Grande-Bretagne, ni les Etats-Unis, ne prirent de décisions fermes pour contenir l’Allemagne, l’Italie ou le Japon.
La Royal Navy admet au service actif le 10 décembre son deuxième porte-aéronefs STOVL (Short Take Off Vertical Landing) lors d’une grande cérémonie rassemblant dans la base navale de Portsmouth les deux ponts plats au service de Sa Majesté. Le HMS Prince of Wales marque la renaissance du cuirassé disparu en 1941 et la restauration de la permanence aéronavale britannique. Le groupe aéronaval britannique est au complet, le HMS Queen Elizabeth pour se concentrer sur la préparation de sa première mission opérationnelle (2021) qui interviendra après celle du porte-avions Charles de Gaulle (2020). La France et le Royaume-Uni offre une permanence aéronavale à l’Europe avec trois ponts plats.
Il s’agit d’un concept récurrent depuis plusieurs dizaines d’années : Le Camion à Bombes. Concrètement, il s’agirait d’un appareil faiblement protégé ou manoeuvrable, mais capable d’emporter une très importante quantité de munitions air-sol et de rester en station pendant une longue durée, de sorte à pouvoir délivrer à la demande des attaques multiples au profit des forces au sol. C’est précisément ce que le général Timothy Ray, en charge des frappes globales au sein de l’US Air Force, vient à nouveau de réclamer à Will Roper, le directeur des acquisitions des programmes aéronautiques.
Au fil des années, de nombreuses solutions de « Camion à bombes » ont été évoquées, allant du F15 Eagle au Boeing 737 MMA servant de base à l’avion de patrouille maritime P8 Poseidon. Avec l’arrivée des munitions stand-off, pouvant être tirées « à distance de sécurité » et parcourir par elles-même la distance les séparant de la cible et la frapper avec précision, il semble que ce concept émerge à nouveau. Mais le Général Ray a tenu à préciser sa pensée. Selon lui, un « Camion à bombes » se doit de répondre à plusieurs impératifs, en terme de capacité d’emport et d’autonomie, évidemment, mais également en terme de cout et de durée de vie, l’appareil se devant d’être très économique à l’achat et à l’usage, et n’avoir qu’une durée de vie limitée d’une dizaine d’année.
La Joint Direct Attack Munition Extended-Range (JDAM-ER) permet d’atteindre des cibles à prés de 100 km
On comprend dans cette expression de besoins que le général américain cherche avant tout à disposer d’un matériel efficace dans les engagements de basse intensité, là ou la menace anti-aérienne est encore limitée (pour l’instant), et qui souffrent le plus, aujourd’hui, des limitations d’emport et la vulnérabilité des drones MALE, et de l’annulation du programme d’avion d’attaque léger. Ainsi, quelques appareils de ce type, emportant un chargement important de missiles air-sol et de bombes guidées planantes, comme la JDAM, seraient de nature à assurer une permanence opérationnelle au dessus des zones sensibles, que ce soit en Afghanistan, en Irak ou en zone sud-saharienne, avec une importante capacité d’engagement permanente sur la presque totalité du théâtre, à des couts très inférieurs à ceux consistant à maintenir des drones, par définition lents et faiblement armés, ou des avions de combat, aux couts prohibitifs. A l’instar des AWACS, il suffirait de 4 appareils pour assurer une permanence opérationnelle temporaire, et de 6 à 7 appareils pour assurer une permanence soutenue dans la durée, capable de fournir un appui feu à chaque instant à toutes les forces qui en feraient la demande.
De fait, avec une vingtaine d’appareils, l’US Air Force pourrait couvrir les 3 zones d’engagement chaudes de basse intensité dans lesquelles elle est actuellement engagée. En outre, les efforts de maintenance seraient eux aussi réduits, surtout si l’appareil en question repose sur un modèle commercial, comme un avion de ligne converti, capable d’opérer à partir d’une base lointaine sécurisée.
S’il est évident que ce type d’aéronef n’aurait pas sa place au dessus de théâtres de haute intensité, du fait des systèmes anti-aériens dont la portée excède de beaucoup celle des munitions air-sol, et de la présence possible d’appareils de combat adverses, sur les théâtres étendus comme le Sahel, ils apporteraient une plus-value déterminante aux forces occidentales engagées, en étant capables de répondre rapidement aux sollicitations des forces européennes, américaines ou alliées présentes sur place. Cela permettrait de sensiblement réduire l’efficacité des embuscades qui firent autant de victimes ces dernières années. De fait, le concept développé par le général Ray, pourrait tout aussi bien s’appliquer aux forces françaises, voir européennes, d’autant que les européens, comme les américains, ont a disposition un constructeur aéronautique capable d’y répondre rapidement, en l’occurence Airbus.
Une autre approche du Camion à Bombes reposant sur un chasseur, ici un Gripen E, équipés de 36 Smartglider de MBDA
Mais l’approche de la problématique peut s’aborder sous un angle différent : réduire la taille des munitions, et non agrandir la taille de l’avion. C’est l’axe retenu par le missilier européen MBDA avec son Smartglider, une bombe guidée planante légère pouvant atteindre des cibles à plus de 100 km, et pouvant être emportée en nombre par un avion de combat. Grâce au ravitaillement en vol, un chasseur moderne, comme le Rafale, peut rester au dessus de son objectif plusieurs heures, et emporter 18 de ces bombes légères, ainsi que 2 bidons de 2000 l, 2 MICA IR et 2 missiles Meteor. .
Quoiqu’il en soit, il sera interessant d’observer la réponse que donnera Will Roper à cette nouvelle demande, alors que ce dernier veut justement revenir à une gestion plus restreinte et plus spécialisée des programmes d’avions de combat. En ce sens, un tel programme entrerait parfaitement dans sa grille d’analyse Agile de ce dernier, toutes les briques technologiques étant d’ores et déjà disponibles, le besoin et la finalité étant parfaitement identifiée.
La
Defence Research and Development Organisation (DRDO),
c’est-à-dire la DGA indienne, laissait échapper le 3 décembre 2019
que le programme national portant sur le développement d’un système
de propulsion indépendante de l’air (Air Independent Propulsion
(AIP) ne serait pas prêt avant 2024. Par voie de conséquence,
la construction de six sous-marins dans le cadre du programme P75i
pourrait enfin déboucher tandis que les sous-marins du programme
P75, c’est-à-dire les Scorpène de la classe Kalvari,
intégreront les systèmes AIP développés par le DRDO
à chaque rénovation à « mi-vie ».
Jusqu’au début des années 2000, l’US Army ne disposait, pour transporter ses forces d’infanterie, que de moyens lourds, comme le transport de troupe blindé M113 et le véhicule de combat d’infanterie M2/3 Bradley, ou de véhicules non protégés. Mais en 1999, le chef d’Etat-Major de l’US Army, le général Erick Shinseki, prit la décision de passer sous blindage l’ensemble des déplacements de forces combattantes, à l’instar de ce que fit l’Armée de terre française dans les années 80 avec l’entrée en service du Véhicule de l’Avant Blindé, le célèbre VAB, qui fit merveille lors de la guerre du Golfe, et montra d’excellentes qualités en Yougoslavie ou au Liban. Début 2000, une commande de 4 Md$ était lancée pour produire plus de 2000 blindés Stryker, destinés à devenir la colonne vertébrale des brigades légères américaines, qui prendra d’ailleurs le nom de « Brigades Stryker ».
Ce blindé 8×8 de 7 mètres de long pour 2,65m de haut, atteignait initialement une masse de combat de 16 tonnes, avec la capacité à transporter jusqu’à 9 hommes armés, en plus de son équipage de 2 personnes. Son moteur de 350 cv le propulse à plus de 90 km/h, avec une autonomie de 500 km. Il est aérotransportable par avions C5, C17 ou C130, et dans sa version transport de troupe, est armé d’une mitrailleuse manuelle de 12,7 mm. Le Stryker est arrivé à point nommé pour les engagements américains en Afghanistan et en Irak, ou il apporta une plus-value significative en complément des Bradleys et des Humvees, mais il s’avéra rapidement qu’il était relativement vulnérable, que ce soit aux roquettes anti-chars comme aux IED, les dispositifs explosifs improvisés largement employés dans les opérations de guérilla. Apparurent alors des versions du Stryker disposant d’une coque en V pour résister aux IED, et/ou parées de grillages anti-roquettes. En outre, la puissance de feu s’avéra également trop faible, et l’US Army entreprit alors de concevoir une version équipée d’une tourelle téléopérée de 30 mm, donnant naissance au Stryker Dragoon.
Le Stryker Dragoon équipé d’un canon de 30 mm
Mais chacune de ces modifications se fit au prix de centaines de kilos d’équipements supplémentaires, amenant progressivement la masse du Stryker de 16 à plus de 18 tonnes, entravant de fait sa mobilité tout terrain. Dès lors, lorsqu’en 2017, l’US Army décida, pour renforcer ses capacités d’engagement haute-intensité, d’équiper l’ensemble de ses blindés de ligne d’un système de protection active contre les missiles et les roquettes anti-chars, désigné souvent sous le terme Hard-Kill, les modèles proposés par les industriels allemands (Rheinmetall) et Israéliens (Rafael, IMI) s’avèrent trop lourds pour équiper le Stryker sans compromettre au delà du raisonnable sa mobilité. La compétition fut donc ajournée en juin 2019, sans qu’aucun vainqueur ne soit désigné, alors que le Trophy de Rafael et l’Iron Fist de IMI Systems furent sélectionnés pour équiper respectivement les M1 Abrams et les M2/3 Bradley.
Mais l’US Army n’entend pas en rester là, puisqu’elle vient d’allouer une contrat de 11 millions de $ à l’allemand Rheinmetall en partenariat avec l’américain Unified Business Technologies pour fournir et tester son système hard-kill Strikeshield APS System sur Stryker, alors qu’un montant similaire a été alloué à l’israélien Rafael et son partenaire américain DRS pour le système Trophy VPS, une version allégée du Trophy APS équipant le M1 Abrams. Les équipements devront être livrés en octobre 2020 au centre de test de Huntsville, en Alabama, pour une campagne de tests de 6 mois qui se déroulera sur l’année 2021. Avec plus de 4000 Stryker en service dans l’US Army, le marché potentiel pour les industriels est considérable, même si, comme pour l’Abrams et le Bradley, il ne s’agit là que d’une solution temporaire en attendant le developpement d’une suite de protection unifiée pour les blindés US actuellement en developpement.
Les M1 Abrams de l’US Army et du Marines Corps seront équipés du système Trophy APS de Raphael
Les progrès en matière de systèmes anti-chars, qu’ils s’agissent de roquettes comme de missiles guidés, font peser une menace très importante sur les blindés engagés sur la ligne de front aujourd’hui. Et l’arrivée de missiles de nouvelle génération, comme le MMP français capable d’être tiré à couvert et de détecter sa cible, distante de 5 km, après le lancement, va encore renforcer cette menace. Les revers critiques des colonnes russes face à l’infanterie tchétchène à Grosny en 1995, ou des pourtant très performants Leopard 2 A4 turcs lors de la première intervention en Syrie en 2018, en sont la caractérisation. Dès lors que l’adversaire a accès à de tels systèmes, les blindés deviennent très vulnérables, nonobstant leur dimension indispensable pour toute action offensive. Les Etats-Majors s’évertuent désormais à accentuer la survivabilité de leurs blindés en s’appuyant sur plusieurs nouvelles technologies, comme les blindages composites, les plaques de blindage réactif qui explosent lorsqu’elles sont frappées par un missile et neutralisent la charge creuse du projectile, des grilles anti-roquettes qui font détonner les ogives avant d’atteindre la caisse. Mais ce sont les systèmes soft-kill et hard-kill qui représentent le plus grand potentiel défensif.
Les systèmes soft-kill sont conçus pour empêcher le tir d’avoir lieu, ou pour le leurrer de sorte à ce qu’il ne menace pas le blindé. Ils reposent sur des systèmes de détection avancés comme des détecteurs de visée laser, des détecteurs électromagnétiques et infrarouges, ainsi que sur des effecteurs, comme des laser de brouillage, des contre-mesures électromagnétiques, des fumigènes masquant la signature infra-rouge et optique du blindé. Les systèmes hard-kill sont conçus, eux, pour détecter une menace effective, comme un missile ou une roquette, et l’intercepter et la détruire par un dispositif pyrotechnique avant qu’elle ne frappe le blindé. Il s’agit la plupart du temps de munitions explosives propulsées vers la menace pour exploser à proximité, et ainsi le détruire.
Gros plan sur le système hard-kill Afghanit protégeant le T14 Armata Russe
Ces systèmes ont été conçus et déployés pour la première fois par l’armée israélienne sur ses chars Merkava à la fin des années 2000, avec des résultats très significatifs. Depuis, plusieurs forces armées ont entrepris de se doter de ces systèmes, comme la Russie avec le système Afghanit qui protégera l’ensemble des blindés de nouvelle génération de facture russe et le système Arena-M pour la protection des blindés modernisés, mais également la Chine, le Japon, la Corée du Sud. En Europe, l’Allemagne et les Pays-Bas ont entrepris d’équiper leurs chars de combat de tels dispositifs. En revanche, en France, l’acquisition de systèmes hard-kill n’est pas prévue, ni pour les nouveaux blindés intermédiaires VBMR Griffon et EBRC Jaguar, ni pour la modernisation Scorpion des 200 chars Leclerc restant en service. Il s’agit là, sans le moindre doute, d’une erreur qui risque de couter bien plus cher aux armées françaises que les quelques centaines de million d’euros économisés en faisant une telle impasse ….
Depuis quelques mois, les observateurs de l’environnement Défense aux Etats-Unis n’auront pas manqué de remarquer la fébrilité évidente qui agite aussi bien le Pentagone que les Think tank et institutions politiques américaines. Et si en Europe, notre attention est principalement focalisée sur le Moyen-orient et la Russie, à Washington, il n’est question que d’un unique sujet : La Chine. Au point que l’on peut désormais se demander si, à l’instar de l’Empire Japonais dans les années 30, le developpement de l’outil militaire chinois n’aurait pas totalement pris au dépourvu le Pentagone …
Il faut admettre que la Chine a remarquablement mené la modernisation de son outil de défense, comme elle mena la réforme économique qui la propulsa du statut de nation émergente à celui de super-puissance mondiale en moins de 30 ans. En effet, après l’effondrement du bloc soviétique, et en dépit du massacre de la place Tian’anmen, Pékin a su se positionner comme un partenaire économique et politique de l’occident sur la majorité des dossiers internationaux, attirant les investissements, et les transferts de technologie, avec la promesse d’un immense marché en construction, et d’une main d’œuvre performante et bon marché. Toutes les grandes entreprises occidentales, américaines comme européennes, jouèrent des coudes pour s’attirer les bonnes grâces du Parti communiste Chinois qui gardait la main mise sur l’ensemble des dossiers stratégiques du pays. Et les Etats occidentaux fermèrent même les yeux sur les évidentes preuves de rétro-ingeniering et d’espionnage qui se présentaient à eux, pour ne pas se froisser avec la poule aux œufs d’or.
L’hélicoptère de combat Z-9 est une version sous licence modifiée du dauphin d’aérospatial
Sur le plan international, Pékin en profita pour nouer des relations étroites avec de nombreuses entreprises de défense internationales, de sorte à pouvoir moderniser ses forces, dans un effort qui prit sa source à la fin des années 80, mais qui se poursuivit jusqu’il y a peu : systèmes embarqués italiens, électronique israélienne, missiles et hélicoptères français, matériaux américains, personnes ne voulait laisser ces marchés prometteurs. Dans le même temps, et de manière aussi discrète qu’efficace, les industries de défense chinoises faisaient le plein de compétences, s’appuyant sur les technologies acquises (ou volées) aux occidentaux et aux russes, ainsi que sur une nouvelle génération d’ingénieurs et de chercheurs, souvent formés en parti en Europe et aux Etats-Unis. C’est ainsi que cette génération de techniciens très compétents vit le jour dans les grands pôles industriels de Pékin ou Shanghai. Là encore, personne ne remarqua le discret basculement de Pékin de la position de client à celui de fabricant de ses équipements de défense, et ce en dépit de l’apparition de nouveaux avions de combat comme le J10 ou de navires étonnamment modernes comme les destroyers Type 052 ou les sous-marins Type 039. Pas plus qu’on ne prêta attention à l’embargo de fait imposé progressivement par la diplomatie chinoise au sujet de Taiwan, en imposant aux entreprises occidentales de choisir entre Pékin et Taipei, avant d’étendre cet embargo non pas aux seules entreprises, mais à leurs pays de tutelle. C’est ainsi que de nombreuses sociétés de défense européennes et américaines se virent contraintes de retirer l’ile indépendante depuis 1947 de leur liste de clients, pour ne pas subir l’ire du Parti Communiste Chinois.
La Chine continua ainsi à mener l’occident par le bout du nez jusqu’en 2012, et l’arrivée au pouvoir de l’actuel président Xi Jinping. Nommé secrétaire général du Parti communiste et président de la commission militaire centrale le 15 Novembre 2012, le « jeune » dirigeant chinois de 59 ans entreprit rapidement de faire sortir la Chine de sa position ambiguë, pour mettre en oeuvre un programme ouvertement nationaliste, basé sur une réforme rapide de l’Armée Populaire de Libération passant par la professionnalisation d’une partie des effectifs et la déflation du reste, ainsi que l’accélération des investissements de défense. Ainsi, le budget de La Défense chinois aura été multiplié par 8 en moins de 20 années, avec une progression de plus de 10% par an depuis 2012, pour être aujourd’hui le second budget mondial après les Etats-Unis. Parallèlement, l’industrie de défense chinoise et la recherche défense se virent dotées de crédits supplémentaires très importants, entrainant l’accélération des programmes de recherche et des livraisons, grâce notamment à la modernisation et l’extension des infrastructures industrielles. Ainsi, à titre d’exemple dans le domaine navale, la production de navires de combat passa de moins de 50.000 tonnes par an en 2012, à plus de 150.000 tonnes aujourd’hui. Et pourtant, jusqu’en 2015, l’occident continua à voir en la Chine un partenaire politique et économique privilégié, et nullement un concurrent ou un adversaire potentiel.
La corvette Type 056 et 056A a été construite à plus de 40 exemplaires en quelques années par l’industrie navale chinoise
Ce qui devait arriver, finit par arriver. En quelques années seulement, Pékin se dota d’une base industrielle et technologique produisant des équipements comparables aux équipements en service dans les forces occidentales, avec des cadences de production oubliées depuis longtemps en Europe ou aux Etats-Unis : plus de 1500 nouveaux blindés chaque année, 600 nouveaux avions, 25 navires de combat et 3 sous-marins de différents types. En outre, de nombreux systèmes encore expérimentaux en occident seraient déjà entrés en service dans les forces chinoises, comme les missiles et planeurs hypersoniques. Même dans les technologies de rupture, comme les armes à énergie dirigée, la propulsion électromagnétique ou les radars quantiques, les ingénieurs chinois semblent avoir pris le pas sur leurs homologues américains et européens. Ainsi parées, avec une nouvelle force armée en pleine mutation conçue non seulement pour protéger le territoire nationale, comme ce fut le cas de l’APL pendant 75 ans, mais pour pouvoir constituer des corps expéditionnaires pouvant être projetés, et pour, le cas échéant, prendre l’ascendant sur l’US Navy à « proximité » des cotes chinoises (comprendre un rayon de 3000 km), les autorités chinoises dévoilèrent ouvertement leurs ambitions : être en mesure d’égaler, et de dépasser, la puissance militaire américaine d’ici 2050.
A l’instar de la Russie de Vladimir Poutine qui désigne l’OTAN comme principal adversaire, la Chine de Xi Jinping désigne dés lors les Etats-Unis comme le rival à détrôner, sans pour autant avoir une doctrine aussi directive que la doctrine russe. De fait, en seulement quelques années, Washington est passé du Pivot vers le Pacifique du Président Obama, à une guerre commerciale ouverte avec Pékin entamée par le président Trump peu après son élection, face à une Chine désormais parfaitement armée économiquement et militairement pour y répondre. Et le Pentagone, qui en 2014 considérait encore la problématique Moyen-Orientale et anti-insurrectionnelle comme majeure, et l’émergence russe comme l’agitation d’une puissance régionale, de se retrouver en quelques années face à deux adversaires potentiels disposant d’importants moyens de combat de haute-intensité, de projection et de dissuasion, qui plus est agissant de concert, et ayant d’ores et déjà fait des percées technologiques importantes leur procurant des avantages tactiques et stratégiques notables.
La bonne entente sino-russe est-elle réelle ou de façade ? le fait est qu’elle fait craindre au Pentagone la possibilité d’un double-front en Europe et dans le Pacifique.
On peut donc admettre, aujourd’hui, que la Chine a effectivement surpris, si pas le Pentagone qui suivait avec attention les évolutions chinoises comme russes depuis de nombreuses années, en tout cas l’élite politique américaine et européenne, tel un loup déguisé en mouton. Et ces deux pays, dont la trajectoire internationale est relativement similaire, sont parvenus à reconstituer des outils militaires et industriels majeurs sans la moindre réaction occidentale pendant plus d’une décennie.
Toutefois, la transformation de ces deux puissances miltaires en réelle super-puissance n’est pas achevée. Ainsi, la Chine ne dispose pas encore de moyens sous-marins, d’une flotte de haute mer et d’une force aérienne moderne suffisants pour défier ouvertement les Etats-Unis, et la Russie manque encore de moyens aériens et de blindés modernes pour prendre l’avantage sur l’OTAN. En outre, ces deux pays doivent parfaire leur réseau d’influence mondial vis-à-vis des pays tiers non ouvertement alignés. Mais le plan de charge et d’investissement en cours, tant en Russie qu’en Chine, ainsi que les efforts importants déployés par Moscou et Pékin pour séduire ou contraindre économiquement des pays à les soutenir, tendent à rapprocher l’échéance ultime, au delà de laquelle l’avantage aura bel et bien changé de camp.
Ceci explique la fébrilité américaine aujourd’hui, qui entend bien mettre en oeuvre les moyens technologiques, militaires et économiques pour combler l’écart et reprendre l’ascendant sur le couple sino-russe. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des européens, qui restent encore enfermés dans une vision probablement idéalisée du monde, refusant de voir que chaque jour qui passe sans prise de conscience, diminue les chances de rééquilibrer la balance des pouvoirs, et donc de garantir la paix.