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CERBAIR dévoile son nouveau système de lutte anti-drone à Eurosatory

CERBAIR, référence française de la lutte anti-drone pour la détection, la caractérisation et la neutralisation des drones non autorisés, est fière d’annoncer le lancement de sa dernière innovation : le CHIMERA 200, qui va rebattre les cartes de la lutte anti-drone lors de cette édition 2024 d’Eurosatory ! 

Cet article vous est proposé par CERBAIR, le spécialiste européen des solutions anti-drone

Depuis sa création en 2015, CERBAIR s’est imposé comme un acteur de référence dans le développement de technologies radiofréquence de pointe pour la sécurisation des espaces aériens contre la menace des drones. 

Découvrez le CHIMERA 200 de Cerbair, la solution anti-drone ultime

Notre nouveau système CHIMERA 200 représente l’excellence de notre expertise dans la lutte contre la menace des drones. Cette solution évolutive résulte de la combinaison de nos technologies de détection et de brouillage radiofréquence. 

Cerbairt Chimera 2000

Son développement découle d’un constat simple : aujourd’hui, pour chaque besoin opérationnel, on a un système de lutte anti-drone adapté spécifiquement. Cependant, lorsque ces besoins se superposent, plusieurs systèmes différents sont nécessaires, ce qui impose aux utilisateurs une charge supplémentaire en termes de matériel, de formation, de mise en place, etc.

Nous avons donc créé un système unique capable de mener à bien toutes les missions, qu’il s’agisse de sécuriser des sites fixes, des convois et des véhicules, ou d’assurer la protection du personnel déployé.

Pensé pour l’autoprotection des unités mobiles, véhicules et convois, il offre une continuité entre les opérations embarquées et débarquées, il est doté d’une large couverture spectrale allant de 400 MHz à 6 GHz de façon directionnelle ou omnidirectionnelle. Ce système compact, portable et autonome est intégrable à tous types véhicules et permet également un usage débarqué. 

Détection et brouillage des drones en un seul équipement portable

La technologie de pointe qu’il embarque offre une détection précise et fiable des drones. Celle-ci offre des capacités de brouillage intelligentes, un large spectre de détection et brouillage ainsi que des formes d’ondes numériques dynamiquement générées permettant à ce nouveau produit de neutraliser efficacement la menace des drones et ainsi de protéger les vecteurs et troupes au sol.

Chimera 2000 Cerbair
CERBAIR dévoile son nouveau système de lutte anti-drone à Eurosatory 3

« CERBAIR est fière de présenter cette innovation qui sera naturellement amenée à devenir incontournable pour la guerre électronique généralisée. Au-delà du traitement des drones et des essaims de drones, elle sera en mesure de détecter et brouiller un large panel d’émissions radiofréquences, mais aussi, d’imaginer des modes d’emplois nouveaux comme le leurrage de capteurs ennemis et la saturation de sa chaine C2.» a déclaré Lucas le Bell, Président de la société.

« Ce lancement démontre notre engagement continu à fournir des solutions de pointe pour contrer les menaces émergentes dans le domaine des drones, en offrant à nos clients une sécurité aérienne de premier plan. », a-t-il ajouté. 

Rendez-vous sur notre stand D57 situé sur le Village Adhérents du GICAT, dans le Hall 5A, lors d’Eurosatory pour découvrir en exclusivité ce nouveau système et rencontrer nos experts pour discuter de nos solutions de lutte anti-drone. 

À propos de CERBAIR

Créé en 2015, CERBAIR est la référence française de la lutte anti-drone pour la détection, la caractérisation et la neutralisation des drones non autorisés. En s’appuyant sur son expertise dans le traitement du signal radiofréquence, CERBAIR assure la conception, le déploiement et la maintenance des systèmes offrant une protection de l’espace aérien pour les infrastructures critiques, bases militaires, navires de guerre et événements nationaux, contre l’évolution de la menace des drones. Spécialisée en technologie radiofréquence appliquée à la lutte-anti-drone, CERBAIR est rapidement devenu la référence dans la reconnaissance de protocoles associée à une gamme de systèmes de détection passifs et de systèmes de brouillage intelligent.

CERBAIR a su s’imposer comme une référence au sein de systèmes complets de défense aérienne en gagnant la confiance d’acteurs institutionnels en France et à l’étranger. MBDA, leader européen dans la conception de missile, est notamment un actionnaire historique de 

Note : Des démonstrations et des sessions de présentation sont disponibles sur demande après Eurosatory. Contactez-nous pour planifier une rencontre.

Pour plus d’informations

Alexandre GAY – Directeur marketing 
Email : alexandre.gay@cerbair.com 
Téléphone : +33 (0)6 47 50 36 73 
Pour en savoir plus, visitez notre site web : www.cerbair.com

Leopard 2A-RC 3.0, EMBT… : Les chars intérimaires auront-ils la peau du programme MGCS ?

KNDS a annoncé qu’il présenterait plusieurs modèles de chars de génération intermédiaire, l’EMBT, le Leclerc Evolved et, surtout, le Leopard 2A-RC 3.0, dernière évolution du champion européen des exportations de chars de combat, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, l’un des principaux événements mondiaux consacrés aux armements terrestres.

Les capacités inédites promises par ces nouveaux chars, comme par le KF-51 Panther de Rheinmetall et le M1E3 Abrams de l’américain GDLS, dessinent une profonde évolution du tank, vers un blindé plus léger, mieux protégé, plus mobile et interconnecté, faisant la synthèse des avancées technologiques réalisées ces 20 dernières années.

Se pose, toutefois, la question de la place de ces chars très prometteurs, dans un schéma d’équipement, en France et en Allemagne, censé viser l’arrivée des blindés du programme MGCS autour de 2040, et au sujet duquel Paris et Berlin, ainsi que leurs industriels respectifs, se sont récemment entendus, après cinq années d’hésitations, de tensions et de divergences plus ou moins assumées.

Les enseignements clés de la guerre en Ukraine, et les performances des chars occidentaux au combat

Considéré par de nombreuses armées occidentales comme proche de l’obsolescence, il n’y a de cela que quelques années, le char de combat a retrouvé, en quelques années seulement, les faveurs des états-majors, y compris en Europe, en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine.

Char leopard 2A4 en Ukraine
Les chars occidentaux envoyés en Ukraine ont montré une plus grande capacité à protéger les équipages que les modèles soviétiques, mais ils sont souvent handicapés par leur masse élevée, leur consommation et leur maintenance complexe.

Ainsi, ces deux dernières années, les commandes de nouveaux chars lourds, signées ou annoncées par les armées européennes, dépassent de beaucoup l’ensemble des commandes passées, pour ce type de matériels, ces 30 dernières années.

Certains pays, comme la Pologne et la Roumanie, ont même pris la décision de doter leurs armées d’une très puissante flotte de chars, véhicules de combat d’infanterie et systèmes d’artillerie mobile, dans des formats oubliés depuis la fin de la guerre froide.

Aujourd’hui, les commandes portent principalement sur des évolutions itératives de modèles entrés en service durant la guerre froide, le Leopard 2A8 allemand et le M1A2 SEPv3 Abrams américain, ainsi que sur le K-2 Black Panther sud-coréen, de conception plus récente, mais appartenant à la même génération.

À plus long terme, français et allemand ont lancé, dès 2015, la conception d’un système de combat terrestre commun de nouvelle génération, baptisé MGCS, se voulant apporter des technologies, et surtout des doctrines d’emploi radicalement nouvelles, entièrement construites autour de l’engagement coopératif et de l’arrivée des drones et systèmes automatisés.

De l’avis même du chef d’état-major de l’Armée de terre française, le général Schill, les technologies nécessaires pour faire le MGCS, ne seront pas suffisamment matures avant 2040, peut-être même au-delà, alors que ce programme, qui devait initialement livrer son premier char en 2035, vise dorénavant une échéance à 2045, voire 2050. Ces délais supplémentaires seraient probablement passés inaperçus, il n’y a de cela que quelques années.

programme MGCS
Le programme MGCS doit permettre de concevoir bien plus qu’un simple remplçant au Leclerc et au Leopard 2.

Aujourd’hui, cependant, la montée en puissance des menaces internationales, et surtout la guerre en Ukraine, ses enseignements et retours d’expériences, et la mise en évidence de la réalité de la menace russe sur l’Europe, font de la modernisation de la flotte de chars occidentaux, une priorité à court et moyen termes, incompatible, donc, avec le calendrier du MGCS.

C’est ainsi qu’une offre, hors des programmes nationaux, apparait depuis peu, portant sur des modèles de chars de combat de génération intermédiaire, destinés à répondre aux besoins de solutions intérimaires entre les flottes de chars héritées de la guerre froide aujourd’hui en service, et la promesse d’un MGCS à échéance 2045 ou 2050.

L’offre de chars de combat de génération intermédiaire s’étoffe rapidement en occident

Cette offre intérimaire est apparue, sur la scène publique, pour la première fois en 2022, à l’occasion du précédent salon Eurosatory, avec la présentation concomitante de l’EMBT de KNDS, essentiellement une nouvelle tourelle développée par Nexter (devenu KNDS France depuis), et le KF-51 Panther de l’allemand Rheinmetall.

Si le modèle français faisait surtout office de démonstrateur technologique, sans réelles ambitions commerciales, ce n’était pas le cas du Panther, qui fut accompagné d’une vaste campagne de communication, y compris politique, pour tenter d’en faire une alternative économique, immédiatement disponible et 100% allemande, au programme MGCS, auquel pourtant, Rheinmetall participe également.

Leopard 2A7HU
Le Leopard 2A7HU est à l’origine du Leopard 2A8 commandé par l’Allemagne, la Norvège et la République tchèque, et sélectionné par les Pays-Bas et la Lituanie.

C’est toutefois le Leopard 2A8, une évolution du 2A7HU vendu à la Hongrie, disposant notamment d’une intégration native de l’APS Trophy israélien, qui fut choisi, un an plus tard, par la Bundeswehr, pour remplacer les 18 Leopard 2A6 allemands transférés à l’Ukraine. Depuis, la Norvège, les Pays-Bas, la Lituanie et la République tchèque, ont annoncé leur intention de s’équiper de ce modèle.

L’Italie devait, pour sa part, en acquérir 132 exemplaires, pour remplacer une partie de sa flotte de C1 Ariete. Néanmoins, Leonardo et KNDS n’étant pas parvenus à trouver un accord industriel à ce sujet, il semble que Rome soit amenée à choisir un autre modèle, comme le KF-51 Panther de Rheinmetall, ou le K-2 Black Panther sud-coréen.

Reste que le Leopard 2A8, comme l’Abrams M1A2 SEPv3, et même le K2 Black Panther sud-coréen, sont des chars reprenant les paradigmes doctrinaux et technologiques hérités de la fin de la guerre froide, ceux-là mêmes qui rencontrent certaines difficultés en Ukraine.

De fait, il existe, aujourd’hui, un espace commercial, comme opérationnel, à saisir, pour des chars plus légers, plus mobiles, protégés par l’association de nouveaux blindages passifs, réactifs et actifs, disposant d’une plus grande puissance de feu, d’une maintenance allégée, et pleinement intégrés dans la guerre infocentrée coopérative.

Le Leopard 2A-RC 3.0, la star annoncée de KNDS Deutschland du salon Eurosatory 2024

Pour répondre à ce cahier des charges, KNDS Deutschland a conçu le Leopard 2A-RC 3.0, dernière mouture de la gamme RC, qui sera présentée pour la première fois au salon Eurosatory 2024, et dont il sera, sans le moindre doute, le principal centre d’intérêts.

Leopard 2A-RC 3.0 gros plan
Gros plan sur la tourelle du Leopard 2A-RC 3.0. Remarquez le pod missile NLOS, le tourelleau de 30 mm, et le radar du système eurotrophy. la caisse semble également protégée par un système de protection réactif, ou actif.

Contrairement au Leopard 2A8, qui marque sa filiation évolutive avec le 2A7 et les modèles précédents, le nouveau char allemand, s’appuie sur une architecture grandement renouvelée, avec, en particulier, une tourelle entièrement robotisée et surbaissée, et un équipage à trois personnes (conducteur, tireur et chef de char) protégé dans une capsule isolée et lourdement protégée au cœur du blindé.

Cette architecture est identique à celle employée par le T-14 Armata, présenté en 2015 et précurseur en de nombreux domaines. Toutefois, là où l’industrie russe peine à gommer les défauts de conception de son nouveau char, le Leopard 2A-RC 3.0, pourra s’appuyer sur le savoir-faire tout germanique de KNDS à ce sujet.

Le nouveau char intègre, bien entendu, de nombreuses innovations, comme un affut pour l’arme principal adaptatif et à fort débattement positif comme négatif, lui permettant d’accueillir aussi bien le canon de 120 mm du Leopard 2 A7, que le 130 mm du Panther de Rheinmetall, et même le 140 mm ASCALON de KNDS France.

Un système de pod pour lancer des missiles antichars NLOS ou des drones d’attaque, confère au char une capacité de frappe indirecte, alors qu’un tourelleau de 30 mm, renforce son autoprotection contre l’infanterie, ainsi que contre les drones.

Un système APS Soft-kill Hard-kill intégré protège le blindé contre les missiles et roquettes, alors qu’un système de briques réactives, directement encapsulées sur la caisse, semblent renforcer sa résistance aux charges creuses.

Le Leopard 2A-RC 3.0 de KNDS sera la vedette du salon Eurosatory 2024
Le Leopard 2A-RC 3.0 de KNDS sera la vedette du salon Eurosatory 2024. Il ne lui manque plus qu’une propulsion hybride pour en faire un char entièrement nouveau.

La vetronique et les systèmes de reconnaissance et de perception de l’environnement, s’appuyant sur une multitude de capteurs et des drones, permettront à l’équipage de disposer d’une perception avancée de leur environnement. Enfin, le 2A-RC 3.0 est conçu pour le combat info centré et coopératif, et dispose des outils de communication nécessaires à cela.

Cette configuration permet de ramener la masse au combat du char sous la barre des 60 tonnes, et de disposer d’un très confortable rapport puissance poids de supérieur à 25 cv par tonne, grâce au même moteur de 1500 cv que le A8.

Si la trajectoire exacte du Leopard 2A-RC 3.0 est encore floue, il se rapproche désormais bien davantage d’un éventuel Leopard 3, auquel il ne manquerait qu’une propulsion hybride électrique, que d’une nouvelle évolution itérative du char, même si KNDS assure de la compatibilité ascendante de son nouveau modèle.

Sachant que Das Heer, l’Armée de terre allemande, a reconnu avoir lancé une étude pour la conception d’un char de génération intermédiaire entre le Leopard 2A8 et le MGCS, il est fort possible que le Leopard 2A-RC 3.0 représente la base de travail de ce nouveau modèle, qui pourrait devenir le futur standard des armées allemandes et le cheval de bataille des exportations de KNDS pour les deux décennies à venir.

EMBT et Leclerc Evolved, KNDS France étend son concept opérationnel et technologique

Outre le Leopard 2A-RC 3.0, KNDS présentera, lors de ce salon, deux autres modèles de chars, ou plutôt, de tourelles. L’EMBT, déjà présenté en 2022, et plus récemment, au Caire, sera présent, avec sa tourelle très innovante, et son équipage à quatre, intégrant, pour la première fois, un opérateur de systèmes en charge de la mise en œuvre des drones, des missiles et des systèmes de détection et de contre-détection.

EMBT KNDS
L’EMBT sera également présent au salon Eurosatory, armé du canon ASCALON.

La tourelle EMBT sera équipée, pour la première, du canon de 140 mm ASCALON, conçu par KNDS France, qui n’est autre que la solution concurrente du canon de 130 mm développé par Rheinmetall dans le cadre du programme MGCS.

De manière intéressante, KNDS, en tant que groupe, parvient à bâtir une offre différenciée en matière de chars de génération intermédiaire, avec un Leopard 2A-RC 3.0 conservant les atouts de résistance et de puissance du char allemand, tout en gommant certains points faibles, et en étendant les capacités propres au Leclerc, plus agile et conçu pour davantage pour la manœuvre que l’assaut, avec les évolutions de l’EMBT.

Pour peu que les deux modèles puissent partager certains composants clés, comme en matière de motorisation, de systèmes de communication et de vetronique, voire en matière d’armement, ils pourraient constituer une offre globale particulièrement attractive et efficace, en Europe, et au-delà, en particulier face au K2 Black Panther sud-coréen, à l’Altay turc et au futur M1E3 américain.

Parallèlement, KNDS a annoncé qu’un nouveau char Leclerc, baptisé Leclerc Evolved, serait, lui aussi, présenté lors de ce salon. Selon le communiqué de l’industriel franco-allemand, celui-ci intégrerait, lui aussi, cet équipage à 4, sans que l’on sache qu’il s’agira d’une tourelle EMBT monté sur une caisse Leclerc, ou d’une évolution, plus simple, du Leclerc actuel.

Le KF51 Panther de Rheinmetall va-t-il enfin trouver son premier débouché commercial ?

Il est très probable que Rheinmetall présentera, à nouveau, le KF-51 Panther, lors du salon Eurosatory 2024. Reste à voir si celui-ci aura évolué vis-à-vis du modèle initial de 2022, ou s’il restera inchangé ?

KF51 Panther Rheinmetall
Le KF51 Panther voit, dans l’echec des négociations entre Leonardo et KNDS, son ticket d’entrée vers une armée européenne majeure.

Le Panther est incontestablement celui qui aura ouvert la voie au sujet du développement d’une génération de chars de génération intermédiaire en Europe, se positionnant dès 2022 comme tel, face au programme MGCS. Pour autant, le pari de Rheinmetall n’a pas été payant jusqu’ici, puisqu’aucun client ne s’est tourné vers le Panther à ce jour.

Toutefois, une fenêtre d’opportunités semble s’être dessinée pour l’industriel de Düsseldorf. En effet, l’abandon des négociations entre Leonardo et KNDS au sujet des Leopard 2A8 italiens, lui ouvre une voie pavée pour équiper l’Armée de terre italienne, d’autant que son KF-41 Lynx a été sélectionné, avec l’AS-21 Redback sud-coréen, pour la phase finale du programme A2SC, pour un millier de véhicules de combat d’infanterie construits en Italie.

Rheinmetall aura certainement fort à faire pour s’imposer face l’offre sud-coréenne. Néanmoins, tant le KF-51 Panther que le KF-41 Lynx sont considérés comme plus évolués et performants que les modèles sud-coréens, même s’ils sont, également, plus chers. D’ailleurs, le Lynx est également finaliste du programme OMFV de l’US Army, face au Griffin 3 de GDLS, cette fois.

Surtout, Rheinmetall est déjà industriellement implanté en Italie, et sait se montrer particulièrement souple et proactif, lorsqu’il s’agit de convaincre un client stratégique. Pour peu que Leonardo obtienne les concessions industrielles et technologiques attendues, à l’origine de l’échec des négociations avec KNDS, il existe de sérieuses chances que le Panther trouver enfin son premier client dans les semaines ou mois à venir, et avec lui, la robustesse industrielle qui lui faisait défaut jusque-là.

L’AbramsX, la réponse de GDLS aux initiatives européennes et aux enseignements ukrainiens

Si le Leopard 2A-RC, l’EMBT et le Panther, ont été la réponse européenne à la présentation du T-14 russe, l’AbramsX aura été celle de General Dynamics Land System, à l’augmentation des risques d’embrasement dans le Pacifique.

M1E3 US Army GDLS AbramsX
l’AbramsX a été pensé pour évoluer sur des terrains difficiles, comme il est possible d’en rencontrer dans le pacifique sud.

En effet, si l’US Army considérait que son M1A2 de plus de 65 tonnes, était toujours parfaitement adapté au théâtre européen aux premiers jours de la nouvelle décennie, il ne faisait aucun doute que la masse et le poids logistique de ce char, pouvait constituer de sérieuses difficultés, s’il devait être engagé dans des actions en zone humide, comme dans le Pacifique.

Le spécialiste américain des véhicules blindés, héritier de Chrysler, a ainsi présenté, à l’occasion du salon AUSA 2022, quelques mois après l’Eurosatory de 2022 dont il est l’équivalent américain, une nouvelle gamme de véhicules blindés baptisée « X », spécialement conçus pour ce type d’engagements.

C’est ainsi que le StrykerX, comme l’AbramsX, s’appuyaient, tous deux, sur une propulsion hybride électrique, leur conférant un surcroit de puissance et de discrétion, tout en réduisant en la consommation, et en allégeant sa maintenance. Ils intégraient, aussi, un système de défense actif APS Soft-Kill et Hard-Kill, ainsi que des systèmes de communication et une vetronique évolués.

L’AbramsX, plus spécifiquement, se voyait doté d’un système de chargement automatique, éliminant de fait le poste de chargeur, et ramenant l’équipage à 3. Toutefois, contrairement aux modèles européens, le char américain conservait son canon de 120 mm ainsi que sa tourelle habitée.

Si la conception de l’AbramsX était une initiative de GDLS, elle s’est transformée, depuis, en cahier des charges de l’US Army, pour donner naissance au M1E3, le nouveau standard de l’Abrams qui, comme le Leopard 2A-RC 3.0, ressemble bien davantage à un reboot, qu’à une évolution itérative.

M1A2 Abrams SEPv3
le M1A2 n’ira pas plus loin que la SEPv3, l’ayant déjà amené à plus de 66 tonnes sur la balance.

Les exigences de l’US Army diffèrent cependant quelque peu du démonstrateur industriel présenté en 2022, avec, notamment, un objectif de masse autour de 54 tonnes, 12 tonnes de moins que la M1A2 SEPv3, et la possibilité de se doter d’une tourelle robotisée, comme le Leopard 2A-RC 3.0. La propulsion hybride, elle, n’est pas imposée, même s’il est certain qu’elle représentera un atout dans la proposition industrielle qui sera présentée au Pentagone.

Le M1E3 Abrams pourrait bien être le premier char de génération intermédiaire à entrer en service. En effet, l’US Army vise à entamer les livraisons avant la fin de la décennie, et veut disposer, début 2030, d’une première brigade entièrement équipée du nouveau char, ainsi que du nouveau véhicule de combat d’infanterie du programme OMFV, successeur du M2 Bradley.

Des développements rapides et financés sur fonds propres des industriels, qui contrastent avec le programme MGCS

La dynamique qui donnera naissance à cette nouvelle génération de chars de combat, présentée comme intermédiaire, en Europe, entre la génération actuelle et le futur MGCS, semble bien, aujourd’hui, largement engagée.

Il est toutefois intéressant de constater que tous ces modèles, pourtant suffisamment évolués et différenciés pour justifier du remplacement d’une partie du parc de chars hérités de la période post-guerre froide, ont été initialement développés par les industriels eux-mêmes, sur fonds propres, et sur des délais particulièrement courts.

KNDS france AScalon
Tirs d’essai du canon ASCALON de KNDS France

Ainsi, il est peu probable que KNDS, Rheinmetall ou GDLS, aient dépensés plus que quelques dizaines de millions de $ ou €, pour concevoir les démonstrateurs du Panther, AbramsX, EMBT ou Leopard 2A-RC 3.0. De même, les équipes consacrées à ces démonstrateurs étaient, sans le moindre doute, relativement compactes, et ont dû fournir des résultats probants, sur des délais effectivement courts.

Le rapport entre les résultats obtenus et les investissements (budgétaires comme en temps) consentis, est donc particulièrement attractif concernant ces programmes internes. Surtout, ils contrastent avec le moonwalk pratiqué par le programme MGCS depuis 2015, tant par les difficultés rencontrées entre les industriels concernant leurs négociations internes, qu’entre les deux états-majors eux-mêmes, en raison d’attentes et de visions longtemps divergentes.

Le char de génération intermédiaire va-t-il supplanter un programme MGCS trop ambitieux ?

Se pose, alors, la question du bienfondé du programme MGCS. En effet, si la synthèse des technologies existantes, par ailleurs développées dans le cadre des nombreux programmes de véhicules blindés lancés régulièrement en occident, permet de donner des résultats aussi prometteurs que le laissent penser les chars de génération intermédiaire en cours de conception, on peut douter de l’intérêt de la trajectoire bi-décennale du programme franco-allemand, qui s’appuie en particulier sur le développement de technologies aujourd’hui loin d’être matures.

On se rappelle, ainsi, que récemment, le CBO, l’organisme d’audit du Congrès américain, a épinglé la conduite industrielle de l’US Navy, précisément pour avoir engagé des développements et constructions d’équipements majeurs, sur des technologies à forte plus-value, mais souffrant d’un manque flagrant de maturité. C’est ce paradigme qui, notamment, sonna le glas des destroyers de la classe Zumwalt, en raison des Main Gun System, puis des LCS, avec les modules de mission.

Cellule équipage T-14 armata
le char T-14 russe a posé les bases de cette génération intermédiaire de chars de combat. Toutefois, l’indsutrie allemande semble rencontrer de sérieuses difficultés pour fiabiliser les technologies employées à son bord.

Or, aujourd’hui, le programme MGCS repose presque exclusivement sur le développement de technologies non matures, ce qui rend, par essence, les prévisions budgétaires et le calendrier du programme, très incertaines. Or, si l’on en juge par l’absence de solution intérimaire mise en œuvre en France, par exemple, on peut considérer que cette prise de risque met en danger une composante majeure de l’Armée de terre, et avec elle, la crédibilité de la posture de défense française.

Surtout, on peut difficilement ignorer qu’il y a cinq ans de cela, à peine, la perception de la dynamique et du tempo technologique, dans le domaine de l’armement terrestre, et plus spécifiquement, des chars de combat et blindés lourds, était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

Comment, dans ces conditions, avoir la certitude que les paradigmes sur lesquels sont aujourd’hui bâtis le MGCS, correspondront bien à ceux qui s’imposeront en 2040, sous l’influence des technologies émergentes et des moyens déployés par des pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis, voire l’Inde, la Corée du Sud et la Turquie, tous ayant de grandes ambitions dans ce domaine ?

Ainsi, si cette approche peut se justifier concernant des équipements peu nombreux nécessitant, effectivement, d’importants délais de développement, comme les avions de combat, les sous-marins nucléaires ou les porte-avions, on peut légitimement douter de sa pertinence concernant un domaine au tempo technologique soutenu, comme l’est celui des véhicules blindés, chars compris.

Conclusion

On le voit, l’arrivée de cette nouvelle génération de chars de combat est désormais presque inévitable à court ou moyen termes, même si elle peut être qualifiée d’intermédiaire, si l’on considère que le véritable pas technologique interviendra avec l’arrivée du MGCS.

MGCS vision allemande
La vision allemande du programme MGCS.

Sa Genèse, cependant, interroge nécessairement sur la trajectoire poursuivie depuis neuf ans maintenant concernant le char franco-allemand, sans avoir, à ce jour, produit de réels résultats, alors que les besoins, eux, demeurent importants.

Au-delà des aspects budgétaires, temporels et même d’adéquation entre la vision du char de combat en 2024, et celle qui s’imposera en 2044, tous déjà problématiques, force est de constater que cette génération intérimaire, qui entrera en service à partir de la fin de la décennie, va considérablement éroder le marché adressable du MGCS, y compris au sein du couple franco-allemand.

Ne faudrait-il pas, dans ces circonstances, transformer le programme MGCS, en une démarche normative commune, pour garantir que les chars, véhicules de combat d’infanterie, voire les APC, qui seront produits dans les années et décennies à venir, en Europe, puissent s’appuyer sur un socle technologique commun en garantissant l’interopérabilité, ainsi qu’une simplification en matière de logistique, de maintenance et d’évolutivité ?

Dans tous les cas, l’existence même d’un espace suffisamment vaste pour justifier d’une évolution aussi radicale que représente celle du Leopard 2-RC 3.0, voire de l’EMBT, interroge quant à la pertinence du calendrier et des objectifs de ce programme, qui semble viser une génération trop loin.

La Bundeswehr parie sur une conscription choisie de 6 mois pour atteindre 460 000 soldats

Comme toutes les armées occidentales, la Bundeswehr, qui rassemble les trois armées allemandes, rencontre d’importantes difficultés pour recruter, et même, simplement, pour maintenir ses effectifs de 181 000 militaires d’active et 35 000 réservistes.

Comment, dans ces conditions, Berlin peut-il espérer parvenir à atteindre un format pour ses armées de 460 000 militaires, dont 200 000 d’active, dans les années à venir, pour répondre à ses engagements et obligations opérationnelles au sein de l’OTAN ?

Le dynamique ministre de la Défense, Boris Pistorius, a présenté sa stratégie pour y parvenir. Celle-ci s’appuie sur un retour à une conscription de six mois, mais dans un modèle choisi, comme elle est appliquée par les pays scandinaves, avec succès, depuis plusieurs années.

Avec un budget de la Défense allemand au-delà de 2 % du PIB, la Bundeswehr pourrait bien, dans les années à venir, atteindre un format 45 % plus important que celui des Armées françaises, et ainsi prendre une position largement dominante pour devenir le pivot incontestable de la défense européenne.

La Bundeswehr mise face à ses faiblesses et contraintes par la guerre en Ukraine

Au lendemain du début de l’invasion de l’Ukraine par les Armées russes, le général Alfons Mais, alors inspecteur général de la Bundeswehr, publia un billet sur le réseau social LinkedIn, qui fit l’effet d’une bombe en Allemagne.

Luftwaffe eurofighter Typhoon
En 2019, seule une poignée d’Eurofighter Typhoon de la Luftwaffe, était effectivement apte au combat, du fait des lourdeurs administratives et légales imposées aux armées, et à un budget trop réduit.

Sans circonvolution, l’officier allemand affirmait que l’Armée allemande était nue, et ne pouvait qu’offrir des options très limitées au pouvoir politique, en soutien à l’Ukraine, tant elle manquait de moyens.

Si ces déclarations firent grand bruit outre-Rhin, et furent à l’origine du fameux Zeitenwende d’Olaf Scholz, battit sur une enveloppe de 100 Md€ pour moderniser la Bundeswehr, et sur l’augmentation du budget annuel de celle-ci à 2 % PIB, elle ne surprit nullement les observateurs attentifs des immenses difficultés rencontrées par les opérationnels allemands, ces dernières années.

Qu’il s’agisse d’une disponibilité déplorable des équipements, des contrats d’armement reportés, amputés ou annulés, et des contraintes de plus en plus lourdes, imposées par l’exécutif et le législatif, sur le fonctionnement de la Bundeswehr, l’Armée allemande n’avait, effectivement, plus de capacités opérationnelles, ou presque, depuis plusieurs années.

Dans ce chaos, si le Zeitenwende apportait potentiellement les moyens indispensables pour engager la transformation recherchée, il était nécessaire d’engager une profonde réorganisation des armées, et de leurs effectifs, pour relever le défi efficacement.

C’est la mission que s’est donné Boris Pistorius, depuis qu’il a été nommé ministre de la Défense. Après avoir pris en mais l’application du Zeitenwende, puis avoir remis sur des rails les programmes franco-allemands SCAF et MGCS, le ministre, devenu entre temps la personnalité politique allemande la plus populaire dans le pays, s’attaque désormais au Schwerpunkt, le point le plus difficile : le retour de la conscription dans un pays fortement marqué par 30 années d’un antimilitarisme d’État.

Une Bundeswehr à 460 000 hommes, dont 200 000 d’active, pour répondre aux exigences de l’OTAN

Le problème est, en effet, de taille. Malgré un format particulièrement réduit d’à peine un peu plus de 180 000 militaires d’active aujourd’hui, et une réserve de 35 000 hommes et femmes, la Bundeswehr ne parvient plus, depuis plusieurs années, à renouveler dynamiquement ses effectifs, et se trouve aujourd’hui en déficit de plusieurs milliers de militaires d’active, sur son format théorique.

Bundeswehr
la Bundeswehr ne parvient pas à maintenir ses effectifs, en dépit d’un format bien trop réduit pour répondre aux éxigences de l’OTAN.

Toutefois, si la carrière militaire n’attire plus, outre-Rhin, comme c’est le cas, il est vrai, dans la plupart des pays occidentaux, l’opinion publique allemande, elle, a profondément évolué sur plusieurs questions de défense, depuis le début de la guerre en Ukraine.

Ainsi, moins d’un allemand sur deux soutenait l’augmentation du budget des armées en 2021, contre deux sur trois, aujourd’hui. Un nombre comparable d’allemands soutient, maintenant, le retour à la conscription, dans une vision et une analyse qui, cependant, n’est, le plus souvent, pas très éloignée des options exprimées en France à ce sujet, et qui ont peu à voir avec la défense du pays.

Reste que fort de ces deux données, de son aura politique, et même de son statut d’alternative à Olaf Scholz lors des prochaines élections de 2025, Boris Pistorius a présenté, cette semaine, sa stratégie pour mettre en œuvre une forme de conscription réaliste, efficace et applicable aux bénéfices des armées, et soutenable par celles-ci.

Une conscription choisie avec service militaire de 6 mois pour amener la réserve allemande à 260 000 soldats

Il faut dire que les besoins de changement de format de la Bundeswehr sont considérables. Selon le ministère des Armées, l’Allemagne doit, en effet, disposer d’une force armée de 460 000 hommes et femmes, dont 200 000 d’active et 260 000 réservistes et conscrits, pour répondre à ses engagements vis-à-vis de l’OTAN.

Soldat allemand das Heer
La conscrption choisie doit permettre d’augmetner les effectifs d’active de la Bundeswehr de 10 %, et les effectifs globaux de 113 %.

Si les effectifs d’active ne devront augmenter que de 10 %, ce qui semble raisonnable, mais difficile dans le contexte RH tendu du moment, la réserve, elle, devra augmenter de presque 650 %, un mur de recrutement infranchissable par la simple incitation. La conscription s’imposait donc, pour recréer le lien entre la jeunesse civile allemande, et les armées.

Toutefois, comme les armées françaises, les armées allemandes sont dans l’incapacité de revenir à un modèle de conscription comparable à celui appliqué pendant la guerre froide, n’ayant ni les effectifs d’encadrement, ni les infrastructures, ni les équipements pour y parvenir.

Tenter d’y parvenir, nécessiterait non seulement d’augmenter les crédits des armées très au-delà des 2 % visés par le Zeitenwende, et mettraient à mal le potentiel des armées allemandes, fut-il aujourd’hui minime, pendant plusieurs années, voire plus d’une décennie. Pour y parvenir, Boris Pistorius s’est rendu en Suède et Norvège, pour observer un modèle original de conscription, la conscription choisie.

Les volontaires seront privilégiés, mais le ministère de la Défense n’exclut pas la conscription choisie imposée, en cas de besoin.

Le sujet ayant déjà été abordé dans plusieurs articles ces derniers mois, nous nous contenterons d’une présentation synthétique de la conscription choisie. Il s’agit, en fait, d’une conscription universelle obligatoire, soit appliquée à l’ensemble d’une classe d’âge, soit uniquement aux hommes.

Boris pistorius en suède mai 2024
Boris Pistorius s’est rendu en Suède et en Norvège en Avril 2024, pour comprendre le fonctionnement de la conscription choisie.

Toutefois, au lieu d’appeler effectivement sous les drapeaux tous les jeunes éligibles aux exigences des armées, celles-ci choisissent les profils dont elles ont besoin, au nombre voulu. Concrètement, en Norvège, seuls 5000 jeunes, sur les 35 000 qui forment une classe d’âge, effectuent effectivement un service militaire d’un an.

La motivation, les compétences et le parcours scolaire et péri-scolaire, identifiés à l’occasion d’une phase de recrutement généralisée, permet aux armées d’identifier les profils dont elle a besoin, en privilégiant, bien évidemment, en priorité les volontaires.

Loin de représenter une contrainte inégalitaire, comme on pourrait le penser, ce mode de sélection a transformer, en Norvège, du service militaire, une plus-value significative dans le CV que se construisent les jeunes diplômés. De fait, les armées norvégiennes ne manquent pas de volontaires, qui plus est, au profil requis, et avec la dose de motivation nécessaire.

Ce modèle présente de nombreux atouts. D’abord, il est flexible, permettant aux armées de recruter le nombre désiré de conscrits, et ainsi se donner le temps d’adapter les infrastructures et l’encadrement. Par ailleurs, la motivation étant un facteur clé, le taux d’adhésion à la réserve, à la suite de la période de conscription, est élevé. Enfin, il permet de s’adresser directement aux profils les plus recherchés par les armées.

Conscription norvège
La conscription choisie est devenue un marqueur qualitatif recherché par les jeunes norvégiens.

Il s’avère donc parfaitement adapté au besoin du ministère de la Défense allemand, quand celui-ci doit augmenter, d’abord et avant tout, le nombre de réservistes et conscrits de 230 000 hommes et femmes, sur des délais relativement courts, tout en autorisant une montée en puissance progressive, sans venir déstabiliser l’outil défense lui-même.

En outre, l’exposition d’une tranche de conscription au métier des armes, permettra d’augmenter le nombre de candidatures aux postes d’active, et certainement, ainsi, de recruter bien plus aisément les 20 000 militaires d’active supplémentaires visés.

Enfin, en privilégiant le volontariat à un service de six mois seulement, mais en se donnant la possibilité de conscrire certains profils au besoin, tout en réservant cette conscription non volontaire aux seuls hommes, le ministère s’assure d’un bon accueil de l’opinion publique allemande, et d’une moindre résistance des milieux pacifistes encore vivaces dans le pays.

La Bundeswehr 45 % plus imposante que les Armées françaises, réserve comprise

Ce modèle, tel que présenté par Boris Pistorius, constitue donc une alternative performante, et surtout applicable, pour atteindre les objectifs d’augmentation des effectifs de la Bundeswehr, de manière progressive, mais rapide, soit d’ici à une dizaine d’années.

Pour l’heure, le projet n’a pas encore reçu l’aval de l’exécutif, et encore moins du Bundestag. Toutefois, il semble suffisamment équilibré et raisonnable, pour ne pas se heurter à de trop fortes oppositions, y compris de la part d’Olaf Scholz, et a donc de grandes chances d’être avalisé, pour peu que les financements qui seront nécessaires à sa mise en œuvre, soient effectivement crédibles et sans mauvaise surprise.

Armée de terre afrique
Il faudra bien dépasser, en France, les résistances liées à la non projection des effectifs conscrits, qui constituent l’essentiel des oppositions à un recours à ce type de modèle, offrant pourtant bien plus d’option que la conscription universelle obligatoire de la guerre froide. ©Tanguy Vabatte/MAXPPP – Gao 14/04/2022 Tanguy

Reste que si la Bundeswehr parvenait à appliquer ce modèle, et à atteindre un format de 200 000 militaires d’active, et 260 000 réservistes et conscrits, elle disposerait, alors, de presque 50 % plus d’hommes et femmes, que les Armées françaises.

Rappelons, en effet, que la LPM 2024-2030 prévoit d’amener les effectifs d’active à 210 000 militaires d’active, et le nombre de réservistes entre 80 000 et 100 000 gardes nationaux, soit un total de 310 000 militaires. Avec 460 000 hommes, la Bundeswehr serait donc 41 à 47 % plus massive que les armées françaises, un gradiant difficile à négocier pour les équilibres sécuritaires européens.

Qui plus est, si le recours à la conscription choisie, par Boris Pistoruis, offre, effectivement, un outil modulable pour atteindre les objectifs de recrutement et de format visés, le recrutement des 40 à 60 000 Gardes nationaux au cours de la LPM 2024-2030, ne s’appuie, lui, que sur la communication et le volontariat, deux outils qui ne permettent pas, aujourd’hui, d’assurer un turnover suffisant des armées françaises.

Conclusion

Après certaines hésitations et faux départs, le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius, est donc parvenu à construire un modèle de constriction choisie permettant d’augmenter les recrutements de militaires d’active et de réservistes de la Bundeswehr, tout en évitant les murs budgétaires, opérationnels, logistiques et politiques, attachés au retour de la conscription.

brigade franco-allemande
Faute de se montrer souples et inventives, les armées françaises risquent fort de se voir irrémdaiblement déclassées en Europe par la masse allemande.

Si ce modèle donne déjà de bons résultats en Scandinavie, pour des armées de dimension modeste, il n’a jamais été appliqué, en occident, sur des armées de taille moyenne, comme la Bundeswehr, les armées françaises, italiennes ou britanniques.

En ce sens, la méthodologie, les résultats, mais aussi les difficultés et contraintes, qui affecteront l’application de ce modèle par la Bundeswehr en Allemagne, devront certainement être attentivement observés et analysés par Paris, Londres et, peut-être, d’autres, pour espérer résoudre la crise des vocations et des effectifs à laquelle les armées occidentales font face aujourd’hui.

Force est de constater, cependant, qu’en dépit des enjeux stratégiques entourant les questions de défense en Europe, et particulièrement en France, ce sujet apparait, jusqu’à présent, absolument invisible du débat politique au sujet des élections législatives à venir, contrairement à la campagne britannique en cours, ou, par exemple, aux campagnes polonaises ou grecques, d’il y a quelques mois, ainsi que, de toute évidence, des priorités du gouvernement allemand.

Difficile, dans ces conditions, de se poser comme un acteur majeur de la défense en Europe, lorsque le sujet est, tout simplement, aux abonnés absents du débat politique national.

La nouvelle frégate antiaérienne néerlandaise, une opportunité pour la France ?

Voilà qui est fait ! Le Parlement néerlandais a avalisé, ce 11 juin, l’acquisition des quatre sous-marins de type Blacksword Barracuda du Français Naval Group, pour remplacer les sous-marins de la classe Walrus actuellement en service dans la Marine néerlandaise. Le dernier obstacle pour que la commande officielle, est dorénavant le recours juridique porté par TKMS devant la cour de La Haye, et qui doit être jugée le 26 juin.

Si les parlementaires bataves font majoritairement confiance à l’offre française, il n’en demeure pas moins vrai que certaines des interrogations qui ont émergé lors des débats, méritent une prise en compte proactive de la part de Paris, et de l’industriel français.

En particulier, la question du partage de l’activité industrielle avec l’industrie navale néerlandaise, et plus spécifiquement avec Damen, représente un point particulièrement sensible et clivant, qu’il conviendrait de traiter avant que le nouveau gouvernement de La Haye, prenne les manettes du pays.

À ce sujet, la Marine néerlandaise a lancé, il y a peu, l’étude préalable d’une nouvelle frégate antiaérienne lourde, inscrite sur un calendrier proche de celui qui va s’imposer à la Marine nationale pour remplacer les frégates Horizon de la classe Forbin.

Dans ce contexte, serait-il pertinent, et efficace, pour la France, comme pour Naval Group, de rejoindre le programme néerlandais confié à Damen, pour réduire les couts de developper d’une nouvelle frégate de defense aérienne française, et pour donner aux autorités néerlandaises, des garanties de coopération pertinentes pour son industrie navale, sur le moyen et long terme ?

Le Parlement néerlandais approuve officiellement l’acquisition des Blacksword Barracuda de Naval Group

Il y a un peu plus d’une semaine, le programme ORKA pour remplacer les sous-marins de la classe Walrus de la Koninklijke Marine, la Marine royale néerlandaise, avait franchi une étape déterminante.

Blacksword barracuda Naval Group
Le Blacksword Barracuda de Naval Group est plus proche que jamais de trouver son chemin vers la Koninklijke Marine.

Après que le gouvernement sortant avait annoncé la victoire de Naval Group, avec le modèle Blacksword Barracuda, lors de la compétition qui l’opposait à l’allemand TKMS, et au couple Saab-Damen, le programme devait, en effet, recevoir l’aval du nouveau Parlement néerlandais, à majorité nationaliste depuis les élections législatives de l’automne 2023.

Loin d’être une formalité, le ministre de la Défense sortant, Christophe Van der Maat, a, en effet, dû répondre à de nombreuses interrogations et attaques qui avaient émergé dans la presse néerlandaise dans les semaines ayant précédé l’audition parlementaire, en particulier concernant les garanties quant au prix proposé par l’industriel français, 25 % moins cher que ses autres concurrents, et au sujet des engagements d’investissements de Naval group dans l’industrie locale.

Les réponses apportées par le ministre de la Défense et ses équipes, aux questions des parlementaires, avaient semble-t-il fait mouche, puisqu’à la sortie de cette session, les parties majoritaires annoncèrent qu’ils soutenaient le programme. Il fallait toutefois atteindre qu’une série de motions déposées par le Chris Stoffer du Parti politique réformé (SPG), ne représentant que 3 des 150 sièges de la nouvelle chambre, soient votées pour poursuivre.

C’est désormais chose faite. En effet, les trois motions déposées par M Stoffer ont été rejetées, ouvrant la voie à la signature officielle de la commande, qui doit intervenir avant la fin du mois de juillet 2024. Il faudra cependant attendre que la plainte déposée par l’allemand TKMS, au sujet de l’appel d’offre lui-même, soit statuée par al justice néerlandaise, le sujet étant présenté le 26 juin devant la cour de justice de La Haye.

2 des 3 grands programmes de la Marine néerlandaise attribuée à Naval Group

Sachant que depuis le 4 juin, et les conclusions non officielles du débat parlementaire, Damen et Saab, pourtant particulièrement véhéments avant cela, ont, semble-t-il, jeté l’éponge pour se tourner vers d’autres combats plus porteurs, on peut penser que les chances que le recours engagé par TKMS, n’a que peu de chances d’aboutir, et qu’il sert surtout à faire peser un certain doute sur la validité du prix proposé par Naval group, dans les compétitions à venir.

rMCM programme guerre des mines
Les six grands batiments de guerre des mines néeralndais auront été conçu et fabriqués par Naval Group et ECA.

Quoi qu’il en soit, avec cette décision parlementaire, et en anticipant une décision de justice favorable à l’arbitrage gouvernemental néerlandais, il apparait que la Koninklijke Marine aura confié deux des trois grands programmes navals du moment, au français Naval Group, que ce soit directement, avec les sous-marins Blacksword Barracuda du programme ORKA, ou indirectement, avec les grands navires de guerre des mines du programme rMCM.

Dans ces conditions, on peut comprendre les différents avis publiés dans la presse spécialisés Batave, au sujet des contreparties que la France pourrait faire à l’industrie de défense néerlandaise. Ce d’autant que la confiance de La Haye dans les équipements français a connu une nouvelle jeunesse ces derniers mois, comme la commande de 14 hélicoptères de manœuvre H225M Caracal pour les forces spéciales en octobre 2023.

Toutefois, la chose apparait plus simple à dire qu’à faire. En effet, l’industrie de défense néerlandaise excelle particulièrement dans deux domaines. Le premier est celui des radars et senseurs navals, avec Thales Nederland.

En 1990, le spécialiste néerlandais des radars Signaal a été racheté par le Français Thomson-CSF, devenu, depuis, Thales. L’entreprise produit certains radars navals et les systèmes IR les plus efficaces et largement répandus dans les marines mondiales, comme la gamme SMART-S et le NS-100. Difficile de toucher à cette coopération déjà parfaitement huilée et mutuellement bénéfique au sein du groupe Thales.

Frégate défense aérienne Forbin
Le radar S1850 des frégates Horizon de la classe Forbin est une evolution du SMART-L de Thales Nederland.

Le second domaine d’excellence de la BITD néerlandaise, et celui de la construction navale, avec les chantiers navals du groupe Damen. Celui réalise, chaque année, un chiffre d’affaires de 2 à 2,5 Md€, et dispose de 32 chantiers navals. Il a récemment remporté d’importants succès dans le domaine militaire avec les corvettes de la famille SIGMA, acquises par les marines indonésiennes, marocaines, mexicaines et colombiennes.

Le groupe a également remporté, en janvier 2020, la conception des frégates F126 de la Bundesmarine allemande, avec les chantiers navals Blohm&Voss et Lurssen, passé de 4 à 6 navires en avril 2024, après que le ministère de la Défense a levé l’option attachée au contrat. Enfin, Damen conçoit et fabrique les unités majeures de surface de la Marine néerlandaise, et notamment les nouvelles M-fregates codéveloppées avec la Belgique.

Toutefois, Damen ayant fait le pari de l’offre conjointe avec Saab dans le cadre du programme ORKA, Naval Group n’a pas, et c’est compréhensible, intégré une coopération avancée avec ce groupe dans sa proposition et, en particulier, dans l’enveloppe budgétaire y étant attachée, celle-là même qui a été déterminante dans ce dossier.

L’opportunité de codévelopper avec Damen une frégate antiaérienne pour remplacer les frégates Horizon de la classe Forbin

Reste qu’une coopération avec Damen constituerait, certainement, l’axe le plus pertinent, pour mettre en œuvre une coopération de réciprocité avec l’industrie néerlandaise, et ce, en dépit des tensions qui ont parfois émaillé les relations entre les deux groupes.

nouvelle frégate antiaérienne marine néeralndaise
le concept de frégate antiaérienne de nouvelle génération présentée en avril au parlement néerlandais par la Koninklijke Marine. Le navire pourra emporter jusqu’à 96 silos verticaux, soit autant que les DDG(x) américains.

Justement, la Marine néerlandaise a annoncé, il y a quelques semaines, le début des travaux de conception des frégates anti-aériennes qui devront remplacer les frégates de la classe De Zeven Provincien, actuellement en service.

Les quatre frégates néerlandaises, sont entrées en service de 2002 à 2005, et devront donc être remplacées entre 2032 et 2040, selon que la durée de vie des navires s’établit à 30 ou 35 ans. Or, sur cette période, la Marine nationale, elle aussi, va devoir remplacer deux de ses frégates antiaériennes, en l’occurrence, les frégates Horizon de la classe Forbin, entrées en service en 2008 et 2009.

Pour le ministère des Armées, et la Marine nationale, l’hypothèse de codévelopper les remplaçants de ces deux navires, avec un pays européen, s’avèrerait certainement un calcul pertinent.

En effet, rapporter la conception de ces navires clés sur une flotte de seulement deux navires, entrainerait des surcouts particulièrement élevés, d’autant que les opportunités d’exportation pour ces navires lourds et très onéreux, sont évidemment faibles. D’ailleurs, ni la France ni l’Italie ne sont parvenues à exporter le modèle Horizon.

Frégate classe De zeven provincien
Le remplacement des frégates de la classe De Zeven Provincien constitue peut-être une opportunité pour la France, Naval Group et la Marine nationale.

À l’inverse, si une coopération avec les Pays-Bas, et Damen, venait à être négociée, cela ramènerait les couts de conception sur six coques, quatre pour la Koninklijke Marine, et deux pour la Marine nationale, bien plus supportables.

En outre, une coopération franco-néerlandaise, à ce sujet, permettrait peut-être d’inciter la Marine néerlandaise à se tourner vers une missilerie surface-air européenne, avec le missile Aster et son évolution du programme Hydis, auquel, justement, participent les Pays-Bas, quitte, pour cela, à accepter de faire construire les navires aux Pays-Bas, ce qui représenterait, sans le moindre doute, un geste de coopération très apprécié à La Haye.

Concevoir une classe de destroyers d’assaut outre-mer avec les Pays-Bas

Bien évidemment, l’hypothèse d’aller faire construire les deux navires de surface combattant les plus puissants de la Marine nationale, aux Pays-Bas, risque de créer une levée de bouclier auprès de Naval group et de ses sous-traitants, même s’il s’agit de promouvoir l’utilisation d’équipements français, sur l’ensemble de la classe.

Toutefois, les économies réalisées, en matière de conception et d’études, permettrait à la Marine nationale et Naval group de lancer la conception d’une autre classe de navire, plus innovante, répondant à des besoins importants non couverts, et disposant d’un potentiel export sensiblement plus important, que ne le seront les futurs frégates antiaériennes franco-néerlandaises, le cas échéant.

Il s’agirait, en l’occurrence, de developper une classe de destroyers d’assaut, comparables, dans l’esprit, au programme Multi-Role Support Ship, ou MRSS, de la Royal Navy. Pour rappel, il s’agit, ici, d’un navire hybride, disposant, à la fois, de la puissance de feu d’une frégate, que ce soit vers la terre ou pour son autodéfense, et d’un radier et d’une plateforme aérienne permettant la projection aéro-amphibie, mais de manière plus réduite que concernant les PHA Mistral.

MRSS Fearless Steller Systems Royal Navy
Le projet MRSS Fearless préfigure ler concept de destroyer d’assaut imaginé par la Royal Navy.

Comme évoqué dans un précédent article, cette configuration originale répondrait très efficacement aux besoins de la Marine nationale, et plus largement, des Armées françaises, dans la zone outre-mer, en particulier dans le Pacifique et l’Océan Indien, voire dans l’Atlantique Sud.

De fait, la conception et la construction d’une telle classe de navire permettrait largement de compenser le déficit industriel lié au codéveloppement des remplaçants des frégates Forbin, avec les Pays-Bas, que ce soit pour les Bureaux d’études comme pour le site de Lorient. En outre, rien n’empêche que d’autres partenaires européens se joignent à ce programme, bien au contraire, pour peu que le pilotage du programme reste assuré par Naval Group.

De manière intéressante, d’ailleurs, la Marine néerlandaise pourrait y trouver un intérêt, même si elle a annoncé, conjointement au lancement du développement de ses nouvelles frégates antiaériennes, celui d’une nouvelle classe de LHD compacts, pour renouveler ses capacités aéro-amphibies.

En effet, la Koninklijke Marine est l’une des rares marines européennes, avec la Royal Navy et la Marine nationale, à avoir des déploiements outre-mer, en particulier dans les Caraïbes. Et ces destroyers d’assaut apporteraient une importante plus-value opérationnelle par la polyvalence de ses capacités.

Conclusion

On le voit, bien que contre-intuitives à priori, les opportunités pour Paris, comme pour Naval group et la Marine nationale, concernant l’approfondissement des coopérations en matière de construction navale militaire avec La Haye, Damen et la Marine néerlandaise, sont nombreuses.

Naval group Lorient
la préservation des compétences indsutrielles du site de Lorient de Naval Group est un enjeu prioritaire pour le Ministère des Armées et la DGA.

C’est en particulier le programme de frégates lourdes antiaériennes, annoncée en avril par la Marine néerlandaise, qui représente le support le plus adapté pour simultanément optimiser les moyens de la Marine nationale, tout en anticipant les légitimes attentes néerlandaises pour un partage industriel direct ou induit, spécialement avec Damen, concernant le programme ORKA.

Pour autant, cette opportunité ne doit pas se faire au détriment de la préservation des compétences de conception et de fabrication de Naval group en matière de grands navires de surface combattants, et doit être associée à d’autres initiatives, destinée à faire d’un arbitrage initialement défavorable, un atout opérationnel pour la Marine nationale, et concurrentiel pour l’industriel français.

Pour autant, en liant les initiatives et les besoins, par exemple, en réinjectant les économies d’études réalisées au sujet du remplacement des Forbin, vers la conception d’une classe de destroyers d’assaut outre-mer, il est possible de trouver un équilibre mutuellement profitable pour l’ensemble des six acteurs concernés.

Reste que pour donner corps à une vision non linéaire comme ici développée, il est nécessaire d’accepter de concevoir la coopération de manière globale, et d’anticiper tant les besoins industriels et politiques à venir, que les besoins opérationnels émergents.

Va-t-on vers l’abandon des 132 Leopard 2A8IT pour l’Armée de terre italienne ?

Au début de l’été 2023, Rome annonçait la prochaine commande de 132 chars lourds Leopard 2A8IT, dont 130 en version de combat, pour remplacer une partie de sa flotte de chars C1 Ariete, de conception locale.

Ces chars étaient destinés à évoluer aux côtés de 120 C1 Ariete modernisés, épaulés pour cela par 140 véhicules blindés de soutien, des plateformes Leopard 2 déclinés en différentes versions pour les forces du génie, et autres.

Concomitamment, Rome avait annoncé le lancement du programme A2CS (Army Armored Combat System), portant sur un millier de véhicules de combat d’infanterie, doté de 15 Md€ pour 1000 véhicules blindés, pour lequel le Puma de KNDS et le KF41 Lynx, de Rheinmetall, étaient pressentis comme favoris.

Dans le même temps, L’Italie avait indiqué son intention de rejoindre, comme troisième membre, le programme franco-allemand MGCS de char du futur. Dans ce contexte, le partenariat industriel entre KNDS et Leonardo, lancé en 2023, semblait sceller cette alliance tripartite. C’est pourtant désormais loin d’être le cas.

KNDS et Leonardo ne parviennent pas à s’entendre sur le partage industriel autour des Leopard 2A8IT italiens.

Le premier et le plus urgent des dossiers sur lesquels KNDS et Leonardo devaient avancer et parvenir à un accord, était la configuration et le partage industriel des 132 Leopard 2A8 italiens, ouvrant la voie aux contrats et coopérations à suivre.

Puma KMW KNDS Allemagne Bundeswehr
Le Puma de l’allemand KNDS participe aussi au programme A2SC.

Les Leopard 2A8IT italiens, comme les 140 blindés de soutien sur la même plateforme, doivent, en effet, remplacer, à partir de 2027, les blindés actuellement en service au sein des armées italiennes. Il fallait donc aller vite, et c’était l’objectif du groupe de travail rassemblant les deux industriels depuis plusieurs mois.

Reste que certains indices pouvaient laisser penser que les discussions ne se déroulaient pas comme escompté. D’abord, l’ouverture du programme A2SC à d’autres compétiteurs, l’américano-espagnol ASCOD, le CV90 suédois et surtout le AS21 Redback sud-coréen, indiquait que pour Rome, l’objectif industriel supplantait les objectifs de convergence purement industrielle, en particulier autour du programme MGCS.

D’autre part, alors que Berlin avait annoncé l’invitation faite à l’Italie pour participer au MGCS, l’accord de réorganisation du programme, et sur le partage industriel qui en découlait, annoncé il y a quelques semaines, ne concernait que les entreprises allemandes, KNDS Allemagne (ex Krauss-Maffeï Wegmann) et Rheinmetall, et les entreprises françaises, KNDS France (ex Nexter) et Thales.

C’est dans ce contexte que Leonardo, d’une part, et KNDS Allemagne, de l’autre, ont conjointement annoncé, en début de semaine, l’échec des négociations concernant la coopération entre les deux entreprises, au sujet du programme de char Leopard 2A8.

Trop de spécificités demandées par Leonardo concernant le Leopard 2A8IT, selon KNDS

Selon le porte-parole de l’entreprise italienne, « Leonardo annonce, malgré les efforts entrepris, l’interruption des négociations avec KNDS pour définir une configuration commune pour le programme du char de bataille principal de l’armée italienne et pour développer une coopération plus large« . Et d’ajouter que le géant italien de l’armement restait pleinement engagé pour fournir aux armées italiennes, en se tournant vers d’autres partenaires.

Leopard 2A7HU
Le Leopard 2A8 est une evolution du Leopard 2A7HU hongrois.

Coté KNDS, le ton n’est guère plus enthousiaste, tout en précisant que les demandes de configuration du Leopard 2A8IT, formulées par Leonardo, n’étaient pas compatibles avec le maintien d’une plateforme standard partagée, par ailleurs, par 18 autres armées utilisatrices du char allemand. « KNDS n’est plus en pourparlers avec Leonardo au sujet d’un partenariat potentiel avec la société italienne » précise le communiqué de l’entreprise.

Ces déclarations indiquent, semble-t-il, en l’attente d’une confirmation politique, la fin de la possible acquisition de chars allemands pour les Armées italiennes. Par ricochet, il est probable qu’au moins KNDS, ne participera pas à la compétition A2SC.

Quelles alternatives pour remplacer les C1 Ariete italiens ?

En se détournant du Leopard 2A8IT, l’Italie devra se tourner vers un autre modèle de chars, susceptibles d’apporter des réponses plus favorables à Leonardo, que ne l’a fait l’entreprise franco-allemand, concernant le partage industriel, les transferts de technologies, et l’intégration de systèmes nationaux.

Éliminons, à priori, l’Abrams américain, en version M1A2 SEPv3, certainement trop lourd pour les besoins italiens, et en version M1E3, qui n’entrera en service qu’à la prochaine décennie. De même, l’EMBT, n’est sûrement pas une option, étant conçu par KNDS, et n’existant, à ce jour, que sous la forme d’un démonstrateur de salon.

Leopard 2 K2 Black Panther Norvège
Le Leopard 2A7 (à gauche) et le K2 Black Panther (à droite) ont fait jeu égal lors des essais en Norvège.

Le K2 Black Panther sud-coréen, en revanche, répondrait probablement aux besoins italiens. Relativement léger, avec une masse au combat de 56 tonnes, il s’avère performant et économique, et Hyundaï Rotem est, en règle générale, un partenaire conciliant concernant les constructions locales, les adaptations et certains transferts de technologie.

Reste que l’industriel sud-coréen est également en discussion avec la Pologne et la Roumanie, au sujet de la possible construction locale du blindé en Europe. Or, avoir deux, voire trois sites d’assemblage, du même blindé, mais en des configurations différentes, sur un territoire aussi restreint que l’Europe, n’est guère pertinent.

Surtout, un pays comme la Pologne, qui prévoit d’en acquérir non pas 132, ou même 270 en comptant les versions de soutien, mais un millier, pourrait exiger une zone de chalandise européenne, qui mettrait à mal les exigences italiennes.

De fait, l’hypothèse la plus favorable, dans ce contexte, pourrait être le KF51 Panther de l’Allemand Rheinmetall, dont une nouvelle version sera présentée dans quelques jours, lors du salon Eurosatory.

KF51 Rheinmetall
Rheinmetall pourrait presenter une nouvelle version du Pantehr lors du salon Eurosatory 2024, qui se tiendra la semaine prochaine près de Paris.

En effet, le blindé répond aux exigences de modernité et de performances des armées italiennes, et s’avèrerait, certainement, un choix pertinent pour leur modernisation. Par ailleurs, Rheinmetall est toujours à la recherche de son premier client pour ce char développé en fonds propres, et présenté comme un blindé intérimaire entre la famille Leopard 2 et le futur MGCS.

De fait, il est très probable que Rheinmetall sera prêt à de nombreuses concessions vis-à-vis de Leonardo, si cela lui permettait de lancer la construction de son nouveau char, fortement éreinté, jusqu’ici, par la présentation du Leopard 2A8 de KNDS, il y a juste un an.

Une menace sévère sur la participation de l’Italie au programme MGCS

La rupture des négociations entre les industriels italiens et allemands semble, en revanche, sonner le glas de la possible participation italienne au programme MGCS, tout au moins dans la phase de conception.

Or, il s’agissait, précisément, de l’objectif visé par l’initiative italienne dans ce domaine, afin de faire monter en compétence sa propre industrie de défense dans ce domaine, y compris en matière de R&D, alors que la fabrication des Leopard 2A8 sur le site de La Spezia, devait permettre une montée en compétences industrielles pour y parvenir.

Lecornu Pistorius
Sebastien Lecornu et Boris Pistorius à Berlin pour discuter du programme MGCS en juillet 2023

Il semble que les ambitions exigées par Rome, dans ces domaines, et spécifiquement dans celui des transferts de compétences, aient largement excédé ce qui était potentiellement acceptable par KNDS.

Si les points de divergences sont à ce point puissants, concernant l’assemblage et la configuration du Leopard 2A8IT, que cela entraine la rupture des négociations, on imagine mal comment les deux entreprises pourraient efficacement collaborer, autour du programme MGCS, d’autant que le partage industriel franco-allemand a déjà fait l’objet d’intenses et difficiles tractations.

Conclusion

Reste à voir, dorénavant, le traitement politique de ce dossier. En effet, il convient de rappeler que le programme MGCS faisait, lui aussi, face à des impasses industrielles levées par Boris Pistorius et Sébastien Lecornu, quand ils décidèrent de reprendre en main les négociations et l’organisation du partage industriel.

Il demeure donc encore possible que les autorités italiennes et allemandes, imposent un accord aux deux industriels, dans le but de préserver, par exemple, la participation de Rome au programme franco-allemand, qui représente certains enjeux politiques qui peuvent motiver de telles démarches.

C1 Ariete
Les armées italiennes vont moderniser une partie du parc de C1 Ariete pour répondre aux évolutions de la menace.

Pour autant, étant donné le poids de Leonardo dans le paysage industriel italien, l’hypothèse de voir Rome se tourner vers une solution alternative, demeure la plus plausible.

Le match se jouera alors, certainement, entre le K2 sud coréen, et le KF51 de l’allemand Rheinmetall, chacune ayant ses propres atouts et inconvénients. À moins que le gouvernement italien ne décide de se tourner vers la modernisation de l’ensemble de son parc de C1 Ariete, qui reste une option envisageable.

Face à la Chine, l’US Navy reporte ses futurs programmes pour privilégier le court terme

Si les armées européennes ont les yeux fixés sur la Russie et le conflit israélo-palestinien, l’US Navy, pour sa part, n’a d’yeux que pour le probable conflit qui l’opposerait à la Marine et aux forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération, dans l’hypothèse d’un blocus naval et aérien chinois de l’ile de Taïwan.

L’échéance de 2027, fixée initialement par l’amiral Phil Davidson en 2021, concernant la zone probable de conflit avec Pékin, se rapprochant, la pression monte sur l’US Navy, qui doit répondre au défi aussi bien militaire qu’industriel posé par l’Armée populaire de libération et sa Marine, qui reçoit une dizaine de grands navires de surface combattants et deux sous-marins chaque année.

Alors que la construction navale américaine rencontre toujours d’importantes difficultés, et que la planification de l’US Navy se relève à peine d’une période de chaos intense, celle-ci doit, désormais, faire des choix. C’est précisément ce qu’elle a fait, en privilégiant la production navale à court terme, et en reportant la plupart des grands programmes à moyen terme comme F/A-XX, SSN(x) ou DDG(x).

La menace de blocus chinois de Taïwan nécessite une flotte massive et disponible d’ici à 2027.

Depuis l’annonce de l’amiral Phil Davidson, alors commandant du théâtre pacifique, au sujet de la possible confrontation entre les États-Unis et la Chine, à partir de 2027, les analystes du Pentagone ont surtout confirmé les craintes exprimées alors par l’officier général américain.

US navy task force
L’US Navy a encore l’avantage face à la Marine chinoise dans le domaine des porte-avions, des navires amphibies, et des sous-marins, mais va bientot être nettement depassée concernant la flotte de surface combattante.

Ainsi, dès 2022, le Chief Naval Officer, ou CNO, l’amiral Gilday, l’équivalent du chef d’état-major pour la Marine américaine, avait indiqué que le Pentagone travaillait activement, et principalement, sur les scénarios l’opposant la Marine chinoise autour de Taïwan, à partir de 2027.

En 2023, c’était au tour de l’amiral John Aquilino, le successeur de l’amiral Davidson à la tête de l’U.S. Indo-Pacific Command (INDOPACOM), de dresser un tableau des plus inquiétants concernant la montée en puissance des moyens navals et aériens chinois, conçus, selon lui, pour prendre l’ascendant sur les forces américaines d’ici à 2027, autour de Taïwan, dans le cadre de la nouvelle planification quinquennale chinoise.

Ces inquiétudes et rapports alarmants, ont trouvé leur écho dans la conception du budget 2025 du Pentagone. En effet, dans celui-ci, les armées américaines, en particulier l’US Navy, semblaient donner la priorité à l’augmentation de la résilience des forces américaines déployées dans le Pacifique, mais aussi dans l’évolution de l’outil industriel, précisément pour soutenir ce conflit potentiel, jugé de plus en plus inévitable, par le Pentagone.

Reports en série concernant les grands programmes structurants de l’US Navy

Ces efforts en faveur des capacités immédiates et à court terme, dans le budget 2025, et au-delà, ont dû faire l’objet d’arbitrages budgétaires, les moyens de l’US Navy n’ayant pas évolué en proportion.

CGI classe Constellation US Navy
Le programme de frégates classe constellation affiche dejà 36 mois de retard, en à peine quatre ans d’existence.

Et ce sont, visiblement, les grands programmes structurants, devant entrer en service, jusqu’ici, entre 2030 et 2040, qui en font les frais. Tous, en effet, ont vu leurs ambitions reportées ou retardées, pour libérer des moyens budgétaires afin de financer le durcissement des infrastructures dans le Pacifique, à Guam notamment.

Surtout, il s’agit de financer en partie la transformation indispensable de l’industrie navale de défense US, aujourd’hui en perte évidente de compétences et de savoir-faire, si pas technologiques, en tout cas industrielles.

SSN(x), le remplaçant des sous-marins nucléaires d’attaque classe Virginia, reporté à 2040

Pour faire face à l’immense flotte de surface combattante susceptible d’être déployée par la Marine chinoise dans l’hypothèse d’un blocus de Taïwan, hypothèse la plus probable désormais, concernant une action militaire contre l’ile indépendante, l’US Navy entend, avant tout, s’appuyer sur sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque.

Rapides, discrets et très efficaces, ces navires peuvent, en effet, libérer certains espaces pouvant permettre aux groupes de porte-avions américains, et leurs escortes de destroyers et frégates, de venir appuyer les défenses de l’ile, notamment face aux forces aériennes chinoises, elles aussi en progression très rapide.

Sous-marin classe virginia US Navy
L’US Navy veut amener l’indsutrie navale US a produire 2,5 SSN classe Virginia par an pour relever le défi chinois.

Aujourd’hui, l’US Navy a déjà remplacé la moitié de sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque classe Los Angeles, par les navires de la classe Virginia. Toutefois, ces SSN, s’ils sont discrets et remarquablement armés, sont plus lents que les Sea Wolf, les seuls véritables Hunter Killer de la flotte sous-marine US.

C’est précisément pour reprendre une avance opérationnelle et technologique très nette, dans ce domaine, que l’US Navy avait lancé, en 2014, les travaux préliminaires pour la conception d’une nouvelle classe baptisée SSN(x).

Devant entrer en service à partir de 2034, ces sous-marins doivent être dotés de performances et d’une discrétion accrues en comparaison des Virginia, pour engager les sous-marins et les navires adverses, alors que les Virginia et leurs Payload Modules, armés de missiles de croisière et hypersoniques, auront la charge de mener les frappes vers la terre.

Quoi qu’il en soit, le programme SSN(x) est désormais repoussé au-delà de 2040, dans la planification de l’US Navy, tant pour économiser les crédits immédiats de R&D, par ailleurs employés, que pour donner une planification plus stable aux chantiers navals américains, qui vont devoir passer, dans les années à venir, à plus de 3,5 sous-marins par an, soit 1 SSBN classe Columbia, deux SSN Virginia pour l’US Navy, et 0,5 SSN Virginia, pour l’Australie.

Et pour cause, le prix d’un SSN(x), aujourd’hui, est estimé à 7,2 Md$, soit deux fois le prix d’un Virginia Bloc IV. Alors que l’US Navy fait reposer toute sa stratégie dissuasive vis-à-vis de la Marine chinoise, sur sa flotte de SNA, se tourner vers le SSN(x), alors que les Virginia auront encore une importante plus-value sur les sous-marins chinois pour de nombreuses années, n’aurait, évidemment, aucun sens, alors qu’il faut privilégier, de manière évidente, la masse.

Le programme DDG(x) retardé et menacé d’annulation

Devant initialement entrer en service à la fin de la décennie 2020, le programme de nouveaux destroyers DDG(x) de l’US Navy, avait déjà, ces dernières années, subi plusieurs reports, de sorte qu’aujourd’hui, la construction du premier navire ne doit pas débuter avant 2032, pour une entrée en service à la fin de la décennie, soit avec 10 ans de retard.

Programme DDG(x) US Navy vue d'artiste
Les DDG(x) sont 50 % plus chers que les Burke, mais emporte le meme nombre de silos verticaux, soit 96.

Là encore, la décision reposait sur des questions d’optimisation de l’outil industriel, qui doit produire 1,5, voire deux nouveaux destroyers Arleigh Burke Block III par an, dans les années à venir, un navire parfaitement à niveau pour efficacement escorter les capital ships, porte-avions et navires amphibies, de l’US Navy.

Comme pour les SSN(x), des questions budgétaires s’imposent également, le DDG(x) s’avérant, aux dernières estimations, presque 50 % plus cher que les Arleigh Burke Flight III, à 3,4 Md$ l’unité, pour un nombre identique de silos de missile.

Toutefois, un récent rapport du CBO, l’organisme d’audit du Congrès, s’est montré particulièrement critique sur le pilotage de ce programme, et plus particulièrement, sur le fait que comme Zumwalt et LCS, celui-ci semble construit autour de technologies sans maturité suffisante, comme les armes à énergie dirigée.

De fait, une épée de Damoclès pèse à présent au-dessus de ce programme, qui pourrait bien, comme nous l’avions titré il y a quelques jours, subir le même destin que le programme CG(x) des années 2000, censé remplacer les croiseurs Ticonderoga, et abandonné avant même d’avoir vécu.

Le financement du chasseur F/A-XX étalé dans sans les années à venir

Il y a un peu plus d’un an, l’US Navy avait reconnu qu’il lui serait impossible, dans les perspectives budgétaires existantes, de mener simultanément ses trois grands programmes SSN(x), DDG(x) et F/A-XX, sachant que les programmes de sous-marins nucléaires balistiques SSBN de la classe Columbia, les porte-avions de la classe Ford, et les frégates FFG(x) de la classe Constellation, étaient, quant à eux, déjà lancés.

F/A-Xx US navy
Bien qu’ayant reçu la priorité par l’US Navy, le programme F/A-XX a été privé de 1 Md$, sur les 1,5 md$ initialement prevus, dans le budget 2025.

Elle avait, alors, donné la priorité au programme F/A-XX, également nommé Next-Generation Air Dominance, ou NGAD, bien qu’il soit sans lien avec le programme NGAD de l’US Air Force.

Le nouveau chasseur embarqué à bord des porte-avions de l’US Navy, devait remplacer les F/A-18 E/F Super Hornet, à partir du milieu des années 2030, alors que l’US Navy avait annoncé la fin des livraisons de Super Hornet pour 2027.

De fait, l’avenir du F/A-XX semblait, pour ainsi dire, sanctuarisé. Pourtant, bien qu’aucun report n’ait été rendu publique, comme c’est le cas de SSN(x) et DDG(x), le programme a vu, dans le cadre de la préparation du budget 2025, sa ligne de crédits passer des 1,5 Md$ prévus, à seulement 500 m$.

Il s’agit, selon l’US Navy, de financer certaines urgences immédiates, sans toutefois remettre en question la trajectoire du programme. Cependant, la décision a immédiatement fait réagir les trois grands acteurs aéronautiques américains, Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman, tous trois engagés dans la compétition pour developper le futur chasseur embarqué américain, s’inquiétant des conséquences d’un tel report sur leur activité, mais également sur la planification du programme, lui-même.

Presque tous les programmes majeurs touchés par des délais moyens de 2 ans

Ces reports et délais s’inscrivent, par ailleurs, dans un contexte particulièrement difficile pour l’US Navy, et pour l’ensemble de l’industrie navale de défense américaine. En effet, un rapport ordonné par le Secrétaire à la Navy, Carlos del Toro, a été rendu public en mai dernier, avec un constat pour le moins préoccupant dans ce domaine.

Arleigh Burke destroyer
Outre le remplacement des croiseurs Ticonderoga, l’US Navy va devoir remplacer les 20 premiers Arleigh Burke Flight I entrés en service il y a 30 ans, à partir de 2027.

Il apparait de l’étude des programmes en cours de la construction navale US, que ces programmes affichent un retard moyen de deux ans, là où, précisément, l’US Navy est engagée dans une course contre-la-montre capacitaire contre la Marine chinoise, avec une échéance particulièrement proche, fixée à 2027.

Plus exactement, les sous-marins SSN Virginia block IV affichent, en moyenne, 36 mois de retard, les Block V, qui n’entreront en production que d’ici à 2 ans, déjà 24 mois. Les très stratégiques SSBN classe Columbia, quant à eux, ont déjà plus d’un an de retard, obligeant l’US Navy à prévoir le difficile prolongement de certains de ses SSBN classe Ohio, pour assurer la permanence de la dissuasion US.

Dans le domaine des navires de surface, les destroyers Arleigh Burke et les navires d’assaut classe America et San Antonio, se déroulent sans retard. Ce n’est pas le cas, en revanche, des porte-avions de la classe Ford, l’USS Enterprise affichant déjà 12 à 16 mois de retard.

Mais c’est incontestablement les frégates de la classe Constellation, un programme initialement conçu pour redonner rapidement de la masse à l’US Navy, qui affiche le retard le plus inquiétant, avec une entrée en service prévue dorénavant pour 2027, avec trois ans de retard sur le planning initial, alors que le programme a été lancé industriellement en 2021.

L’US Navy au chevet de l’industrie navale US

Ces difficultés successives qui ont amené l’US Navy à prévoir une enveloppe de 2,4 Md$ dans le cadre du budget 2025, pour aider l’industrie navale américaine, à effectuer les évolutions et ajustements nécessaires pour en finir avec ces délais supplémentaires et retards, qui menacent désormais jusqu’au potentiel dissuasif américain dans le Pacifique.

porte-avions nucléaire classe gerald Ford
Même le programme de porte-avions de la classe Ford affiche du retard, alors que les navires de la classe Nimitz à rempalcer ont plus de 45 années de service.

Cette enveloppe doit permettre de financer, en partie, la modernisation des infrastructures industrielles, ainsi qu’à mettre en place de nouvelles filières de formation et de recrutement, les difficultés RH étant identifiées comme l’un des principaux freins à l’augmentation des cadences par les acteurs industriels.

Reste que, comme le montre le dernier audit du GAO, l’équivalent US de la cour des Comptes, les industriels ne sont pas seuls en cause, pour expliquer les difficultés rencontrées par la construction navale militaire américaine aujourd’hui.

En effet, l’US Navy tient, elle aussi, une grande part de responsabilité à ce sujet, comme le montre les dérives observées au sujet du programme de frégates Constellation, qui n’ont plus que 15 % des composants des FREMM classe Bergamini choisies comme base de travail pour ce programme.

Conclusion

De fait, les 2,4 Md$ qui seront injectés par l’US Navy pour la modernisation des sites industriels navals américains, en 2025, ne porteront leurs fruits que si, dans le même temps, la Marine américaine rompt, elle aussi, avec 30 années de dérives en matière de programmation comme de conduite de programme, ayant entrainé les échecs successifs des programmes Seawolf, Zumwalt, CG(x) et LCS.

Des programmes qui ont absorbé, à eux trois, l’équivalent budgétaire de 20 sous-marins classe Virginia, de 30 destroyers Arleigh Burke, de 60 frégates classe Constellation, et même de six porte-avions nucléaires classe Ford, ou un subtil équilibre entre ces navires, soit, probablement, la flotte qui, aujourd’hui, fait défaut à l’US Navy, pour pleinement dissuader la Marine chinoise d’une action offensive contre Taïwan.

La Chine développerait un char moyen de nouvelle génération sans équivalent en occident

Ces dernières semaines, l’actualité du char de combat, allant du char léger au char lourd, avec le retour du char moyen, a été particulièrement riche, avec le lancement du développement du M1E3 Abrams américain, les avancées réalisées concernant le programme MGCS européen, ou encore les détails donnés autour du Leopard 2AX de KNDS.

Celle-ci fait naturellement écho au rôle déterminant que joue le char de combat dans la guerre en Ukraine, avec parfois des constats sévères sur certaines certitudes qui avaient cours jusqu’ici en occident.

De fait, face aux déboires rencontrés en Ukraine par le M1A1 américains, les Challenger 2 britanniques, et dans, une moindre mesure, les Leopard 2 allemands, les nouveaux programmes occidentaux, comme le M1E3, le MGCS et même le T-14 russe, visent tous une masse au combat plus réduite, de l’ordre de 50 à 55 tonnes, plutôt que 65 à 70 tonnes.

La Chine n’était pas, jusqu’ici, en pointe, dans le domaine du char de combat. Ainsi, bien que jugé très capable et performant, le Type 99A, son char le plus performant et le plus moderne, n’a été produit qu’à 600 exemplaires. L’état-major chinois donnait, en effet, la priorité aux forces aériennes et navales, en matière de modernisation.

Entré en service en 2011 et parfaitement moderne, on aurait pu penser que ce char aurait représenté le pilier de la réponse chinoise dans ce domaine, pour plusieurs décennies, sous couvert d’améliorations continues. C’est pourtant un char très différent, et, en de nombreux points, sans équivalent en occident, qui a récemment été photographié aux couleurs de l’Armée Populaire de Libération.

Type 96, Type 99A et Type 15 : les chars de l’Armée Populaire de Libération ont beaucoup progressé ces dernières décennies

Si la composante terrestre de l’Armée Populaire de Libération demeure la plus volumineuse armée de la planète, avec un million de soldats d’active, son parc de chars de combat peut sembler, quant à lui, relativement modeste.

char de combat Type 96
Si le Type 99A est le char chinois le plus moderne, c’est le Type 96 qui constitue la colonne vertebrale de son parc de chars lourds.

En effet, celui-ci se compose, aujourd’hui, de 4 500 chars de combat, parmi lesquels 600 Type 99A, la version la plus moderne, d’une masse au combat de 55 tonnes, armée d’un canon de 125 mm, et équipée, semble-t-il, d’un système de défense soft-kill. S’y ajoutent 600 Type 99, qui le précèdent, d’une masse de 51 tonnes, disposant d’un armement similaire, mais d’une électronique embarquée moins évoluée.

Le gros du parc chinois est constitué de 2500 chars moyens Type 96, un blindé conçu dans les années 90, d’une masse au combat allant de 40 à 45 tonnes, et d’une génération comparable à celle des T-72 soviétique, bien que très différent dans l’aspect. Armé d’un tube de 125 mm, ce char sert de base au VT4, le modèle d’exportation proposé par Pékin.

Depuis 2018, l’APL s’est également doté de 500 chars légers Type 15, un blindé de 33 à 36 tonnes au combat, armé d’un canon de 105 mm, spécialement conçu pour les missions de reconnaissance armée, mais aussi pour opérer sur les terrains difficiles impraticables par des chars plus lourds, comme sur les plateaux du Ladakh indien, ou dans les espaces subtropicaux, de la Mer de Chine du Sud.

Enfin, les armées chinoises disposent d’un millier de chars beaucoup plus anciens, comme les Type-88 et Type-79, faisant office de réserve, mais destinés à être progressivement remplacés.

chr léger Type 15 APL
Le char léger Type 15 a été spécialement conçu pour opérer sur les hauts plateaux himalayens le long de la ligne de frontière avec l’Inde.

Jusqu’à présent, donc, la flotte de chars chinois, n’était pas très différente, dans sa constitution, comme dans son évolution, des flottes russes ou occidentales, avec notamment une augmentation sensible de la masse, de la protection, de la létalité et donc, du prix, au fil des nouvelles versions.

Le cliché publié il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux chinois, montrant un char de combat d’une conception en profonde rupture avec ces paradigmes, pourrait cependant indiquer que l’Armée Populaire de Libération, aurait pris une trajectoire beaucoup plus radicale, concernant les paradigmes appliqués à la conception de son nouveau char de bataille.

Un nouveau char moyen apparu sur les réseaux sociaux chinois

Pour l’heure, en dehors de ce cliché et des informations relayées sur les réseaux sociaux chinois, les données le concernant sont très limitées. Il est vrai que depuis 2019, Pékin se montre particulièrement attentif quant aux informations sur ses capacités industrielles défense et leur production, ce qui tend à créer un épais voile d’opacité autour de ses programmes militaires.

Quoi qu’il en soit, selon ces informations, ce nouveau char aurait une masse au combat de l’ordre de 35 tonnes, comme le Type 15. Il serait, également, armé d’un canon de 105 mm, comme le char léger chinois. Pourtant, il ne s’agirait pas d’un nouveau char léger, mais d’un char moyen, destiné à opérer en première ligne dans les combats de haute intensité.

Char Type-23-chine-apl
Une autre photo du nouveau char moyen observé en Chine.

Pour cela, il semble que les inégénieurs chinois soient partis d’une analyse comparable à celle publiée en décembre 2020 sur ce site, dans l’article « Les paradigmes du char de combat moderne sont-ils obsolètes ?« .

L’article préconisait, de manière synthétique, de s’appuyer sur une plus grande mobilité, les performances d’un système APS hard kill / soft kill, sur un armement principal plus léger complété par des missiles antichars et antiaériens, et sur un tourelleau téléopéré, pour obtenir, au final, les mêmes performances et survivabilité qu’un char lourd moderne, mais pour un prix beaucoup plus faible.

Ce sont précisément les paradigmes qui semblent avoir présidé à la conception de ce nouveau char moyen chinois, équipé d’un puissant APS pour assurer sa protection, d’une grande mobilité pour renforcer sa protection et sa létalité, et d’un armement complémentaire composé d’un canon de 105 mm pour engager les blindés moins protégés, de missiles antichars contre les chars lourds, et d’un RWS pour la protection rapprochée, notamment contre les drones.

Un profond changement de paradigmes sur la conception même de la fonction char de combat, adaptée au théâtre Indo-Pacifique

Contrairement aux chars M1E3, KF51 ou MGCS occidentaux, le nouveau char chinois ne s’appuie pas sur l’intégration linéaire des évolutions technologiques les plus récentes, notamment dans le domaine de l’automatisation et des nouveaux systèmes de détection, pour produire une version allégée, donc plus mobile, du Type 99A.

Il s’agit bien au contraire, d’une évolution profonde des paradigmes même du char de combat, avec une projection, à moyen termes, d’un usage relativement différent de ce que pourront faire les évolutions occidentales, ou même le T-14 Armata russe.

M1E3 US Army GDLS AbramsX
Le M1E3 américain pourrait être lourdement influecné par le démonstrateur AbramsX de GDLS.

Il semble, par exemple, que l’équipage du blindé ait été ramené à seulement deux personnes, un pilote et un commandant, rassemblés dans une cellule de survie au cœur du blindé, la tourelle étant, quant à elle, entièrement robotisée. Ceci laisse supposer qu’une grande partie de la charge de travail sera déléguée à des systèmes automatisés, mais aussi que le blindé ne sera pas conçu pour opérer dans la durée dans une zone de combat de haute intensité, ce qui serait trop éprouvant pour l’équipage.

Au contraire, il semble conçu pour des missions frappes à longue portée, grâce à ses missiles, et des tactiques de type Shoot&Scout, plutôt que de subir le feu adverse. Cette doctrine d’emploi, basée sur la mobilité, parait, en effet, adaptée aux engagements auxquels l’APL peut être exposée, que ce soit dans la chaine himalayenne, face à l’Inde, ou dans un environnement subtropical, radicalement différent, en Mer de Chine du Sud, autour de Taïwan, ou le long de la seconde chaine d’iles qui le bloque l’accès au Pacifique Sud et à l’Ocean indien.

Démonstrateur, prototype ou char de pré-série ?

Reste que, pour l’heure, le faible nombre d’informations attestées au sujet de ce nouveau char, ne donne qu’une idée superficielle de sa fonction potentielle à venir, au sein de l’APL, notamment sa place exacte, dans le parc de chars chinois, entre le Type 15 et le Type 99A.

Surtout, il est impossible, aujourd’hui, de déterminer avec exactitude, si le modèle observé constitue un char de pré-série, destiné à prochainement rejoindre les unités d’active de l’APL, ou le prototype d’un programme toujours en développement.

Char moyen Type 22 chine
Dernier cliché actuellement disposnible concernant ce nouveau char moyen si original chinois.

Il peut même s’agir d’un démonstrateur technologique, comme il y en a de plus en plus en Chine, ce qui parfois induit des analyses précipitées quant à l’évolution des moyens de l’APL. Ce fut, notamment, le cas concernant l’observation d’un démonstrateur de corvette furtive ou des démonstrateurs de nombreux drones, voire de la plateforme expérimentale de porte-drones, qui n’a aucune capacité opérationnelle réelle.

Conclusion

Il faudra donc se montrer encore patient avant d’avoir une quelconque certitude concernant l’évolution du parc de chars chinois, et plus spécifiquement, pour ce qui concerne l’avenir de ce char moyen aux caractéristiques en rupture avec la trajectoire suivie par ailleurs, en occident comme en Russie.

Rien ne permet, en effet, d’assurer que ce modèle entrera bien en service au sein de l’APL, et encore moins qu’il viendra remplacer les chars lourds actuellement en service, même les modèles les plus anciens, proches en termes de masse.

Cela dit, il convient, aussi, de remarquer que la Chine a produit un nouveau modèle de char de combat sur chaque décennie depuis les années 70. Il est donc très probable qu’un nouveau modèle entrera en service sur la décennie en cours, d’autant que le Type 99A est entré en service au tout début des années 2010 (2011), comme le Type 99 qui le précédait, en 2001.

De fait, on peut effectivement s’attendre à ce qu’un nouveau char, baptisé Type 23 ou Type 24, c’est-à-dire conçu en 2023 ou 2024, apparaisse dans les années à venir au sein de l’APL. Dans ce contexte, il est, en effet, possible que ce char moyen aux paradigmes révolutionnaires, constitue les prémices de ce nouveau char à venir des armées chinoises. À suivre donc…

La Marine finlandaise lance un appel d’offre taillé pour le Caesar français

On aurait pu croire l’artillerie côtière tombée en désuétude, avec l’arrivée des batteries de missiles antinavires. Pourtant, la Marine finlandaise met toujours en œuvre, à ce jour, une quinzaine de batteries sous casemate 130 53 TK de 130 mm. Entrées en service en 1984, chacune d’elles couvre 60 à 80 km de côtes en mer Baltique, à l’aide de son canon de 130 mm capable de tirer des obus à poussée additionnée jusqu’à 40 km.

Bien que lourdement durcies, ces batteries côtières souffrent, aujourd’hui, de l’arrivée des armes de précision et des drones, en faisant des cibles toutes trouvées pour des frappes préventives.

C’est la raison pour laquelle la Marine finlandaise a lancé un appel d’offre, privilégiant cette fois la mobilité, mais aussi la précision, et le cout d’acquisition, pour remplacer ses canons fixes, un cahier des charges parfaitement taillé pour le Caesar français.

La Finlande, une des forces armées les plus massives en Europe.

Avec la Grèce, la Finlande a été l’un des très rares pays européens à avoir maintenu une conscription active après la guerre froide. Ce faisant, le pays de seulement 5,5 m d’habitants, qui partage une frontière de 1340 km avec la Russie, dispose aujourd’hui, paradoxalement, d’une des plus imposantes forces armées mobilisables du vieux continent.

F-35A F/A-18 finlande
La Finlande a commandé 64 F-35A pour remplacer ses F/A-18 Hornet, ce qui en fait la plus importante flotte européenne de Lighning II planifiée à ce jour.

Les forces armées finlandaises alignent, en effet, autour de 30 000 personnels d’active, dont les deux tiers formés par des conscrits, mais également, en permanence, 20 000 réservistes effectuant leurs périodes de « rafraichissement » des compétences. En temps de guerre, ce nombre passe 250 000, dont 180 000 pour les forces terrestres, 38 000 pour les forces aériennes, et 32 000 pour la Marine, soit autant que les armées françaises, pour un pays 12 fois moins peuplé.

Bien qu’ayant rejoint l’OTAN il y a, maintenant, un peu plus d’un an, Helsinki, pas davantage que son voisin suédois, n’entend pas s’en remettre à l’alliance pour assurer la défense de son territoire.

Les autorités finlandaises ont, ainsi, annoncé, ces dernières années, un important effort budgétaire pour moderniser ses armées, avec, par exemple, l’acquisition de 64 F-35A, soit la plus importante flotte commandée à ce jour par un pays européen, concernant l’avion américain, mais aussi de 96 canons automoteurs K-9 Thunder sud-coréens, 130 APC Patria 6×6 finlandais supplémentaires, ainsi que huit batteries NASAMS norvégiennes et un nombre indéterminé de batteries David Sling israéliennes.

Comme ses voisins scandinaves, la Finlande est prête à produire les efforts financiers nécessaires, avec 2,4 % de PIB soit 6,4 Md€ en 2024, pour moderniser ses forces, alors que le pays est, à l’instar des Baltes, en première ligne face à la Russie, dont elle partage la plus grande frontière européenne, en dehors de l’Ukraine.

Et cela pourrait encore augmenter. En effet, selon Timo Kivinen, le chef d’état-major des armées finlandaises, le seuil des 2 % fixé par l’OTAN, n’est pas suffisant pour dissuader efficacement al Russie aujourd’hui.

La Marine finlandaise veut renouveler ses batteries côtières

Parmi les priorités du moment de l’état-major finlandais, figure le remplacement des batteries côtières sous casemate 130 53 TK, qui sont déployées le long des 1100 km de cotes linéaires finlandaises.

Marine finlandaise batterie côtière 130 53 TK
Les cotes finlandaises sont protégées par 15 batteries cotières de 130 mm 130 53 TK, entrées en service au milieu des années 80.

En effet, ces 15 batteries de 16 tonnes, armées par 3 sergents et 7 conscrits chacune, doivent, non seulement, couvrir le littoral finlandais, mais aussi, les nombreuses iles et ilots lui appartenant, représentant, ensemble, plus de 46 000 km de côtes.

Toutefois, si le manque de précision des systèmes d’artillerie navale et de frappe aérienne, permettait de s’en remettre à des canons d’artillerie en casemate durcie en 1984, lorsqu’ils furent installés, l’arrivée des munitions de précision, de plus en plus intensément employées par les armées russes en Ukraine, rend ces systèmes particulièrement vulnérables, y compris pour des frappes de première intention.

C’est la raison pour laquelle la Marine finlandaise a lancé un appel d’offre, pour le remplacement des 130 53 TK, par douze à vingt systèmes plus modernes, et surtout mieux adaptés à la réalité de la menace aujourd’hui.

Mobilité, précision et couts maitrisés : un appel d’offres taillé pour le canon Caesar français

Comme on pouvait l’anticiper, l’appel d’offre finlandais met en avant les qualités de mobilité du système d’artillerie qui remplacera le 130 53 TK. L’objectif, évident, sera de priver l’adversaire du potentiel de frappes préventives, et donc de maintenir, dans la durée, une capacité de défense côtière, pour contrer les actions navales et aéro-amphibies potentielles de l’adversaire.

caesar ukraine
Mobile, précis et peu oénreux, le Caesar a toutes les qualités pour séduire la Marine finlandaise.

D’un calibre de 155 mm, le nouveau système devra être en mesure d’engager aussi bien des cibles navales que terrestres, ce qui suppose une grande précision dans le tir, et une capacité de Shoot-and-Scout, pour éviter les tirs de contrebatteries et les drones adverses. Enfin, l’état-major naval finlandais insiste sur le prix du système, qui déterminera le nombre de batteries qui pourront être financées.

Il apparait que ce cahier des charges est taillé pour le système de CAnon Equipé d’un Systeme d’ARtillerie, ou CAESAR, du français KNDS-France. En effet, le Caesar Mk2, qui entrera bientôt en service dans les Armées de terre françaises, belges ou encore, Lituaniennes, coche à merveille l’ensemble des cases, qu’il s’agisse de sa mobilité, de ses performances ou de sa précision.

Par nature léger et mobile, le Caesar mk II se révèlera, en outre, particulièrement à l’aise sur le littoral finlandais, qui dispose d’un réseau routier très dense, permettant des déplacements rapides et sur des distances importantes, à ce camion de seulement 25 tonnes monté sur un châssis 6×6 capable de dépasser les 90 km/h sur route.

Surtout, le Caesar est particulièrement économique, à l’achat comme à la mise en œuvre, avec un prix unitaire public de l’ordre de 5 à 6 m€, soit deux à trois fois moins cher que les autres systèmes d’artillerie mobile du moment, comme le RCH-155 allemand, l’Archer suédois, ou le K-9 Thunder sud-coréen, déjà en service dans les armées finlandaises.

Enfin, le Caesar Mk2 mettra en œuvre l’obus Katana, une munition de précision métrique à guidage GPS/Inertiel et Laser, capable d’atteindre des cibles à 65 km, en faisant un atout précieux pour engager les cibles navales qui pénétreraient le périmètre de défense finlandais.

Un contrat à fort potentiel pour la seconde artillerie du continent européen

Si la Marine finlandaise constitue déjà un client potentiel de taille, pour un constructeur d’équipements d’artillerie comme KNDS, cet appel d’offre est également l’occasion de séduire l’Armée de terre finlandaise, qui aligne la seconde puissance de feu d’artillerie en Europe, après la Grèce.

K9 Thunder Finlande
L’Armée de terre finlandaise dispose de la seconde puissance de feu européenne en matière d’artillerie, avec une centaine de canons automoteurs comme le K-9, et près de 500 canons tractés de 155 et 122 mm.

En effet, l’artillerie finlandaise est particulièrement dense, avec 96 canons automoteurs K9 et 122 PSH 74 (le premier remplaçant progressivement le second), 76 lance-roquettes multiples autotractés M270 et 122 RAKH, et surtout près de 500 canons tractés 155 K 98/83 et 122 H 89/63, armant les 18 bataillons d’artillerie du pays.

Or, l’état-major finlandais n’aura pas manqué de constater, comme c’est le cas des États-Unis, la trop grande vulnérabilité de ces systèmes dans un engagement moderne, face à la précision et aux délais réduits de tirs de contrebatterie, et à la menace que représentent les drones et autres munitions rôdeuses.

De fait, l’industriel qui parviendra à séduire la Marine finlandaise, prendra certainement une longueur d’avance dans l’inévitable remplacement des canons tractés de l’Armée de terre, en permettant à ses artilleurs, d’évaluer directement les performances du système retenu.

Un puissant bras de fer face à l’Atmos 2000 israélien et à l’Archer 2 suédois

Bien évidemment, cette perspective n’échappera pas aux autres industriels susceptibles de répondre, eux aussi, à cette demande. Il s’agit, en particulier, du suédois BAE Systems Bofors avec le système Archer, et de l’israélien Elbit, avec l’ATMOS 2000.

Le premier pourra faire valoir l’harmonisation des moyens sur un unique théâtre, et l’adaptation de l’Archer, conçu pour l’armée suédoise, aux conditions arctiques que connaissent les deux pays en hiver. En revanche, celui-ci est beaucoup plus lourd que le Caesar Mk2, 38 tonnes contre 18 tonnes, et sensiblement plus onéreux que le système français, 12 m€ contre 6.

Atmos 2000 ELbit israel
L’ATMOS 2000 de l’israléien Elbit est aujourd’hui le plus sérieux concurrent du Caesar français, dont il reprend l’aspect et la doctrine.

Le second concurrent majeur du Caesar, ici, sera probablement l’Atmos 2000 de l’israélien Elbit. Très proche dans la conception et les capacités avancées du système français, le canon 6×6 israélien a, d’ailleurs, récemment fait de l’ombre au Caesar français, en s’imposant au Danemark et au Brésil.

En outre, Helsinki a, il y a peu, fait le choix de s’équiper sur système antiaérien à longue portée David Sling israélien, face au SAMP-T franco-italien, ce qui indique que les autorités finlandaises ne sont guère sensibles aux arguments de préférence européenne, lorsqu’il s’agit d’équipements de défense.

Il faudra donc à KNDS-France se montrer particulièrement incisif et pro-actif, pour s’imposer dans cette compétition qu’il ne faut, en revanche, rater sous aucun prétexte. Reste à voir si les arguments qui seront avancés par Paris et la BITD-Terre française, sauront effectivement convaincre la Marine finlandaise ?

Mise à jour du 19/06/24 : Le Caesar MkII favori en Finlande

Un mois après la publication de cet article du 10 juin 2024, des sources internes ont indiqué que le Caesar MkII était bel et bien évalué par la Marine finlandaise, et qu’il serait, d’ailleurs, l’option privilégiée par l’état-major.

Le programme DDG(x) de l’US Navy va-t-il suivre la même trajectoire que les CG(x) et Zumwalt ?

Le nouveau destroyer américain du programme DDG(x) verra-t-il le jour ? Le moins que l’on puisse dire, aujourd’hui, c’est que la composante surface combattante de l’US Navy, traverse une zone de tempête. Il y a quelques jours, son programme phare du moment, le programme de frégates FFG(x) de la classe Constellation, était sous un déluge de critiques de la part du GAO, l’organisme d’audit des comptes publiques US, pour une gestion hasardeuse.

Les trois grands programmes précédents connurent, eux aussi, des destins funestes. Il y eut, d’abord, le programme CG(x), qui devait remplacer les croiseurs classe Ticonderoga, abandonné après 5 ans en 2011, avant que le premier navire ne soit construit.

Puis le programme de destroyers lourds classe Zumwalt, ramené en seulement 3 exemplaires livrés entre 2016 et 2024, contre 32 prévus, après des difficultés technologiques importantes et une explosion des couts. Enfin, le désastreux programme LCS, produit à 38 exemplaires en deux versions, dont l’US Navy n’a de cesse que de s’en séparer, inadaptées que sont ses pseudo-corvettes, aux besoins de la guerre navale moderne.

De fait, depuis la conception initiale des destroyers de la classe Arleigh Burke, dans les années 80, aucun des programmes de croiseurs, destroyers, frégates ou corvettes, américain, ne s’est déroulé comme prévu, et tous ont rencontré des difficultés colossales entrainant l’explosion des couts et, lorsque menés à leur terme, des capacités inférieures à celles envisagées.

Et la série noire pourrait bien continuer. En effet, selon Mark Cancian, un spécialiste de la Marine américaine du think tank CSIS, le nouveau programme de destroyers de l’US Navy, DDG(x), qui doit prendre le relais des Arleigh Burke à partir de la fin de la décennie, pourrait bien, lui aussi, connaitre le même destin que CG(x), et être annulé prochainement, alors que ses couts prévisionnels ont explosé, et que l’US Navy donne aujourd’hui la priorité aux sous-marins face à la Chine.

Genèse et objectifs du programme DDG(x) de l’US Navy

Lorsqu’en 2010, l’US Navy s’est retrouvée privée de remplaçant pour ses croiseurs de la classe Ticonderoga, après l’annulation du programme CG(x), et pour ses Arleigh Burke les plus anciens, avec l’arrêt du programme Zumwalt, celle-ci décida de fusionner les deux besoins dans un programme baptisé Large Surface Combattant.

US Navy classe Ticonderoga
Le remplacement des croiseurs de la classe Ticonderoga devait initialement être assuré par le programme CG(x)

Celui-ci devait permettre de recapitaliser la flotte de surface combattante américaine à partir de la fin de la décennie 20, sur la base d’un destroyer plus lourd que les Burke, mais moins onéreux que les Zumwalt.

En 2021, ce programme se transforma en DDG(x), avec l’objectif de remplacer les 22 Ticonderoga et les 28 Arleigh Burke Flight I, à partir de 2028 ou 2029. Selon l’étude initiale, le navire dépasserait les 13 000 tonnes, ce qui en ferait le plus imposant navire de surface combattant après les Kirov russes, au moins aussi imposant que les Type 055 chinois.

Son armement, quant à lui, serait analogue à celui des Arleigh Burke Flight III actuellement en production, avec un canon de 5 pouces (127 mm), 3 blocs de 4 systèmes Mk41 pour 96 silos de lancement verticaux de missiles, deux systèmes CIWS SeaRam à 21 missiles chacun, et deux tubes triples Mk32 pour torpilles de 324 mm.

Comme les Burke Flight III, ses senseurs reposeraient sur le nouveau radar AN/SPY-6 pour la détection aérienne, le radar de surface An/SPQ-9B et le radar de tir AN/SPG-62, le tout intégré à une nouvelle évolution du système AEGIS.

Les différences avec les destroyers américains actuels sont à chercher sous le pont, avec notamment un système de propulsion électrique intégrée, comme celui des Zumwalt, offrant une plus grande autonomie à la mer, et surtout, permettant, à l’avenir, d’embarquer des nouveaux systèmes très énergivores, qu’il s’agisse de capacités de traitement informatique supplémentaires, ou d’armes à énergie dirigée, laser à haute énergie ou canon à micro-onde.

Explosion des couts prévisionnels et immaturité des technologies de rupture

Ainsi présenté, le programme DDG(x) apparaissait comme raisonnable, tout comme devait l’être son cout de production, de l’ordre de 2,4 Md$ l’unité, comparable à celui des Arleigh Burke.

Il devait permettre une transition souple de la génération actuelle des navires de combat de surface, vers la prochaine, dans laquelle la puissance de traitement, les équipements de détection, et l’ensemble de la chaine énergétique, s’avèreront plus déterminants, que le nombre brut de missiles embarqués en silo. Et puis, le CBO, l’organe d’audit du Congrès, est passé par là…

CGI classe Constellation US Navy
Le programme de frégates de l’US Navy de la classe Constellation, rencontre lui aussi de forts vents contraires.

Et ses conclusions ont été particulièrement préoccupantes. En effet, le nouveau destroyer américain, ne coutera pas 2,2 à 2,4 Md$, comme anticipés jusqu’ici, mais 1 Md$ de plus, ce sans compter les évolutions qui ne manqueront pas d’être demandées au fil du temps par l’US Navy, et qui interviendront d’ici à ce que la première unité entre en service.

Qui plus est, comme ce fut le cas pour les destroyers de la classe Zumwalt, mais aussi pour les LCS Freedom et Independance, l’architecture imaginée pour le DDG(x), est entièrement organisée autour d’une nouvelle technologie, les armes à énergie dirigée, particulièrement gourmande en énergie électrique.

Or, ces systèmes, qu’il s’agisse des lasers à haute énergie, ou des canons à micro-ondes, sont encore loin d’avoir atteint la maturité technologique suffisante, pour engager la conception d’une classe de destroyers aussi onéreux, avec comme principale contrainte, leur mise en œuvre.

L’US Navy donne la priorité à sa flotte de sous-marins nucléaires face à la Chine

Plus chers et plus risqués qu’envisagés jusqu’ici, les futurs DDG(x) voyaient déjà les nuages s’amonceler au-dessus de l’avenir du programme. Mais c’est un troisième facteur, probablement encore plus déterminant, qui pourrait bien sceller son avenir, dans les mois à venir.

Sous-marin classe virginia US Navy
L’US Navy parie sur sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque pour prendre l’avantage sur la Marine chinoise, le cas échéant.

En effet, l’ensemble des efforts de l’US Navy porte, aujourd’hui, sur la possible confrontation à venir avec la Marine et les forces aériennes chinoises. Dans ce domaine, les navires de surface, aussi bien armés qu’ils puissent être imaginés, resteront des cibles majeures pour les missiles chinois, dès qu’ils pénètreront, dans un périmètre de 1500 à 2000 nautiques, des côtes de Taiwan.

Pour relever ce défi, et éliminer ces missiles chinois, permettant aux destroyers et frégates américains, de se rapprocher de Taïwan, et avec eux, aux navires de transport, qu’ils soient chargés de denrées, d’armement, voire de troupes, d’accoster sur l’ile, l’US Navy parie sur ses sous-marins nucléaires d’attaque, et sur ses porte-avions, c’est-à-dire, ses navires ayant la possibilité de projeter de la puissance dans cette zone de déni d’accès.

En d’autres termes, aujourd’hui, l’extension de la flotte de surface combattante américaine, n’est pas du tout la priorité de l’US Navy, et celle-ci se satisferait très bien de quelques Burke Flight III et Constellation supplémentaire livrés pour remplacer les Ticonderoga et les Burke Flight I, dans les années à venir. Surtout si DDG(x) s’avérait couter le prix d’un SSN classe Virginia.

Un profond problème qui réside tant au sein de l’US Navy que de l’industrie navale américaine

Reste qu’arriver à un prix de 3,5 Md$ pour un destroyer produit en grande série, ou de plus de 1 Md€ pour une frégate spécialisée dans la lutte anti-sous-marine, le tout accompagné de plusieurs années de délais supplémentaires systématiques, révèlent un important problème, touchant l’ensemble de la chaine de conception et de production des unités de surface combattantes de l’US Navy.

Destroyer sejong le grand corée du Sud
Les destroyers sud-coréens de la classe Sejong le Grand, ont couté moins de 1 md$ à Séoul, contre 2,5 Md$ pour les Arleigh Burke de l’US Navy, et 3,5 md$ pour le programme DDG(x), alors que ces trois navires emportent chacun 96 missiles en silos verticaux.

Rappelons ainsi que les destroyers lourds sud-coréens de la classe Sejong le grand, du programme KDX-III, ont couté moins d’un milliard de dollars US à construire, conception incluse, pour un navire de 170 mètres et 10 500 tonnes, emportant, lui aussi, 96 silos verticaux, un 127 mm et deux CIWS, ainsi que huit missiles antinavires SSM-700K.

Les frégates de lutte anti-sous-marins FREMM françaises de la classe Aquitaine, proches en performances et moyens embarqués, des Constellation US, ont, quant à elle, couté à peine plus de 700 m€ l’exemplaire, tout en se révélant particulièrement efficaces dans les missions d’escorte ASM, comme en attestent les récents exercices OTAN.

Il existe, dès lors, un écart démesuré entre les prix et contraintes entourant les programmes navals américains, en particulier dans le domaine des grandes unités de surface combattantes, et le standard qui s’impose dans le reste du monde occidental, ceci venant lourdement altérer la reconstruction de cette flotte de surface, depuis près de deux décennies aujourd’hui.

Face à des difficultés similaires, l’US Army s’est engagée vers les reboot de ses programmes M10, M1E3 et XM30, semblent s’être remise sur une trajectoire plus raisonnable en matière d’exigences capacitaires et technologiques dans ses programmes. L’US Air Force, pour sa part, s’est tournée vers de nouveaux acteurs pour sa flotte de drones, afin de redynamiser la concurrence au sein de l’industrie de Défense américaine.

L’US Navy, elle, semble incapable de reformater son pilotage industriel, en particulier dans le domaine de la flotte de surface combattante, ceci ayant entrainé les échecs des CG(x), Zumwalt, LCS, et les difficultés du programme FFG(x) des frégates Constellation.

Destroyer US navy USS Zumwalt DDG 1000
L’echec du programme Zumwalt est liée à des technologies clés non matures lors du lancement du programme, ayant entrainé des couts et délais supplémentaires.

Le problème a d’ailleurs été particulièrement mis en évidence, au sujet de cette dernière, partie d’un modèle déjà très convaincant, efficace et économique, les FREMM italiennes de la classe Bergamini, dont il ne reste, après être passé dans les mains de l’US Navy, que 15 %, alors que le prix a, lui, augmenté de 50 %, et que les délais de production initiaux ont été multipliés par deux.

Il touche aussi, semble-t-il, l’industrie navale américaine, déconnectée en termes de couts de production, des réalités du marché mondiale. En effet, depuis les frégates de la classe O.H Perry des années 80, et à l’exception peu probante, des frégates MSCM saoudiennes, les États-Unis n’ont plus exporté de navires de surface fabriqués dans le pays. Au mieux, ont-ils permis que certains navires soient adaptés sous licence, comme c’est le cas des Kongo Japonais, dérivés de Burke.

De fait, cette industrie a évolué en autarcie complète ces 20 dernières années, reposant exclusivement sur le marché captif de l’US Navy, pour assurer sa survie et ses gains. Quant à l’US Navy, elle était contrainte de se tourner exclusivement vers ces deux acteurs majeurs que sont Ingalls Shipbuilding et Bath Iron Works, pour ses grands navires, et vers Austral et Marinette Shipbuildings, pour ses LCS.

Rien d’étonnant, dans cette situation, que l’ensemble des capacités de construction de grands navires de surface combattants américaines, ait évolué vers des prix très largement excessifs, des délais bien trop longs, et sur des cahiers des charges parfois déconnectés avec la réalité, entrainant la présente situation.

Ce d’autant que loin de jouer le rôle modérateur qui devrait être le sien, le Congrès américain a, au contraire, ces dernières années, jouer le rôle inverse, en privilégiant des contrats de complaisance politique pour flatter son l’électorat local, au détriment des capacités militaires fédérales.

Frégate classe O.H Perry US navy
Sur les 75 frégates de la classe O.H Perry construites aux Etats-Unis ou sous licence, 37 ont été exportées neuves ou d’iccasion auprès de 9 Marines étrangères.

Paradoxalement, aujourd’hui, c’est la Chine, la Marine chinoise et les deux grands chantiers navals du pays, qui appliquent, avec grand succès, la doctrine qui fut celle des États-Unis lorsqu’elle produisait les croiseurs Virginia et Ticonderoga, les destroyers Spruance, Kidd et Arleigh Burke, ou les frégates Knox et O.H Perry, et exportait avec succès ses destroyers et frégates en Europe, Asie et au Moyen-Orient.

Pékin est ainsi parvenu à exporter ses nouvelles frégates Type 054A auprès de la Thaïlande et du Pakistan, et ses corvettes Type 056A au Bangladesh, au Nigéria et à l’Algérie. Et il ne fait aucun doute que de nouveaux contrats, pour ces navires offrant un excellent rapport performances-prix, viendront dans les années à venir.

De fait, il est probable que le salut, pour l’US Navy et l’industrie navale militaire américaine, ne vient pas d’un budget encore plus important, mais se trouve dans le retour de celle-ci sur la scène internationale, pour redevenir l’acteur majeur, en matière de navires de combat de surface, qu’ils étaient dans les années 50, 60, 70 et 80, avant de s’en détourner au profit du seul marché national.

Ce faisant, elles devront nécessairement revenir à des approches plus concrètes, moins fantasmées, et beaucoup plus économiques, dans la conception et la fabrication des navires qui seront proposés. Une conclusion qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le constat fait par Will Roper, au sujet des dérives de l’industrie aéronautique militaire US, lorsqu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force.

Comprendre l’envoi de Mirage 2000-5 en Ukraine en 7 points

La France enverra donc des Mirage 2000-5 en Ukraine ! C’est désormais devenue une habitude pour le Président français, que de surprendre son auditoire, y compris au sein des états-majors et des industriels, concernant la décision d’envoyer des nouveaux équipements majeurs en Ukraine.

En effet, l’annonce de céder à l’Ukraine une partie de sa flotte de Mirage 2000-5, à l’occasion d’une interview télévisée dans le cadre des commémorations du 6 juin, n’est pas sans rappeler celle qui fut faite, il y a un peu plus de deux ans, concernant les premiers canons Caesar transférés aux armées ukrainiennes, et, six mois plus tard, celle d’envoyer les AMX-10RC sur ce théâtre.

Si les questions sur l’opportunité d’une telle annonce, de sa faisabilité en termes de délais, et de son impact sur les capacités de défense aérienne françaises, peuvent se poser, il n’en demeure pas moins vrai que la décision française d’envoyer ce chasseur, de conception entièrement française, donc européenne, marque également une nouvelle étape dans le soutien apporté par Paris à Kyiv.

Qui plus est, une fois les appareils effectivement opérationnels, pour peu qu’ils soient maintenus et pilotés par des personnels qualifiés, ils pourront apporter certaines plus-values opérationnelles clés aux forces aériennes ukrainiennes face aux VVS, mais aussi ouvrir des pistes stratégiques, quant à leur évolution.

Le Mirage 2000-5, un spécialiste de l’interception et de la supériorité aérienne, toujours très efficace

Il ne fait aucun doute que l’annonce présidentielle aura surpris. D’abord parce qu’il y a quelques jours à peine, la Suède annonçait qu’elle renonçait à envoyer des Gripen en Ukraine, pour favoriser l’homogénéité de la transformation de la flotte de chasse ukrainienne sur F-16, mais aussi dans le choix du Mirage 2000-5, pour rejoindre l’Ukraine.

Mirage 2000-5F EAP Baltic
Deux Mirage 2000-5F effectuent un vol suite à un tango scramble le 21 août 2018 sur la base aérienne d’Ämari en Estonie.

Pénultième version du premier chasseur à commandes de vol électriques français, le -5 est, en effet, un appareil spécialisé dans l’interception et la supériorité aérienne, là où beaucoup, y compris sur ce site, anticipaient davantage l’envoi de Mirage 2000-D d’attaque, coté français.

D’autre part, la vingtaine de ces chasseurs encore en service au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, marque le poids des années, car reposant sur des cellules de -C, livrées dans les années 80, et mises à niveau dans les années 90 vers ce nouveau standard.

Enfin, car, en dépit de leur âge, les Mirage 2000-5F de l’Armée de l’Air et de l’Espace, en admettant que la douzaine de chasseurs qui seront envoyés, sera prélevée sur le parc actif français, continuaient de rendre de nombreux services pour assurer la défense aérienne du territoire, pour faire de même dans les pays baltes, voire pour escorter les Rafale B porteurs du missile nucléaire ASMPA, lors des missions Poker.

Mirage 2000-5 et ASC 890, un couple taillé pour la défense de la profondeur de l’espace aérien ukrainien

Et pour causes ! En effet, le Mirage 2000-5 demeure, aujourd’hui encore, un avion de supériorité aérienne des plus capables, raison pour laquelle, outre la France, des forces aériennes de première ligne, comme la Grèce face aux F-16 turcs, l’Inde face aux F-16 et JF-17 pakistanais, et Taïwan, face aux J-10/11 et 16 chinois, continuent de s’appuyer sur cet appareil.

MIrage 2000-5 MICA forces aériennes héeleniques
Les Mirage 2000-5 des forces aériennes helleniques continuent d’être en premier ligne face aux F-16 turcs en mer Egée.

Contrairement au -9 émirati, le -5 n’est pas multimission. S’il peut, éventuellement, être doté de certaines munitions air-sol ou air-surface, comme le missile SCALP ou Exocet, ce n’est pas le cas des -5F français, qui demeurent exclusivement dédiés à la chasse.

Pour autant, dans cette mission, il s’avère très performant, prenant notamment souvent l’avantage sur les F-16 qui lui sont opposés, à l’entrainement comme au combat. Il faut dire qu’au-delà des performances et du comportement de cet avion parfaitement conçu, le -5 peut s’appuyer sur deux atouts de taille, le radar RDY de Thales, et le missile air-air MICA, lui conférant une grande efficacité dans l’interception à moyenne portée, le fameux Fox 3, mais aussi, grâce à sa manœuvrabilité, à courte portée ou en dogfight.

De fait, pour peu qu’il fonctionne convenablement, et qu’il soit aux mains d’un vrai pilote de défense aérienne, le Mirage 2000-5 peut prendre l’avantage sur tous les appareils actuellement en service au sein des VVS, en dehors du Su-57. Car, si « Il n’y a pas que l’avion, il y a aussi le pilote« , si ce dernier est assis dans un 2000-5, il est certain d’être de taille.

Cette efficacité sera renforcée par l’arrivée des deux avions de veille aérienne avancée ASC 890 promis par la Suède. La coopération entre cet appareil capable de détecter une cible aérienne au-delà de 400 km, et du Mirage 2000-5, capable de voler à plus de Mach 2 à haute altitude, de monter très vite, et d’engager des cibles Fox 3 avec ses MICA, permettra de durcir sensiblement l’interdiction aérienne dans la profondeur du dispositif ukrainien, contre les avions, mais surtout contre les missiles de croisière russes.

ASC 890 forces aériennes suédoises
Le couple qui sera formé par l’ASC 890 suédois et les Mirage 2000-5F en Ukraine permettra d’assurer la protection intérieur de l’espace aérien ukrainien de manière efficace.

On peut d’ailleurs penser qu’il est plus que probable que telle sera la mission de ces deux appareils, tout au moins le temps pour les équipages et équipes au sol, de parfaitement assimiler leurs spécificités, car beaucoup plus performants que ceux actuellement mis en œuvre par les forces aériennes ukrainiennes.

Une fois cette phase d’aguerrissement terminée, rien n’empêchera les -5 ukrainiens de participer à des missions plus proches de la ligne d’engagement, voire d’aller chercher directement des cibles aériennes de valeur, dans l’espace aérien russe, le président Macron n’ayant fixé, à leur utilisation, aucune restriction, si ce n’est d’agir en légitime defense contre des cibles militaires légitimes et menaçantes russes.

Un parc installé de plus d’une centaine de Mirage 2000-5/9 mobilisable par la suite, pour étendre la flotte de chasse ukrainienne.

L’autre atout, et il est de taille, du Mirage 2000-5, est son parc installé à ce jour. Certes, la France n’en aligne plus qu’une vingtaine sur la base aérienne de Luxeuil. Toutefois, au-delà des frontières, ce sont près d’une centaine de ces Mirage 2000-5, et de leur évolution ultime mission, le -9, qui peuvent être adressés par Paris et l’Europe, en cas de besoin.

En effet, La Grèce met en œuvre 24 Mirage 2000-5, le Qatar, 18 appareils, et les Émirats arabes unis, plus d’une soixantaine, en version -9. Or, ces trois pays envisagent de céder leurs Mirage, dans le cadre de la modernisation de leurs forces aériennes, le plus souvent, pour se tourner vers davantage de Rafale.

mirage 2000-9 EAU
Le Mirage 2000-9 est beaucoup plus polyvalent que la version -5F française, spécialisée dans la défense aérienne.

Il n’est évidemment pas question pour Doha ou Abu Dabi, d’offrir leurs chasseurs à Kyiv, n’étant pas partie prenante du conflit Ukrainien, ni pour Athènes, qui a besoin des subsides de la vente de ses 2000, pour financer l’acquisition des six derniers Rafale qu’elle entend acquérir.

Toutefois, entre les recettes supplémentaires fiscales liées à la vente de Rafale de remplacement à ces forces aériennes (les EAU ayant déjà commandé 80 Rafale F4 pour 14 Md€), et l’aide mobilisable au niveau européen, il sera possible, au besoin, de financer tout ou partie de ces acquisitions, pour faire de la flotte de Mirage 2000 ukrainiens, une composante clé des forces aériennes de Kyiv.

Le Mirage 2000-5 ouvre la voie à l’arrivée en Ukraine du Mirage 2000D dans les années à venir pour la montée en puissance de l’Armée de l’air ukrainienne.

Autre intérêt, et non des moindres, de la transformation de l’Armée de l’air ukrainienne sur Mirage 2000-5, la possibilité, à l’avenir, de recevoir et mettre en œuvre des Mirage 2000D français, et ce, de manière beaucoup plus aisée, qu’envisagé jusque-là.

En effet, même si le -5, spécialisé dans la défense aérienne, et le -D, conçu pour la pénétration et la frappe à très basse altitude, requièrent de compétences de pilotage très différentes, en termes de maintenance, les deux appareils partagent beaucoup.

De fait, si les forces aériennes ukrainiennes ont déjà produit l’effort de mettre en œuvre un ou deux escadrons de -5, l’intégration de -D s’avèrera considérablement simplifiée, ouvrant, de fait, une alternative supplémentaire, aisément mobilisable, pour gagner en volume et en capacités.

Mirage 2000D Mirage 2000-5F
Le Mirage 2000-5F pourrait paver la voie pour l’arriver ultérieure de MIrage 2000D en Ukraine, si le besoin se faisait sentir.

À ce titre, les Mirage 2000-5 et D, constitueraient des compléments parfaits aux F-16 Block 15 et 30 qui doivent être transférés prochainement vers l’Ukraine. En effet, là où le -5 excelle dans l’interception et le combat à haute altitude, et le -2000D, dans la pénétration à très basse altitude et à haute vitesse, le F-16 demeure un excellent chasseur-bombardier polyvalent de moyenne altitude.

Mettre une composante 100 % européenne dans la future armée de l’air ukrainienne face à l’imprévisibilité américaine

Si la complémentarité du F-16 et du 2000 est évidente, il est un autre domaine pour lequel l’arrivée du chasseur français en Ukraine, va pouvoir accroitre la résilience et la sureté de l’Ukraine, de ses armées et de sa capacité à combattre : celui de représenter une alternative mobilisable en nombre, et relativement rapidement, au F-16.

Rappelons, s’il est besoin, que les États-Unis se rapprochent d’une échéance électorale déterminante, en novembre 2024, pour désigner le prochain locataire du 1600 Pennsylvania avenue, Washington D.C, pour les quatre ans à venir.

Or, la victoire de Donald Trump s’avère très possible, alors que ce dernier a tenu, ces derniers mois, des propos pour le moins ambigus, quant à la position qu’il pourrait prendre face à l’Ukraine, l’Europe et la Russie, s’il revenait au bureau ovale.

F-16 Belgique
Les F-16 belges, dansoi ou néeralndais qui sont donnés à l’Ukraine, seront sous l’épée de Damocles Trump, si ce dernier venait à remporter les élections présidentielles de novembre 2024.

On ne peut exclure, dans cette hypothèse, que Washington suspende son aide militaire à l’Ukraine, voire décide de mettre sous embargo la vente d’armes à Kyiv, surtout si les autorités ukrainiennes venaient à refuser un plan de paix défavorable, imposé par Trump. Dans une telle hypothèse, il ne faudrait que quelques jours, quelques semaines au mieux, à la flotte de F-16 ukrainiens, pour se retrouver clouée au sol, faute de pièces détachées et de munitions.

Bien évidemment, si celle-ci a déjà un plan B fonctionnel, avec le Mirage 2000-5, qui plus est, extensible en nombre comme en polyvalence, et que ce plan repose sur un chasseur construit de manière indépendante par un pays Européen, sans composant américain (ce qui n’est pas le cas Gripen, ndlr), non seulement cela permettrait, à Kyiv, d’être en position militaire bien plus favorable, mais aussi, probablement, d’avoir une certaine position de forces dans les négociations imposées par Trump.

De nombreuses épreuves et obstacles, demeurent à surmonter pour rendre les Mirage 2000-5 ukrainiens opérationnels et efficaces

Reste que pour donner corps à ces perspectives, il va falloir, aux forces aériennes ukrainiennes et françaises, mais aussi à leurs autorités de tutelle, passer outre de nombreuses difficultés, loin d’être évidentes à résoudre.

En premier lieu, le calendrier présenté par Emmanuel Macron, qui veut que les -5 soient opérationnels en Ukraine, avant la fin d’année, est, à lui seul, un véritable défi. Sauf à ce que l’entrainement et la formation des pilotes, et surtout des personnels de maintenance, aient débuté depuis de nombreux mois en grand secret, et qu’il s’agisse de pilotes de supériorité aérienne devant simplement être transformés sur le chasseur français, ce calendrier semble trop optimiste.

Dans le même temps, il aurait été nécessaire de commencer à constituer un stock de pièces de rechange, de munitions et de ban moteurs, prêt à être envoyé en Ukraine, tout en étant en capacité d’en soutenir une utilisation accrue, du fait d’une utilisation opérationnelle soutenue.

Maintenance M53 Mirage 2000
La maintenance du turboreacteur M53 du Mirage 2000 est complexe, et requiert des équipements spécialisés qu’il faudra deployer sur l’ensemble des sites accueilleront les avions ukrainiens.

Rappelons, ainsi, que les Mirage 2000 qui étaient envoyés en Afrique sud-saharienne pour soutenir l’opération Barkhane, consommaient leur potentiel de vol quatre fois plus vite que ne l’avait prévu la LPM du moment. S’agissant d’un appareil aussi âgé, dont les pièces détachées sont souvent construites à la demande et à l’unité, la constitution d’un tampon s’avère donc indispensable, et doit être anticipée.

Enfin, les appareils devront être mis en service sur des aérodromes déportés, pour éviter les frappes de missiles russes, ce qui alourdit encore d’avantage la pression logistique, et les besoins en termes de nombre de personnels qualifiés pour la maintenance, et les stocks de pièces.

Bien évidemment, la mise en œuvre d’un tel dispositif, requiert des délais importants, en particulier pour ce qui concerne la formation. De fait, on peut supposer que lors d’une phase initiale, pour respecter le calendrier donné par E.Macron, une partie de cette maintenance pourrait être réalisée par des personnels français, agissant, par exemple, dans le cadre d’une SMP, donnant le temps aux armées ukrainiennes de faire croitre leur dispositif en compétences et en volume.

Rien ne permet de faire une telle supposition, aujourd’hui dans le discours officiel, ni de Paris, ni de Kyiv. Toutefois, et, encore une fois, si l’annonce faite par le PR n’a pas été précédée, depuis de nombreux mois, par une phase de mise en place déjà bien avancée, il s’agit, là, certainement, de la seule option crédible pour tenir les délais avancés par le Président français.

Quelles conséquences pour la défense aérienne française ?

Le transfert d’une dizaine ou une douzaine de Mirage 2000-5, vers l’Ukraine, la formation des pilotes et personnels de maintenance, ainsi que la constitution d’un stock tampon en flux, de pièces détachées et de munitions, pour soutenir ce détachement, auront nécessairement un impact important sur les forces aériennes françaises, et plus particulièrement, sur leur dispositif de défense aérienne.

Mirage 2000-5 Mirage 2000D Rafale B MRTT Armée de l'air
Le Mirage 2000-5F doit être remplacé, au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, à partir de 2027 ou 2028.

En effet, les Mirage 2000-5F français devaient encore rester en service jusqu’en 2027/2028, date à laquelle ils seront remplacés par de nouveaux Rafale F4, commandés il y a quelques mois.

L’Armée de l’Air ayant déjà atteint son format minimum concernant sa flotte de chasse, dans le respect de la Revue Stratégique, soit 185 chasseurs, la priver de 10 à 12 appareils, s’avèrera immanquablement pénalisant jusqu’à leur remplacement par les nouveaux Rafale.

Cela imposera, également, la mise en sommeil d’une escadrille, et une certaine désorganisation de l’ensemble du dispositif chasse français. Ce d’autant que la formation des pilotes et personnels de maintenance, et la constitution du tampon de pièces et de munitions, se fera très certainement au détriment du flux de l’Armée de l’Air.

Deux éléments tendent, cependant, à modérer ce constat. D’abord, tant que l’Ukraine résiste, les chances de voir la Russie s’engager dans une action militaire conventionnelle contre l’OTAN, sont très faibles.

C’est d’ailleurs ce qui amené certains pays, comme le Danemark avec les Caesar, ou la Suède avec les ASC 890, à se défaire d’une capacité majeure, sachant qu’elle sera reconstituée dans les deux ou trois ans à venir, c’est-à-dire avant que la menace russe ne puisse émerger à nouveau.

Ligne d'assemblage Dassault Aviation Merignac Rafale
l’augmetnation des cadences de production de Rafale annoncée par le CEO de Dassault Aviation, Eric Trappier, pourra-t-elle permettre d’accélerer le remplacement des Mirage 2000-5F livrés à l’Ukraine ?

Ensuite, Eric Trappier avait annoncé, il y a quelques semaines, que Dassault aviation allait augmenter les cadences de production du Rafale, pour atteindre 3 appareils par mois, d’ici à la fin de l’année 2024. On peut supposer, dans cette hypothèse, qu’une telle augmentation des possibilités de livraison, permettra à l’Armée de l’Air de remplacer les -5 envoyés en Ukraine, avant 2028, peut-être même d’ici à 2026, limitant de fait la durée de l’exposition française, tout en restant dans le cadre budgétaire de la LPM.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que soutenir l’Ukraine, face à la Russie, c’est aussi une mission de défense, peut-être même dans sa forme la plus efficace du moment. Cela n’obère en rien les besoins d’une nouvelle réflexion concernant les moyens dont devront disposer les armées pour répondre aux besoins qui se profilent, mais cela tend à modérer les inquiétudes quant aux conséquences, sur les armées françaises, des transferts d’équipements militaires prélevés sur les inventaires des armées françaises, vers l’Ukraine.