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En comparant le J-20 au Rafale, la presse chinoise confirme le glissement belliciste du pays

Suite aux massacres de la Place Tian’anmen en 1989, la Chine communiste fit d’immenses efforts pour se construire, sur la scène internationale, l’image d’une nation raisonnable et non belliqueuse, qui tranchait alors avec les positions américaines, russes et parfois européennes. Ce positionnement avait même séduit une certaine partie de la classe politique occidentale, qui ne tarissait pas d’éloges sur le pays, et sur le fait que dans son histoire, la Chine n’avait jamais attaqué un voisin (Indiens et Vietnamiens auront naturellement un avis fort différent sur la question). 

L’évolution des positions chinoises sur la scène internationale

La conciliation pacifique était alors l’empreinte même de la Chine dans ses relations avec ses voisins, comme avec l’Occident. Ainsi, plutôt que d’entrer dans une confrontation diplomatique et commerciale avec le Japon au sujet des iles Senkaku, Pékin proposa à Tokyo d’exploiter en commun les ressources minières de la zone. C’est durant cette période allant de 1995 à 2012, que Pékin parvint, grâce à son économie galopante, à convaincre nombres d’entreprises et d’états occidentaux d’assister la conversion technologique du pays, et ce y compris dans le domaine militaire. Et même lorsque les intentions des autorités chinoises étaient clairement de flouer leurs partenaires, les gouvernements européens comme russes préféraient ne pas contrarier le dragon endormi, tant la Chine devenait un moteur indispensable à leur économie. 

HQ 7B Crotale TELAR 1S Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le HQ-7, copie chinoise sans licence du système Crotale de Thomson CSF, n’a pas empêché la France de fournir de nombreuses technologies, dont des technologies militaires, à la Chine dans les années 2000.

Ainsi, lorsque Pékin demanda à Thomson CSF une batterie complète de son système de missiles à courte portée CROTALE, pour la restituer en pièces détachées et, quelques mois plus tard, présenter le HQ-7, copie par retro-ingénierie du système français construit sans licence, le gouvernement français se contenta d’une réclamation, car dans le même temps, la Chine était un client capital de l’industrie aéronautique nationale, Airbus et Airbus Hélicoptères en tête, mais aussi nucléaire ou ferroviaire. Il en ira de même avec les copies sans licence des Su-27 et Su-30 russes, constituant, avec leurs dérivés, le fer de lance des forces aériennes chinoises modernes. 

Depuis 2012, et l’arrivé au pouvoir du président Xi Jinping, les positions chinoises sur la scène internationale se durcirent rapidement, pour devenir aujourd’hui, franchement belliqueuses, tant avec ses voisins du théâtre pacifique qu’avec l’occident dans son ensemble. Deux enjeux stratégiques cristallisent aujourd’hui ces tensions sur la scène internationale. En premier lieu, il s’agit des revendications chinoises sur la Mer de Chine, qui sont passées en quelques années d’une revendication mole et une approche conciliante selon la ligne dites « des 9 traits », à une revendication exclusive, basée sur la force militaire, avec la construction de bases militaires sur des ilots artificiels, dans ce que Pékin appelle désormais « La Grande Muraille de Sable ». En second lieu, Pékin se montre de plus en plus menaçant vis-à-vis de quiconque qui viendrait porter assistance à l’ile de Taiwan du point de vue technologique ou militaire, XI Jinping ayant fait du retour de l’ile indépendante depuis 1947 un marqueur central de sa présidence. Ainsi, de récents clichés montrant la présence de forces spéciales américaines sur l’Ile à l’occasion d’entrainements, provoqua la vive colère des autorités chinoises, s’accompagnant de son florilège de menaces. 

Les relations sino-indiennes

Si les positions chinoises se sont considérablement durcies ces dernières années avec l’occident, ce n’est pas le cas de ses positions avec l’Inde qui, elles, ont toujours été extrêmement tendues, et ce depuis la première intervention chinoise dans le Ladakh en 1959, à l’origine de la guerre sino-indienne de 1962, et ce en dépit de l’accord de 2005 sensé régler les différents frontaliers entre les pays. Accord qui fut dénoncé dès 2008 par les deux parties. Outre le différend frontalier opposant les deux pays dans la chaine himalayenne, Pékin perçoit également l’Inde comme un compétiteur majeur potentiel, tant dans le domaine économique que militaire et politique, par sa démographie qui a rattrapé celle de la Chine ces dernières années et qui progresse plus vite que cette dernière, sa croissance économique qui, bien que moins spectaculaire que celle de la Chine dans les années 90 et 2000, lui est désormais supérieure, et surtout de par sa proximité avec l’Occident, proximité historique puisque l’Inde fut une colonie britannique pendant près de 2 siècles, proximité politique puisque l’Inde est une démocratie, et proximité militaire, l’Inde se rapprochant notamment des États-Unis ces dernières années, avec l’acquisition de matériels avancés comme les P8i Poséidon ou les AH-64 Apache. 

AH64 India Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Depuis quelques années, New Delhi se tourne vers Washington pour acquérir des systèmes d’armes, comme l’hélicoptère de combat AH-64 Apache

Il n’est donc pas surprenant de lire la réaction de la presse chinoise à l’arrivée des 5 Rafale indiens sur la base d’Ambala, sujet très largement traité dans les médias du pays. Comme souvent la presse chinoise ne s’embarrasse pas de finesse, et en quelques lignes, tente de remettre dans le débat les accusations déboutées concernant le montant du contrat qui fut au cœur de la campagne législative de 2019, et surtout, en argumentant sur le fait que le J-20 chinois est un appareil de 5ème génération, alors que le Rafale ne serait qu’un appareil de 4ème génération. Il lui est donc « incontestablement supérieur ». Il est bien évident que le J-20, pas plus que tous les avions modernes chinois comme le J10, le J11, le J15 ou le J16, n’ayant jamais fait leurs preuves en opération, il est difficile pour la presse chinoise d’argumenter au-delà de cette approche simpliste, et en bien des points, très contestable. 

La banalisation de la confrontation

Mais cette réaction épidermique montre surtout à quel point les autorités chinoises, et avec elle une partie de la population exposée régulièrement à ces messages, sont désormais dans un état d’esprit de compétition permanente portant vers la confrontation, et à quel point le recours à l’affrontement militaire devient un exercice intellectuellement banalisé. Elle n’est pas sans rappeler l’état d’esprit qui prévalait aussi bien en Europe qu’aux États-Unis et en Union Soviétique durant la guerre froide, et particulièrement dans les années 80, pendant lesquelles l’affrontement nucléaire s’imposait comme un sujet majeur des relations internationales.

ss20 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La crise des Euromissile, voyant les Pershing II américains opposés aux SS20 soviétiques, a été l’un des moments les plus critiques de la Guerre Froide, avec la crise des missiles cubains en 1962

Mais si, durant la Guerre Froide, soviétiques comme occidentaux se satisfaisaient bien du statu quo qui régnait en Europe, principal point de confrontation entre les deux blocs, la Chine semble, au contraire, vouloir mettre fin à celui-ci, que ce soit en Mer de Chine ou Taïwan, ainsi que dans le domaine de la suprématie occidentale technologique et militaire, ou sur le fait que l’Inde pourrait représenter un contrepoids à sa puissance hégémonique en Asie. 

Conclusion

De fait, en bien des points, et malgré l’interconnexion des économies mondiales, la situation internationale en 2020 est plus anxiogène qu’elle ne l’était en 1983, alors que le Monde était en pleine crise des Euromissile. Et plus la Chine renforcera sa puissance militaire et comblera son déficit technologique vis-à-vis de l’occident, plus les risques d’une confrontation majeure seront grands. Malheureusement, la seule parade face à une telle trajectoire repose sur une puissance militaire suffisamment puissante pour endiguer les aspirations de l’adversaire, ne lui laissant aucune chance succès, et ce jusqu’à ce qu’une nouvelle élite, mieux disposée, vienne remplacer l’existante, ou que l’inexorable aspiration démocratique des peuples technologiquement avancés ne fasse définitivement basculer le dragon chinois. Une chose est certaine, l’attentisme dans ce domaine, n’apportera aucune solution à court, moyen ou long terme.

Les F-15J vont être modernisés au standard Japan Super Interceptor par Boeing et Mitsubishi

Dans un article d’octobre 2019, nous vous avons présenté le projet de modernisation des chasseurs-intercepteurs F-15J de la force aérienne d’autodéfense japonaise (JASDF). Désigné « Japan Super Interceptor », ce programme japonais vise à moderniser la moitié des F-15 Eagle en service dans le pays afin de leur permettre d’opérer au-delà de 2035. Après plusieurs mois de développement et de négociations, le programme semble définitivement lancé, suite à la signature d’un contrat entre le groupe américain Boeing, concepteur du F-15, et Mitsubishi Heavy Industries (MHI), responsable du programme de modernisation au Japon.

Dans le cadre de ce partenariat, Boeing et MHI devraient moderniser en profondeur 98 F-15J. A partir du début des années 1980, MHI a assemblé sous licence plus de 240 F-15 Eagle monoplaces et biplaces destinés à remplacer un nombre équivalent de vénérables F-104 Starfighter. A partir de 1987, les F-15J assemblés par MHI sont portés au standard MSIP (Multi-Stage Improvement Program), avec de nouveaux réacteurs dotés de contrôleurs numériques FADEC, des calculateurs plus puissants, une maintenance simplifiée et une suite d’autoprotection. Même si tous les F-15J, MSIP ou non, ont depuis lors connus de nombreuses modernisations, la refonte en profondeur envisagée dans le cadre du standard Japan Super Interceptor (JSI) ne concernera que la centaine de F-15J MSIP encore en service, les Eagle les plus anciens étant remplacés par des F-35 et le futur chasseur furtif japonais.

fighter jet f 15 japan Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le F-15J est le fer de lance de la JASDF depuis près de quarante ans, et devrait le rester encore quinze ou vingt années de plus.

Pour Tokyo, l’équation de la défense aérienne s’avère particulièrement complexe en ce moment. S’étant vu refusé le droit d’acheter des F-22 pour remplacer les F-15J, le Japon a un temps tenté sa chance avec le nouveau F-35 de Lockheed Martin. Cependant, ce chasseur furtif est avant tout un avion d’attaque, et non pas un intercepteur. Si la JASDF continue de trouver un intérêt au F-35, notamment pour remplacer les vieux F-4 ou encore pour créer une toute nouvelle aéronavale, la question du remplacement des intercepteurs F-15J reste en suspens depuis plus de quinze ans maintenant. Or, dans l’intervalle, la Chine et la Russie ont considérablement renforcé leurs activités militaires à proximité du Japon, poussant les F-15J vieillissants à multiplier les missions d’interception.

Privé du F-22, et rejetant les offres de Lockheed Martin articulées autour du F-35, le Japon n’a désormais plus d’autre choix que de développer son propre chasseur furtif de nouvelle génération dans le cadre du programme F-X. Néanmoins, un tel programme ne pourra porter ses fruits que dans une décennie au mieux. En attendant, la JASDF a impérativement besoin d’un intercepteur crédible capable de protéger le pays contre tous types de menaces. Un besoin d’autant plus criant que le gouvernement japonais a récemment annulé le contrat portant sur la construction de deux sites de défense anti-aérienne à longue portée, les Aegis Ashore. La seule solution trouvée, pour le moment, est donc de moderniser en profondeur les F-15J actuels présentant le plus de potentiel. Néanmoins, le programme JSI coûtera tout de même plus de 4,5 milliards $, réduisant d’autant les capacités d’investissement dans la R&D du programme de chasseur furtif F-X.

F X Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La première image du F-X japonais a été dévoilée récemment. La configuration définitive n’est pas encore connue, mais les autorités japonaises ont pour le moment refusé de basé leur futur chasseur sur un design existant, qu’il soit américain ou britannique

A l’occasion de la signature du contrat entre Boeing et MHI, nous avons pu obtenir un peu plus de détails sur la configuration qui sera adoptée sur le Super Interceptor. Dans le cadre du partenariat américano-japonais, Boeing se chargera de l’intégration d’une partie importante du nouveau système de combat. Les radars APG-63(V)1, intégrés sur une partie des F-15J au début des années 2000, seront remplacés par le nouveau APG-82(V)1 disposant d’une antenne électronique AESA bien plus performance, et de calculateurs digitaux dérivés de ceux du Super Hornet. Une nouvelle suite de guerre électronique (DEWS) fournit par BAE Systems sera également intégrée à l’avion, tandis que Boeing assurera également un important volet de soutien technique et opérationnel. Les systèmes de communication de l’avion seront également modernisés afin qu’il puisse interagir avec d’autres vecteurs, notamment des AWACS et des chasseurs furtifs F-35. Il semble ainsi que le programme JSI aura profité pleinement de l’expérience accumulée récemment par Boeing en matière d’amélioration du F-15, que ce soit pour les forces américaines ou pour l’exportation.

Les éléments apportés directement par MHI restent pour l’instant relativement classifiés. On peut supposer sans grande prise de risque que le groupe japonais fournira un nouveau cockpit tout écran, compatible avec l’architecture numérique fournit par Boeing. Un viseur de casque, déjà intégré sur une partie des F-15J, sera sans aucun doute généralisé à tous les JSI. Enfin, il est possible que MHI intègre un capteur infrarouge de type IRST, capable de détecter des cibles furtives à longue distance. Ce type d’équipement aurait tout son sens dans le contexte opérationnel actuel, et on sait que la JASDF a déjà testé un IRST intégré dans le nez d’un F-15J. Cependant, rien n’oblige à ce type d’intégration, qui oblige forcément à de lourdes études de compatibilité avec le nouveau radar logé dans le nez. La JASDF pourrait alors parfaitement adopter une solution externe, dans une nacelle dédiée ou modifiée pour cette occasion, étant donné que des tests ont déjà été également réalisés dans ce sens au Japon.

1600px JASDF F 15J12 8928 IRST at Gifu Air Base 20081130 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Un IRST intégré dans le nez d’un F-15J a déjà été testé au Japon, tandis qu’une nacelle contenant un IRSTa volé sous un F-4J Phantom II dédié aux essais en vol

Quelle que soit la configuration définitive du F-15 JSI, il y a fort à parier que la JASDF aura dû fait des choix et sacrifier certaines capacités afin de limiter les coûts de développement. En 2016, Boeing exposait une maquette de F-15 JSI dotée de près de 20 missiles de longue portée AMRAAM. Ces derniers prenaient place sous des points d’emport développés pour les derniers Advanced Eagle vendus à l’US Air Force et à plusieurs pays du Golfe Persique. Cependant, aussi puissante que puisse être cette configuration armée, elle nécessite de modifier en profondeur les commandes de vol de l’avion, ses ailes et une partie de sa cellule interne. En effet, le Advanced Eagle aujourd’hui commercialisé est basé sur le chasseur-bombardier Strike Eagle, et non pas sur l’intercepteur Eagle dont dérive le F-15J.

Dans les dernières vues d’artiste dévoilées récemment, le F-15 JSI est présenté avec un emport traditionnel de huit missiles air-air, qui pourront être aussi bien de conception américaine que japonaise. Toutefois, il est également intéressant de noté que cette même vue d’artiste montre également, sous le ventre de l’avion, un missile de croisière AGM-158.

F 15J JSI Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le F-15J est ici présenté avec huit missiles AMRAAM, même s’il emportera probablement les futurs missiles air-air à longue portée japonais. On note la présence sous le ventre d’un gros missile de croisière. Le radar APG-82 devrait permettre également de mettre en oeuvre d’autres armements air-sol, mais rien n’indique que le Japon ait fait ce choix pour le moment

Depuis 2017, le Japon envisage en effet de développer le potentiel de ses F-15J afin d’en faire également des plateformes de lancement pour missiles de croisière. Le Japan Super Interceptor, s’il sera optimisé pour la supériorité aérienne, devrait ainsi pouvoir tirer des missiles de croisière AGM-158B JASSM-ER contre des cibles terrestres mais aussi des AGM-158C LRASM contre des cibles navales à longue distance.

L’ajout de cette nouvelle capacité offensive s’inscrit pleinement dans l’évolution actuelle de la situation politique et militaire au Japon, qui interprète de plus en plus largement sa constitution afin de se doter de capacités de première frappe et d’une véritable dissuasion, comme nous l’avons vu dans notre précédent dossier consacré à ce sujet.

L’arrivée du Rafale en Inde a rencontré un succès populaire inattendu

Comme nous vous en informions il y a trois jours, cinq Rafale de l’Indian Air Force ont décollé du Sud-Ouest de la France pour rejoindre, pour la première fois, leur base de d’Ambala, au Nord de l’Inde. Comme on pouvait s’en douter, l’évènement était très attendu par les autorités militaires indiennes, qui font face depuis plus d’un an à une recrudescence de violences de la part du Pakistan et, plus récemment, de la Chine. Il est toutefois étonnant de constater avec quelle ferveur populaire les nouveaux avions de combat de l’Indian Air Force ont pu être accueilli lors de leur arrivée en Inde, hier.

Bien que cette première livraison sur le sol indien ne concerne que cinq chasseurs tactiques, aussi modernes soient-ils, l’évènement a été diffusé par la quasi-totalité des médias d’information du pays, et les images de l’atterrissage des chasseurs à Ambala Air Base auraient ainsi été vues par près d’un demi-milliard de spectateurs ! Cet emballement médiatique, fortement commenté par la presse indienne et française, est pourtant relativement logique dans le contexte actuel.

Rafale india ravitaillement en vol Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Les cinq Rafale ont été ravitaillés en vol à de nombreuses reprises par des tankers français, puis par des tankers indiens. L’un des trois A330 MRTT français déployé en soutien au convoyage a poursuivi sa route jusqu’en Inde où il a apporté de nombreux équipements médicaux dans le cadre de la lutte contre le covid-19

Une arrivée triomphante

A en croire la presse, les réseaux sociaux et l’engouement populaire pour le nouveau chasseur de l’IAF, on pourrait presque croire que les cinq Rafale arrivés hier à Ambala ont déjà réussi à vaincre à eux seul la force aérienne chinoise et celle du Pakistan ! Il faut dire que jamais, dans l’histoire récente, la livraison d’une poignée de chasseurs n’aura connu une telle couverture médiatique, que ce soit en Inde, en France, mais aussi aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Le trajet des avions depuis Bordeau-Mérignac jusqu’à Ambala, en passant par les Emirats Arabes Unis et la côte indiennes, ont également été suivis avec attention, au point d’attiser les informations les plus sensationnelles.

Et, bien entendu, les réseaux sociaux n’étaient pas en reste. Sur Twitter, l’arrivée des chasseurs à Ambala a été partagée et commentée des millions de fois, notamment à partir des publications faites par le Premier Ministre Narendra Modi et par le Ministre de la Défense Rajnath Singh. Enfin, à proximité de la base aérienne d’Ambala, les autorités locales ont dû interdire certains regroupements populaires, notamment sur les toits des maisons et des immeubles, craignant qu’une affluence hors-norme n’entraine des accidents. Enfin, la presse écrite a traité largement de ce premier convoyage, en établissant notamment un portrait détaillé de la plupart des pilotes impliqués, un traitement habituellement réservé aux héros de guerre.

Rafale Su 30MKI Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Jusqu’à présent, le Su-30MKI était l’avion le plus moderne de l’inventaire indien. Les nouveaux Rafale, ainsi que les Mirage 2000 modernisés, devraient cependant offrir des capacités opérationnelles inédites, même s’ils seront présent en bien plus petite quantité au sein de l’IAF

Alors que l’Indian Air Force possède déjà plus de 700 avions de combat, comment expliquer que l’arrivée d’un tout petit nombre de Rafale devienne un tel évènement ? Cela s’explique en réalité à la fois par des aspects techniques, militaires et politiques.

Rafale : la nouvelle arme magique de l’Indian Air Force ?

On ne va pas le nier, une partie de la ferveur populaire vis-à-vis du Rafale en Inde vient des qualités propres de l’appareils, autour desquelles l’Indian Air Force a activement communiqué ces derniers mois. Pour l’heure, l’IAF n’a commandé que 36 Rafale, soit deux escadrons, même s’il est possible qu’une commande supplémentaire soit déjà envisagée. Cependant, même avec deux escadrons uniquement, le Rafale sera déjà en mesure d’apporter de nouvelles capacités opérationnelles à l’IAF :

  • Avec le missile METEOR, le Rafale offrira à l’IAF une capacité de frappe air-air à très longue portée qui dépassera très largement ce que les missiles américains, russes et chinois actuellement emportés par les chasseurs et intercepteurs chinois et pakistanais.
  • Avec le missile de croisière SCALP, le chasseur d’origine française sera également en mesure de pénétrer à basse altitude loin derrière les lignes ennemies afin de frapper avec précision des postes de commandement, des centres logistiques ou tout autre cible stratégique.
  • Enfin, il y a fort à parier que les deux escadrons concernés (le No.17 Golden Arrow et le No. 101 Falcons, a priori) par l’arrivée du Rafale auront également pour tâche d’assurer la dissuasion nucléaire du pays. Même si la France ne fournit bien évidemment aucune capacité nucléaire à l’exportation, le chasseur français reste conçu dès l’origine pour pouvoir accomplir cette mission stratégique, et il est plus que probable que l’Inde intégrera sous le Rafale ses propres armes nucléaires aéroportées.
Le Rafale F3R Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Pour le combat aérien, le Rafale embarquera des missiles MICA et les nouveaux METEOR à très longue portée. Pour la frappe au sol, outre le missile de croisière SCALP, le Rafale pourra embarquer jusqu’à six AASM Hammer capable de frapper des cibles à moyenne distance avec une extrême précision.

Enfin, de manière générale, le Rafale sera le premier avion de combat occidental livré en Inde depuis les Mirage 2000, dans les années 1980. Mieux encore, il s’agit d’un chasseur de dernière génération, équipé d’un radar AESA, d’excellentes performances à haute altitude et d’une très bonne disponibilité opérationnelle. En somme, le Rafale représente parfaitement le renouveau de l’Indian Air Force. D’ailleurs, à l’origine, il était prévu que l’Inde achète 126 Rafale à construire localement, plutôt que les 36 fabriqués en France. Si ce contrat (MMRCA) a été annulé en 2015, l’IAF continue de rappeler son attachement au Rafale et ses besoins pour des appareils supplémentaires. (Voir notre article à ce sujet).

Renforcer l’Indian Air Force face à la Chine et au Pakistan

Néanmoins, si l’excellence technique de l’avion de Dassault Aviation et l’enthousiasme de l’IAF explique en partie la bonne presse que connaît aujourd’hui le Rafale, ce sont des évènements géopolitiques bien plus graves qui contribuent aujourd’hui à son succès d’estime en Inde. Depuis plusieurs mois, l’Inde est en effet en proie à un conflit frontalier avec la Chine qui a déjà fait plusieurs dizaines de victimes, blessées ou tuées à coups de bâtons ou par noyade, principalement. Ce regain de tensions dans l’Himalaya intervient un an seulement après les combats aériens qui ont opposé l’IAF à la force aérienne pakistanaise dans la même région.

Malgré les appels au calme et la recherche de solutions diplomatiques par les autorités indiennes, une part importante de la population indienne a appelé le premier ministre Modi à affermir sa position vis-à-vis des autorités chinoises. Cela s’est notamment traduit par une communication importante autour des nouvelles acquisitions d’armement et de la livraison prochaine des Rafale et de leur missiles METEOR, déjà amèrement regrettés lors des échanges de tir avec le Pakistan, l’année dernière.

DA Rafale IAF Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’un des cinq Rafale livrés en Inde, au moment de son décollage à Mérignac. Cinq ou six Rafale supplémentaires devraient être convoyés en Inde vers le mois d’octobre, tandis qu’une partie des avions resteront en France pour l’entrainement des aviateurs indiens

Sachant que le Rafale sera, effectivement, le seul appareil capable de littéralement tenir tête aux avions de combat chinois et pakistanais, il est donc logique de voir dans cet avion le symbole du renouvellement de l’IAF et du renforcement des capacités opérationnelles face à la Chine et au Pakistan, même auprès du grand public. Bien entendu, aussi performant que soit le Rafale, 36 appareils ne pourront faire définitivement pencher la balance en faveur de l’IAF en cas de conflit ouvert, et les cinq avions livrés pour le moment encore moins ! Mais le symbole reste, et certains en Inde comme en France espèrent que les commerciaux de Dassault Aviation et les autorités françaises sauront exploiter cet engouement populaire pour entériner rapidement de nouvelles commandes de Rafale au profit de l’IAF ou de l’Indian Navy, qui a également déployé son aéronavale face à la Chine.

Rafale : un nouveau symbole politique en Inde

Enfin, il convient de se souvenir que le Rafale a été littéralement au cœur de la dernière campagne électorale indienne, qui a vu s’opposer le Narendra Modi, qui avait acté l’achat des 36 Rafale en 2015, et Rahul Gandhi, fermement opposé à cet achat. Le « scandale » financier autour de la vente du Rafale semble, a posteriori, inventé et mis en avant pour de pures raisons politiques, avec peut-être l’appui de certains concurrents de Dassault Aviation.

Shri Rajnath Singh defense minister india Rafale Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le Ministre de la Défense indien, Rajnath Singh, assiste à la cérémonie de livraison du premier Rafale indien, en France, en octobre 2019. Les forces armées indiennes ont un réel besoin pour des Rafale supplémentaires, mais la crise sanitaire actuelle devrait en toute logique retarder l’annonce d’un nouvel achat.

Il n’empêche que, en voulant faire du Rafale un symbole politique à l’encontre de Narendra Modi, Rahul Gandhi semble bien avoir produit l’effet inverse. Loin d’être un vecteur de défait politique pour Modi, le contrat Rafale est devenu au contraire le symbole de la victoire politique du Premier Ministre aux dernières élections, mais aussi de son attachement à la grandeur militaire du pays. Une grandeur militaire qui est devenue particulièrement populaire depuis les frappes aériennes de Balakot l’année dernière et depuis les regains de tensions avec la Chine.

Comment gérer cette nouvelle popularité ?

L’ensemble de ces éléments ont contribué à faire du Rafale un symbole de victoire et de fierté nationale, quand bien même il n’a jamais participé à aucun combat en Inde. Pour la France et Dassault Aviation, cela change agréablement. En effet, le Rafale a longtemps souffert d’une mauvaise image, notamment dans le monde anglo-saxon, héritée de la scission entre les programmes Rafale et Eurofighter Typhoon dans les années 1980. Mais il n’a pas non plus été épargné par l’opinion publique française, principalement en raison d’un amalgame fait entre la société Dassault Aviation et les activités politiques et médiatiques de certains membres de la famille Dassault.

Rafale Indian Air Force Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’engouement indien autour du Rafale est un phénomène nouveau pour un avion français, Dassault Aviation ayant l’habitude de verrouiller la communication autour de son appareil.

Depuis quelques années, les choses ont changé. Longtemps invendu à l’exportation, le Rafale dispose depuis 2015 de trois clients internationaux sérieux, et reste bien placé sur différents prospects. Mais il a surtout démontré ses qualités offensives lors de plusieurs campagnes militaires particulièrement éprouvantes, en Libye, au Mali ou au-dessus de l’Irak par exemple. Si la chasseur français polyvalent dispose désormais d’une bonne presse, la couverture médiatique et le soutien populaire en Inde restent parfaitement inédits.

A tel point qu’on peut s’interroger sur les capacités des autorités françaises (et de Dassault Aviations) à récupérer efficacement cette nouvelle notoriété. Traditionnellement, les services de communication et de marketing des grands groupes de défense français ne bénéficient pas des moyens humains et de l’attitude agressive de leurs équivalents européens ou américains, et il en va souvent de même pour les services étatiques en charge de soutenir les exportations de défense. Et la période actuelle, en pleine crise sanitaire et au milieu des vacances estivales, ne va rien arranger. Pourtant, l’image du Rafale aurait tout à y gagner, notamment en France.

F35B et Typhoon RAF Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Indépendamment de leurs performances réelles, le F-35 et le Typhoon bénéficient d’une bonne image aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où ils symbolisent les succès de l’industrie aéronautique locale. En France, le nom « Dassault » est tout autant associé à l’aviation qu’à la presse ou au monde politique, entrainant un véritable clivage autour de l’image du groupe et de ses diverses entreprises.

Ceci étant dit, surfer sur la vague du succès populaire indien reste un jeu dangereux, qu’il conviendrait de pratiquer avec de grandes précautions. En effet, aussi moderne soit-il, le Rafale n’est pas indestructible, et ses pilotes restent faillibles. Un accident dans les prochaines semaines ou les prochains mois pourrait avoir des conséquences dramatiques sur une campagne de communication. De même, la livraison des premiers Rafale a également soulevé de nouvelles critiques, non pas sur l’avion en lui-même mais sur les investissements de défense en général. Si la menace chinoise reste très présente dans les médias, l’Inde souffre actuellement de plusieurs catastrophes naturelles, en plus de l’épidémie de coronavirus, que certains médias semblent avoir éclipsés depuis quelques jours.

En Inde, comme souvent, les succès se remportent donc sur le temps long. Si l’enthousiasme pour le nouveau jouet de l’IAF perdure quelques mois, nul doute que les autorités françaises et Dassault Aviation sauront exploiter cette nouvelle notoriété, aussi bien auprès de l’Inde que d’autres prospects, notamment en Asie. Il faut toutefois espérer que la partie française saura prendre la pleine mesure de l’opinion publique dans les contrats d’armement, de nos jours. Si la ferveur indienne pourrait probablement conduire à une nouvelle victoire commerciale pour Dassault Aviation, on a déjà vu en Suisse les effets que pouvaient avoir une mauvaise image publique sur un contrat d’armement. Les achats militaires étant des actes politiques, et donc soumis au contrôle populaire dans bien des pays, il est plus que jamais essentiel de séduire aussi bien l’opinion publique que les décideurs eux-mêmes. On pensera notamment au contrat finlandais, où le Rafale semble très loin d’accaparer l’attention du public, qui peine encore à connaître les performances de cet avion exotique à ses yeux.

Pékin menace de représailles militaires les alliés des Etats-Unis si un conflit devait éclater avec la Chine

Le ton ne cesse de monter dans le Pacifique occidental, entre les Etats-Unis et la Chine, qui multiplient tous deux les bravades et les provocations, tant sur les mers que dans les médias. Et la presse chinoise, qu’elle soit à vocation nationale ou internationale, s’en fait largement l’écho, bien plus que ne s’y consacre, d’ailleurs, la presse américaine ou occidentale. Face au manque d’efficacité des menaces chinoises vis-à-vis des Etats-Unis, qui maintiennent la pression en Mer de Chine et déploient de plus en plus régulièrement des bâtiments de l’US Navy, provoquant la colère des autorités chinoises, Pékin a décidé de changer de stratégie, et de menacer désormais les alliés de Washington, Canberra en tête.

Ainsi, un article publié par le site d’état globaltimes.cn cible spécifiquement le soutien apporté par l’Australie à la politique régionale américaine, qu’il s’agisse du soutien apporté aux forces américaines déployées sur ce théâtre, comme au soutien politique affiché par Canberra concernant les sujets qui fâchent, comme la Mer de Chine, Hong-Kong ou le traitement de la minorité Ouïgours. L’article publié en langue anglaise, dénonce les prises de positions des autorités australiennes, qualifiant le pays de « henchman » des Etats-Unis, un terme désignant les gens d’arme des seigneurs féodaux agissant comme des mercenaires contre rétribution.

Avic Y20 et J20 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Pour l’heure, Pékin ne dispose que d’une cinquantaine de J-20 en service dans ses forces aériennes, qui n’alignent qu’un peu plus de 700 appareils de combat modernes, sur les 2000 appareils en service.

Outre le ton irrévérencieux, relativement traditionnel pour la presse chinoise dès lors qu’il s’agit de s’en prendre à un autre pays (le Vietnam, l’Inde et la France peuvent en témoigner), l’article va beaucoup plus loin en menaçant directement l’Australie de représailles. Représailles économiques en premier lieux, la Chine étant le premier partenaire commercial du pays, son économie étant en partie détenue par des capitaux chinois. Représailles diplomatiques en suite, en menaçant d’isoler Canberra sur la scène régionale, supposant en cela que Pékin aurait la capacité à fédérer l’Asie du Sud-Est autour d’elle, ce qui reste à démontrer. Mais surtout, l’article menace l’Australie de représailles militaires, si un conflit venait à intervenir entre les Etats-Unis et la Chine.

Pour cela, l’article cite des experts militaires, sachant pertinemment toutefois qu’aucune ligne n’est publiée sans l’aval des autorités chinoises. Cette dernière menace est par ailleurs étendue à d’autres pays, en particulier au Japon et, de manière plus surprenante, à l’Inde, sachant que si Washington a en effet des accords de Défense avec Tokyo et Canberra, il n’en a pas avec New Delhi, et qu’aucune troupe américaine n’est stationnée sur le territoire indien. D’ailleurs, le pays est bien plus proche militairement de la Russie que des Etats-Unis, sachant par ailleurs que, l’Inde est un pilier fondateur du mouvement des pays « non alignés ».

Liaoning Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La Marine Chinoise ne dispose aujourd’hui que de deux porte-avions moyens, aucun des deux n’ayant de catapultes, insuffisants pour s’opposer aux porte-avions lourds américains de la classe Nimitz et Improved Nimitz. Toutefois, en 2035, Pékin devrait disposer de 6 de ces porte-avions lourds.

Un vieux proverbe français dit qu’un chien qui aboie ne mord pas. En l’occurence, aujourd’hui, Pékin n’a pas encore les moyens de menacer militairement efficacement ses voisins, surtout ceux qui bénéficient de la protection américaine, comme le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Australie. Mais personne n’ignore que cette situation aura grandement évoluée d’ici 10 ou 15 ans, date à laquelle les armées chinoises auront en grande partie rattrapée, et parfois dépassée, les forces armées américaines et alliées dans bien des domaines, tant technologiques qu’opérationnels. Pour l’heure, l’objectif de ces déclarations semble donc avant tout d’amener les alliés des Etats-Unis à plus de réserves dans le soutien qu’ils peuvent apporter à ces derniers, et à plus de neutralité vis-à-vis de ce que Pékin considère comme relevant de sa politique intérieure, à savoir l’intégration de Hong-Kong, la sécurisation de la Mer de Chine, ou encore le sort de l’ile de Taïwan.

Cette stratégie est en tout point similaire à celle qui fut appliquée par Moscou e 2014 lors de l’annexion de la Crimée, de l’intervention dans le Donbass, et depuis, en Europe. Elle repose sur l’emploie d’une narration alternative des événements, par ailleurs reprise par des influenceurs sociaux et certains politiques et sur un rejet des élites politiques présentées comme sous influence américaine, le tout enrobée d’une menace diffuse mais parfaitement perceptible de représailles militaires si les autorités venaient à ne pas faire marche arrière.

DF26 missile Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Avec une portée de 3500 km, les missiles balistiques chinois DF26 ne peuvent pas atteindre l’Australie, mais peuvent frapper le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et bien entendu Taiwan.

Quoiqu’il en soit, ces articles montrent une franche évolution dans la position globale chinoise, tendant vers une certaine forme de radicalisation du discours vis-à-vis non seulement des Etats-Unis, mais des pays du théâtre Indo-Pacifique, imposant soit l’alliance ou la neutralité bienveillante vis-à-vis de Pékin, soit d’être considéré comme un adversaire potentiel, tant du point économique que diplomatique et militaire. En d’autres termes, si Washington venait à intervenir contre Pékin pour contenir une tentative d’invasion de Taïwan, par exemple, Pékin considérerait le Japon, l’Australie, l’Inde, mais encore potentiellement la Corée du Sud et les Philippines comme des cibles militaires, même si ces pays ne prenaient pas part à cette intervention. Une stratégie des plus efficaces, qui avait su maintenir à distance la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et leurs alliés en Europe alors que l’Allemagne s’emparait de la Tchécoslovaquie et dépeçait la Pologne, avec le soutien de Moscou. Pour paraphraser la célèbre citation d’Edmund Burke, la seule chose qui empêche les dictatures de progresser est l’inaction des démocraties.

Trump punit-il Berlin de ne pas avoir acheté le F35 ?

La décision est tombée telle un couperet le 29 juillet : Le président Américain Donald Trump ordonne le retrait de 12.000 hommes des forces américaines déployées en Allemagne, et ce dans un calendrier très limité. Selon les informations données, 6400 hommes seront rapatriés vers les Etats-Unis, tandis que 5400 autres seront redéployés vers l’Italie et la Belgique, et potentiellement ultérieurement, vers la Pologne et les Pays Baltes. Dans un approche toute personnelle, le président américain a déclaré qu’il voulait « faire payer l’Allemagne » qui ne participe pas suffisamment à l’OTAN, et que les Etats-Unis en avaient assez d’être pris pour des « jambons » (« sucker » dans les mots du président).

Si cette annonce surprend par son tempo, elle ne représente pas une surprise sur le fond, puisque Washington avait depuis longtemps menacé Berlin d’un retrait de forces américaines si ces derniers n’augmentaient pas leurs investissements de Défense (version diplomatique et publique), et si l’Allemagne ne sortait pas le carnet de chèque pour commander des équipements de Défense américains (version confidentielle), de sorte à rééquilibrer la balance commerciale entre les deux pays, très en faveur de l’Allemagne grâce à ses voitures haut de gamme très prisées outre Atlantique. Le Japon, dans la même situation que l’Allemagne tant du point de vu militaire que du point de vu économique, n’a pas hésité pour sa part en commandant plus d’une centaine de F35A et B, ainsi que la modernisation de sa flotte de F15J et de ses défenses anti-aériennes à son allié. Visiblement, la commande annoncée par Berlin d’une quarantaine de Super Hornet et de Growler pour remplacer une partie de sa flotte de Tornado, celle dédiée aux frappes nucléaires de l’OTAN, n’aura pas suffi à apaiser Washington.

LRASM Super Hornet Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Berlin a annoncé vouloir commander 30 F/A 18 E/F Super Hornet et 15 EA18G Growler pour remplacer une partie de sa flotte de Tornado

Car s’il est vrais que les dépenses en matière de Défense de l’Allemagne n’attendront pas en 2025 les 2% promis, Berlin ayant révisé ses objectifs à seulement 1,5%, l’argument avancé par Trump ne résiste pas à une analyse un tant soit peu approfondie. En effet, la règle des 2%, dont l’origine est liée avant tout à un plus petit commun dénominateur diplomatique au moment des négociations entourant le sommet de l’OTAN de Cardiff, ne peut s’appliquer de manière unilatérale à l’ensemble des pays européens. Ainsi, l’Allemagne a un accord tacite avec la France, depuis le réarmement allemand dans les années 50, selon lequel les budgets de la Défense des deux pays doivent être équilibrés et du même ordre de grandeur, en valeur absolue. Or, 2% du PIB de la France ne représente que 1,5% du PIB de l’Allemagne. En outre, la courbe démographique allemande rend difficile le renforcement rapide de ses armées avec des effectifs respectant les critères de qualification et d’âge. En d’autres termes, pour l’Allemagne, passer à 2% de dépense de Défense en 2025 n’est tout simplement pas réaliste, ni même utile.

En outre, et c’est assez caractéristique de la vision stratégique du président américain, le redéploiement ordonné en Europe de la moitié des effectifs se fera vers des pays qui, paradoxalement, respectent encore moins que l’Allemagne leurs engagements de dépense. En effet, la Belgique ne dépense aujourd’hui que 0,96% de son PIB pour ses armées, et l’Italie 1,27%, alors que l’Allemagne y consacre 1,38%. Même constat vis-à-vis de la quote part allemande au budget de l’OTAN, qui représente 14% du budget de l’organisation, une proportion vis-à-vis de son PIB très supérieure à celle des Etats-Unis (22%). En réalité, le couple franco-allemand contribue à lui seul à 25% des dépenses de l’Alliance, 3% de plus que les Etats-Unis, alors qu’ils ne représentent, ensemble, que 30% du PIB américain.

F35 Italien Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’OTAN comme Washington ont fait activement pression sur Berlin pour acquérir des avions Lockheed-Martin F35A pour remplacer sa flotte de Tornado

La seule différence effective entre l’Allemagne « punie » par l’administration US, et la Belgique et l’Italie, qui se trouvent « récompensées », repose sur l’acquisition, par ces deux pays, du F35 de Lockheed-Martin, appareil que Berlin avait éliminé rapidement de sa réflexion portant sur le remplacement de ses Tornado, malgré les pressions de Washington, de l’OTAN, et même d’une partie de la Luftwaffe. Cette décision résultait de deux facteurs concomitants, l’un opérationnel, l’Allemagne privilégiant, depuis l’épisode du F104 Starfigther dans les années 60, les appareils bimoteurs plus lourds, comme le F4 Phantom, le Tornado et le Typhoon ; l’autre industriel et politique, Berlin et Paris considérant que le choix du F35 pouvait représenter une menace significative à moyen terme vis-à-vis du programme SCAF d’avion de combat de nouvelle génération. Ne pouvant convaincre Washington d’autoriser la qualification du Typhoon pour la mise en oeuvre de la bombe nucléaire gravitationnelle B61 mise à disposition par l’OTAN sous le principe de la double clé, Berlin a de fait choisi d’acquérir 30 chasseurs américains F/A 18 E/F Super Hornet et 15 avions de guerre électronique EA-18G Growler pour effectuer cette mission et pour renforcer les capacités de guerre électronique de la Luftwaffe.

D’une manière ou d’une autre, il apparait que la décision présidentielle, par ailleurs largement contestée outre-atlantique, même dans les rangs du partie républicain auquel appartient le président Trump, n’est autre qu’un moyen de pression spectaculaire pour amener Berlin à s’aligner sur le Japon et les autres pays européens appréciés par Washington, comme la Pologne, le Royaume-Unis ou les Pays-Bas, en cessant de privilégier des solutions européennes face aux équipements américains. Il est probable que si Berlin venait à entériner les offres américaines concernant le remplacement de sa flotte d’hélicoptères lourds et de sa défense anti-aérienne, et à revenir à de plus justes considérations en choisissant une solution américaine pour ses drones MALE et pour son aviation de chasse, l’ire présidentielle s’en trouverait apaisée, pour un temps du moins.

CH53E allemagne Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’Allemagne est en négociation avec Sikorsky pour remplacer sa flotte d’hélicoptères super lourd CH53

A contrario, cette décision pourrait également agir tel un catalyseur pour renforcer la construction d’une réponse européenne aux enjeux de défense européens, en reconsidérant, par exemple, l’offre faite par le président français d’ouvrir les discussions autour d’une extension de la dissuasion française aux pays voisins et alliés, approche qui fut vertement balayée par les autorités allemandes sans même se donner la peine d’étudier le sujet. L’Allemagne n’a pas la capacité démographique et constitutionnelle à prendre le rôle de pilier de la Défense européenne, nonobstant les espoirs de certains cercles berlinois, et le désengagement américain d’Europe étant irréversible du fait de la montée en puissance chinoise, la seule réponse cohérente et viable reposerait sur une coopération étendue et efficace entre Paris et Berlin, de sorte à créer un socle sur lequel les autres nations européennes pourront s’appuyer sans renoncer à leur sécurité. Encore faudra-t-il réussir à se parler, se comprendre, et surtout trouver les approches susceptibles de satisfaire les visions des deux pays. Il sera peut-être nécessaire, alors, d’imaginer de nouveaux paradigmes de coopération, et de parier sur la spécialisation et la complémentarité de chacun des pays, plutôt qu’à rechercher une forme de nivellement par l’uniformisation.

Des Mirage F1 vont entrainer les pilotes de chasse de l’US Air Force

En 2014, les derniers Mirage F1 de l’Armée de l’Air française prenaient leur retraite après quatre décennies de bons et loyaux services. Jusqu’à la fin, ce chasseur monoréacteur de Dassault Aviation aura continué à faire ses preuves, notamment en effectuant des missions de frappe et de reconnaissance au Mali. Trop spécialisées, et ne pouvant plus intégrer les systèmes d’arme les plus récents, les Mirage F1CR (reconnaissance) et F1CT (appui tactique) se verront remplacés sur le terrain par des Mirage 2000 rénovés, des Rafale bien plus performants et même par les nouveaux drones Reaper achetés aux Etats-Unis.

Pour autant, les cellules des derniers Mirage français étaient encore en excellent état lors de leur sortie du service actif. Conscient du potentiel de ces appareils, les autorités françaises ont décidé de placer les Mirage F1 « sous cocons », leur épargnant ainsi la casse en attendant qu’ils trouvent repreneur sur le marché de l’occasion. Mais plutôt que de revendre les cellules auprès d’armées de l’air africaines ou sud-américaines, le Ministère des Armées a décidé en 2017 de revendre une soixantaine de cellules de Mirage F1 à la société privée américaine ATAC, du groupe Textron. Et il y a quelques jours, ATAC a justement été sélectionné par l’Air Combat Command de l’US Air Force afin de fournir des capacités d’entrainement au combat au profit des pilotes de F-16 et de F-35 américains, via sa flotte de Mirage F1 rénovés.

Mirage F1B ATAC Textron Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
ATAC n’a déboursé que 20 millions d’euros pour l’acquisition de ses 63 Mirage F1. Néanmoins, les cellules auront connu une révision complète impliquant de nombreuses sociétés françaises, européennes et américaines, sans compter les coûts de maintenance des années à venir.

L’année dernière, l’US Air Force avait confirmé ses intentions de privatiser autant que possible les services « Red Air », autrement dit les missions d’entrainement effectuées par des avions de combat au profit des troupes américaines. De manière générale, les missions Red Air se distinguent en deux catégories principales :

  • Les simulations de frappe au sol (CAS) destinées à simuler une attaque adverse ou à entrainer les contrôleurs aériens avancés alliés,
  • Les missions ADAIR (Adversary Air) qui consistent à simuler un avion de combat ennemi afin d’entrainer les pilotes et élèves pilotes à les affronter dans des conditions réalistes.

Développées au cours de la Guerre Froide, notamment avec la célèbre Top Gun de l’US Navy et les Agressor de l’US Air Force, les capacités Red Air sont de plus en plus souvent confiées à des prestataires privés, qui ont recours à des avions de combat déclassés, comme le Mirage F1. Dans le cadre du nouveau programme ADAIR décidé par l’US Air Force, chaque base aérienne hébergeant une unité de formation avancée (Formal Training Unit) disposera de son propre contrat avec une société privée. Cette approche permet ainsi à chaque FTU de disposer d’une offre de service spécifiquement adaptée à ses besoins tactiques, tout en présentant une facture globale plus réduite pour l’USAF, grâce à la mise en concurrence.

Textron Atac Mirage F1 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Sur les 63 Mirage F1 achetés par ATAC, seul la moitié est en état de vol. L’entreprise privée entend cependant restaurer entre dix et quinze avions supplémentaires, le reste servant de stocks de pièces de rechange. Au moins 150 réacteurs ont également été livrés par la France.

A terme, près de douze Air Force Bases devront disposer d’un contrat ADAIR annuel, avec des options d’extension des contrats sur plusieurs années. Dix autres contrats devraient être passés pour des simulations CAS. Au total, ces marchés Red Air pourraient représenter une somme de plus de 6 milliards $, à répartir entre les différentes compagnies candidates. Pour l’heure, sur les douze contrats CAF CAS (Combat Air Forces Contracted Air Support) prévus par l’Air Force, seuls cinq ont été attribués.

Le plus important d’entre eux revient à la société ATAC (Airborne Tactical Advantage Company), du groupe Textron, pour la mise en œuvre des unités ADAIR de Holloman AFB, au Nouveau Mexique, et de Luke AFB, en Arizona. Estimé à 240 millions $ par an, ce contrat implique que ATAC fournira, sur chacune de ces bases, deux vols par jour pour quatre avions de type Mirage F1, soit environ 3000 sorties par an. Pour cela, cinq ou six Mirage prendront leurs quartiers à Holloman afin de fournir un entrainement aux pilotes de F-16 de l’USAF. Un nombre équivalent de chasseurs français seront installés à Luke AFB, où ils affronteront cette fois-ci le chasseur furtif F-35 de Lockheed Martin.

Des contrats moins ambitieux ont également été accordés à Tactical Air Support, basé dans le Nevada, et à Draken. Le premier fournira des chasseurs F-5 Advanced Tiger rénovés, qui effectueront environ 800 vols annuels au profit des pilotes de F-15 de l’Air National Guard, sur la base de Kingsley Field. Draken, de son côté, équipera deux Air Force Bases, pour l’entrainement des pilotes de F-15E de Seymour Johnson (1000 sorties par an) et des pilotes de F-16 de Kelly Field (530 sorties annuelles). Comme pour les contrats d’ATAC, il est très probable que Draken fasse appel à sa propre flotte de 22 Mirage F1 achetés d’occasion en Espagne, même si sa douzaine d’Atlas Cheetah, dérivé sud-africain du Mirage III, puisse également répondre au cahier des charges de l’US Air Force.

Draken Mirage F1B bleu Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Entre les flottes de Draken et celles de ATAC, le Mirage F1 va devenir incontournable pour les missions ADAIR des prochaines années. Le potentiel de cet appareil n’est cependant pas illimité, et il est probable que les principales prestataires privés chercheront rapidement à se doter de nouveaux chasseurs supersoniques

Pour l’heure, Draken dispose d’une vingtaine de Mirage F1 en état de vol, déjà utilisés au profit de la USAF Weapon School, sur la base de Nellis dans le Nevada. ATAC dispose de son côté de dix appareils validés pour une utilisation par l’US Air Force, et de cinq autres exploités au profit de l’US Navy. A terme, toutefois, ATAC devrait progressivement augmenter la taille de sa flotte. Sur les 63 Mirage livrés par la France, 32 étaient en excellente condition, et ATAC espère disposer à terme d’une quarantaine de Mirage F1 opérationnels, les autres servant de réservoirs de pièces détachées.

Une telle flotte devrait permettre à ATAC d’équiper deux à quatre bases supplémentaires dans le cadre des contrats CAF CAS, même s’il est probable que la société américaine cherche également à couvrir d’autres contrats Red Air dans d’autres pays, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Il se pourrait également que des Mirage F1 retrouvent un jour le chemin de la France, que ce soit sous les couleurs de Draken ou bien d’ATAC. Depuis plusieurs années, des A-4 Skyhawk de Draken sont ainsi observés sur le base aéronavale de Landivisiau, où ils servent de plastron aux Rafale M de la Marine Nationale. Mais aussi robuste et maniable soit-il, le A-4 Skyhawk n’est plus capable aujourd’hui de simuler une menace moderne, contrairement aux Mirage F1.

Mirage f1 draken Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Si les Mirage d’ATAC ont conservé, globalement, leur livrée d’origine, certains avions de Draken ont été repeints avec un camouflage « digital » particulièrement marquant.

Capable de voler à plus de Mach 2 et au-dessus de 50.000 pieds, le Mirage F1 peut simuler aussi bien un intercepteur moderne qu’un bombardier de type Tu-22M ou Tu-160, par exemple. Modifiés afin de pouvoir embarquer un GPS, des missiles air-air captifs, des lance-leurres et un pod de guerre électronique, les Mirage F1 d’ATAC devraient prochainement être également dotés d’un radar AESA. De quoi leur permettre de simuler les dernières générations de chasseurs russes, chinois ou pakistanais qui, s’ils ne présentent généralement par la furtivité ou l’hyper-connectivité du F-35 américain, disposent de performances dynamiques largement supérieures à l’appareil de Lockheed Martin. Or, pour trouver des parades contre ce type de menaces, rien de tel que de se confronter en entrainement à un avion de combat présentant un comportement similaire.

Reste, cependant, que les stocks de Mirage sont actuellement limités, alors même que le recours à des sociétés privées se multiplie partout dans le monde. L’avion d’entrainement avancé T-7 Red Hawk pourrait à l’avenir récupérer une partie de ces missions, mais les simulations les plus exigeantes en matière de vitesse et de plafond opérationnel devront sans doute faire appel à d’autres modèles de chasseurs d’occasion, comme le F-16 ou le Gripen, d’ici à la prochaine décennie.

Quel est le contrat Rafale reporté auquel le PDG de Dassault Eric Trappier a fait référence ?

A l’occasion de la présentation des résultats semestriels aux actionnaires du groupe, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation depuis 2013, a fait référence à un contrat portant sur la vente d’avions Rafale à l’exportation, contrat qui aurait été reporté en raison de la crise sanitaire liée au COVID-19, sans préciser de quel pays émanait cette commande potentiellement imminente de l’avion français. L’occasion bien évidemment de faire un tour d’horizon des compétitions et des négociations en cours impliquant le Rafale, pour en déduire, si cela s’avère possible, quel pourrait être ce client mystérieux auquel Eric Trappier a fait référence

La Suisse

Après la votation de 2014 ayant annulé l’acquisition de Gripen suédois pour remplacer les F5 encore en service dans les forces aériennes helvétiques, les autorités suisses ont relancé en 2017 une compétition visant, cette fois, à remplacer conjointement les F5 et les F-18 en services dans le pays. Ce processus intègre par ailleurs un volet défense aérienne, et sera validé par un référendum au terme d’un processus de sélection opposant plusieurs appareils américains et européens, dont le Rafale français. Toutefois, les résultats des évaluations des appareils qui se sont tenues en 2019, et de l’evaluation des offres transmises par les constructeurs, ne doivent pas être connues avant 2021.

La confederation helvetique emploit des F18 hornet et des F5 Tiger pour proteger son espace aerien Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Dassault fonde de grand espoirs sur la compétition en cours en Suisse pour le remplacement des F18 et F5 des forces aériennes helvétiques

Il est donc très improbable que ce contrat soit celui auquel faisait référence le président de Dassault Aviation, même si l’avionneur français ne ménage pas ses efforts pour s’imposer dans cette compétition, en cela très soutenu par l’Etat français qui propose à la Confédération Helvétique une approche de coopération forte pour les missions de formation, d’entraînement, de police du ciel et de défense ainsi que sur le volet industriel.

La Finlande

Il en va de même concernant le compétition visant à remplacer les F18 finlandais, par ailleurs très encadrée pour interdire toute forme de pression et de lobbying auprés des décideurs désignés par l’état scandinave. A l’exception du Gripen, éliminé en Suisse, les autres candidats sont les même que pour la compétition helvétique : Eurofighter Typhoon, Boeing F/A 18 E/F Super Hornet, Lockheed-Martin F35A et Dassault Rafale.

Le Rafale lors des tests en Finlande Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le Rafale a effectué une campagne de tests et validation « grand froid » en Finlande fin 2019, en dehors du processus d’évaluation des appareils devant remplacer les F18 finlandais

Mais alors que le Gripen Suédois et le F35A américain avaient la préférence de la presse finlandaise jusqu’à peu, les deux appareils favoris auraient fait montre de performances décevantes lors de la campagne de test qui s’est tenue cet hiver dans le pays. Le Rafale a donc encore toute ces chances dans cette compétition, malgré son statut d’outsider.

L’Egypte

Premier client à l’exportation des Rafale français, l’Egypte avait longtemps signifié à Paris son intention d’acquérir au moins 12 appareils supplémentaires, faisant ainsi croitre sa flotte à 36 appareils (moins 1 qui s’est craché). Des difficultés à trouver des solutions de financement (le mal français visiblement..), l’encours du pays étant déjà très sollicité avec les contrats Rafale, FREMM, Mistral et Gowind, et une obstruction américaine concernant un composant du missile SCALP EG dépendant de la législation ITAR, avaient reporté cette commande pendant prés de 2 ans.

Rafales B des forces aeriennes egyptiennes Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’Egypte a été le premier client à l’exportation du Rafale français en 2015

Toutefois, ce sont les paroles du président Français Emmanuel Macron, en visite au Caire, qui annihilèrent les espoirs français début 2019, lorsque ce dernier aborda en conférence de presse la question des droits de l’homme. Le Caire pris alors la décision de se retourner vers l’Italie, annonçant il y a quelques mois la commande de 2 frégates FREMM et 24 avions Typhoon, entre autres équipements, et de Moscou, avec la commande de prés de 500 chars lourds T90 et d’un nombre encore indéterminé de chasseurs lourds Su-35.

La crise Libyenne semble cependant avoir une nouvelle fois rebattu les cartes, Rome étant particulièrement proche d’Ankara en matière de programme de Défense, ainsi que dans le domaine énergétique, et se retrouve de fait antagoniste au Caire. Il semblerait donc que les autorités égyptiennes soient à nouveau disposées à étudier les propositions françaises depuis peu. Trop peu toutefois pour qu’une commande ait pu être préparée puis reportée par la crise Covid.

Le Qatar

Le Qatar a été le deuxième client du Rafale en 2015, l’émirat ayant commandé 24 appareils, suivi en 2017 d’une nouvelle commande de 12 appareils. Cette dernière commande a été accompagnée d’une option sur 36 nouveaux appareils, ce qui porterait la flotte Qatari à 72 appareils si l’option venait à être levée. Parallèlement, le pays a commandé 24 Eurofighter Typhoon, et 36 F15QA, évolution du F15E Silent Eagle, et à l’origine du F15EX commandé par l’US Air Force.

Rafale Qatar Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Avec 36 appareils en parc ou en commande, le Qatar fait parti des plus importants clients de Dassault Aviation ces dernières années.

Il est possible que Eric Trappier fasse référence à cette option, bien que la majorité des observateur Défense s’interroge sur les questions des Ressources Humaine, pour un état d’un peu moins de 3 millions de personnes qui, jusqu’à il y a peu, avait une force aérienne ne mettant en oeuvre de 9 mirage 2000 et 6 alpha jet. Le pays a, par ailleurs, été lourdement touché par l’épidémie de Covid19, et ce depuis mars, ce qui serait cohérent avec un report consécutif de l’épidémie. Toutefois, avec encore une quarantaine d’appareils de tout type à recevoir, une telle commande apparaitrait probablement comme prématurée, pour une force aérienne en pleine transformation. On peut toutefois penser que Doha reçoive dans ce domaine un soutien actif de la part d’Ankara et d’Islamabad, pays avec lesquels le petit émirat gazier entretient d’intenses relations sur le plan diplomatique et militaire.

L’Inde

L’Inde est évidemment un candidat plus que sérieux dans notre analyse. D’une part, comme nous l’avons évoqué récemment, New Delhi attend avec impatiente l’arrivée des 5 premiers Rafale prévue pour le 29 juillet sur la base d’Ambala, et a largement mis en scène l’événement sur la scène médiatique et internationale, arguant du potentiel dissuasif face à la Chine et au Pakistan que représente le nouvel appareil. En outre, le Rafale est concrètement en lice pour 3 contrats différents dans les pays : la compétition MMRCA 2 portant sur l’acquisition de 114 chasseurs en construction locale face aux F15 et F21 (F16 indien) américains, aux Su35 et Mig35 russes, et aux Gripen E/F et Typhoon européens; la compétition portant sur l’acquisition de 56 chasseurs embarqués pour la marine Indienne face au Super Hornet américain; ainsi qu’une commande « sur étagère » de 36 nouveaux appareils.

Rafale Inde vol Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le Rafale est très attendu en Inde, afin de rétablir l’équilibre technologique face à la Chine et au Pakistan

C’est cette dernière commande qui suscite le plus d’espoirs à court terme en France, n’étant pas dépendante d’un processus de sélection et de compétition, alors que le Rafale jouit à nouveau d’une aura publique et politique plus que satisfaisante dans le pays, après deux années de tensions suite à l’instrumentalisation du contrat initial par l’opposition travailliste au premier ministre Narendra Modi. Toutefois, plusieurs facteurs jettent le doute sur le fait qu’il puisse d’agir du contrat abordé par Eric Trappier. En effet, la montée en puissance de la contamination au virus Covid 19 en Inde a été très progressive, et n’a atteint que récemment des seuils ayant un impact sur l’activité économique et politique du pays. En outre, cette crise n’a pas empêché New Delhi de mener à bien d’autres acquisitions, comme celle de chasseurs Mig29 et Su30MKI russes, ou d’autres négociations, comme celle portant sur l’acquisition de 6 avions de patrouille maritime P8i Poseidon américains. S’il est de plus en plus possible qu’une nouvelle commande indienne de Rafale interviendra bientôt, probablement en fin d’année 2020 ou début d’année 2021 de sorte à maintenir l’activité industrielle au rythme actuel, il apparait peu probable, mais pas impossible, que l’annonce du président de Dassault Aviation portait sur ce pays.

La Malaisie

Cela fait maintenant prés d’une décennie que la Malaisie avait signifié à Paris son intérêt pour le Rafale, afin de remplacer les 8 F18 Hornet et les 9 F5 Tiger en service dans l’Armée Royale Malaisienne. Un contrat portant sur 18 Rafale avait été annoncé, potentiellement conjointement au programme MMRCA indien avorté. Toutefois, en 2017, Kuala Lumpur fit savoir à la France que le projet était reporté, sans préciser de date pour la reprise des négociations. Les autorités du pays souhaitaient en effet concentrer leurs investissements militaires sur la lutte contre l’islamisme Radical, et dans le renforcement de ses capacités navales, avant de se consacrer au remplacement de sa force aérienne. Aucune déclaration n’est venue alimenter le dossier depuis.

Gowind Malaisie Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La Malaisie est un client important de l’industrie de Défense française, auprés de laquelle elle avait commandé des frégates légères, des sous-marins Scorpene ou encore des canons CAESAR

De plus, la crise Covid 19, si elle a bien frappé la Malaise en mars et avril, concomitamment à l’Europe, n’a touché que très peu de personnes dans le pays, avec un taux d’infection inférieur à 20 pour 100.000 et à peine plus de 200 décès pour une population de plus de 30 millions de personnes. Il est donc improbable que le Covid-19 puisse-t-être à l’origine d’un report de signature d’une commande de Rafale avec la Malaisie.

L’Indonésie

En janvier 2020, à l’occasion de la visite officielle du ministre indonésien de La Défense, Prabowo Subianto, à Paris, ce dernier déclaré que Jakarta s’intéressait à l’acquisition de sous-marins Scorpene et de corvette Gowind 2500 auprés de la France, ainsi qu’au chasseur Rafale. Le nombre de 48 appareils a même été avancé. Toutefois, depuis, les déclarations indonésiennes dans ce domaines se sont succédées sans aucune cohérence. Selon l’interlocuteur, la commande de Su-35 annoncée précédemment serait ainsi annulée ou maintenue, et une nouvelle commande de F16 serait annoncée, alors qu’il est très improbable que Washington autorise la vente ce ces’appareils si Jakarta confirmait l’acquisition de Su-35.

Su35 des forces aeriennes russes decollant avec des missiles air sol guides Kh35 et Kh38 lors des tests dEtat en 2017 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Pour l’heure, C’est le Su-35 qui semble être privilégié par à court terme par Jakarta

Récemment, le pays aurait proposé à Vienne l’acquisition de ses 18 Eurofighter Typhoon de la Tranche 1 actuellement en service dans les forces aériennes autrichienne, mais l’initiative a rapidement été minimisée par les autorités de Jakarta, pour remettre en avant la commande initiale de Su-35. En tout état de cause, il est très peu probable qu’Eric Trappier ait fait référence à ce dossier extrêmement versatile dans sa déclaration face aux actionnaires du groupe.

La Colombie

Bien que challenger dans la compétition lancée par Bogota en 2017 pour remplacer ses chasseurs colombiens Kfir d’origine israélienne, le Rafale français a toutefois su se maintenir face aux F16V de Lockheed Martin et au Gripen E/F de Saab, jusqu’ici considérés comme favoris du processus. En effet, Dassault aurait proposé une offre intégrée à Bogota incluant le financement et une dimension « ITAR Free », c’est à dire sans technologies américaines à bord, portant sur une douzaine d’appareils au standard F3R. L’information publiée par un site colombien n’a toutefois pas été commentée en France, et il est de fait difficile d’évaluer les chances de l’avionneur français dans ce dossier.

Les Emirats Arabes Unis

La vente de 60 chasseurs Rafale aux Emirats Arabes Unis est en négociation depuis plus d’une dizaine d’années, et à plusieurs reprises, la France pensa que Abu Dabi était prêt à officialiser cette commande. Malheureusement, de nombreux facteurs vinrent interférer dans ce dossier, qu’ils soient politiques, diplomatiques ou économiques, en premier lieu desquels la demande émirati de reprise des 67 Mirage 2000-9 acquis en 1998, demande à laquelle Paris n’a jamais accédé.

2000 9 EAU mirage Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Les mirage 2000-9 émirati sont les plus évolués des mirage 2000 en service aujourd’hui, et peuvent sans difficulté se confronter aux dernières versions du F16 américains

De plus en plus impliqué dans le conflit Libyen au coté de l’Egypte face à la Turquie, il est désormais possible qu’Abu Dabi ait exprimé auprés de Paris sa volonté de renforcer ses forces aériennes, notamment dans le domaine de l’assaut à longue distance, domaine de prédilection du Rafale. A l’instar du Qatar, mais également du Koweit, il est possible que le pays, par ailleurs très exposé face à l’Iran, veuille ainsi accroitre son potentiel offensif et défensif, comme ce fut le cas l’année dernière lorsqu’il commanda à la France deux corvettes Gowind 2500, des bâtiments bien plus imposants et performants que ceux actuellement en service dans la marine Emirienne.

Il est également possible, bien qu’improbable, que Paris ait décidé d’accepter la demande émirienne de reprendre les mirage 2000-9, soit pour les proposer sur le marché de l’occasion, soit, et ce serait probablement le meilleur des cas, pour les intégrer aux forces aériennes françaises, de sorte à maintenir un volume opérationnel supérieur à 280 appareils de combat, comme le demande l’Etat-Major français depuis plusieurs années. En effet, les mirage 2000-9 émirati sont les plus performants des mirage 2000 en service, affichant des capacités opérationnelles n’ayant rien à envier aux dernières version du F16 américain. En réintégrant ces appareils parfaitement modernes et disposant encore d’un potentiel significatif, l’Armée de l’Air retrouverait l’épaisseur souhaitée, de sorte à soutenir le rythme opérationnel qui lui ait imposé, dans l’attente de l’entrée en service de la centaine de Rafale restant à livrer, puis du SCAF, à horizon 2040.

Conclusion

On le comprend, les Emirats Arabes Unis représentent incontestablement le meilleur candidat aujourd’hui lorsqu’il s’agit de déterminer de quel contrat Eric Trappier parlait lors de sa présentation, et ce d’autant que le pays a effectivement été touché sévèrement et depuis plusieurs mois par l’épidémie de Covid-19. L’Inde, le Qatar et la Malaisie représentent également des candidats potentiellement éligibles, alors que l’Indonésie, l’Egypte, la Suisse et la Finlande, font offices de challenger, pour des raisons cependant très différentes. Toutefois, si cette commande Emirati venait effectivement à se confirmer, cela constituerait un franc succès pour Dassault Aviation et la Team Rafale, d’autant que d’autres contrats potentiels, notamment en Inde et au Qatar, ont d’importantes chances de se conclure positivement pour l’avionneur français. Il faudra faire preuve de patience pour avoir le fin mot de cette déclaration, en espérant que ce délais ne vienne pas altérer les décisions prises ou annoncées.

Le sous-marin nucléaire Suffren poursuit ses essais en Méditerranée dans un contexte tendu pour la force sous-marine française

A la fin du mois d’avril, alors que la France était encore en plein confinement suite à l’épidémie de coronavirus, le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren débutait ses essais en mer au large de Cherbourg. Premier bâtiment de type Barracuda, le Suffren poursuit actuellement une campagne d’essais en mer particulièrement intensive, étant donné que la Marine Nationale souhaite mettre le SNA en service dès la fin de l’année. Si ce calendrier est en soi très impressionnant, surtout pour le premier représentant d’une nouvelle classe de navires, il est également particulièrement critique.

En effet, comme nous l’avions décrit en détail, la flotte sous-marine française pourrait connaître une grave crise capacitaire dans les mois qui viennent, suite à l’incendie dramatique du SNA Perle le mois dernier. Dans un tel contexte, tout retard sur la mise en service du Suffren pourrait réduire la flotte de SNA français à seulement trois bâtiments opérationnels au lieu des six prévus habituellement.

suffren première plongée Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le Suffren lors de sa première plongée, au printemps dernier. Aujourd’hui, le bâtiment en est déjà à la dernière phase de ses essais en mer avant livraison à la Marine Nationale

Le Suffren est arrivé en Méditerranée

Pour le moment, tout porte à croire que les essais en mer du Suffren respectent le calendrier prévu initialement, malgré la crise sanitaire et quelques ajustements techniques inhérents à ce genre de tests. Après une première phase d’essais statiques et à faible immersion, le Suffren a ainsi réalisé ses premières plongées en haute mer au début du mois de juin, jusqu’à atteindre son immersion maximale. Suite à cela, le bâtiment s’est dirigé à nouveau vers les chantiers navals de Naval Group, à Cherbourg, pour un passage en cale sèche afin de procéder à des ajustements techniques destinés à améliorer la manœuvrabilité du sous-marin en plongée.

Cet arrêt, bien que non planifié, est cependant loin d’être anormal. Au contraire, les essais en mer visent avant tout à vérifier que le comportement du sous-marin à la mer correspond aux modèles théoriques réalisés lors de simulations numériques ou en bassin hydrodynamique. Selon la nature des écarts constatés, il est alors possible de corriger certains défauts en cours d’essais. C’est ce qui semble avoir été fait durant les trois semaines d’immobilisation du sous-marin, qui ont également été mises à contribution pour réaliser en avance de phase certaines opérations de maintenance planifiées.

Le SNA Suffren tête de série de la future classe de SNA Barracuda de la Marine Nationale Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le Suffren lors de sa fabrication à Cherbourg. Le sous-marin a retrouvé le chantier naval de Naval Group le 10 juin dernier, où quelques correctifs lui ont été apportés en accord avec le programme d’essais en mer

Quittant Cherbourg à la fin du mois de Juin, le Suffren a ensuite été aperçu à Brest le 13 juillet puis au large de Toulon, il y a deux jours. Poursuivant ses essais en Méditerranée, le Suffren est attendu dans la base navale de Toulon dès demain, où le sous-marin prendra ses quartiers dans son nouveau port d’attache. C’est en effet depuis Toulon que le Suffren réalisera la troisième phase de ses essais en mer, qui porteront sur le système de combat du bâtiment.

Valider les capacités opérationnelles du SNA Suffren

Cette arrivée à Toulon, près d’un mois après avoir quitté pour la dernière fois la cale sèche de Cherbourg, est une excellente nouvelle pour la Marine Nationale et pour Naval Group, qui reste pour le moment propriétaire du sous-marin en attendant sa livraison officielle à la fin de l’année. En effet, le début de la troisième phase des essais implique que le comportement dynamique du sous-marin, ainsi que sa propulsion nucléaire, répondent au cahier des charges de la Marine Nationale, même si une période de rodage sera inéluctable bien après la mise en service. En cela, le Suffren semble s’inscrire dans la droite lignée des productions sous-marines de Naval Group, aussi bien en France qu’au Brésil ou en Inde, où les essais techniques se déroulent le plus souvent dans des délais particulièrement courts.

Shortfin Barracuda pumpjet Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le bon déroulement des essais du Suffren est indispensable non seulement pour la Marine Nationale mais aussi pour Naval Group, qui doit veiller à ses intérêts en Australie, où la vente de 12 Barracuda à propulsion classique fait l’objet d’intenses pressions politiques

Dans les mois qui viennent, les équipes de Naval Group et l’équipage de conduite de la Marine Nationale vont procéder à une évaluation complète du système de combat du Suffren, qui sera ici aussi comparé au comportement simulé à bord des simulateurs basés à terre. Effectués à partir de Toulon, ces essais seront particulièrement exigeants, étant donné les conditions acoustiques et hydrodynamiques très complexes de la Méditerranée. La suite sonar UMS 3000, qui comprend un sonar de proue et des sonars de flanc, sera particulièrement sollicitée, tout comme le radar, les mâts optroniques et les capteurs de guerre électronique du bâtiment. Mais il s’agira surtout d’évaluer comment le Combat Management System, le SYCOBS, réussira à compiler les données des différents capteurs afin d’offrir une situation tactique claire à l’équipage. Le SYCOBS du Suffren étant dérivé de celui intégré aux SNLE déjà en service dans la Marine Nationale, on peut cependant imaginer que la prise en main sera relativement aisée et que les marins français ne connaîtront pas tous les problèmes rencontrés par leurs homologues britanniques lorsqu’ils ont dû prendre en main les premiers SSN Astute.

Enfin, les essais en Méditerranée vont sans doute se conclure par une série de tirs de munitions en conditions réelles, qu’il s’agisse de leurres anti-torpilles CONTRALTO-S, de missiles antinavires Exocet, de torpilles de hautes performances F21 ou bien encore de missiles de croisière MDCN, principale nouveauté introduite à bord de ces nouveaux sous-marins. Selon les impératifs opérationnels, on peut cependant imaginer qu’une partie de ces exercices de tirs, notamment concernant les missiles, puissent avoir lieu après la livraison du bâtiment à la Marine Nationale. Cela s’est déjà vu.

F21 bobines fibre optique Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Par rapport aux sous-marins actuels, le Suffren pourra tirer des missiles de croisière ainsi qu’une torpille de dernière génération, la F21, conçue par Naval Group

Réparer le Perle ? Prolonger le Rubis ? Quelles options pour la Marine Nationale ?

Pour la Marine Nationale, il est probable que jamais des essais en mer n’auront été surveillés d’aussi près. A l’origine, le Suffren devait entrer en service en 2017, mais l’industrialisation du programme Barracuda a connu de nombreux retards liés aussi bien à des questions techniques que financières. Malheureusement pour la Marine Nationale, ces retards ont eu de lourdes conséquences sur les six SNA actuels de la classe Rubis qui ont dû jouer les prolongations. Le SNA Rubis, entré en service en 1979, a ainsi eu droit à un arrêt technique majeur (ATM) non prévu en 2017, afin de prolonger sa durée de vie jusqu’à la fin de l’année 2020. Le SNA Saphir, cependant, n’a pas eu droit au même traitement et a été retiré du service en juillet 2019, imposant à la Marine Nationale de se contenter temporairement de cinq SNA. Au fil de la décennie 2020, il était cependant prévu que l’entrée en service des six SNA de type Barracuda/Suffren vienne rapidement remplacer nombre pour nombre la totalité des six SNA Rubis.

perle incendie Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Il y a peu de chances que la Perle puisse être réparée. Le cas échéant, une réparation serait sans aucun doute particulièrement coûteuse, et pourrait être plus justement investit dans le programme Barracuda ou dans le lancement d’un programme de drone UUV

Cependant, l’incendie du SNA Perle le mois dernier a tout bouleversé. Ce bâtiment était en effet le plus récent de la classe Rubis, et devait justement rester en service jusqu’en 2029, date de la livraison du dernier Barracuda. Sans le Perle, et après le retrait du Saphir, l’escadrille de SNA de Toulon ne dispose plus que de quatre SNA opérationnels. Et l’entrée en service opérationnel du Suffren n’y changera rien, étant donné que le SNA Rubis doit théoriquement quitter le service actif en décembre 2020. Pour peu que les essais du Suffren connaissent quelques retards, notamment en raison des mesures sanitaires, il se pourrait même que la Marine Nationale doive un temps se contenter de trois sous-marins nucléaires d’attaque.

A court terme, il est très peu probable qu’une solution puisse être trouvée pour compenser la perte de la Perle. La Ministre de la Défense Florence Parly, au mois de Juin, avait annoncé que la réparation du SNA Perle allait être étudiée, sans aucune garantie. D’ailleurs, même si la remise en état de la Perle était possible, est-ce que cette option est réellement souhaitable ? Dans le meilleur des cas, en imaginant notamment que des éléments structurels du Saphir puissent être récupérés et greffés sur la Perle, de tels travaux de reconstruction pourraient sans aucun doute durer deux à trois ans, au bas mot. Or, à cette date, deux Barracuda supplémentaires devraient avoir été livrés (le Duguay-Trouin en 2022 et le Tourville en 2023), si bien que c’est précisément avant 2023 et non pas après cette date qu’un SNA de type Rubis supplémentaire serait plus que bienvenu.

Rubis class 03 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
En terme de calendrier, seul le Rubis pourrait se prêter à une prolongation technique afin de compenser le retrait de la Perle. Or, il s’agit justement du sous-marin français le plus ancien.

La solution la plus évidente serait alors de prolonger une nouvelle fois le SNA Rubis afin qu’il puisse tenir jusqu’à l’arrivée du Duguay-Trouin. Une telle opération serait cependant particulièrement hasardeuse. Le Rubis est en effet déjà à bout de souffle, et il est peu probable qu’il puisse tenir la route jusqu’en 2022, à moins de le cantonner à des opérations limitées. Relégué au statut de navire-école, ou bien réservé pour des opérations à faible profondeur, il pourrait au moins permettre de maintenir le format actuel et simplifier un peu la gestion des ressources humaines de la Marine Nationale. Un prolongement du Rubis de 12 à 18 mois permettrait aussi d’envoyer un autre SNA en arrêt technique majeur, en remplacement de la Perle. Cela ne permettrait pas de résoudre les problèmes à court terme de la Marine Nationale, mais il sera au moins possible de s’assurer qu’au moins un bâtiment actuel sera en mesure de tenir la route jusqu’en 2029, date prévue pour la livraison du dernier Barracuda.

Moins de Rubis, plus de Barracuda

Dans tous les cas de figure, toutes les options évoquées se heurtent à un défis de taille : la disponibilité des infrastructures et des ressources humaines. L’ATM de la Perle devait être le dernier de l’ensemble de la classe Rubis. A partir de mai 2021, les infrastructures de Toulon dédiées à la remise à niveau de la Perle devaient être reconverties pour le soutien aux opérations de la flotte de Barracuda. Si elle fait le choix de prolonger encore une fois le Rubis, ou de faire subir à un autre SNA l’ATM prévu pour la Perle, la Marine Nationale devra limiter le potentiel de croissance de sa flotte de Barracuda. Pire encore, un ATM non prévu viendra ponctionner une partie du personnel qualifié de Naval Group actuellement en charge de la construction des Barracuda. Concrètement, essayer de prolonger la flotte vieillissante de la classe Rubis risque de ralentir l’arrivée en service opérationnel des nouveaux Barracuda.

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Le coût potentiel d’une réparation de la Perle pourrait sans doute être mieux investit, quitte à sacrifier les capacités sous-marines pendant quelques années. On pourrait ainsi imaginer un module supplémentaire pour l’emport de MDCN sur le dernier Barracuda, des drones sous-marins pouvant être amarrés sur le dos des sous-marins, ou encore le développement d’une traîne sonar de dernière génération

Dans l’immédiat, même si la Perle était réparable, il serait sans doute plus prudent de réorienter la somme prévue pour les réparations vers la chaîne de production des Barracuda. Si les essais du Suffren se passent comme prévu, et étant donné la baisse d’activité générale dans le secteur naval suite à la pandémie, il est plus que probable que Naval Group puisse accélérer la production des Barracuda, de telle sorte que le dernier bâtiment soit livré en 2028 plutôt qu’en 2029. Il n’y aurait alors plus besoin de prolonger la durée de vie d’un des vieux SNA. Durant quelques années, cependant, la Marine Nationale devra accepter de se contenter de quatre puis cinq sous-marins opérationnels, ce qui se traduira probablement par un temps de présence à la mer mieux optimisé, et une nouvelle gestion des ressources humaines, les deux équipages du SNA Perle se trouvant aujourd’hui privés de bâtiment.

Faut-il compléter la flotte de SNA par des sous-marins classiques et des drones ?

A plus long terme, l’accident dramatique de la Perle pourrait bouleverser en profondeur les mentalités dans la flotte sous-marine française. Si l’incendie s’est déroulé à quai, dans des conditions qui n’ont rien à voir avec le fonctionnement opérationnel en mer, il a rappelé le danger que représente le feu à bord d’un sous-marin nucléaire ainsi que le risque que représente un format de flotte taillé au plus serré. Que la Marine Nationale dispose de quatre ou six sous-marins nucléaires d’attaque, cela reste un chiffre bien trop réduit, même en temps de paix. Alors que les menaces sous-marines et anti-sous-marines se multiplient partout dans le monde, y compris en Méditerranée, il serait judicieux pour la Marine Nationale de commencer à envisager de sortir du format tout-nucléaire afin de renforcer ses capacités défensives.

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Aujourd’hui, Naval Group dispose déjà d’une véritable expertise en matière d’UUV légers (ici le drone D19), mais également de propulsion AIP, de sous-marins conventionnels de petite dimension et de systèmes de combat automatisés. Le développement d’un Large UUV « made in France » pourrait alors parfaitement s’inscrire dans le cadre d’un plan de relance du secteur naval.

En complément d’une flotte de six SNA, réservée pour les opérations offensives et océaniques, une petite flotte de quatre sous-marins conventionnels de type Scorpène permettrait ainsi de protéger les SNLE à proximité de leur port d’attache sur l’île Longue, ou bien de réaliser des opérations de renseignement ou de soutien aux opérations spéciales sur le pourtour méditerranéen. Une telle solution serait relativement économique à l’achat, une petite flotte de Scorpène coûtant environ autant qu’un unique SNA Barracuda, mais présenterait l’inconvénient d’imposer de lourdes contraintes en matière de recrutement et de gestion des ressources humaines.

Dès lors, une solution intéressante pourrait être le développement d’un drone sous-marin de grandes dimensions, ou Large UUV, comme on peut commencer à en voir aux USA, en Russie ou encore en Corée du Sud. Doté d’un radar moderne, de deux à quatre torpilles ou missiles ainsi que de liaisons de données sécurisées, ces UUV pourraient notamment assurer la sécurisation des abords maritimes nationaux mais également réaliser des opérations de renseignement de très longues durées. De quoi libérer quelques SNA pour des missions plus complexes.

Alors que l’offre française de frégates FDI s’enlise, les Etats-Unis lancent l’offensive en Grèce

Dans un article publié dans La Tribune la semaine dernière, le journaliste Michel Cabirol dépeignait une situation plus que problématique concernant l’avenir des négociations entre la France et la Grèce au sujet du contrat portant sur l’acquisition de deux frégates FDI. Selon les informations obtenues par notre confrère, Athènes aurait été surpris par le prix proposé par Paris très en dessus des discussions que l’état grec avait eu jusqu’ici avec les industriels français, alors que la France ne parviendrait toujours pas à proposer de solution de financement acceptable et solide pour ce programme. Il est toutefois impossible de porter un jugement pertinent sur le prix sans connaitre le périmètre exacte de la prestation attendue par la Grèce.

Il est en revanche un pays qui semble déterminé à ne pas laisser filer une telle opportunité de sortir la France du tableau, pour reprendre la main sur les contrats d’acquisition de défense grecs, ce sont les Etats-Unis, alliés pour l’occasion à Israel. Selon les informations présentées par M.Cabirol, Washington aurait en effet décidé de sortir le grand jeu pour ramener Athènes à de plus justes considérations en matière de contrat de Défense, mettant en oeuvre un intense lobbying de la part de ses services plénipotentiaires comme de ses services de renseignement.

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La frégate FDI Belh@rra offre une puissance de feu multi-domaine remarquable pour un navire de seulement 4500 tonnes.

Ainsi, il y a un peu plus d’un mois, Athènes et Jérusalem signait un accord pour produire une nouvelle classe de corvette, la classe Themistocles, sur la base du modèle Sa’ar 72 israélien, dans les chantiers navals Neorion, appartenant à la société américaine Onex. Ces corvettes de 72m de long pour 800 tonnes, emportent un armement considérable dans le domaine de la lutte anti-navire et antiaérien, avec 8 missiles anti-navires Harpoon et 16 missiles anti-aériens Barak 8 dotés d’une portée supérieure à 10 km. Sans représenter à proprement parler une alternative aux FDI, éminemment plus puissantes dans les domaines de la Défense aérienne avec le radar Sea Fire et les missiles Aster 30, de la lutte anti-sous-marine grâce à sa suite sonar CAPTAS-4, son hélicoptère embarqué et ses torpilles Mu-90, et surtout de la projection de puissance vers la terre, avec l’emport de 8 missiles de croisière furtifs MdCN à très longue portée, les Themistocles offrent toutefois une première réponse aux besoins capacitaires d’Athènes pour contrer la montée en puissance de la Marine Turque en mer Egée.

Jusqu’à présent, Paris s’appuyait sur les prises de positions très fermes du président Macron vis-à-vis de la Turquie dans le dossier chypriote, ainsi que concernant la Mer Egée et le conflit Libyen. La France était, en effet, le pays occidental le plus prompt à signifier son soutien à Athènes face à son adversaire séculaire, alors que Washington semblait hésiter à s’aliéner Ankara, au risque de perdre un partenaire stratégique en Méditerranée orientale comme en mer noire et au Moyen-Orient. La France avait ainsi déployé le groupe aéronaval du porte-avions Charles de Gaulle à proximité de Chypre lors du premier déploiement du fleuron de la Marine nationale après une modernisation ayant immobiliser le navire 18 mois. En outre, la Marine Nationale française maintiendrait en permanence dans la zone une frégate, aussi bien pour marquer son implication face aux ambitions turques, que pour surveiller et, le cas échéant, être prêt à agir, en Syrie.

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Les corvettes légères Themistocles offriront une réponse à court et moyen terme à la montée en puissance de la Marine turque en mer Egée. Toutefois, elles ne permettront pas de palier l’écart de puissance une fois les programmes de nouvelles frégates et destroyers turcs lancés.

Les Etats-Unis ont, semble-t-il, eux aussi pris le parti de marquer les esprits en Grèce, en multipliant les symboles de présence et les démonstrations de forces. Ainsi, le groupe aéronaval du porte-avions Eisenhower, affecté à la 6eme flotte, a entamé le 24 juillet une série d’exercices avec la Marine Hellénique en Méditerranée orientale, intégrant notamment la frégate grecque HN Aegean à son dispositif défensif anti-aérien. Dans le même temps, Washington a déployé, via le port grec de Alexandroupoli, et pour une durée de 9 mois, une brigade aéromobile forte de 2000 hommes, 80 hélicoptères et 1.800 Vehicles, appartenant la la légendaire 101eme division aéroportée « Screaming Eagle », dans le cadre de l’opération Atlantic Resolve, destinée à renforcer la posture défensive de l’OTAN face à la Russie depuis l’annexion de la Crimée par cette dernière. Sans renforcer précisément la Défense hellénique, ce déploiement marque toutefois les esprits par son ampleur, d’autant que l’événement jouit d’une couverture médiatique exceptionnelle en Greece.

Rappelons que Washington avait proposé à la Grèce, en 2019, la fourniture de frégates légères sur le modèle des navires acquis par l’Arabie saoudite dérivé des LCS de la classe Freedom. Mais Athènes avait refusé l’offre américaine qui s’élevait à 4 Md$ pour 4 navires, au delà des capacités de financement de la Grèce. Les FDI grecques étaient alors estimées à un prix d’acquisition évoluant entre 650 et 750 m€, bien en deçà des 900 m$ des navires américains, pour des performances supérieures. Mais avec une enveloppe atteignant désormais les 2,5 Md€ pour deux navires, l’offre américaine reprend naturellement de l’intérêt pour Athènes, d’autant que les dirigeants grecques savent que Washington est souvent prêt à abonder une commande d’équipements via son programme d’assistance à la modernisation des équipements de défense en Europe. Ainsi, lorsqu’en 2018, Athènes signa un contrat de 1,6 Md$ avec Lockheed Martin pour la modernisation de 80 F16 au standard Viper, Washington alloua à la défense grecque une enveloppe de 600 m$ dans une approche économique très pertinente et efficace, comme nous l’avons à de nombreuses reprises abordé dans ces colonnes.

FDI grecque Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le standard retenue par la Grèce et la France pour les frégates FDI intégré 4 ensemble de silos Sylver soit 32 silos, contre 16 pour le modèle initialement commandé par la Marine nationale

Quoiqu’il en soit, on ne peut raisonnablement pas blâmer les Etats-Unis de se montrer offensifs et efficaces dans leur approche et leur communication, comme on ne peut pas blâmer Athènes de son rétropédalage face à l’incapacité française à proposer une solution acceptable de financement. Concernant l’enveloppe globale, celle ci peut justifiée, avec par exemple un important stock de missiles, une maintenance avancée avec un important stock de pièces, ou encore l’éventuelle modernisation d’un site industriel grec pour assembler les navires. On peut espérer, cependant, que Paris n’ai pas simplement décidé de faire porter à Athènes l’ensemble de l’ingénierie relative aux modifications demandées, comme le passage de 16 à 32 silos verticaux dont 8 destinés à accueillir des missiles de croisière MdCN, ces modifications représentant une avancée considérable pour les frégates destinées à la Marine nationale également.

Une chose est certaine, si la France se veut la championne de l’autonomie stratégique européenne, elle devra se doter des mêmes outils que les Etats-Unis pour accompagner ses partenaires européens en matière d’acquisition d’équipements de défense français, comme le FMS et de fonds d’aide à la modernisation. Cela suppose, toutefois, une profonde évolution de la façon dont le pays envisage l’activité industrielle défense, son efficacité économique, et son efficacité internationale, à moyen et long terme.

L’Inde lance l’acquisition de 6 Boeing P8i Poseidon supplémentaires

Les tensions croissantes entre Pékin et New Delhi sont visiblement prises très au sérieux par les autorités indiennes, qui multiplient les procédures d’acquisition d’équipements de Défense, parfois en procédure d’urgence, auprés de ses partenaires internationaux. C’est notamment le cas des Etats-Unis, vers lesquels New Delhi vient de notifier une demande d’offre (RFP pour Request for Price) concernant 6 nouveaux avions de patrouille Maritime P8i, en sus des 8 déjà en services et des 4 exemplaires commandés en 2016. Le contrat est estimé à 1,8 Md$. Initialement, la commande devait porter sur 10 appareils supplémentaires, comme annoncé l’année dernière par le comité de Défense indien. Mais la conjonction de la crise économique liée au Covid19, et la réorientation du fléchage des budgets liée aux tensions sino-indiennes, auront ramené le nombre d’appareil à 6. Parallèlement, l’Armée de l’Air indienne a lancé une procédure d’acquisition en urgence pour 6 drones Predator-B, afin de renforcer les capacités de surveillance de la frontière avec la Chine.

De toute évidence, les militaires indiens sont satisfaits des 8 P8i en service depuis 2012, des appareils destinés à remplacer la flotte de Tu-142 devenue obsolète. Emportant une panoplie de détection complète alliant le radar de surveillance maritime APS-143 Ocean Eye, un système d’écoute électronique AN/ALQ-240 et des systèmes electro-optiques multi-spectraux, l’appareil est intensément employé pour la surveillance maritime et la lutte anti-sous-marine tant sur toutes les façades maritimes du sous-continent, mais également, à l’instar des Atlantique 2 français au Mali, en surveillance électronique au dessus du Ladakh, dans la chaine himalayenne, ou les tensions avec Pékin sont les plus fortes.

P8 de la Marine Indienne Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
P8 Poseidon de la Marine Indienne

Outre ses détecteurs très performants, les P8i emportent également une panoplie d’armements, comme le missile anti-navire Harpoon AGM-84 et la torpille anti-sous-marine Mk-54. L’appareil dispose également d’un système de communication robuste et complet intégrant une liaison 16 permettant, entre autres choses, d’échanger des données avec des drones ou des chasseurs de facture occidentale, comme le Rafale. Ainsi, dans l’US Navy, les P8A collaborent systématiquement avec les drones MQ-4C Triton en charge de la permanence de la surveillance navale longue distance, ainsi qu’avec des drones légers emportant notamment un détecteur d’anomalie magnétique, largué par un autre appareil ou un navire à proximité. En cela, le P8i permet de palier partiellement le faible nombre d’appareils dédiés aux missions ISR et à l’alerte aérienne avancée au sein de l’Indian Air Force.

Cette annonce intervient à la suite de nombreuses autres, toutes liées aux tensions croissantes entre Pékin. Ainsi, début juillet, New Delhi confirmait la commande de 21 MIG 29 et 12 Su-30MKI auprés de Moscou, afin de renforcer rapidement les capacités de sa force aérienne, qui ne parvient pas à maintenir le format minimum pour soutenir simultanément des tensions sur les fronts pakistanais et chinois. Outre la commande de 83 chasseurs légers Tejas, les autorités indiennes ont également lancé une procédure d’acquisition en urgence de bombes guidées propulsées ASSM Hammer de Safran pour équiper les premiers Rafale qui doivent arriver le 29 juillet à la base d’Ambala. De toute évidence, l’Inde paie aujourd’hui pour la complexité de ses processus d’acquisition d’équipement, sa versatilité excessive et pour les dissensions intérieures majeurs et les ingérences de sa politique intérieure dans des dossiers d’ordre stratégique.