lundi, décembre 1, 2025
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Olaf Scholz s’oppose à la mutualisation de la dette défense en Europe

Il fallait s’y attendre. L’Allemagne, par la voix d’Olaf Scholz, a enterré les espoirs de pays comme la Pologne, les Pays Baltes ainsi que la France, au sujet de leur proposition pour la création d’un fonds européen destiné à l’acquisition des équipements de défense, pour faire face à l’évolution de la menace russe.

À l’occasion d’une conférence de presse à la sortie du conseil européen, le Chancelier allemand s’est fait le porte-parole des frugaux, qui rassemblent notamment les Pays-Bas, en s’opposant à ce que les fonds européens soient employés, en matière de défense, en dehors des outils déjà existants pour financer, exclusivement, les programmes industriels communs et la Recherche et de Développement technologique.

Si le rejet de la mutualisation de la dette est une position revendiquée de longue date par Olaf Scholz, et plus généralement, par l’Allemagne, non sans raison, il semble cependant qu’ici, un calcul plus politique que budgétaire, soit à l’œuvre pour Berlin qui, de son côté, s’est engagé dans une hausse historique de ses investissements de défense ces deux dernières années.

Olaf Scholz refuse que le réarmement en Europe soit partiellement financé par de la dette mutualisée

Les déclarations faites par Olaf Scholz, forment une réponse unique à deux initiatives annoncées récemment. D’abord, au début du mois de mars, par la France, la Pologne et l’Estonie, avaient conjointement formulé une demande à la Commission Européenne, pour que la stratégie industrielle de défense européenne (EDIS) puisse être appuyée directement par des financements européens, ce qui aurait permis de financer, sur des fonds européens, certains programmes d’équipements de défense jouant un rôle stratégique au niveau de l’Union européenne.

frontière pologne bielorusse
La Pologne et les pays baltes ont demandé à ce que les infrastructures de défense de la fronitère avec la Russie et la Bielorussie soient co-financées par l’UE.

Beaucoup plus récemment, il y a quelques jours, Varsovie associée à Tallinn, Riga et Vilnius, ont demandé à l’Union européenne de participer au financement des infrastructures de défense quoi doivent être déployées par ces pays le long des frontières russes et biélorusses, pour prévenir, autant que possible, une incursion ou une offensive russe, en particulier dans le, désormais bien connu, Corridor de Suwalki qui sépare Kaliningrad de la Biélorussie.

Dans les deux cas, il s’agissait, pour ces pays, et plus globalement, pour beaucoup de pays d’Europe de l’Est et du Sud, de mettre en place une stratégie proche de celle appliquée lors de la crise Covid, pour absorber conjointement le choc budgétaire des politiques de relance nationales.

La réponse d’Olaf Scholz, sans surprise, a été un « non », ferme et définitif. Plus question, pour le chef d’État allemand, de recréer une dette mutualisée pour financer, cette fois, l’effort de modernisation des armées pour faire face à l’évolution de la menace.

Berlin parie sur ses capacités de financement pour s’imposer dans la défense européenne

L’opposition allemande, et plus largement des pays qualifiés de frugaux, comme l’Autriche, les Pays-Bas ou les pays scandinaves, à la création d’un nouveau fonds d’investissement européen alimenté par une dette mutualisée, n’est pas surprenante, en particulier pour ce qui concerne les questions de défense.

Leopard 2 Bundeswehr
La Bundeswehr n’a que très peu de capacités opérationelles aujourd’hui. Mais l’Allemagne a d’immenses ressources budgétaires pour s’imposer en Europe.

En effet, si le fonds de relance Covid permettait d’assurer la stabilité économique à court terme de l’UE, et avec elle, garantir la stabilité de l’ensemble des états les constituant, la mutualisation de la dette défense aurait des effets économiques bien plus incertains pour Berlin et Stockholm, et presque inexistants pour La Haye ou Vienne.

Il s’agirait donc d’une perte sèche, du point de vue budgétaire, pour ces pays, par ailleurs attachés aux équilibres budgétaires. Ce d’autant que pour Berlin comme pour La Haye, la garantie sécuritaire européenne n’est ni donné par les pays d’Europe de l’Est, ni par la France, mais par les États-Unis, et les États-Unis seulement.

De fait, du point de vue allemand, il n’y a aucun intérêt à s’attacher à la création d’un fonds européen d’équipements de défense. Surtout que, dans le même temps, Berlin s’est engagé dans un effort sans précédent pour moderniser et étendre ses armées, profitant, pour cela, de ses finances publiques bien plus seines que la France, par exemple.

Rappelons que le budget de la défense allemand s’est envolé ces deux dernières années, passant de 53 Md€ en 2022 à 67,8 Md€ en 2023 (+8,7 Md€), puis 90,6 Md€ en 2024 (+22,8 Md€), soit une hausse de 55,4 %, et 31,5 Md€, en deux ans seulement.

Cet effort pourrait encore s’accroitre dans les années à venir, en particulier avec les projets avancés par Boris Pistorius, prévoyant notamment le déploiement permanent d’une brigade blindée allemande en Lituanie, ou la recréation d’un service militaire de 6 mois, probablement en s’inspirant du modèle de conscription choisie emprunté aux pays scandinaves.

Luftwaffe eurofighter Typhoon
berlin a annoncer la commande de 20 Eurofighter supplémentaires.

Le fait est, selon Christian Lindner, le ministre des Finances allemands, si le niveau de la dette souveraine allemande parvenait à baisser sous le seuil des 60 % (63 % en 2023), l’Allemagne pourrait libérer jusqu’à 9 000 Md€ pour ses dépenses de défense d’ici à 2028.

Comme le ministre le reconnait lui-même, il s’agit là d’un plafond, plus destiné à la motivation qu’à un objectif factuel. Toutefois, tout indique que la classe politique allemande fait aujourd’hui bloc pour augmenter les dépenses de défense nationale, les capacités de la Bundeswehr, et les performances de l’industrie nationale de défense, en s’appuyant sur la bonne santé financière du pays.

L’Allemagne veut rester le pivot européen de la défense aux yeux de Washington

L’objectif de Berlin, pour s’engager dans un tel effort, est double. En premier lieu, il s’agit de conforter la position de leader économique au sein de l’Union européenne du pays, par une position de leader en matière de défense, au profit du rôle de pilote de la politique européenne, tout en profitant des investissements consentis pour amener l’industrie de Defense allemande sur le podium mondial.

Dans le même temps, les autorités allemandes anticipent un possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, pour être en position de négocier avec le nouveau président allemand, en anticipant ses exigences en matière de dépense de défense, et ainsi, rester l’interlocuteur principal de Washington en Europe.

Trump Merkel
President Trump and Chancellor Angela Merkel of Germany, held a joint press conference in the East Room of the White House, on Friday, March 17, 2017.

Ce faisant, la chancellerie anticipe probablement les éventuelles menaces de déséquilibres des dépenses de défense, qui pourraient être proférées par D. Trump s’il venait à gagner les élections, et les menaces de rétorsion sur les exportations de voitures allemandes aux États-Unis, que l’on sait un argument très efficace pour convaincre l’exécutif allemand, par ailleurs déjà employé par Trump en 2017 face à Angela Merkel.

Cette stratégie est notamment mise en évidence dans la ventilation de l’effort de défense allemand. En 2024, Berlin va, en effet, dépenser 26 Md€ en acquisition d’équipement de défense, 10 Md€ de plus que la France, par exemple. Sur ces 26 Md€, près de la moitié est fléchée vers des achats d’équipements de facture allemande, l’autre moitié étant presque entièrement destinée à financer des matériels américains ou israéliens, alors qu’une part réduite s’oriente vers des équipements de conception européenne.

On retrouve également cette articulation dans l’initiative European Sky Shield, l’un des premiers piliers visibles de la stratégie allemande en matière de défense en Europe, s’appuyant sur le système IRIS-T SLM allemand, comme capacité structurante, épaulée par des Patriot américains pour l’interception à moyenne et longue portée, et par le système Arrow-3 américano-israélien, acquis exclusivement par l’Allemagne pour former un bouclier antimissile balistique européen.

La France, les pays d’Europe de l’Est et du Sud sans solution pour financer la modernisation des armées ?

On le comprend, l’opposition d’Olaf Scholz à la création d’un fonds européen destiné à financer l’achat d’équipements de défense en Europe, n’a rien de surprenant. Non seulement correspond-elle à la posture traditionnelle d’un pays ayant pris soin de ne pas laisser filer ses dépenses publiques ces 30 dernières années, mais elle s’opposerait à la stratégie allemande visant à faire de la défense un second pilier pour renforcer sa position dominante au sein de l’Union européenne.

char Leclerc France
La France doit augmenter ses investissements de défense de manière significative pour faire face à l’évolution de la meance, mais aussi pour contenir la compéitition avec berlin en matière de contrôle de la défense européenne, comme pour soutenir al position dominannte de son indsutrie de défense.

Dans le même temps, elle permet à Berlin d’anticiper, avec sérénité, un possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, en apparaissant comme « le bon élève » européen, aux yeux de l’éventuel nouveau président.

Cette décision ne fait cependant pas les affaires de Varsovie, Paris ou de l’ensemble des pays d’Europe de l’Est, la France parce qu’elle s’est enfermée dans une situation budgétaire la privant de toute voix au chapitre, les pays d’Europe de l’Est, car n’ayant pas les moyens budgétaires suffisants pour construire l’outil militaire qu’ils sont en mesure de mettre en œuvre, face à la menace russe.

Ce d’autant que Paris comme Varsovie, Tallinn, mais aussi Prague, Bratislava et Helsinki, ont tous été épinglés par Bruxelles pour une procédure en déficit excessif, en grande partie en lien avec l’augmentation des dépenses de défense, tout au moins, pour les pays bordant la frontière russe et biélorusse.

Ne pouvant se tourner vers un financement européen parallèle, ni augmenter leurs dépenses de défense en propre, sans venir encore alourdir leurs propres déficits déjà sous sanction, ces pays font face à une impasse, d’autant plus significative que la hausse de l’effort de défense requis doit s’inscrire durablement dans le temps, comme c’est le cas de la France ou de la Pologne.

Une solution envisageable, dans cette situation, serait de se tourner vers un modèle de financement alternatif, respectant les règles comptables édictées par Eurostat, sans création de dette souveraine ou de déficits immédiats : la location des équipements de défense.

Ligne d'assemblage Dassault Aviation Merignac Rafale
L’autonomie stratégique française est menacée par le manque de budgets d’investissement.

Comme c’est le cas pour les entreprises, le recours à la location, ou leasing, permet de ne financer que l’utilisation d’un équipement, comme une charge, et non comme un investissement. Si, pour les entreprises, l’objectif est essentiellement d’optimiser le haut de bilan à des fins fiscales, pour un état, cela permet d’équiper les armées sans passer par l’inscription du prix d’achat des équipements dans la dette souveraine.

Dans la présente situation, la création d’un fonds public-privé, à l’échelle nationale, voire, mieux, à l’échelle des pays aujourd’hui en situation difficile, comme la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, les Pays baltes ou, encore, l’Italie, alimentant une offre de location d’équipements de défense vers ces pays, contournerait les effets sur la dette souveraine et sur les déficits publics, sans contrevenir aux règles budgétaires européennes. Cerise sur le gâteau, cela viendrait mettre à mal la stratégie allemande, et remettre les relations multinationales européennes, au centre des enjeux de défense.

Conclusion

Si la position d’Olaf Scholz n’est en rien surprenante, et répond aux intérêts de l’Allemagne, la situation ainsi créée, pour la France comme pour de nombreux autres pays, n’est donc pas sans issue.

T72M1 vers Ukraine
Les pays d’Europe de l’Est doivent aujourd’hui remplacer les équipements envoyés en Ukraine

Au contraire, en s’appuyant sur une ingénierie financière efficace, il serait possible de mettre en œuvre des mécanismes susceptibles de soutenir les acquisitions d’équipements de défense de ces pays, sans en alourdir les déficits et la dette souveraine, voire de libérer des capacités d’investissement au profit de dépenses non éligibles au leasing, comme dans le cas des infrastructures.

Reste que, pour y parvenir, il est indispensable de prendre parfaitement conscience de la stratégie déployée ici par Berlin, et de faire preuve de suffisamment de détermination et de volonté pour convaincre, éventuellement, d’autres pays de s’engager dans la même voie, pour en optimiser l’efficacité.

Dans le présent contexte politique, en France, cela semble toutefois difficile à envisager, d’autant que la défense n’apparait nullement comme la priorité d’aucun des grands partis ou rassemblement de partis, en position de diriger le pays, à l’issue des élections législatives françaises.

Le nouveau destroyer 13DDX japonais préfigure-t-il une nouvelle génération d’escorteurs navals ?

Les premières caractéristiques du destroyer 13DDX, le nouvel escorteur de la Marine japonaise qui doit entrer en service lors de la prochaine décennie, ont été rendues publiques à l’occasion de la conférence Naval Leaders’ Combined Naval Event 24 (CNE 24), qui s’est tenue à Londres à la fin du mois de mai 2024.

Alors que la conception des nouvelles frégates New-FFM, une version allongée et mieux armées des frégates de la classe Mogami, a débuté cette année, la Marine japonaise a présenté son prochain destroyer, qui doit permettre d’achever la transformation des forces navales d’autodéfense nippones, pour répondre à l’évolution de la menace régionale, caractérisée par les flottes chinoises et russes, et par les missiles balistiques et de croisière nord-coréens.

Toutefois, bien davantage que de venir compléter la déjà impressionnante flotte de surface japonaise, au sein de la non moins impressionnante force navale d’autodéfense nippone, le destroyer 13DDX sera, en bien des aspects, le premier représentant d’une nouvelle génération d’escorteurs, ayant un coup d’avance sur les prochaines Constellation américaines, les DDx italiens, les F126 allemandes ou encore, les Type 83 britanniques.

Le destroyer 13DDX, premier représentant d’une nouvelle génération de navires de surface combattants ?

En effet, en bien des aspects, les choix de la Marine nippone, concernant les capacités attendues du destroyer 13DDX, ouvrent la voie à une nouvelle génération de navires de surface combattants, pour lesquels le missile ne représente plus l’alpha et l’oméga de l’efficacité opérationnelle.

Railgun Marine Japonaise
Le japon a l’un des programmes de Railgun les plus avancés aujourd’hui, ayant déjà effectués des tirs à partir d’une plateforme navale. Cela n’a pas empehcé Tokyo de rejoindre le programme de l’ISL franco-allemand à ce sujet.

Ainsi, toute l’architecture du nouveau navire, telle que présentée aujourd’hui, repose sur l’intégration de nouvelles capacités conçues spécifiquement pour répondre à cette évolution. Cela repose, en grande partie, sur un large panel d’armes énergétiques, puisque le destroyer 13DDX doit emporter, simultanément, un laser à haute énergie d’une puissance de 100 Kw, ainsi qu’un système de canon à micro-ondes, et un ou plusieurs canons électriques de type Railgun.

Tous ces équipements ont pour fonction d’assurer une bulle d’interception optimale contre les menaces émergentes, composées de missiles balistiques antinavires, de missiles de croisière supersoniques, de missiles emportant un planeur hypersonique, ainsi que contre la menace drone, qu’ils soient aériens ou de surface, FPV ou en essaim.

Le destroyer 13DDX ne négligera pas, pour autant, la plus-value spécifique des missiles, en particulier des missiles surface-air, puisqu’il en emportera deux types, l’un pour intercepter des menaces à moyenne et longue portée, l’autre composé de missiles à courte et très courte portée de type SHORAD.

Le navire emportera, enfin, des missiles hypersoniques antinavires et de frappe vers la terre, de croisière comme balistique avec planeur hypersonique, lui conférant des capacités de frappe et de projection de puissance qui sont hors de portée, aujourd’hui encore, des destroyers nippons. Des capacités de guerre électromagnétique et cyber complèteront cet arsenal offensif et défensif.

Nouveaux senseurs, propulsion électrique et automatisation au cœur du nouveau destroyer japonais

Pour mettre en œuvre ces systèmes, les destroyers 13DDX disposeront de nouveaux senseurs, et notamment d’un radar conçu pour suivre et engager les cibles manoeuvrantes à vitesse hypersoniques, à haute et très haute altitude.

destroyers 13ddx armements et systèmes
Présentation des capacités et équipements du destroyer 13DDX lors de la conférence CNE 24 – Le site navalnesw.com, présent sur place, a publié un article à lire à ce sujet.

Rappelons, à ce titre, que le programme de Railgun japonais, qui s’est récemment rapproché du programme franco-allemand mené à l’ISL, ne vise pas à concevoir un système d’artillerie surface-surface à très longue portée, comme c’était le cas du programme de l’US Navy, mais à élaborer une nouvelle capacité d’artillerie antiaérienne à longue portée et haute altitude, de plus petit calibre, et capable de contrer les menaces hypersoniques.

Au-delà des senseurs, les nouveaux destroyers japonais seront entièrement conçus autour d’une propulsion électrique intégrée, produisant simultanément l’énergie pour la propulsion du navire, et pour l’ensemble de ses systèmes embarqués, senseurs, systèmes informatiques et armes énergétiques, particulièrement gourmand de puissance électrique.

La survivabilité du navire doit, également, faire l’objet d’une attention particulièrement, en particulier pour en réduire les rayonnements électromagnétiques, et surtout infrarouges, un véritable défi considérant le nombre de systèmes à haute énergie et de systèmes numériques qui devraient être embarqués.

Enfin, l’automatisation, la robotisation et l’intelligence artificielle seront au centre de l’architecture du destroyer 13DDX, pour en améliorer les performances, mais, en premier lieu, pour parvenir à réduire la taille de l’équipage, une contrainte bien plus significative pour les forces navales d’autodéfenses nippones, que les défis technologiques et budgétaires à relever.

Un pari ambitieux, mais risqué pour la Marine japonaise et les ingénieurs nippons

Ainsi, les nouveaux escorteurs nippons, embarqueront la presque totalité de ces nouvelles technologies qui, aujourd’hui, sont en cours de développement, et qui doivent être parsemées à bord des nouvelles frégates et destroyers en cours de construction ou de conception en occident.

new-ffm forces navales d'autodéfense nippones
Les frégates new-FFM représentent la réponse à court terme de la Marine Japonaise au durcissement des menaces régionales. Le navire, dérivé des FFM Mogami, mais plus imposant et plus lourdement armé, est considéré par Tokyo comme un escorteur ASM polyvalent de haute intensité, là ou les Mogami sont des escorteurs ASM polyvalents de faible et à moyenne intensité.

En effet, si certains navires prévoient d’embarquer des armes à énergie dirigée, d’autres des capacités hypersoniques, et les derniers, des capacités cyber et de guerre électronique, aucun des navires en cours de conception, ne prévoit d’embarquer simultanément tous ces systèmes, et encore moins de se structurer entièrement autour des capacités complémentaires qu’ils offrent.

Au contraire, la tendance actuellement observée, privilégie bien davantage l’augmentation du nombre de silos et de missiles, et la conception de destroyers de très grande dimension, plutôt que de s’engager pleinement vers un navire de nouvelle génération, comme le fait la marine nippone.

Ceci semble indiquer que les ingénieurs, architectes navals et officiers japonais, ont toute confiance dans les performances, ainsi que dans la fiabilité, de ces nouvelles technologies, en cours de développement, au point de parier l’essentiel de sa flotte intermédiaire d’escorteurs, entre les grands destroyers Aegis, et les frégates Mogami et New-FFM, dans un contexte sécuritaire tendu peu approprié aux paris radicaux, comme celui-ci.

Pour autant, ce pari s’est souvent avéré risqué, tout du moins lorsque l’on regarde les échecs des programmes américains Zumwalt et LCS, tous deux construits autour de technologies, elles aussi, en développement, et n’ayant pas atteint les objectifs espérés.

Un pari nécessaire des forces navales d’autodéfense nippones face à l’évolution de la menace régionale autour du Japon

Reste que si l’industrie navale et de défense nippone parvient, effectivement, à relever ce défi de taille, d’autant que le premier destroyer 13DDX doit entrer en service d’ici au milieu de la prochaine décennie, les forces d’autodéfense nippones disposeront d’un navire plus que remarquable, et capable de peser significativement dans les rapports de force régionaux, face à la Chine, la Russie et la Corée du Nord.

porte-avions léger Izumo marine japonaise
Les forces navales d’autodéfense nippones alignent deux capital ships, les deux porte-aéronefs légers de la classe Izumo, bientot équipés de chasseurs F-35B.

Non seulement les 13DDX formeront-ils une flotte d’escorteurs particulièrement efficaces pour accompagner les deux porte-avions légers nippons, les deux Capital ships des forces navales d’autodéfense, mais ils complèteront efficacement le bouclier antimissile japonais, indispensable face à la croissance rapide des menaces conventionnelles et nucléaires chinoises, russes et nord-coréennes.

Il ne reste plus qu’aux ingénieurs nippons à démontrer, maintenant, que les laser à haute énergie, canons électromagnétiques, railguns et autres missiles hypersoniques, seront effectivement prêts et efficaces en temps, et en heures, pour armer ces destroyers, qui deviendraient, de fait, les premiers navires d’une toute nouvelle génération d’escorteurs.

Avec le SAMP/T NG, le Mamba devient une bulle de défense multicouche antiaérienne, antibalistique et anti-drones dès 2025.

Lancé en 2021 par Paris et Rome, le Système Antiaérien Moyenne Portée Terrestre de nouvelle génération, ou SAMP/T NG, visait jusqu’à présent à des améliorations significatives du radar et du module d’engagement du Mamba, afin d’en étendre les performances de détection et de contrôle du système, notamment pour mettre en œuvre le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT.

Il semble, désormais, que la nouvelle génération du système, sera bien plus évoluée qu’initialement annoncée, car elle pourra simultanément poser et contrôler des bulles de protection antibalistique et antiaérienne à longue, moyenne, courte et à très courte portée.

Ce faisant, le SAMP/T NG deviendrait un système de défense multicouche sans équivalent en Europe, et plus largement, en occident, pour assurer une défense intégrée contre un très large éventail de menaces, allant du missile balistique à la roquette d’artillerie, en passant par le planeur hypersonique, le missile de croisière et l’avion de combat.

Le SAMP/T Mamba, un système antiaérien et antimissile qui a fait ses preuves en Ukraine

Conçu par la France et l’Italie, et entré en service en 2008, le SAMP/T Mamba a été le premier système antiaérien à moyenne portée européen. Il se compose d’un module d’Engagement, le cœur du système, accueillant 4 opérateurs, ainsi que d’un radar rotatif PESA Arabel conçu par Thales, et de 4 Modules de lancement, armés chacun de 8 missiles Aster 15 ou Aster 30.

Radar Arabel du SAMP/T Mamba
Le radar PESA Arabel de Thales dy système SAMP/T Mamba

Il permet de poser une bulle de protection de 200 km de rayon autour du radar Arabel contre des cibles de type aéronefs non furtifs évoluant au-dessus de l’horizon électromagnétique, d’une centaine de km contre un chasseur discret comme le Rafale à moyenne altitude, et de quelques dizaines de km contre un avion ou un missile furtif.

Il peut, en outre, être employé contre des menaces balistiques en phase terminale, avec une enveloppe de tir proche de celle du Patriot PAC-2, mais en disposant d’une plus grande manœuvrabilité. Le Patriot, en revanche, dispose d’un radar plus performant, mais qui ne couvrait que 120° jusqu’ici. Des modules de soutien complètent la batterie, comprenant un groupe électrogène, un atelier mécanique, un atelier électronique et deux modules de rechargement.

Bien qu’ayant démontré une grande efficacité lors des essais et exercices, le SAMP/T Mamba n’a pas rencontré le succès escompté sur la scène internationale. En dehors de la France et de l’Italie, ses concepteurs, il n’a été acquis que par Singapour, il est vrai dithyrambique sur les qualités du Mamba, lorsque interrogé à son sujet.

L’efficacité démontrée de la première batterie Mamba envoyée par l’Italie et la France en Ukraine, ainsi que les performances antibalistiques du missile Aster 30 contre des missiles antinavires Houthis, ont profondément changé l’image du SAMP/T Mamba, sur la scène internationale, de l’aveu même de MBDA.

Nouveaux radars et nouveau système de commandement et de coordination

Comme écrit précédemment, le SAMP/T NG devait, initialement, permettre d’embarquer un nouveau radar de tir pour remplacer le Arabel du Mamba, par le Ground Fire 300 de Thales pour la France, et le Kronos de Leonardo pour l’Italie.

SAMP/T NG radar Leonardo Kronos
Les SAMP/T NG italiens emploieront le radar AESA Kronos de Leonardo.

Ces deux radars reposent sur une antenne électronique active AESA, effectuant une rotation complète par seconde, et améliorent simultanément la portée de détection (supérieure à 350 km), et la qualité de la détection contre des cibles plus petites comme les drones, plus discrètes comme les furtifs, ou plus rapides, comme les missiles balistiques ou les armes hypersoniques.

Le Module d’engagement, lui aussi, était modernisé, pour mettre en œuvre jusqu’à 6 Modules de lancement, soit 48 missiles Aster, et mieux traiter les signaux pour une prise de décision plus rapide et efficace. Ce faisant, le SAMP/T NG était paré pour accueillir le nouveau missile antibalistique Aster 30 Block 1NT, conçu pour intercepter des missiles MRBM d’une portée atteignant 1500 km, comparable au Patriot PAC-3 MSE.

Mais le SAMP/T NG sera, en fait, bien d’avantage qu’une simple évolution du Mamba, optimisée pour ce nouveau missile. En effet, à l’occasion du salon Eurosatory 2024, Eurosam a dévoilé une toute nouvelle caractéristique développée dans le cadre de cette version, la capacité à poser et contrôler une défense antiaérienne, antibalistique et antidrone multicouche, pour défense un périmètre de 150 km de rayon contre toutes les menaces actuelles.

Bulle antibalistique et anti-hypersonique : Aster Block 1NT et Aquila

Comme précédemment, l’axe principal de développement du SAMP/T NG concerne la défense antibalistique, avec l’arrivée du missile Aster 30 Block 1NT. Toutefois, selon les déclarations faites par le Délégué Général à l’Armement, Emmanuel Chiva, le système sera également capable de contrer les menaces hypersoniques existantes et à venir.

Selon les observations faites en Ukraine, les deux principales menaces hypersoniques du moment, le missile aéroporté Kinzhal, et le missile de croisière 3M22 Tzirkon, ralentiraient à l’approche de la cible, certainement pour leur permettre d’employer leurs systèmes de guidage terminaux.

missile aquila MBDa
Maquette du missile Aquila de MBDA – Paris Air Show 2023.

Dans ce contexte, l’Aster 30, couplé au radar Ground Fire 300 de Thales, semble, en effet, capable d’intercepter ces menaces en phase terminale, sans pour autant être en mesure de les intercepter en transit, le missile plafonnant à 25 km d’altitude, contre 50 à 60 km d’altitude de croisière pour les armes hypersoniques.

Toutefois, dans le même temps, MBDA développe, dans le cadre du programme européen Hydis, le missile Aquila, capable d’atteindre ces altitudes, et précisément conçu pour intercepter les missiles hypersoniques en phase de transit, et les planeurs hypersoniques en phase de plané.

De toute évidence, si le SAMP/T NG doit, comme l’annonce Emmanuel Chiva, offrir une réelle capacité d’interception antibalistique, il mettra en œuvre ce missile Aquila, présenté pour la première fois lors du Paris Air Show de 2023. Il sera, alors, en effet, le seul système capable d’associer, dans une unique système, et sur un même espace, une capacité de défense balistique et hypersonique, ainsi qu’une défense aérienne basses couches.

Bulle antiaérienne moyenne et longue portée autour de l’Aster 30

Si l’évolution phare du SAMP/T NG concerne l’interception des menaces balistiques et hypersoniques, le système restera très efficace en matière de défense aérienne contre les aéronefs, les drones de combat et les missiles de croisière, à moyenne et longue portée.

Pour cela, le système s’appuiera sur le très performant Aster 30, un missile de 4,9 m et 450 kg, capable d’intercepter des cibles jusqu’à 150 km et jusqu’à 25 km d’altitude, à une vitesse de Mach 4.5.

Aster 30 MBDA
Missile Aster 30

C’est notamment ce missile qui a été employé par la frégate française Alsace et un destroyer britannique, pour intercepter avec succès des missiles balistiques antinavires lancés par les Houthis en mer Rouge.

L’association des performances de l’Aster 30, et du nouveau radar GM 300/Kronos du SAMP-T NG, permettra, par ailleurs, d’en étendre la portée d’interception, et la précision, et en fera un système aérien particulièrement efficace contre de nombreuses cibles aérodynamiques.

Le missile assurera une bulle de défense de 5 à 150 km de portée, et de 500 à 25 000 km d’altitude, contre l’immense majorité des cibles aérodynamiques de plus de 500 kg existantes aujourd’hui.

Bulle SHORAD : MICA VL, CAMM-ER et systèmes C-RAM / V-SHORAD (Mistral, Artillerie…)

Reste que, jusqu’à présent, la bulle SHORAD (SHOrt Air Defense), et V-SHORAD (Very SHOrt Air Defense), et l’interception des cibles de petites tailles, comme les drones FPV, les roquettes, voire les obus d’artillerie, ou C-RAM (Counter-Rocket Artillery Mortar), devait être déléguée à d’autres systèmes indépendants, alors même que, bien souvent, le nouveau radar du SAMP/T NG sera en capacité de les détecter, de les suivre et les engager.

MICA VL MBDA
Batterie MICA VL

C’est précisément là, qu’intervient la petite révolution annoncée par Eurosam à Eurosatory. En effet, le SAMP/T NG, et plus spécialement son Module d’Engagement, pourra contrôler, en plus des six modules de lancement Aster, six autres modules SHORAD, armés de missiles à courte portée, comme le MICA VL ou le CAMM-ER, conçus et fabriqués par MBDA, comme l’Aster.

Mieux encore, l’architecture scalaire ouverte du SAMP/T NG permettra d’ajouter au système d’autres radars de tirs, voire d’autres systèmes secondaires dédiés à l’interception C-RAM ou V-SHORAD, comme avec les missiles Mistral, ou des systèmes d’artillerie antiaérienne.

Bien que ce ne soit pas évoqué dans la communication d’Eurosam, cette architecture devrait permettre, à termes, de mettre en œuvre des procédures de détection et d’engagements multistatiques, améliorant significativement l’efficacité de la défense aérienne contre les avions furtifs, voire d’y ajouter des systèmes de radars passifs, là encore, pour traquer et détruire, les appareils discrets ou furtifs.

Un système prometteur et évolutif, qui doit entrer en service dans l’Armée de l’air et de l’Espace dès 2025.

On le voit, les annonces faites dans le cadre du salon Eurosatory, au sujet de l’évolution du SAMP/T NG, ouvrent de nombreuses opportunités. En effet, ainsi paré, le système disposera d’une enveloppe d’interception unique en occident, et qui nécessite, en Russie et en Chine, plusieurs systèmes interconnectés (S-500 + S-400 + S-350/Buk + Pantsir) pour obtenir la même efficacité de couverture.

Un tel système pourrait, par exemple, assurer une défense très efficace d’un espace entourant une ville, pour peu qu’il existe un emplacement approprié pour son radar, ou qu’il intègre des radars secondaires, comme évoqué plus haut.

SAMP/T NG illustration
Vue d’artiste du système SAMP/T NG

Reste à voir comment, et surtout sous quels délais, ces annonces se transformeront en capacités opérationnelles effectives, et surtout, si les armées françaises et italiennes, s’en doteront effectivement.

En effet, il est fréquent que Paris face l’impasse sur certaines capacités pourtant essentielles d’un système d’arme, pour en réduire les couts. Malheureusement, les exemples, à ce sujet, ne manquent pas, et touchent tous les gouvernements, depuis plus de 40 ans.

Mise à jour du 5 aout 2024 : Plus d’Aster 15 sans le SAMP/T NG

Il est apparu que, contrairement à ce qui était initialement écrit, le SAMP/T NG n’embarquera pas l’Aster 15 EC, ni l’Aster 15. Selon les arbitrages effectués, la complémentarité offerte par l’Aster 30 pour les cibles aérodynamiques à longue et moyenne portée, et par les missiles VL MICA, VL MICA NG et CAMM à courte portée, permet de ne plus embarquer d’Aster 15 / 15,EC, dans le SAMP/T NG, ceci permettant de disposer de 48 conteneurs armés d’Aster 30, Block 1 ou Bloc 1NT.

De fait, l’Aster 15 EC semble devoir être réservé aux systèmes navals, notamment pour remplacer les Aster 15 embarqués par les VLS SYLVER 43, comme ceux du Charles de Gaulle et du Cavour, ainsi que les frégates équipées du même VLS, comme les quatre premières FREMM de la classe Aquitaine.

Rappelons que la Marine nationale avait déjà décidé, il y a quelques années, de remplacer le SYLVER 43 de ses deux dernières FREMM de la classe Aquitaine, et des deux FREMM de la classe Alsace, par des SYLVER 50 pouvant embarquer des Aster 30, le missile étant certes un peu plus cher que l’Aster 15, mais offrant une enveloppe d’interception beaucoup plus étendue.

Vers une super commande de Leopard 2A8 pour les armées allemandes et tchèques

En avril 2023, KNDS a surpris l’ensemble du microcosme des véhicules blindés européens, en présentant le Leopard 2A8. Cette évolution du Leopard 2A7HU hongrois, intégrait notamment certains équipements dont le caractère indispensable a été mis en évidence par la guerre en Ukraine, comme l’APS Hard-Kill Eurotrophy, un blindage passif renforcé, et un ensemble de capteurs et systèmes de communication modernisés.

Il est vrai qu’il y avait urgence, pour le spécialiste allemand des chars de combat, qui contrôlait, jusqu’à présent, le marché européen du char lourd, à plus de 70 %. En effet, ces dernières années, le K2 Black Panther sud-coréen, et le M1A2 SEPv3 américain, avaient réussi à s’implanter jusque sur le pré carré européen de KNDS, en Pologne et en Roumanie, face à un Leopard 2A7+ qui peinait à se positionner.

À cela s’ajoutait la menace grandissante du KF51 Panther de Rheinmetall, qui fit l’objet d’une intense campagne de communication et de lobbying politique au Bundestag depuis sa présentation lors du salon Eurosatory 2022, notamment pour mettre le pied au sein de la Bundeswehr.

Le Leopard 2A8 permit d’inverser la tendance. En quelques semaines, après sa présentation, la Norvège et la République tchèque, annonçaient se tourner vers le nouveau char de KNDS, la Lituanie et les Pays-Bas se préparant à les rejoindre. Quant à la Bundeswehr, elle annonça, quelques jours après la révélation du nouveau char, une commande 18 blindés, pour remplacer les Leopard 2A6 envoyés en Ukraine, ainsi qu’une option sur 105 exemplaires.

Boris Pistorius annonce la commande prochaine de 105 Leopard 2A8 pour la Bundeswehr

Lors de son annonce, l‘option sur les 105 chars, accolée à la commande ferme des 18 exemplaires à destination de la Bundeswehr, devait permettre de créer un tampon industriel d’exportation, sur la base du contrat signé avec KNDS par Berlin.

Leopard 2A8
Vers une super commande de Leopard 2A8 pour les armées allemandes et tchèques 22

Depuis, les informations avaient été peu nombreuses concernant l’avenir de cette option. Rien n’indiquait, cependant, que les commandes norvégiennes, et tchèques, ou que les discussions avec La Haye et Vilnius, pouvaient être prélevées sur ce contrat.

Les révélations faites, cette semaine, par Der Spiegel, donnent une vision plus claire à son sujet. Selon le site d’information, Boris Pistorius, le ministre de la Défense allemand, a déposé une requête de financement pour acquérir les 105 blindés, pour un montant de 2,4 Md€.

Les Leopard 2A8 seront destinés, non pas à l’exportation, mais à équiper deux bataillons de chars lourds, qui devraient, selon toutes probabilités, servir à former la brigade allemande déployée en permanence en Lituanie, promise par le ministre il y a plus d’un an maintenant, et qui n’existe, à ce jour, ni dans ses effectifs, ni dans ses équipements.

Les 105 chars devant être commandés, devraient être livrés de 2026 à 2030, sans pour autant qu’il soit question de remplacer les Leopard 2A4 et 2A5 en service au sein de la Bundeswehr, ce qui pourrait être la fonction d’une commande à venir, portant sur le Leopard 2AX.

La demande de Boris Pistorius, qui porte également sur l’acquisition de deux frégates Type 126 supplémentaires pour la Bundesmarine, doit désormais obtenir l’aval de la commission Défense du Bundestag, dans le cadre de la préparation du budget 2025 des armées. Toutefois, étant donné les rapports de forces politiques au Bundestag, il est probable que le ministre allemand obtienne effectivement gain de cause.

La République tchèque valide la commande de 61 Leopard 2A8 avec une option pour 15 chars supplémentaires

D’ailleurs, celui-ci anticipe déjà cet accord. En effet, Les ministères de la Défense allemand et tchèque ont signé, le 24 juin, un accord-cadre concernant l’acquisition commune de Leopard 2A8.

Leopard 2A8
Vers une super commande de Leopard 2A8 pour les armées allemandes et tchèques 23

La décision de Prague n’est pas une surprise, la République tchèque ayant, depuis plusieurs mois, annoncé son intention de s’équiper du Leopard 2A8 pour remplacer les T-72M actuellement en service, dont un grand nombre a été envoyé en Ukraine pour soutenir les armées de Kyiv face à l’agression russe.

Concrètement, les autorités tchèques entendent commander 61 Leopard 2A8 pour 38,9 milliards de couronnes (1,56 Md€), avec une option portant sur seize exemplaires supplémentaires, et un contrat global de 52,1 milliards de couronnes, soit 2,1 Md€. La commande comprend les blindés, ainsi que les simulateurs, les infrastructures de maintenance et l’entrainement.

L’accord signé avec Berlin, le 24 juin, concerne notamment la participation de l’industrie tchèque dans l’exécution du contrat, de même que les transferts de technologies nécessaires à cet effet. En outre, ce faisant, Prague bénéficie des conditions accordées à la Bundeswehr par le contrat de 2023, y compris sur le plan budgétaire.

Vers une commande conjointe germano-tchèque de plus de 180 Leopard 2A8

En effet, ensemble, les volumes allemands et tchèques représentent une commande ferme de 166 Leopard 2A8, avec une option (très probable) de 16 exemplaires supplémentaires, soit un total de 182 chars lourds, et 4,5 Md€.

Leopard 2A+ dérivé  leopard 2A7HU
Le Leopard 2A8 est dérivé du Leopard 2A7+, lui même du 2A7HU.

Il s’agit de la plus importante commande de chars lourds signée en Europe ces 30 dernières années, dépassant, de peu il est vrai, les 180 K2 Black Panther commandés par Varsovie auprès de Séoul.

Ajoutés aux 18 chars déjà commandés par la Bundeswehr, devant remplacer les 18 Leopard 2A6 envoyés en Ukraine par Berlin, et par les 52 chars commandés par Oslo, pour remplacer ses Leopard 2A4NO, cette commande commune confère un confortable carnet de production industriel à KNDS Deutschland, de 236 à 252 chars.

Ce nombre pourrait bientôt continuer à croitre, en dépit de l’échec des négociations entre KNDS et Leonardo, avec une cinquantaine de blindés pour former un nouveau bataillon néerlandais de chars, et autant pour la Lituanie, avec le même objectif, soit entre 110 et 130 chars supplémentaires à produire pour l’industriel allemand.

Le Leopard 2A8, le pari gagnant de KNDS Deutschland face au K2, au M1A2 et au KF51.

De fait, même si les commandes devaient s’arrêter après les commandes néerlandaises et lituaniennes, le Leopard 2A8 aura été un pari plus que gagnant de la part de KNDS.

En effet, même si le char ne représente qu’une évolution du Leopard 2A7+, son arrivée a permis à l’industriel de stopper la poussée sud-coréenne et américaine en Europe, et de couper l’herbe sous le pied au KF51 Panther de Rheinmetall, qui aurait pu, sans cela, menacer l’arrivée du Leopard 2AX, ainsi que celle, à plus long terme, du MGCS.

KNDS Deutschland Krauss-Maffei Wegmann
Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

De manière intéressante, on constate que les modèles de chars présentés par KNDS lors du salon Eurosatory, réplique en de nombreux, la stratégie payante du Leopard 2A8, y compris, en France.

KNDS propose la même stratégie à la France avec le Leclerc Évolution, mais se heurte à un mur jusqu’à présent

En effet, concomitamment au Leopard 2A-RC 3.0, préfigurant le Leopard 2AX réclamé par la Bundeswehr pour remplacer, dans les années à venir, les Leopard 2A4/5 et, peut-être, 6, KNDS a présenté le Leclerc Évolution, un blindé faisant jeu égal, en matière de technologies et de capacités opérationnelles, avec le futur 2AX, pour peu qu’il soit, comme on peut le penser, proche du 2A-RC 3.0.

Or, pas davantage que le Leopard 2A8, le Leclerc Evolved n’a fait l’objet d’aucune demande préalable de la part de l’Armée de terre française, et vise donc à créer une acquisition d’opportunités, par la France, pour lancer la carrière internationale du blindé.

Reste que si la Bundeswehr et les autorités allemandes ont parfaitement saisi l’intérêt commercial et opérationnel de developper un char de génération intermédiaire entre le Leopard 2A8 et le MGCS, avec, à la clé, une commande probable de 100 à 200 chars pour la Bundeswehr, c’est encore loin d’être le cas de l’Armée de terre, alors que la défense ne semble pas être la priorité du débat qui encadre la campagne pour les élections législatives anticipées.

Quoi qu’il en soit, désormais, la France est face à ses propres responsabilités dans ce dossier. KNDS a présenté une stratégie industrielle et commerciale équilibrée entre le Leopard 2AX et le Leclerc Évolution. Il ne tient, donc qu’à Paris de s’en saisir, pour remonter KNDS France dans le domaine des blindés chenillés et chars lourds. L’Allemagne, elle, a déjà fait son choix, avec ou sans la France.

Le contrat des 26 Rafale M et B pour la Marine indienne certainement signé avant la fin de l’année.

L’annonce faite par Narendra Modi concernant l’acquisition de 26 Rafale M et B pour l’Indian Navy, avait été l’un des moments forts de la visite du premier ministre indien en France, à l’occasion des célébrations du 14 juillet 2023.

Depuis, toutefois, les autorités indiennes et françaises ont été très discrètes quant aux progrès réalisés dans les négociations, qui portent également sur l’achat de trois sous-marins Scorpene de la classe Kalvari supplémentaires.

Il semble, désormais, que cette dynamique soit proche de sa conclusion. En effet, selon la presse indienne, citant des déclarations d’officiels de la Marine indienne, les négociations ce sujet auraient progressé ces dernières semaines, et le contrat pourrait être signé, d’ici à la fin de l’année 2024.

Les négociations pour l’acquisition des Rafale M et B par la Marine indienne retardées de plusieurs mois par les élections législatives indiennes

Les négociations entre Paris et New Delhi, au sujet des deux contrats majeurs annoncés lors de la visite de Modi en France autour du 14 juillet 2023, ont été, selon les sources, ralenties, voire suspendues, par la campagne électorale pour les élections législatives indiennes, qui se sont tenus les 19 avril et 1ᵉʳ juin 2024.

narendra Modi Emmanuel macron Paris 2023
La commande de 26 Rafale, dont 22 Rafale M et 4 biplaces, pour la Marine indienne, a été annoncée à l’occasion de la visite officielle de Narendra Modi en France en 2023.

Si la coalition de l’Alliance Démocratique Nationale (NDA) a conservé, à l’issue des élections, une majorité à la chambre basse indienne, avec 293 des 543 sièges de députés, sa principale force politique, le Bharatiya Janata Party de Narendra Modi, sa principale composante, n’a obtenu que 240 sièges, contre 300 lors de la précédente magistrature, perdant de fait la majorité absolue parlementaire.

Quoi qu’il en soit, Narendra Modi a conservé, pour cinq ans, son poste de premier ministre à la tête du pays, permettant aux négociations de reprendre avec Paris, que ce soit au sujet des Rafale, et des trois sous-marins Kalvari, pour la Marine indienne.

À ce sujet, selon la presse indienne, des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières semaines, permettant de fixer, notamment, la configuration des 22 Rafale M et des 4 Rafale B indiens, comme l’ensemble des services, munitions et pièces détachées, qui accompagneront les chasseurs indiens au sein de l’Indian Navy.

Un contrat de 4 Md€ et un appareil proche du standard des Rafale B/C des forces aériennes indiennes

Selon les sources citées, le contrat définitif, d’un montant proche de 4 Md€, pourrait être finalisé dans les mois à venir, pour une signature avant la fin de l’année 2024.

Rafale M
Le contrat des 26 Rafale M et B pour la Marine indienne certainement signé avant la fin de l'année. 30

Il faut, bien évidemment, prendre ces affirmations avec une certaine réserve. En effet, la presse indienne a souvent relayé des affirmations excessivement optimistes, ne s’étant pas vérifiées dans les faits. En outre, la situation politique tendue en France, peut, à son tour, ralentir les négociations avec New Delhi.

Pour autant, l’Inde étant un partenaire stratégique pour Paris, ne faisant pas l’objet de dissensions politiques au sein des forces en présence lors des élections législatives à venir, on peut supposer que si délais, il y a, ceux-ci seront limités, personne n’ayant intérêt à faire dérailler une telle commande de la part de New Delhi.

Parmi les informations diffusées par la presse indienne, figure notamment les évolutions des Rafale M indiens, vis-à-vis des appareils en service au sein de la Marine nationale. En effet, les chasseurs embarqués indiens emporteront des équipements supplémentaires, pour l’essentiel identiques à ceux qui équipent les Rafale B/C de l’Indian Air Force.

Il s’agit, notamment, du viseur à casque, certainement le Targo II de l’israélien Elbit System, des systèmes de brouillages et de guerre électronique spécifique, ou encore une évolution des logiciels pour permettre la mise en œuvre à bord des porte-avions indiens.

Rafale M lors des essais sur Ski Jump à Goa
Ce cliché montre un Rafale M lors des essais sur Ski Jump à Goa, en configuration lourde, avec 2 Mica IR, 2 Mica EM, 2 meteor, un AM39 exocet et deux bidons subsonique de 2000 litres.

En termes d’armement, il est aussi probable que la panoplie qui évoluera sous les ailes des Rafale Marine indiens, sera proche de celle de l’IAF, avec des missiles air-air METEOR et MICA (NG ?), des bombes A2SM Hammer, des missiles de croisière SCALP et, version navale oblige, des missiles antinavires AM39 Exocet, observé sous l’aile du Rafale M envoyé en Inde pour les essais d’utilisation du Ski Jump.

Le Rafale M indien opèrera à partir de tous les porte-avions de la Marine indienne

Si l’article de theprint-in, n’est pas très détaillé au sujet de cette configuration, n’abordant pas, par exemple, le standard de livraison de Rafale M indien (certainement F4.x, permettant une évolution vers F5), il donne toutefois une information intéressante, et même surprenante.

En effet, jusqu’ici, les Rafale de la Marine Indienne, étaient censés être mis en œuvre à bord de l’INS Vikrant, le porte-avions de conception et fabrication indienne, livré à l’Indian Navy en septembre 2022.

Or, dans l’article, il est précisé que les modifications logicielles demandées, permettront aux chasseurs embarqués de Dassault Aviation, d’embarquer à bord de tous les porte-avions indiens.

Cette déclaration suppose donc que les appareils pourront aussi être déployés à bord de l’INS Vikramaditya, un porte-aéronefs de conception soviétique appartenant à la classe Kiev, et profondément modifié pour mettre en œuvre des chasseurs embarqués à l’aide d’un tremplin Ski Jump et de brins d’arrêt.

Marine indienne INS Vikrant
Jusqu’ici, les Rafale M indiens devaient armer uniquement l’INS Vikrant, kle nouveau porte-avions indiens. Il semble qu’ils pourraient aussi embarquer à bord de l’INS Vikramaditya, dérivé du la classe Kiev soviétique.

Ceci laisse supposer que les Rafale M indiens pourraient, à termes, remplacer les MIG 29K qui forment le groupe aérien embarqué de ce porte-aéronefs de 45000 tonnes et de 284 mètres, construit dans les années 80, mais entré en service au sein de l’Indian navy en 2014, après dix années de transformation.

Une maintenance et une formation probablement mutualisée en partie avec les forces aériennes indiennes

Autre sujet d’intérêt détaillé dans l’article, la visite d’une délégation de la Marine indienne sur la base aérienne de Ambala, proche de la frontière Pakistanaise, qui abrite l’un des deux escadrons de Rafale de l’IAF.

L’objectif de cette visite était d’étudier les synergies possibles entre la Marine indienne et les forces aériennes indiennes, concernant la maintenance et la formation des équipages et personnels de maintenance des deux forces.

La proximité de configuration des versions terrestres et marines du Rafale indien, constituera, sans le moindre doute, un précieux atout dans ce domaine, y compris pour la gestion des stocks de pièces détachées et de munitions, ainsi que la régénération des appareils et des moteurs, avec, à la clé, d’importantes économies concernant les couts de possession des chasseurs.

Des négociations de bon augure pour le programme MMRCA 2

Ces similitudes entre les versions terrestres et navales, permettant des économies significatives en matière de couts de configuration des appareils désirés par les armées indiennes, ainsi que les synergies en matières de maintenance et de formation des appareils, y compris par l’industrie aéronautique indienne, déjà impliquée dans le processus, constituent de très sérieux points forts concernant les chances du Rafale de s’imposer dans la compétition MMRCA 2, pour le remplacement des Jaguar indiens.

Rafale indian air force
Les Rafale B et C de l’Indian Air Force ont subi de nombreuses modifications pour répondre aux besoins indiens. Modifications qui seront en grande partie reprise pour le Rafale M indiens, et qui ne seront pas à financer, si le chasseur français était choisi pour le programme MMRCA 2.

Rappelons que cette compétition, lancée en 2018, concerne l’acquisition de 110 chasseurs bombardiers polyvalents moyens à destination de l’IAF, destinés à remplacer les Mirage 2000 et Jaguar, à partir de 2030. Elle fait suite à la compétition MMRCA, lancée en 2001, remportée en 2012 par le Rafale, mais annulé en 2015, après que Dassault Aviation et HAL, l’avionneur d’état indien, au sujet des procédures de fabrication et de garanties.

Le contrat a été remplacé par l’achat de 36 Rafale B et C, fabriqués en France, destinés à remplacer partiellement le retrait des MIG-27 et MIG-21 indiens, ainsi qu’à porter la composante aérienne de la dissuasion indienne.

Ce contrat de 8 Md€, prévoyait, notamment, l’évolution du Rafale en y intégrant certaines technologies exigées par l’IAF, comme le viseur à casque Tagos II israélien, ou le leurre tracté X-Guard. En outre, une base de maintenance, permettant d’assurer le soutien d’une flotte de 150 chasseurs, a également été construite.

Ces investissements ont certainement joué un rôle dans le choix indien de se tourner vers le Rafale M plutôt que vers le F/A-18 E/F Super Hornet proposé par Boeing, avec des couts sensiblement inférieurs concernant l’achat et la maintenance des appareils.

RAfale maintenance
Le contrat des 26 Rafale M et B pour la Marine indienne certainement signé avant la fin de l'année. 31

De la même manière, les infrastructures déployées autour de la première commande Rafale pour l’Indian Air Force, et l’effet de masse généré par la décision de l’Indian Navy de se tourner vers le Rafale M, auront une influence sensible considérant les couts d’acquisitions et de maintenance des 110 chasseurs du programme MMRCA 2.

En effet, en tenant compte de l’inflation, les économies potentielles attendues, concernant les investissements déjà réalisés, sur le programme MMRCA, représentent aujourd’hui 4 à 5 Md€. Rapporté à 110 cellules, ce montant représente un écart de prix de 36 à 45 m€ par appareil, mettant le Rafale B/C à un prix d’acquisition presque moitié moins élevé que le Typhoon et le F-15EX, 40 % de moins que le KF-21 Boramae, 30 % plus économique que le JAS 39 Gripen E/F et que le Su-35s, ce dernier ayant, toutefois, peu de chances d’être choisi, pour ne pas provoquer l’ire de Washington et le déclenchement de sanctions au travers de la législation CAATSA.

Sachant qu’autour de ce contrat, s’articulent également des négociations avec le français Safran, pour le développement d’un turboréacteur de nouvelle génération pour propulser les nouveaux chasseurs indiens, le Rafale fait, aujourd’hui, office de favori dans cette compétition, dont le statut et le calendrier demeurent cependant incertains.

La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ?

Alors que Jakarta vient d’annoncer la commande de deux sous-marins Scorpene Evolved, les négociations entre Paris et New Delhi, concernant les programmes d’armement, ont connu un coup d’accélérateur depuis les élections législatives indiennes, et la nouvelle victoire de Narendra Modi.

Après les informations laissant entendre que la commande de 22 Rafale M, et de 4 Rafale Biplaces, pour la Marine Indienne, pourrait être signée d’ici à la fin de l’année 2024, c’est désormais au tour des trois sous-marins Scorpene de la classe Kalvari, de faire à nouveau parler d’eux.

En effet, la presse indienne indique que les négociations au sujet de ces trois navires, conçus par Naval Group, et construits par les chantiers navals Mazagon Docks, auraient, elles aussi, progressé, et seraient proches d’une conclusion.

Cependant, l’information la plus intéressante, relayée par la presse indienne, n’est pas le montant du contrat, ni les délais de fabrication garantis par Mazagon Dock, mais l’indiscrétion au sujet d’un nouveau système de propulsion qui équipera les nouveaux submersibles, étendant sensiblement l’autonomie et les performances des navires.

Les trois nouveaux Scorpene indiens construits par Mazagon Docks, en 6 ans pour 35.000 crores, soit 3,9 Md€

Comme les Rafale M destinés à opérer à bord des porte-avions indiens, l’annonce concernant la commande de 3 sous-marins de type Scorpene supplémentaires, pour la Marine indienne, a été faite par Narendra Modi, lors de sa visite officielle en France, en juillet 2023, à l’occasion des célébrations de la fête nationale française.

INS Kalvari
La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ? 37

Et comme pour les avions de combat, les discussions, au sujet de ces navires, semblent avoir été ralenties, et même un moment, suspendues, le temps de la campagne électorale pour les élections législatives indiennes, qui se sont tenues mi-mai et début juin 2024.

Le sujet a refait surface dans la presse indienne il y a quelques jours, alors que les chantiers navals Mazagon ont transmis leur proposition aux autorités indiennes, pour la construction locale de ces trois navires.

Rappelons que, précédemment, c’est ce même chantier naval qui, associé à Naval Group, a construit les six sous-marins formant la classe Kalvari de la Marine indienne. En 2005, les autorités indiennes avaient confié le contrat à ces deux partenaires, pour construire localement 6 sous-marins type Scorpene de 67,5 mètres avec un déplacement en plongée de 1775 tonnes.

Le premier navire, l’INS Kalvari, a été lancé en octobre 2015, et entra en service en décembre 2017. Les 5 autres navires suivirent, à raison d’une moyenne d’un nouveau navire tous les 18 mois. La dernière unité, l’INS Vagsheer, a été lancé en avril 2022, et doit rejoindre le service dans les semaines à venir.

Un nouveau contrat pour de nouveaux sous-marins, plus imposants, modernisés et disposant d’un nouveau système de propulsion

Initialement, les discussions entre Naval Group, MDL, la Marine indienne et les autorités du pays, devaient porter sur la construction de trois navires très proches des Kalvari initiaux. Il a toutefois été évoqué que les navires pourraient recevoir le nouveau système de propulsion anaérobie AIP développé par la DRDO, l’agence de l’armement indienne, dès la construction, et non lors de leur première modernisation, comme pour les six premiers navires.

Scorpene Evolved Naval group
La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ? 38

Toutefois, à en croire les révélations faites par la presse indienne ces derniers jours, les nouveaux sous-marins, qui constitueraient une évolution de la classe Kalvari, seront plus imposants que les modèles indiens. Surtout, ceux-ci devraient recevoir un nouveau système de propulsion, leur conférant une autonomie et des performances étendues.

Or, si les technologies AIP permettent d’accroitre l’endurance en plongée des sous-marins conventionnels, elles n’étendent pas, à proprement parler, l’autonomie, et encore moins, les performances des navires, en particulier face à des Scorpene classiques, déjà réputés disposer de capacités avancées dans ces deux domaines.

Bien évidemment, sans que ce soit cependant exprimé par les médias indiens, cette description correspondrait parfaitement à une propulsion Lithium-Ion qui, précisément, offre une autonomie accrue aux navires, ainsi que des performances, notamment en termes de vitesse de plongée, très largement supérieures aux batteries classiques, et encore davantage, face aux systèmes AIP.

De fait, la description faite ici, induit à penser que la Marine indienne pourrait s’être tournée, au fil des négociations, vers le modèle Scorpene Evolved, ou, tout au moins, vers l’utilisation de certaines de ses technologies clés, comme la propulsion lithium-ion.

Pour rappel, les Scorpene Evolved ont été présentés publiquement, par Naval Group, en octobre 2023, dans le cadre de la compétition organisée par la Marine indonésienne, pour la construction locale de deux nouveaux sous-marins. En mars 2024, Jakarta annonçait la victoire de Naval Group et PT PAL dans cette compétition, et la commande de deux Scorpene Evolved.

Un important transfert de technologies pour permettre à Mazagon de fabriquer d’autres navires avec une grande autonomie.

Bien évidemment, la technologie lithium-ion, et plus généralement, les Scorpene Evolved, représentent de nombreuses évolutions vis-à-vis des Scorpene de la classe Kalvari, plus de dix ans séparant la conception des deux variantes.

Mazagon Dock Classe Kalvari
Lancement de l’INS Vaghseer par MDL, dernier des 6 sous-marins classe Kalvari

De fait, la construction de ces nouveaux navires, par MDL, nécessiterait, une nouvelle fois, d’importants transferts de technologies, d’autant que l’Inde attend désormais qu’au moins 60 % des travaux, en valeur, soient exécutés sur le sol indien.

Or, les transferts de technologies semblent au cœur des discussions en cours entre New Delhi et Naval Group autour de ces trois nouveaux navires, à en croire les informations recueillies par la presse indienne. Ce qui tend, donc, à accréditer l’hypothèse d’un basculement du programme indien, vers le Scorpene Evolved, ou, plutôt, vers un hybride entre le Kalvari traditionnel, et le Scorpene Evolved générique de Naval Group.

Il faut dire que, là encore, à en croire la presse indienne, que le jeu en vaut la chandelle, pour Mazagon comme pour Naval Group. En effet, l’objectif affiché, pour ces transferts de technologies, serait de parvenir, à l’avenir, à construire de manière autonome, en Inde, de futurs navires de la même classe, voire d’en assurer l’évolution.

Les Scorpene Evolved, ou Kalvari Evolved, vont-ils sonner le glas du programme P75i ?

Cette ouverture s’inscrit pleinement dans la doctrine du Make in India, soutenue par Narendra Modi et sa majorité nationaliste. Elle permettrait, notamment, à MDL, de faire évoluer, à l’avenir, les six premiers Kalvari, pour les doter de batteries lithium-ion, ce qui en étendrait sensiblement les performances, ce sans passer par l’étape AIP.

INS Kalvari Naval Group Scorpene Class
La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ? 39

Surtout, elle ouvre un boulevard de négociation à Mazagon, avec le soutien de Naval Group, pour remplacer le programme P75i, qui prévoit de commander six nouveaux sous-marins AIP pour la Marine indienne, pour s’équiper directement de sous-marins lithium-ion, plus performants, tout en profitant d’une certaine standardisation au sein de la flotte, ce qui en facilite la maintenance, ainsi que la formation des équipages.

Cette hypothèse est d’autant plus crédible que les trois sous-marins proposés par MDL et Naval Group, s’inscrivent dans un budget global de 35000 crores, soit 3,9 Md€, ceci comprenant les transferts de technologies si importants pour Mazagon, la Marine indienne, et, surtout, pour Narendra Modi.

Ce prix s’avère, en effet, particulièrement compétitif, au point qu’il serait certainement très difficile, aux autres compétiteurs comme TKMS, Navantia, Kockums, Hanwha Ocean et Rubin, de s’aligner avec une technologie et des performances comparables.

En outre, comme pour le premier contrat Rafale indien, ce premier contrat Kalvari Evolved, porterait beaucoup des couts d’adaptation et de transfert de technologies nécessaires à cette fabrication locale, laissant supposer que les six navires à suivre, pourraient être encore plus économiques à fabriquer, donc encore plus attractifs.

Conclusion

Comme évoqué dans un précédent article, il faut, lorsqu’il s’agit d’informations relayées par la presse indienne, toujours se montrer prudent et circonspect. Toutefois, force est de constater que les informations relayées ici par plusieurs sources, semblent effectivement se recouper, et surtout se compléter pour donner un tableau final cohérent.

TKMS Type 214
TKMS propose le Type 214 AIP à la Marine indienne dans le cadre du programme P75i. Ce navire a toutefois des performances sensiblement inférieures à celles du Scorpene Evolved.

L’hypothèse de voir la Marine indienne privilégier le Scorpene Evolved, ou, comme écrit plus haut, un Kalvari Evolved, plutôt qu’un Kalvari classique ou AIP, pour ses trois futurs sous-marins, a, évidemment, beaucoup de sens et d’intérêts. En particulier, elle ne semble pas engendrer de surcouts significatifs, à en juger par les investissements évoqués en Inde, comme par le prix proposé par Naval group, aux Pays-Bas.

Reste que les négociations avec New Delhi sont toujours longues et difficiles. Pour autant, les négociateurs français, de Naval group comme de Dassault aviation, en maitrisent désormais l’ensemble des aspects, et savent donc naviguer dans les méandres politiques, militaires et industrielles du pays. Il faudra toutefois, et comme toujours, attendre davantage d’informations, et les confirmations officielles, avant de se féliciter du succès français.

La Digital Century Series de Will Roper va-t-elle sauver le programme NGAD de l’US Air Force ?

Avec le concept de la Digital Century Series, le docteur Will Roper avait tenté de profondément bouleverser les paradigmes présidant aux grands programmes aéronautiques militaires américains, alors qu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force, de 2018 à 2021.

Selon ce spécialiste de l’innovation technologique, l’acquisition d’avions de combat plus spécialisés, à durée de vie plus courte, et en plus petites séries, devait permettre de réduire les couts et délais de développement, d’acquisition et de mise en œuvre des avions de l’US Air Force, à l’inverse de ce qui se pratique aujourd’hui autour, par exemple, du programme F-35.

Après l’élection de Joe Biden, et la nomination de Franck Kendall au poste de Secrétaire à l’Air Force, les positions originales et innovantes du docteur Roper ont été balayées d’un revers de main, pour revenir à une conception bien plus traditionnelle des grands programmes.

Aujourd’hui, alors que l’US Air Force a vu les couts et délais de la presque totalité de ses grands programmes croitre au-delà de son budget, le financement même du programme NGAD est menacé. C’est dans ce contexte que des voix s’élèvent pour se tourner, à nouveau, vers des approches industrielles et budgétaires innovantes, y compris en préconisant, au besoin, la Digital Century Series de Will Roper.

L’US Air Force dans une impasse budgétaire avec l’augmentation des couts de l’ensemble de ses programmes majeurs

Le fait est, les déclarations du chef d’état-major de l’US Air Force, le général Allvin, et les propos de Franck Kendall, la semaine dernière, ont fait l’effet d’une bombe dans l’univers défense américain.

Frank kendall US Air Force
Frank Kendall, en 2014, lorsqu’il était sous-secrétaire aux acquisitions de l’US Air Force

En effet, selon les deux chefs militaires et politiques de la première force aérienne de la planète, des arbitrages douloureux seront certainement nécessaires, dans les mois à venir, pour équilibrer les dépenses budgétaires concernant les programmes de l’USAF.

En cause, la hausse des couts de plusieurs programmes critiques, comme le bombardier stratégique B-21 Raider, dont le prix unitaire dépasse désormais des 700 m$, soit le prix d’une frégate, ou celui du programme Sentinel, les nouveaux missiles balistiques intercontinentaux américains ICBM, qui a vu le prix unitaire bondir de presque 40 % en quatre ans.

À cela s’ajoutent les couts toujours croissants du programme F-35. Même si l’augmentation du prix d’acquisition de l’appareil restent mesurés, les couts de développement des évolutions nécessaires à amener l’appareil à sa première version pleinement opérationnelle, le Block IV, ainsi que les couts d’évolution des appareils vers ce standard, qui devait entrer en service cette année, et qui ne le fera pas avant 2029 (soit environ 300 chasseurs pour l’USAF), grèvent sensiblement les crédits d’investissements disponibles de l’US Air Force.

Une fois les programmes stratégiques (B-21 et Sentinel), et les programmes encours (F-35, F-15EX, KC-46A, E-7..) écartés, car prioritaires, ne restaient, pour s’adapter aux contraintes budgétaires, que deux programmes dans les mains de Kendall et Allvin : le programme de drones de combat CCA, et le programme de chasseur de nouvelle génération NGAD.

La menace sur le programme NGAD se précise

Si aucun des deux chefs de l’USAF n’a affirmé, à ce jour, que le programme NGAD serait sacrifié, ils ont toutefois indiqué que des arbitrages douloureux devront être faits, tout en précisant que le programme de drones CCA serait, lui, préservé.

NGAD CCA Loyal Wingmen
le programme CCA de drones de combat semble plus attractif que le programme NGAD aux yeux de l’US AF.

S’il ne fait plus guère de doutes concernant les menaces sur le programme NGAD, on ignore, cependant, s’il s’agira d’une annulation, d’un report, ou d’un changement de trajectoire.

Depuis, d’autres indications sont venues confirmer l’épée de Damocles posée au-dessus du NGAD, en particulier par des appels au Congrès, pour augmenter les budgets d’équipements destinés à l’US Air Force, pour préserver le programme.

On ne peut d’ailleurs exclure que le choix de l’US Air Force de faire peser la menace sur NGAD, un programme hautement symbolique pour l’image de la supériorité technologique américaine, soit en partie liée à une volonté de faire pression sur le Congrès.

Toutefois, d’autres paramètres peuvent avoir guidé l’arbitrage de Kendall et Allvin. Ainsi, les derniers wargames simulant un engagement contre la Chine autour de Taïwan, ont montré le rôle déterminant des drones, bien davantage que des avions de combat de nouvelle génération.

D’autre part, et cela n’est certainement pas anodin lorsque des limitations budgétaires sont évoquées, le programme CCA va donner naissance à des drones de combat contrôlés par des F-35A, et donc, potentiellement, exportable vers l’ensemble de l’écosystème F-35 dans le Monde, ouvrant un formidable marché aux industriels américains, et d’importantes ressources potentielles, au budget fédéral. Le NGAD, comme le F-22, sera trop avancé, et certainement trop cher, pour être exporté.

La Secrétaire à l’Air Force de B. Obama, Deborah Lee James, appelle à reconsidérer le principe de la Digital Century Serie du Docteur Will Roper

C’est dans ce contexte que la tribune de Deborah Lee James, sur le site Defensenews.com, s’avère particulièrement intéressante. En effet, elle a été la Secrétaire à l’Air Force de 2013 à 2017, au sein de l’administration Obama. Elle était, à ce poste, la supérieure directe de Frank Kendall, quand celui-ci occupait le poste de sous-secrétaire aux acquisitions de l’Air Force, jusqu’en 2017, précisément le poste que prit Will Roper pendant l’administration Trump.

Deborah Lee James
Deborah Lee James a été Secretaire à l’Air Force de 2014 à 2017, dans l’adminsitration Obama 2.

Dans cette tribune, D.L James enjoint, vigoureusement, l’US Air Force à poursuivre le programme NGAD, et le Congrès d’accroitre les ressources budgétaires pour y parvenir. Rien de vraiment surprenant, a priori, puisque le programme NGAD a été lancé en 2015, alors qu’elle en assurait la direction politique, aidée en cela par F. Kendall.

Ce n’est pourtant pas aux travaux et efforts de ce dernier, que l’ancienne Secrétaire à l’Air Force a fait référence, dans la suite de sa tribune, mais à ceux de son successeur, Will Roper, celui-là même dont les avancées furent écartées par Kendall lorsqu’il prit ses fonctions.

En effet, pour Me James, les difficultés budgétaires rencontrées aujourd’hui par l’US Air Force, invitent à sortir des chantiers battus (think out of the box, dans le texte), en matière de paradigmes industriels, et d’explorer de nouvelles approches.

Pour cela, elle donne comme exemple la Digital Century Series, de Will Roper, ce qui est tout, sauf anodin. En effet, comme évoqué précédemment, appeler à reprendre les pistes défrichées par cet ingénieur de formation, constitue, d’une certaine manière, un désaveu pour Frank Kendall, qui avait, au contraire, jugé avec un certain mépris ces travaux, à sa prise de fonction, ce, en dépit du soutien de l’US Air Force.

Le fait que Will Roper, bien qu’issue de la société civile, ait appartenu à l’administration Trump, pour l’une des collaboratrices clés de Barack Obama, renforce la portée de cette déclaration, et pourrait même constituer, d’une manière plus ou moins directe, un soutien pour remettre Roper à la direction des acquisitions de l’US Air Force, voire à la direction de l’Air Force, elle-même, quel que soit le vainqueur des élections à venir.

Des difficultés budgétaires qui toucheront bientôt les programmes européens comme SCAF

Les approches industrielles développées par le Docteur Roper, pourraient, en effet, représenter une bouée de sauvetage pour le programme NGAD, et même, si appliquées pleinement, redonner à l’industrie aéronautique de défense américaine, le dynamisme qu’elle a perdu avec l’hyper standardisation imposée par le programme F-35, qui remplace aussi bien les F-15E que les F-16 et les A-10, au sein de l’US Air Force.

Programme GCAP
La sécurité budgétaire du programme GCAP est encore loin d’être assurée, au delà des phases de conception initiale.

Les difficultés rencontrées par l’US Air Force, et les réponses qui seront, ou pas, apportées, devront, à ce titre, être méticuleusement observées par les forces aériennes européennes, et leurs ministères de tutelle. En effet, il est fort possible que les obstacles budgétaires qui menacent, aujourd’hui, le programme NGAD, vienne, dans les années à venir, faire de même au sujet des programmes SCAF et GCAP européens.

Les deux programmes ont, il est vrai, une trajectoire relativement sécurisée pour les cinq années à venir, avec des budgets sécurisés par les gouvernements y participant, et des industriels européens, parfaitement engagés pour respecter les enveloppes et les délais contractuels.

Au-delà de ces phases d’étude préalable et de conception des démonstrateurs, en revanche, les couts que les différents ministères de la Défense devront supporter, lors de la phase de production industrielle et de mise en service du Tempest comme du NGF, seront très supérieurs à ceux des appareils actuels, de l’aveu même des industriels.

Il est donc très probable qu’à partir de 2030, ces programmes viennent durement grever les budgets de leurs armées respectives, alors qu’elles devront, dans le même temps, moderniser d’autres composantes de leurs forces.

En d’autres termes, le mur budgétaire qui, aujourd’hui, se dresse devant le programme NGAD, a de fortes chances de se dresser devant les programmes SCAF et GCAP, au tournant de la décennie. Dans ces conditions, observer les stratégies appliquées par Washington, et leurs résultats, seront très certainement riches d’enseignements.

Conclusion

On le voit, l’US Air Force se trouve, aujourd’hui, dans une situation complexe, qui pourrait bien lui couter son programme NGAD, et peut-être l’ascendant technologique, face à la Chine, dans les années à venir.

Digital century serie Roper
W. Roper a modélisé le principe de la Digital Century Serie lorsqu’il dirigeait les acquisitions de l’USAF, de 2018 à 2021.

En effet, des indications montrant que Pékin est également engagé dans le développement d’un chasseur de 6ᵉ génération, à l’horizon 2035, sont apparus récemment, même sans, concernant les programmes aéronautiques chinois, il faut se montrer prudent dans les pronostics, comme le montre le bombardier stratégique H-20, toujours pas dévoilé.

Si ce ne serait certainement pas le premier programme majeur abandonné par l’US Air Force, les précédents s’inscrivaient dans une dynamique de renouvellement autrement soutenue, n’entrainant pas, comme pour NGAD, la possibilité d’un déclassement relatif pour plusieurs années, peut-être plusieurs décennies.

Dans ce contexte, l’exhumation de la doctrine Roper par Déborah Lee James, la Secrétaire à l’Air Force de l’administration Obama, a beaucoup de sens. Non seulement peut-elle répondre à la préservation du programme NGAD, à court et moyen termes, mais elle permettrait de réorganiser le paysage industriel aéronautique américain, et la flotte de l’USAF. Ce faisant, elle favoriserait l’émergence d’un paysage aéronautique bien plus résilient, susceptible de s’opposer à la puissante industrie chinoise.

Il faudra donc se montrer particulièrement attentif sur les évolutions à venir concernant ce programme, et plus globalement, sur celles des paradigmes industriels appliqués par l’US Air Force, d’autant qu’il est possible que les difficultés rencontrées aujourd’hui aux États-Unis, franchissent l’Atlantique dans les années à venir.

Avec l’Agile Compact Interceptor, l’US Navy veut embarquer 2 intercepteurs hypersoniques par silo

Le programme Agile Compact Interceptor de l’US Navy, fait partie de ces nouvelles initiatives du Pentagone, initiées pour répondre aux enseignements récents venus d’Ukraine et de mer Rouge.

Il doit donner naissance à un nouveau missile conçu pour intercepter les menaces hypersoniques et balistiques endoatmosphériques, suffisamment compact pour que deux missiles puissent être ensilotés dans une unique cellule du VLS Mk41.

Le projet de loi de finance 2025 du Pentagone, donne l’occasion d’en apprendre davantage sur ce programme destiné à répondre à trois urgences concomitantes : la baisse du nombre d’escorteurs et de VLS de l’US Navy dans les huit années à venir, l’augmentation de la menace balistique antinavire à l’échelle de la planète, et l’arrivée des missiles antinavires hypersoniques, nécessitant de nouveaux moyens d’interception, au-delà des SM-2/3-6, ESSM et Ram déjà en service.

L’utilisation intensive des missiles surface-air et antibalistique en mer Rouge, nécessite une réponse de l’US Navy

Si le conflit en Ukraine a été riche de nombreux enseignements, qu’il s’agisse de l’utilisation des blindés, de la prédominance de l’artillerie, du rôle de la défense sol-air, de l’omniprésence des drones et de la guerre électronique, l’intervention des marines occidentales pour protéger le trafic maritime en mer Rouge des missiles et drones Houthis, a constitué le premier engagement majeur d’unités navales depuis 40 ans, et la guerre des Malouines.

SM-6 lancé par un arleigh burke de l'US navy en mer rouge
Lancement d’un missile SM-6 par un destroyer classe Arleigh Burke de l’US Navy en mer Rouge.

Ainsi, comme les combats entre la Royal Navy et les forces aériennes argentines, en 1982, ont modelé en bien des aspects l’évolution des doctrines et capacités des unités de surface, pendant de nombreuses années, cet engagement, toujours en cours, commence déjà à significativement influencer les architectures des unités de surface combattantes, frégates et destroyers, celles-là mêmes qui sont en première ligne contre les missiles Houthis.

Parmi ces RETEX, l’un des plus significatifs concerne l’utilisation intensive des missiles surface-air et antibalistiques, pour contrer les drones, missiles de croisières et balistiques antinavires tirés sans interruption par les alliés yéménites de Téhéran.

En effet, bien qu’étant un des pays les plus pauvres de la planète, avec un PIB inférieur à 21 Md$, soit encore moins que la Corée du Nord (30 Md$), Sanaa ne semble rencontrer aucune difficulté pour renouveler ses stocks de drones d’attaque et de missiles antinavires.

Outre le problème financier, que représente l’utilisation d’un missile à plus de 1 m$ pour abattre un drone de quelques dizaines de milliers d’euros, cet usage ininterrompu de munitions de précision par les forces yéménites, a engendré un effet qui n’était, jusqu’ici, envisagé par les Marine militaires, que dans le cadre d’un engagement de haute ou très haute intensité.

En effet, les destroyers et frégates déployés pour protéger le trafic maritime civil en mer Rouge, consomment très rapidement, trop, leurs stocks de munitions, les obligeants à rester moins longtemps sur zone. Le problème est encore plus sensible concernant les armes antibalistiques, peu nombreuses à bord d’un nombre réduit d’unités navales Aster 30 sur les frégates françaises, italiennes et britanniques, et SM-6 pour les destroyers américains.

Déârt d'un missile Aster à bord d'un destroyer britannique Type 45 en mer Rouge
L’Aster 30 et le SM-6 sont les deux seuls missiles navals à avoir enregistrés des interceptions réussis de missiles balsitiques antinavires au combat à ce jour.

Il est donc nécessaire, pour les grands escorteurs antiaériens et antibalistiques occidentaux, et américains en particulier, d’augmenter le nombre d’intercepteurs transportés. En outre, l’arrivée inévitable des missiles balistiques antinavires armés de planeurs hypersoniques, nécessite que ces capacités supplémentaires, puissent intercepter ces menaces, d’autant plus nombreuses qu’elles sont maitrisées par des pays disposant d’importants moyens, comme la Chine ou la Russie.

Retrait des Ticonderoga, report du DDG(x) : l’US Navy va perdre 12 % de ses silos verticaux d’ici à 2032

La réponse la plus simple, pour l’US Navy, face à ce défi, serait d’augmenter le nombre de silos verticaux disponibles, pour disposer de davantage d’intercepteurs antibalistiques de menaces hypersoniques SM-6, déjà disponibles et, semble-t-il, aussi efficaces que l’Aster 30 européen, face aux menaces balistiques.

Malheureusement, pour l’US Navy, la trajectoire suivie par sa flotte de surface combattante, va exactement dans le sens inverse. L’arrivée planifiée des nouveaux destroyers Arleigh Burke Flight IIa et Flight III, et des frégates classe Constellation, ne composeront pas, en matière de VLS, le retrait des derniers croiseurs de la classe Ticonderoga, dans les 3 ans à venir, et le début du retrait des 20 premiers destroyers de la classe Arleigh Burke, à partir de 2027.

Ainsi, selon un rapport du Congressional Budget Office, ou CBO, d’octobre 2023, l’US Navy devrait perdre 12 % de ses silos verticaux d’ici à 2032, à bord de ses escorteurs, précisément quand il s’avère nécessaire d’augmenter le nombre de missiles disponibles, y compris pour contrer la menace balistique et hypersonique.

US Navy Toconderoga classe
Les derniers croiseurs de la classe Ticonderoga auront quitté le service au sein de l’US navy en 2027.

Or, les coques de destroyers Arleigh Burke ne peuvent accueillir plus que les 96 cellules des Flight IIa et Flight III, et l’ajout de deux VLS Mk41 supplémentaires (16 silos), en plus des quatre déjà prévus, aux frégates Constellation, entrainerait une profonde refonte du navire, avec des délais et des couts supplémentaires.

La seule alternative, pour l’US Navy, dans ce domaine, repose sur le multipacking, c’est-à-dire la possibilité d’embarquer plusieurs missiles dans un unique silo.

Les couts et l’encombrement de l’intercepteur hypersonique SM-6 handicapent la réponse de l’US Navy aux évolutions des menaces

À ce jour, seuls deux missiles surface-air de l’arsenal de l’US Navy, autorise le multipacking dans les silos des VLS Mk41 (Constellation, Arleigh Burke) et Mk57 (Zumwalt, DDG(x)). Le premier est le missile Ram ou SeaRam, le missile de défense à très courte portée du système RIM-116.

Toutefois, un SeaRam embarquant déjà 21 missiles, pour un encombrement réduit, embarquer ces missiles en silo vertical, n’a guère d’intérêt, d’autant que ses capacités sont limitées à l’autodéfense contre des menaces de type aéronef, missile de croisière ou drones.

Missiles VLS MK41
Les différents missiles pouvant prendre place dans les silos du VLS Mk41

Le second est l’ESSM, l’évolution du Sea Sparrow. Ce missile peut être embarqué par 4 (quadpack), dans une cellule Mk41, et offre une capacité d’interception dans un rayon de 30 à 40 km, contre, là encore, des missiles de croisière, des aéronefs et des drones. De fait, ni le SeaRAM, ni l’ESSM, n’offre de solution antibalistique, et encore moins de défense contre les missiles antinavires hypersoniques.

En fait, le seul missile capable d’intercepter ce type de menace, dans l’inventaire de l’US Navy, aujourd’hui, est le SM-6. Celui-ci se compose de composants venant du missile air-air AIM-120C AMRAAM, en particulier son autodirecteur, et d’un booster emprunté au SM-2, lui conférant une portée de plus de 250 km, un plafond supérieur à 35 km, et une vitesse de croisière de Mach 3.5.

Le SM-6 est un missile d’une grande polyvalence, permettant de compléter le SM-2 en matière de défense aérienne à longue portée, le SM-3 avec des capacités d’interception antibalistiques exoatmosphériques, et même le NSM et le Tomahawk, en matière de lutte antinavire.

Comme l’Aster 30, le SM-6 a démontré son efficacité antibalistique en mer Rouge ces derniers mois, en réalisant plusieurs interceptions de missiles balistiques antinavires Houthis. Outre l’US Navy, il a également été acquis par les marines japonaises, sud-coréennes et australiennes, essentiellement à des fins antibalistiques et pour ses capacités à contrer les capacités de manœuvre des missiles hypersoniques.

Toutefois, si le SM-6 permet d’apporter une réponse immédiate à l’arrivée de missiles comme le 3M22 Tzirkon russe, ou les YJ-21 et DF-21D chinois, il souffre de contraintes importantes, le disqualifiant des besoins de l’US Navy concernant un intercepteur hypersonique et antibalistique.

Frégate Admiral Gorshkov de la Marine Russe
Frégate Admiral Gorshkov lors des essais du missile hypersonique 3M22 Tzirkon

Avant tout, le missile est imposant, et même très imposant. Long de 6,6 mètres pour un diamètre de 34 cm (BlockI/Ia) ou 53 cm (Block 1b), le missile ne peut prendre place que dans le Strike Module du VLS Mk41, profond de 7,7 mètres, et non dans le Tactical Module (6,8 mètres hors tout).

Surtout, le SM-6 est trop large pour espérer être, ne serait-ce que bipacked dans un silo Mk41 ou Mk57. En outre, il s’avère particulièrement onéreux, à plus de 5 m$ le missile (contre 2 m€ pour un Aster 30). Il ne permet donc pas de répondre à la problématique de densification des missiles disponibles requise par l’US Navy pour ses escorteurs.

Le programme d’intercepteur hypersonique Agile Compact Interceptor de l’US Navy

C’est précisément pour répondre à ce besoin que l’US Navy a lancé le programme Compact Agile Interceptor. Celui-ci prévoit, en effet, de concevoir un nouveau missile d’interception, capable d’arrêter les missiles et planeurs hypersoniques, pouvant être multipacked dans les silos Mk41 et Mk57 des escorteurs américains.

Missile SM6
Le SM-6 est trop imposant pour être ensilotté par deux, dans un silo Mk41.

Cet effort est complémentaire de l’amélioration des performances de l’ESSM, avec la version Block II étendant sa portée à 50 km et dotant le missile d’un autodirecteur radar, le missile offrant désormais des performances proches de celle du SM-2 initial, et doit permettre d’augmenter le nombre et l’efficacité des missiles embarqués à bord des escorteurs américains, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter le nombre de VLS ni d’unités navales.

Le programme Compact Agile Interceptor ne fait pas l’objet d’une intense communication de la part de l’US Navy. Toutefois, dans le cadre de la préparation du budget 2025 du Pentagone, on apprend que le programme est déjà bien avancé, puisqu’il est prévu de procéder, cette année, à de tirs d’essais de plusieurs blocks de propulsion, pour en valider le concept l’enveloppe de tir et les performances de ce missile à propulsion solide, haute manœuvrabilité, faible diamètre et haute létalité.

Tout semble indiquer que le Patriot PAC-3 MSE, de Lockheed-Martin, serait un candidat sérieux pour le programme ACI. Celui-ci répond, en effet, à de nombreux critères demandés par l’US Navy. Toutefois, selon Lockheed, à ce jour, aucune étude n’a été lancée pour rendre escamotable les surfaces du contrôle du missile, indispensable, pourtant, pour embarquer deux missiles dans un unique silo Mk41.

Un missile antibalistique endoatmosphérique bipacked avec me VLS Mk41, très attractif sur la scène internationale

Pour l’heure, si le programme avance bien, le modèle final, et ses performances, restent donc à déterminer. Toutefois, en admettant que l’US Navy parvienne effectivement à répondre au cahier des charges du programme ACI, en particulier avec l’association d’un missile à capacité antibalistique et anti-hypersonique suffisamment compact pour que deux missiles prennent place dans un unique silo MK41, le système sera, sans aucun doute, promis à un brillant avenir commercial.

Patriot PAC-3 MSE US Navy
Lockheed-Martin produit d’importants efforts pour tenter d’imposer son Patriot PAC-3 MSE à bord des destroyers américains. Toutefois, l’industriel ne semble guère empressé de modifier ses surfaces de controle du missile pour permettre de l’embarquer par deux par silo vertical.

En effet, le MK41 est le VLS le plus largement répandu dans les marines occidentales, armant les destroyers et frégates d’une quinzaine de marines mondiales, parmi lesquelles figurent les Royal Navy britanniques, australiennes canadiennes, les marines sud-coréennes et nippones, ainsi que six autres marines européennes.

Une majorité de ces marines a, à ce titre, fait le choix du VLS MK41 pour profiter des capacités Quadpack offertes par l’ESSM, et des capacités antibalistiques du SM-6 et du SM-3. De fait, l’arrivée d’un missile ACI, antibalistique, anti-hypersonique, et bipacked, engendrerait, sans le moindre doute, beaucoup d’intérêt de la part de ces marines, qui ne dispose, le plus souvent, que d’un nombre limité d’escorteurs emportant un nombre limité de VLS.

Reste qu’avant toute chose, il demeure nécessaire d’effectivement developper le missile, avec les performances et capacités attendues, et de le proposer à un cout non rédhibitoire, en gardant à l’esprit que le développement rapide, de solutions efficaces, conformes aux attentes et économiques, ne représentent pas la majorité des programmes de développement technologique du Pentagone ces dernières années.

L’Armée chinoise entraine une IA à reproduire les décisions des chefs militaires

Il est fréquent d’être confronté à certaines certitudes minimisant le potentiel opérationnel de l’Armée chinoise, lorsque l’on tente d’évaluer la puissance militaire chinoise, même auprès de références sur le sujet.

Si, depuis quelques années, le discours portant sur le manque de performances et de fiabilité des équipements chinois tendent à s’estomper, le manque d’aguerrissement de l’APL, une armée relativement jeune, et moins exposée aux conflits que les États-Unis ou l’Europe depuis la fin de la guerre de Corée, est régulièrement avancé pour atténuer la perception d’efficacité des forces chinoises.

Le fait, même si la République Populaire de Chine est une nation bien plus belliqueuse qu’elle tente de le dire (Tibet, Vietnam, Ladakh…), l’APL est, elle aussi, consciente de cette faiblesse, et produit d’immenses efforts pour tenter de la surmonter.

Pour y parvenir, les armées chinoises organisent de très nombreux exercices, intra et inter-armes, parfois bien plus réalistes que les exercices occidentaux avec, notamment, des tirs réels de munitions beaucoup plus fréquents qu’en Occident. L’autre axe d’amélioration, repose sur l’utilisation intensive des simulations et wargames, pour confronter ses officiers aux décisions qu’ils pourraient devoir prendre.

À cet effet, le laboratoire au Collège des opérations interarmées de l’Université de la défense nationale de Shijiazhuang, dans la province de Hebei, a développé une Intelligence Artificielle conçue pour reproduire le comportement des chefs militaires, dans la doctrine comme dans leurs biais, afin d’améliorer encore davantage le réalisme des wargames employés pour former les officiers de l’APL.

L’Armée chinoise veut palier le manque de réalisme des wargames

Si le Wargame est intensément employé pour la formation des officiers et officiers supérieurs chinois depuis le début des années 70, les organes en charge de ces outils, ont rapidement pris conscience des limites de l’exercice.

Armée chinoise entrainement
L’Armée Populaire de libération organise de très nombreux exercices réalistes pour compenser le manque d’experience de ses soldats.

En effet, les militaires contrôlant les forces bleues (pour l’APL, les alliés sont désignés forces rouges, et les adversaires, forces bleues, à l’inverse des pays occidentaux), avaient la même formation que les stagiaires, et tendaient à employer les unités sous leur commandement, en appliquant des doctrines et stratégies chinoises.

Pour tenter de palier ce problème, les centres de formation chinois entreprirent, alors, de spécialiser certains de leurs formateurs, pour reproduire le comportement des officiers adverses. Toutefois, cette approche, bien que plus performante en matière de qualité de simulation, engendre également de nombreuses contraintes, en particulier dans l’organisation même des séances.

En effet, selon qu’il fallait simuler des engagements contre les armées américaines, coréennes, japonaises, indiennes ou encore vietnamiennes, il fallait disposer des formateurs spécialisés disponibles en nombre suffisant, ainsi que d’une infrastructure importante, avec, cependant, une efficacité d’autant plus limitée que l’échelle de la simulation est grande, et nécessite, donc, un nombre élevé de formateurs.

L’arrivée des technologies numériques, et plus spécifiquement de l’Intelligence artificielle, ouvre de nombreuses portes dans ce domaine.

Une IA de l’Armée populaire de libération reproduit les décisions et les biais cognitifs de chefs militaires

Rappelons, avant toute chose, que les statuts de l’APL interdisent de subordonner l’action militaire, quel que soit son échelon, à une décision automatisée, ou à une intelligence artificielle.

Amiral Paparo Indopacom
Les IA chinoises doivent reagir comme les adversaires potentiels de l’APL. Nul doute que l’une d’elle est qualibrée pour reproduire le comportement de l’Amiral Paparo, qui pilote le commandement IndoPacifique des armées américaines.

En effet, le contrôle de l’engagement des armées chinoises relève exclusivement de la Commission militaire centrale du Parti communiste chinois, de sorte à subordonner la force militaire au pouvoir politique. Cette règle ne souffre d’aucune exception, pas même numérique.

En revanche, rien n’interdit à l’APL de déléguer le contrôle de forces numériques à une intelligence artificielle, dans le cas d’une simulation. C’est précisément ce à quoi se sont attelés les équipes de développement du laboratoire au Collège des opérations interarmées de l’Université de la défense nationale de Shijiazhuang.

L’utilisation d’une IA pour contrôler les forces adverses, voire les forces tierces et alliées, procure, en effet, une grande souplesse dans l’organisation des séances de formation, basées sur des wargames numérisés. Plus question, en effet, de devoir mobiliser un grand nombre de formateurs, et d’importants locaux, pour y parvenir, simplifiant la logistique et lui conférant une réactivité sans égale.

Pour autant, les chercheurs chinois ne se sont pas limités à developper des algorithmes d’IA et de machine-learning, pour donner naissance à des adversaires efficaces. Elle s’est engagée dans la conception d’une IA capable de reproduire la doctrine adverse, mais aussi, le comportement des officiers qui pourraient devoir être affrontés, de sorte à reproduire, au mieux, le processus décisionnaire structurant la manœuvre adverse.

Officier de l'US Army au combat
L'Armée chinoise entraine une IA à reproduire les décisions des chefs militaires 61

Selon l’article publié à ce sujet par le site South China Morning Post, l’IA ainsi développée, permet donc de reproduire, avec un haut degré de fiabilité, les décisions des officiers adverses, permettant aux stagiaires de se confronter à des situations crédibles, qu’ils pourraient bien, un jour, devoir affronter.

Mieux encore, pour accroitre le réalisme, par exemple, pour simuler la fatigue ou le stress, l’IA peut se voir attribuer des capacités de traitement plus ou moins élevées, là encore, pour en accroitre le réalisme.

Car pour les ingénieurs chinois, comme les humains, les IA doivent pouvoir faire des erreurs, du moment que celles-ci correspondent aux erreurs que pourraient faire, effectivement, les commandants adverses.

Une Blue Team pour reproduire les stratégies et les profils des chefs militaires américains et adverses

Bien que cela ne soit pas évoqué dans l’article du SCMP, la mise en œuvre de cette IA, nécessite, en amont, une longue phase d’apprentissage, qui doit s’effectuer en observant des comportements au plus proche de ceux qu’elles devront reproduire.

Ce besoin n’est pas sans rappeler les Blue teams constituées par le contre-amiral Shen Jinlong, à l’académie navale de Nanjing, qui assure la formation des officiers de marine et officiers supérieurs de marine chinois.

Centre des forces bleues Nanjing
La blue team de l’academie navale de Nanjing, porte parfois l’uniforme de l’US Navy, pour accroitre le bain culturel.

Ces blue teams se composent d’officiers chinois parfaitement bilingues, spécialisés dans la reproduction décisionnaire et cognitive de leurs homologues étrangers, là encore, dans leurs doctrines, qualités, biais et faiblesses.

Pour cela, les officiers chinois s’immergent dans un bain culturel les rapprochant le plus possible de celui dans lequel évoluent les officiers à simuler, y compris en revêtant l’uniforme de l’US Navy ou des Forces Navales d’Autodéfense Japonaises, au besoin.

De telles équipes constituent, sans le moindre doute, un outil précieux et décisif pour alimenter les IA développées à Shijiazhuang, permettant d’expérimenter de nombreux scénarios pour créer le pool de données nécessaires à son enrichissement.

L’Intelligence artificielle offre de nombreux axes d’amélioration dans le domaine des wargames professionnels

On le voit, les outils développés par l’Université de la défense nationale de Shijiazhuang, offrent de sérieux atouts pour améliorer la formation des officiers de l’APL, et pour palier le manque d’aguerrissement dont souffrent les militaires chinois.

Pour autant, la reproduction des comportements, biais et faiblesses cognitives des officiers adverses, génériques ou nominatifs, ne représente qu’une des nombreuses opportunités offertes par l’utilisation conjointe de wargames numériques, d’algorithmes d’IA, de Machine Learning et de Deep Learning.

Distribution et flexibilité des sessions de simulation

L’atout, le plus évident, n’est autre que la distribution et la flexibilité des sessions de simulation. En effet, l’IA peut, efficacement, remplacer le ou les adversaires, pour étudier un scénario donné, ce qui élimine une des plus importantes contraintes de l’organisation des wargames professionnels, à savoir s’assurer de la disponibilité de l’ensemble des personnels requis sur la période donnée.

wargame en Chine
l’APL utilise le wargame pour former ses officiers depuis le début des années 70.

Ainsi, si l’utilisation du support numérique permet de se défaire, en partie, des problématiques d’infrastructures, les IA permettent, elles, de remplacer, même à la volée, des absences dans l’équipe de simulation, voire dans le pool de stagiaires.

Qui plus est, l’outil apporte la possibilité de jouer des variations, c’est-à-dire de revenir en arrière dans le scénario, pour étudier les conséquences ramifiées de différentes décisions à une même situation, mais aussi de distribuer le scénario incluant des variations de simulations structurelles, à des équipes de joueurs différents, pour en étudier les conséquences.

En d’autres termes, l’IA permet de transformer le wargame numérique multijoueurs professionnel, en machine à remonter le temps, à étudier des arborescences de situation, et donc participent tant à une formation plus efficace, qu’à une aide à la décision, par exemple, en amont d’une opération militaire.

Simuler la chaine de commandement et ses failles

Les wargames, numériques ou non, aujourd’hui, tendent à déléguer le contrôle des unités au décisionnaire. En d’autres termes, les unités sous le commandement direct ou induit d’un joueur, réagissent presque toujours exactement selon la volonté de la personne qui représente son échelon hiérarchique.

Lors des wargames de grande ampleur, rassemblant plusieurs dizaines, parfois centaines, de joueurs, le contrôle direct est remplacé par la gestion d’une chaine de commandement. Et les résultats sont souvent inattendus, pour les échelons supérieurs de la hiérarchie.

En effet, comme sur le terrain, les officiers qui commandent la scène tactique, adaptent leurs décisions à de nombreux facteurs, comme le terrain, la météo, le renseignement, la combativité adverse, ou l’état de ses troupes et de ses réserves. À ces facteurs factuels, s’ajoutent des altérateurs cognitifs, comme la fatigue, la peur, la colère, le découragement.

US Army officier fatigué
Les effets de la fatigue sur les decisions des officiers est difficile à simuler, bien qu’elle soit un parametre souvent déterminant.

De fait, il est fréquent que les unités sous contrôle n’appliquent qu’une partie des ordres reçus, voire, prennent elles-mêmes des initiatives. Ces comportements sont très difficiles à simuler dans un wargame à contrôle exclusivement humain, même numérique, et sont, le plus souvent, agrégées dans les paramètres, avec des résultats, de fait, contestables en termes de simulation, lorsque le contrôle descendant des unités est absolu.

L’IA de commandement permet, au contraire, de simuler la capacité décisionnaire de l’ensemble des échelons de la hiérarchie, engagée dans l’action. À ce moment-là, le joueur ne contrôle plus les unités sous son commandement, il se contente de leur transmettre des ordres, qui sont interprétés par l’IA, pour définir une action à mener, en fonction de l’ensemble des facteurs locaux.

L’arrivée d’IA conversationnelles évoluées, comme ChatGPT, confère, à ce titre, encore davantage de réalisme à ce modèle, puisque le joueur doit interagir, en partie, avec son environnement, au travers de l’utilisation du langage naturel, peut-être même dans plusieurs langues.

La limite, dans ce domaine, n’est déterminée que par la puissance de calcul disponible, obligeant à répartir les cycles disponibles, de manière hiérarchique, aux différentes IA alliées et adverses, déployées sur le champ de bataille.

De manière intéressante, rien n’empêche, dans cette architecture, de confier à une IA, un ou plusieurs échelons hiérarchiques supérieurs, mettant les joueurs stagiaires dans une situation adaptative sur laquelle leurs actions peuvent, éventuellement, engendrer des comportements globaux différents du déroulement du scénario.

Simuler la communication et le brouillard de guerre global

Dès lors que le contrôle cède la main au commandement, la communication, et ses aléas, deviennent soudainement plus centraux, et beaucoup plus complexes à manipuler. Là encore, l’IA peut apporter des outils très performants, pour simuler les nombreuses difficultés liées aux communications sur le champ de bataille.

Brouillard de guerre wargame
Le boruillard de guerre se résume souvent à masquer les unités adverses hors de la ligne de visée des unités alliées. Dans le fait, il est pourtant beaucoup plus complexe, y compris concernant les unités alliées, et les rapports qualitatifs.

Celles-ci peuvent revêtir de très nombreux aspects détériorant l’efficacité du message transmis, allant des obstacles géographiques au brouillage, en passant par la formation, le sang-froid des transmetteurs et officiers, et même le bon fonctionnement des équipements.

En outre, si la communication permet de donner des ordres aux unités, ou d’en recevoir de la hiérarchie, elle permet, également, de faire remonter les informations en provenance de ses propres forces.

S’ajoute donc, aux difficultés de communication, la gestion d’un brouillard de guerre autrement complexe qu’il n’est généralement simulé dans les wargames. En effet, l’IA aide à simuler la qualité de la transmission, mais également celle de l’information transmise.

Une unité de réservistes mobilisés aura, ainsi, beaucoup de mal à reconnaitre les matériels adverses qui évoluent à proximité d’elle, et pourrait, sans le faire volontairement, transmettre des informations erronées de position, de type ou de quantité de forces.

Ainsi, chaque unité simulée réagirait non pas à une situation globale, mais aux informations à sa disposition à l’instant T, vrais ou fausses, d’ailleurs. Cette approche permet de simuler un brouillard de guerre réciproque concernant non seulement les unités adverses, comme les unités alliées, avec des zones d’incertitude sur la position et l’état de ses forces, comme des forces ennemies identifiées.

Multiplier les opportunités de collecte de données pour le Machine Learning et le Deep Learning

Enfin, l’utilisation des wargames numériques, associés à des outils de farming de données et de deep learning, ouvre des possibilités inattendues, mais très riches d’enseignement, concernant l’adaptation des dispositifs et des stratégies à un scénario et à un adversaire.

indian army wargaming center
Mobiliser le nombre de stagiaires et de formateurs necessaires à une simulation à grande echelle est un veritable défi logistique. L’IA permettrait de considerablement alléger cet aspect, sans alterer la qualité de la simuation ou de l’enseignement.

En effet, en agrégeant les données sensibles dans des paramètres génériques, il serait possible de proposer les scénarios d’étude, à des populations non traditionnelles pour les armées, comme les joueurs de jeux vidéos de stratégie, ou d’E-sport.

Contrairement aux officiers, qui restituent toujours plus ou moins, le contenu de leurs propres formations et expériences personnelles, y compris lorsqu’ils utilisent des unités représentées par des paramètres, les joueurs, eux, ne vont s’attacher qu’à ces paramètres, pour déterminer la manière la plus pertinente de les exploiter, pour s’assurer la victoire.

Ce faisant, donner la possibilité à ces joueurs, certes sélectionnés, mais ayant suivi un parcours radicalement différent de celui des officiers-stagiaires ou formateurs, peut faire émerger des possibilités que l’application des doctrines n’envisage pas.

Le farming de données, et le deep learning, permettent alors de faire émerger des comportements simulés qui peuvent, par la suite, être confrontés aux militaires professionnels, pour en évaluer la pertinence, la faisabilité, et les bénéfices.

Conclusion

On le voit, de manière évidente, le wargame, et l’intelligence artificielle, représentent deux composantes majeures de la formation tactique et stratégique des officiers, en Chine, et ailleurs.

Pour l’Armée Populaire de Libération, cet effort s’inscrit dans la volonté de compenser le manque d’aguerrissement reconnu les militaires chinois en matière de combat, même si, pour les chefs de l’APL, l’expérience acquise par les soldats américains, britanniques ou français, en Afghanistan, au Levant ou en Afrique, n’est pas nécessairement d’une grande aide pour se préparer à des conflits de haute, ou très haute intensité.

Assaut amphibie APL
L’APL n’a pas la même experience du combat que les armées américaines, britanniques ou françaises. Cependant, dans de nombreux domaines, comme la guerre de haute intensité, la guerre navale et sous-marine, ou la guerre cyber et spatiale, les forces des deux camps sont à égalité en termes d’aguerrissement.

Au-delà de cette initiative, l’utilisation combinée du wargame numérique, et des différentes technologies d’Intelligence artificielle, a le potentiel d’ouvrir de nouvelles opportunités tant pour mieux former les militaires, les officiers en particulier, que pour étudier des scénarios tactiques et stratégiques, spécialement sous contrainte de temps.

Alors que la décision militaire tend à se complexifier, et que le temps militaire, lui, tend à se réduire, l’utilisation de ces outils, à différents échelons, par différents canaux, et à des fins variées, constitue, certainement, une tendance profonde qu’il ne faudra certainement pas ignorer pour les armées qui entendent conserver une certaine autonomie d’analyse et de décision.

La Corée du Sud menace de l’envoi massif d’armes en Ukraine si Moscou transfère des technologies de défense à Pyongyang.

À l’automne 2022, des images satellites, relayée par la Corée du Sud, de la zone frontalière russo-coréenne, montraient des convois ferroviaires anormalement longs, pour un pays censé être sous de sévères sanctions par les Nations Unis.

Plus étonnant encore, était le sens dans lequel le convoi roulait, du sud vers le nord, c’est-à-dire de Corée du Nord, vers la Russie. Rapidement, l’hypothèse de l’envoi, par Pyongyang, de munitions et de matériels militaires pour soutenir l’effort de guerre russe en Ukraine, fut ainsi évoqué.

Ce soutien du régime nord-coréen à son ami russe retrouvé, ne fait désormais plus de doutes, qu’il s’agisse d’obus d’artillerie de 152 mm pour les 2S3 et 2S19 Msta-S, et de roquettes de 122 mm, 200 et 300 mm pour les systèmes Grad, Smerch et Tornado. Plus récemment, il est même apparu que les armées russes faisaient un usage massif de missiles balistiques Hwasong-11, ou KN-02, une copie sans licence du missile balistique à courte portée Toshka soviétique, et de Hwasong-11Ga, ou KN-23, proches du missile Iskander.

Alors que Vladimir Poutine a terminé une visite historique à Pyongyang, la Corée du Sud s’inquiète, dorénavant, du prix que Moscou a accepté de payer pour ce soutien décisif en munition, mais aussi en main-d’œuvre, et menace de transferts massifs d’armement à l’Ukraine, si la Russie venait à faire évoluer l’outil militaire ou militaro-industriel nord-coréen.

Le soutien en munitions et main d’œuvre accordé par la Corée du Nord à l’effort de guerre ne sera pas sans contreparties.

Le fait est, selon les services de renseignement sud-coréens, Pyonguang avait envoyé, en début d’année, un total de 6 400 conteneurs de munitions vers la Russie depuis le début du conflit, un soutien massif dépassant de beaucoup, par exemple, l’aide apportée par l’Iran à son allié russe dans ce conflit.

missiles balistiques KN-23 Corée du nord
Des debris de missiles balsitiques nord-coréens KN-23 auraient été identifiés en Ukraine, prouvant l’implication croissante de Pyongyang dans son soutien à la Russie.

L’ONU, pour sa part, estime le nombre de conteneurs, à aujourd’hui, entre 10 et 12 000, soit 5 millions d’obus et roquettes, les deux estimations, distantes de six mois, ne s’excluant d’ailleurs pas nécessairement l’une, l’autre.

Outre les munitions, la Corée du Nord aurait également accepté de fournir de la main d’œuvre à la Russie, que ce soit dans le domaine agricole, celui du BTP et, dans une moindre mesure, dans l’industrie, afin de compenser les mobilisations et réquisitions de guerre qui commencent à peser sévèrement sur l’appareil productif et économique russe. Les chiffres, à ce sujet, sont cependant très variables, selon les sources.

Bien évidemment, un tel soutien, ne peut se faire sans contrepartie, surtout pour un pays dont le PIB nominal plafonne à 30 Md€ pour 26 m d’habitants. En effet, les 5 millions d’obus et de roquettes, envoyés jusqu’à présent, en Russie, représentent, à eux seuls, 5 à 10 % du PIB annuel du pays.

Toute la question est donc de savoir ce qu’a promis Vladimir Poutine à Kim Jong-Un, en échange de ce soutien massif, qui s’avère certainement primordiale dans l’évolution du rapport de force, ces derniers mois, en Corée ?

Si, sur la scène internationale, il est fait état d’une aide alimentaire et médicale russe apportée à la Corée du Nord, la Russie dispose, aussi, de capacités qui font, aujourd’hui, très cruellement défaut à l’industrie de défense nord-coréenne, et donc aux armées nord-coréennes, toujours pleinement tournées vers une possible confrontation avec son voisin du Sud et son allié américain.

KIm jong un Su-57 Moscou septembre 2023
Kim Jong-Un avait semblé trés interessé par certains équipements russes, comme le Su-57, lors de sa visite à Mosocu en septembre 2023

Pour Séoul, qui doit déjà faire face à la menace nucléaire nord-coréenne, l’hypothèse de voir les capacités militaires de son adversaire progresser, par l’arrivée de technologies ou de matériels russes, constitue donc un enjeu majeur de sécurité nationale, qu’il convient de contenir par tous les moyens.

Séoul promet d’envoyer de grandes quantités d’armements à Kyiv si Pyongyang reçoit des technologies de défense russes

C’est dans ce contexte que, dans une interview donnée ce dimanche 23 juin, Chang Ho-jin, le Conseiller à la Sécurité Nationale sud-coréen, a été parfaitement claire, à l’attention de Vladimir Poutine.

Selon lui, si Moscou venait à soutenir Pyongyang en lui transférant, par exemple, des technologies dans le domaine des munitions de précision, Séoul riposterait en livrant, de manière massive et immédiate, des équipements militaires offensifs à l’Ukraine, dans son combat contre la Russie.

Si une telle menace venait d’un pays européen, elle n’aurait certainement pas le même poids, aux yeux de Vladimir Poutine, que venant de Séoul. En effet, contrairement aux européens, la Corée du Sud n’a pas désarmé son industrie de défense après la guerre froide, étant toujours, et même davantage, menacée par son voisin du nord, en particulier depuis qu’il s’est doté de l’arme nucléaire.

Conseiller sécurité nationale corée du sud
Le Conseiller à la Sécurité Nationale sud-coréen, Chang Ho-Jin, a menacé de livrer d’importantes quantités d’armes à l’Ukraine, si la Russie transferait des technologies de défense à la Corée du Nord.

De fait, l’industrie de défense sud-coréenne est désormais apte à produire des équipements parmi les meilleurs du moment, particulièrement dans le domaine des blindés, avec le char K2 Black Panther et le véhicule de combat d’infanterie AS21 Redback, de l’artillerie avec le K9 Thunder de 155 mm et le LRM K239 Chunmoo, et dans celui des missiles sol-air, avec la gamme KSAM.

Surtout, celle-ci dispose, aujourd’hui, de capacités de production très supérieures à celles disponibles en Europe, lui ayant permis, notamment, de livrer à la Pologne, 80 des 180 chars commandés, deux ans seulement après l’entrée en vigueur du contrat.

Surveiller les transferts de technologies russes sera très difficile pour la Corée du Sud, qui est aussi sous la menace de ventes d’armes russes à Pyongyang

Plus globalement, Séoul entend interdire à la Russie de faire progresser l’outil militaire et l’industrie de défense nord-coréenne, par des transferts d’équipements ou de technologies venues de Russie, aux dépens des sanctions internationales contre Pyongyang, mises en œuvre avec le soutien de Moscou.

Toutefois, si la menace sud-coréenne semble crédible, de prime abord, pour dissuader Moscou dans ce domaine, son application, dans les faits, sera on ne peut plus difficile. Et ce pour plusieurs raisons.

Kin Jong-Un Valdimir Poutine juin 2024 pyongyang
La visite officielle de Vladimir Poutine à Pyongyang, en juin 2024, permit de confirmer la trajectoire convergente souvie par les deux hommes, et leurs pays respectifs.

La première, la plus évidente, est que, s’il est éventuellement possible, par cette menace, d’empêcher Moscou de livrer directement des équipements de défense russes à la Corée du Nord, au risque de se faire découvrir par les satellites de surveillance américains, alliés ou sud-coréens, il sera, en revanche, très difficile, à Séoul, de démontrer le transfert de technologies russes à l’industrie de défense nord-coréenne.

En effet, Pyongyang dispose déjà d’équipements russes et soviétiques, et l’essentiel de sa technologie militaire, provient de la rétro-ingénierie de ces systèmes, acquis officiellement ou par le marché détourné. Même en détectant des signatures, par exemple, électromagnétiques, typiques de matériels russes, mais employés sur des équipements nord-coréens, la responsabilité de la Russie sera difficile à établir.

En outre, le temps nécessaire pour que les transferts de technologies soient effectifs, et entre en service dans les équipements nord-coréens, se chiffre probablement en années, pour les technologies les plus critiques. Il est tout à fait possible que le conflit ukrainien soit terminé à ce moment-là, ou, tout du moins, que la Russie en soit persuadée.

Enfin, la menace est évidemment réciproque. Car si la Corée du Sud peut livrer des équipements à l’Ukraine, la Russie, elle aussi, peut menacer de livrer des équipements à la Corée du Nord, comme des chars plus modernes, des avions de combat beaucoup plus performants, et des missiles considérablement plus précis et létaux.

Or, si l’hypothèse de voir la Corée du Nord embarquer des technologies russes dans 2 ou 3 ans, est déjà une source d’anxiété et d’inquiétude pour Séoul, celle de voir les escadrons nord-coréens évoluer sur Su-35s et Su-34, les corvettes de Pyongyang mettre en œuvre des Kalibr et Tzirkon, et le ciel du pays protégé par des S-400, pourrait rapidement devenir très problématique.

Spatial, sous-marins et miniaturisation des armes nucléaires, ces domaines ou l’aide technologique russe à la Corée du Nord serait la plus déterminante

Toutefois, ce n’est probablement pas dans le domaine de la défense aérienne, des missiles de croisière ou des avions de chasse, que l’aide technologique russe à la Corée du Nord, pourrait s’avérer la plus déterminante, et donc la plus déstabilisatrice pour l’équilibre des forces dans la péninsule.

SLBM Corée du nord
Si la Corée du nord parvenait à mirver ses SLBM t ICBM, le rapport de force dans la péninsule coréenne en serait sensiblement boulversé, même face aux Etats-Unis.

En effet, si Pyongyang dispose d’une force armée conventionnelle très imposante, la convertir à des outils de haute technologie, fut-elle d’origine russe, serait tout simplement hors de portée du pays, qui y consacrerait l’ensemble de ses revenus, sans jamais parvenir à faire jeu égal, à ce sujet, avec le sud, presque 60 fois plus riche.

En revanche, certaines technologies clés, dans le domaine du spatial, pour parvenir à mettre en orbite un satellite de reconnaissance fonctionnel, ou dans celui des sous-marins, pour rattraper le retard considérable de la Corée du Nord dans ce domaine, permettraient déjà à Pyongyang de très sensiblement faire évoluer le rapport de force, face à la Corée du Sud, en sa faveur, en ne pariant que sur ses capacités stratégiques.

Mais la technologie la plus déterminante, pour la Corée du Nord, concernerait la miniaturisation des têtes nucléaires. Ce faisant, Pyongyang parviendrait à armer ses missiles SRBM et missiles de croisière, de têtes nucléaires de faible intensité, dites tactiques, pour soumettre par la menace visible le sud, tout en équipant ses missiles IRBM, ICBM et SLBM de têtes multiples à rentrée atmosphérique autonome, ou MIRV, pour tenir en respect les États-Unis.

Le plus inquiétant, à ce sujet, est que la Corée du Nord avait annoncé, il y a deux ans, des progrès dans ce domaine, ce qui rendrait délicate l’incrimination de la Russie à ce sujet. Pour autant, dans une telle hypothèse, on peut penser que le destin de l’Ukraine serait alors le dernier des soucis de Séoul.

Conclusion

On le voit, le durcissement du discours de Séoul, à l’encontre de la Russie, pour prévenir des transferts d’armes ou de technologies militaires vers la Corée du Nord, a probablement peu de chances de faire dérailler les accords déjà appliqués par Moscou et Pyongyang.

KN-23 coréen du nord
La Corée du nord n’ayant pas les moyens de financer une armée convetionelle moderne, sa meilleure option est de miser sur la modenrisation de sa dissuasion, et plus particulièrement, sur la miniaturisation des têtes nucléaires. La Russie dispose de cette technologie depuis plus de 40 ans.

Il serait, par ailleurs, certainement dangereux, pour les autorités sud-coréennes, de mettre à exécutions leurs menaces, puisque cela libèrerait, en retour, la livraison visible d’équipements de premier rang aux armées nord-coréennes par la Russie.

Dans les faits, force est de constater que toutes les cartes, ici, sont déjà dans les mains de Vladimir Poutine et Kim Jong-Un, et les menaces de Chang Ho-Jin ont bien peu de chances d’en altérer le déroulement. Fondamentalement, Séoul pourrait donc, très bien, livrer dès à présent des armes à l’Ukraine dès à présent, sans que cela change, à termes, la dynamique des événements.

Il est toutefois assez peu probable que les autorités sud-coréennes prennent cette décision, tant elle serait incomprise par l’opinion publique sud-coréenne, en faisant émerger une menace majeure et immédiate, pour un conflit distant de 10 000 km.