jeudi, décembre 4, 2025
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Le système anti-aérien laser Iron Beam israélien pourrait entrer en service d’ici moins de 3 ans

En avril dernier, les équipes de l’industriel Rafael et des armées israéliennes menèrent un premier test « grandeur nature » du système anti-aérien Iron Beam, un dispositif de défense basé sur un laser de haute énergie d’une puissance supérieure à 100 Kw. Lors de ces essais, Iron Beam a montré ses capacités pour intercepter et détruire non seulement des drones légers, mais également des roquettes d’artillerie et obus de mortier, avec précision, efficacité et vélocité. Ces succès ont semble-t-il fini de convaincre les forces armées israéliennes, qui envisagent désormais de se doter de ce système dans un avenir étonnamment proche, entre deux et trois ans, de sorte à venir compléter les capacités du très performant, mais également très onéreux système Iron Dome qui protège les villes et installations stratégiques du pays contre de potentielles attaques massives de saturation menées par le Hezbollah palestinien et leurs soutiens iraniens.

Selon Rafael, l’ensemble des enjeux technologiques ont d’ores et déjà trouvé réponse, et désormais ne se pose que des questions purement industrielles, et donc budgétaires, afin de doter la defense israélienne de ce système. Il faut dire que pour Jerusalem, l’enjeu est de taille. En effet, si Iron Dome a montré sans le moindre doute son efficacité lors des attaques menées par le Hezbollah en 2021, en contenant la menace face à des pics à plus de 2500 attaques à la roquette par jour en octobre, le système anti-aérien et anti-missiles israélien a également montré ses plus grandes faiblesses dans ce type d’engagement, à savoir les couts liés à chaque interception avec un missile dont le prix excède les 50.000 $, et les délais de réassort de ces missiles pour faire face à des attaques massives étalées dans le temps. C’est précisément dans ces deux domaines que l’Iron Beam entend apporter une réponse critique à la défense israélienne.

IFPC Iron Dome Sky Hunter Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne
Malgré une efficacité incontestable, le système Iron Dom a montré en 2021 qu’il avait les défauts de ses qualités, avec un prix à l’interception très supérieur au prix des cibles détruites, et d’importantes difficultés pour réassortir les systèmes après une intense utilisation.

En effet, les couts d’utilisation de l’Iron Beam est très inférieur à celui des missiles de l’Iron Dome. Selon Rafael, un tir de son nouveau système couterait 3,5 $, soit le prix de l’énergie nécessaire au système pour produire le laser à haute énergie. Un tel cout d’utilisation et de possession est évidement à prendre avec grande prudence, car transmis par l’industriel lui même, sur des critères que seuls lui connait. Ainsi, on ignore quels niveaux de maintenance sont nécessaires pour maintenir en fonction le système, ou tout simplement quel est le taux d’usure de l’équipement dans la durée quant il doit être employé. Alors que ces couts pour un système basé sur des missiles comme Iron Dome reposent avant tout sur le prix des munitions elles-mêmes avec des contraintes de possession et d’utilisation relativement réduites proportionnellement pour peu que les missiles soient disponibles, rien ne garantit qu’un système laser à haute énergie puisse lui aussi se calquer sur un tel modèle, bien au contraire.

En second lieu, par sa nature, un laser à haute énergie ne dépend pas du concept de munition, et n’est donc pas exposé à des problématiques de réassort industriel face à une utilisation intensive, comme ce fut le cas pour le système iron Dome israélien à l’issue de l’offensive palestinienne de 2021. Tout du moins en théorie. En effet, dans le prolongement de ce qui précède, il n’existe à ce jour que très peu de retours d’expérience quant à l’utilisation opérationnelle de ce type de systèmes dans la durée, et donc quant à sa fiabilité ou le besoin de maintenance opérationnelle dont ils devront bénéficier pour assurer leur mission avec efficacité. On comprend, à ce titre, les raisons qui font que l’Iron Beam ne soit pas considéré par les forces armées israéliennes comme un remplaçant potentiel de l’Iron Dome, mais comme un système complémentaire destiné à en accroitre l’efficacité et la resilience, en particulier pour faire face à des attaques massives de systèmes diversifiés visant à éroder les défenses adverses, tout en optimisant l’équation économique du système global émergeant de sorte à rapprocher les couts d’interception efficaces des couts de conception des drones et roquettes.

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Le Trophy de Rafael a été choisi par de nombreuses forces armées pour protéger leurs chars et blindés lourds de première ligne, comme c’est le cas de l’US Army pour certains de ses Abrams.

Reste qu’une fois encore, les ingénieurs et militaires israéliens démontrent avec l’Iron Beam leur capacité non seulement à developper des systèmes d’armes de haute technologie, mais également à se saisir des technologies émergentes offrant de très grandes plus values opérationnelles. Ce fut le cas, par exemple, dans les années 80 dans le domaine des drones puis plus tard des munitions vagabondes, et à la fin des années 2000 dans le domaine des systèmes de protection Hard-Kill et Soft Kill pour blindés et avions de combat, donnant naissance à certains systèmes devenus désormais célèbres comme le drone Heron et les munitions vagabondes Harpy et Harop de IAI, les systèmes Hard Kill Trophy de Rafael et Iron Fist de IAI, ou encore le système de leurres tractés aérien X-Guard de Rafael. Il est vrai que contrairement aux Européens, mais également des Etats-Unis dans une certaine mesure, Jerusalem n’a jamais considéré que la situation post Guerre Froide lui permettait d’envisager de collecter de quelconques bénéfices de la paix, privilégiant en cela de possibles bénéfices à l’exportation de ses systèmes d’armes et de défense.

Les Etats-Unis ont-ils tiré une balle dans le pied du Super Hornet en Inde face au Rafale ?

Alors que les autorités indiennes n’ont toujours pas annoncé leur arbitrage concernant l’acquisition de 26 chasseurs embarqués pour armer le nouveau porte-avions INS Vikrant entré en service au début du mois de septembre, une décision américaine pourrait bien sévèrement handicaper l’offre de Boeing avec le F/A-18 E/F Super Hornet pour cette compétition, laissant libre champ au Rafale M français. En effet, début septembre, les autorités américains ont rendu un avis favorable afin de permettre au Pakistan de moderniser une partie de sa flotte de F-16, provoquant la colère, ainsi qu’une certaine incompréhension, des officiels indiens. L’autorisation d’exportation américaine porte sur divers évolutions logicielles, des pièces de rechange et divers supports techniques, et ne représente pas une évolution majeure des capacités offensives ou défensives des F-16 Pakistanais selon Washington. Toutefois, cet argument avancé par les autorités américaines pour tenter d’atténuer l’ire de New Delhi, ne semble guère porter ses fruits.

Il semble en effet que la décision de Washington de lever l’embargo technologique vers Islamabad imposé par Donald Trump sur fond de tensions dans le dossier Afghan, ait été influencée par la position neutre indienne vis-à-vis de la Russie au sujet du conflit en Ukraine. Ainsi, après des années de tensions entre Islamabad et Washington, Joe Biden a rencontré le premier ministre Pakistanais Shehbaz Sharif lors d’une réunion formelle le 22 septembre à l’occasion de la 77ème assemblée des Nations Unis à New York, avec l’évidente ambition d’une normalisation des relations entre les deux anciens alliés, sur fond de recomposition des rapports de force dans le Caucase et en Asie Mineure liée à l’affaiblissement des positions russes. Pour Washington, il s’agit de tenter de briser la main mise de plus en plus ferme de Pékin sur l’économie et la défense pakistanaise, alors que pour Islamabad, il s’agissait de tenter de sortir de l’isolement occidental imposé par les Etats-unis depuis 2018.

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Mais pour les autorités et l’opinion publique indienne, ce changement de posture est perçu comme un revirement difficile à accepter de la part des Etats-Unis. En effet, si New Delhi est prêt à un certain rapprochement avec les Etats-Unis pour contrôler la monter en puissance chinoise, le Pakistan n’en demeure pas moins l’adversaire historique qui a déjà, par trois fois, attaqué le pays. De fait, l’assouplissement des relations pakistano-américaine, qui plus est dans le domaine des exportations de technologie de défense aussi limitées soient elles, passe très mal, d’autant plus lorsqu’elle est perçue comme une mesure de coercition vis-à-vis de postures internationales relevant de la souveraineté nationale. De fait, il est probable que ce changement de paradigme dans les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan, aura une influence notable dans les arbitrages à venir concernant notamment les programmes d’équipement de défense, comme c’est le cas du programme MRCA 2 pour remplacer les Mig-21 et Jaguar de l’Indian Air Force, mais également concernant le programme d’acquisition de 26 chasseurs embarqués pour armer le porte-avions INS Vikrant.

Reste que l’on peut s’interroger sur le contexte ayant amené Washington à décider d’autoriser la modernisation des F-16 Pakistanais, précisément alors que plusieurs contrats majeurs sont à l’arbitrage à New Delhi. On peut évidement imaginer que la décision américaine puisse être une mesure de rétorsion face à la on condamnation indienne de la Russie dans le conflit Ukrainien. Mais il est peu probable que les diplomates et stratèges américains aient pu à ce point sous-estimer les réactions indiennes face à un tel changement de posture, mettant en difficulté non seulement plusieurs importants contrats d’armement, mais également les ambitions américaines d’intégrer le pays dans son dispositif destiné à neutraliser la menace chinoise dans les années à venir. Rappelons à ce titre que Moscou dut annuler une commande pakistanaise de plus de 400 chars T-90M pour 2 Md$ pour maintenir ses bonnes relations avec New Delhi, alors que Paris a fait le choix, depuis de nombreuses années, de l’Inde face au Pakistan dans le domaine militaire. La situation est d’autant plus problématique pour les autorités indiennes que la doctrine traditionnelle américaine consiste à mettre sous embargo les deux parties lorsqu’un conflit intervient entre deux de ses alliés ou partenaires.

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Il est probable que les Etats-Unis tenteront de minimiser la portée de la décision de moderniser la flotte de F-16 Pakistanais, y compris dans la presse indienne. Qu’il s’agisse d’un faux-pas diplomatique, d’un avertissement pour tenter d’infléchir la position indienne, ou d’un redéploiement des ambitions américaines dans la région, il n’en demeure pas mois vrai qu’avec cette décision, Washington offre un atout de taille aux négociateurs français pour promouvoir non seulement le Rafale pour l’Indian navy et l’Indian Air Force, mais également pour renforcer la coopération franco-indienne tant du point de vue industriel et technologique que politique, d’autant que l’appui de Moscou à l’Inde sera nécessairement de moindre portée pour de nombreuses années.

Les grandes manoeuvres sont lancées en occident pour concevoir les drones de combat de nouvelle génération

Il existe, à ce jour, pas moins de 7 programmes visant à concevoir ou intégrer des drones afin d’étendre les capacités des avions de combat, et ce pour le seul camp occidental. Aux Etats-Unis, ces programmes évoluent autours dU Next Generation Air Dominance de l’US Air Force et du F/A-XX de l’US Navy; en Europe autour des programmes SCAF et Tempest; et en Asie autour des programmes F-X japonais, KF-21 Boramae sud-coréen, ainsi que du MQ-28 Ghost Bat australien. Tous visent à concevoir des drones de combat furtifs à hautes performances, capables d’évoluer autours et au profit des avions de combat pilotés, de sorte à en étendre les capacités de détection, offensives et défensives. Si les programmes d’avion de combat portent en eux d’importantes ambitions nationales limitant les possibilités de rapprochement, ces drones de combat, quant à eux, constituent avant tout des vecteurs économiques capables d’emporter des capacités différenciées. Dès lors, il n’y a rien de surprenant à ce que la conception de ces systèmes soit désormais envisagée au sein de partenariat internationaux, y compris au sein des programmes d’avions de combat de nouvelle génération, tant pour en faire baisser les couts que pour en accroitre la diffusion, et d’imposer un standard de fait dans les années à venir.

C’est en tout cas l’initiative prise par le Secrétaire à l’Air Force Franck Kendall, dans le cadre du programme NGAD. Celui-ci a en effet engagé des discussions avec plusieurs de ses partenaires internationaux les plus proches, la Grande-Bretagne d’une part, le Japon et l’Australie de l’autre, afin de developper une gamme de drones de combat de nouvelle génération compatible avec les programmes NGAD, Tempest et F-X. Selon le chef politique de l’US Air Force, les programmes américains, nippons et britanniques d’avion de combat de nouvelle génération, bénéficieraient grandement de l’utilisation d’une gamme commune et standardisée de drones de combat et de Loyal Wingmen, sans qu’il soit question, cependant, d’ailler au delà dans le partage technologique autour du programme NGAD qui demeure, comme l’était le F-22 avant lui, un programme de très haute technologie destiné à concevoir le meilleur avion de supériorité aérienne du moment.

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L’Australie s’est engagée dans le developpement d’un drone de combat de type Loyal Wingman depuis 2017 avec l’assistance de Boeing, pour produire le MQ-28 Ghost Bat

Pour l’heure, le programme européen SCAF qui rassemble la France, l’Allemagne et l’Espagne, ne prévoyait pas initialement pas de concevoir de drone de combat de ce type. Celui-ci vise à developper, pour ce type de missions, une gamme de drones aéroportés de taille et capacités complémentaires, et désignés Remote Carrier. Ces drones sont développés au sein du pilier « Effecteurs » du programme par Airbus DS avec MBDA comme partenaire principal. Mais les choses pourraient bien évoluer, après que l’Espagne ait proposé d’ajouter un nouveau pilier au programme confié là encore à Airbus DS, afin de concevoir un drone de combat lourd autonome. Pour Madrid, il s’agit tant de conférer au programme européen une capacité supplémentaire qui semble de plus en plus indispensable à la vue des efforts produits par ailleurs pour s’en doter, que de proposer une porte de sortie efficace afin de permettre à Airbus DS de mettre à profit ses capacités de conception d’un système de combat aérien, et ainsi sortir par le haut de la crise qui a opposé Dassault Aviation et Airbus DS autour du pilier Next Generation Fighter, et qui bloque la poursuite du programme depuis 1 an maintenant.

Au delà des programmes eux-mêmes, se joue désormais dans ce domaine un bras de fer entre les Etats-Unis d’un coté, et les européens de l’autre, afin non pas de concevoir ces effecteurs déportés qui constitueront sans le moindre doute la plus grande avancée technologique, doctrinale et opérationnelle de la prochaine génération d’avion de combat, mais de maitriser les standards qui encadreront la conception et l’utilisation opérationnelle de ces drones dans les années à venir, tout du moins dans le camp occidental. Ces normes permettent en effet de définir les critères et pré-requis technologiques encadrant l’utilisation de ces systèmes et donc leur déploiement dans un contexte d’engagement coopératif. Incidemment, elles permettent à ceux qui les contrôlent d’imposer certains aspects technologiques sur lesquels ils disposent d’un controle direct ou induit, offrant un puissant outil de controle sur les forces aériennes du futur à qui remportera la confrontation, y compris sur certains aspects critiques comme les exportations voire l’emploi opérationnel de ces systèmes.

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En 2019, Airbus DS présenta le DS Lout, un programme entamé depuis 2007 afin de concevoir un drone de combat d’une grande furtivité. Ces compétences pourraient être mises à profit dans le cadre du developpement d’un 8ème pilier au sein du programme SCAF

On comprend, dans ce contexte, à quel point la proposition de Madrid fait sens dans le cadre du programme SCAF, bien au delà que la résolution du différent industriel franco-allemand. Toutefois, pour qu’une telle initiative s’avère efficace, elle devra répondre à deux critères de première importance. En premier lieu, il est indispensable que le ou les drones de combat qui émergeront de ce pilier entrent en service sur un calendrier proche de celui poursuivi par l’US Air Force au sein du programme NGAD, donc dans les toutes premières années de la prochaine décennie, de sorte à ne pas laisser les Etats-Unis et leurs partenaires s’imposer sur le sujet faute d’opposition. En second lieu, les systèmes ainsi produits devront être libres de toute dépendance technologique extérieure, en particulier venant des Etats-Unis, de Grande-Bretagne ou du Japon, et d’éviter à tous prix qu’un arbitrage comme celui ayant mené au choix du turbopropulseur Avio Aero Catalyst de fabrication italienne mais de conception américaine, ne soit imposé par Airbus DS.

Reste que si un 8ème pilier venait à être ajouté au programme SCAF pour developper un drone lourd de combat furtif comme proposé par Madrid, il serait également nécessaire de réviser les équilibres au sein des autres piliers du programme. En effet, dans une telle hypothèse, la France ne piloterait qu’un unique pilier, certes le plus imposant pour concevoir le Next Generation Fighter, tout comme l’Espagne avec le pilier « capteurs », 5 piliers étant sous le controle des industries allemandes « Effecteurs », « Combat Cloud », « Simlab », « Furtivité » et « Loyal Wingman », le dernier pilier « Propulsion » étant co-piloté par le français Safran et l’allemand MTU, d’autant que l’Allemagne pilote également les programmes Euromale et MGCS. Alors qu’il semble évident que les drones de combat et autres « Loyal Wingmen » sont appelés à jouer un rôle déterminant dans l’évolution de la guerre aérienne et de l’industrie qui y est rattachée, il apparait indispensable que les entreprises françaises concernées, comme MBDA, Thales, Safran et Dassault Aviation, aient elles aussi capacités à accroitre leurs compétences dans ce domaine au sein du programme SCAF, de sorte à ne pas dépendre d’une industrie extérieure pour une capacité appelée à jouer un rôle central dans les capacités de dissuasion du futur.

La Marine chinoise reçoit son 3ᵉ porte-hélicoptères Type 075

La Marine chinoise vient de recevoir le 3ᵉ exemplaire des porte-hélicoptères Type 075 qui lui offrent une capacité de projection de puissance désormais importante dans l’ensemble du bassin indo-pacifique.

Depuis l’entrée en service du Kunlun Shan, premier grand navire d’assaut Type 071 en 2007, la flotte d’assaut chinoise a connu de très profonds changements, en passant d’une flotte imposante, mais limitée en force de projection, de plus d’une cinquantaine de transports de chars ou LST Type 072 et Type 073, des navires de moins de 5000 tonnes ne disposant pas de réelles capacités de projection à longue distance, à une flotte alignant aujourd’hui 6 grands navires d’assaut amphibie LPD Type 071 de 25.000 tonnes, et deux porte-hélicoptères Type 075 de 40.000 tonnes.

En outre, le rythme des livraisons de ces navires n’est pas linéaire, avec une évidente montée en puissance ces dernières années, comme la livraison des 2 premiers Type 075 en 2021, et celle des 3 derniers Type 071 qui s’étalera entre 2023 et 2024.

Quant au troisième porte-hélicoptères d’assaut Type 075 baptisé « Anhui » et arborant le numéro de coque 33, il est entré en service ce 1ᵉʳ octobre au sein de la flotte de l’est.

Long de 237 mètres pour un tonnage en charge de plus de 36.000 tonnes, les Landing Helicopter Dock, ou LHD Type 75, sont l’équivalent des grands navires d’assaut porte-hélicoptères de l’US Navy des classes Wasp et America.

Ils peuvent mettre en œuvre 28 à 30 hélicoptères pour les missions d’assaut amphibies, dont les hélicoptères de transport lourds Z-8/18 capables d’emporter jusqu’à 30 soldats en armes ou 5 tonnes de fret sur plus de 1000 kilomètres, les hélicoptères de combat comme le Z-9 et le Z-10 antichars, ainsi que le nouvel hélicoptère polyvalent Z-20, complétant parfaitement les capacités de transport de chaland de débarquement des Type 071.

Au-delà de ses capacités aéronavales d’assaut, les navires Type 075 disposent de 2 systèmes d’auto protection rapprochée H/PJ-11 armés d’un canon rotatif heptatubes de 30 mm à guidage radar, ainsi que de deux lance-missiles à très courte portée HQ-10 armés de 8 missiles anti-aériens et anti-missiles à guidage infrarouge d’une portée de 9 km.

Les porte-hélicoptères Type 075 chinois peuvent mettre en œuvre jusqu'à une trentaine d'hélicoptères, dont l'hélicoptère de transport lourd Z-8 dérivé du Super-Frelon français
Les porte-hélicoptères Type 075 chinois peuvent mettre en œuvre jusqu’à une trentaine d’hélicoptères, dont l’hélicoptère de transport lourd Z-8 dérivé du Super-Frelon français

Selon la planification chinoise, la marine de Pékin alignera 8 de ces navires à terme. Toutefois, à ce jour, rien n’indique que la construction d’une 4ᵉ coque de ce type a été entamée aux chantiers navals Hudong–Zhonghua de Shanghai, qui semble se concentrer sur la livraison des 3 dernières unités LPD Type 071 qui ont été lancés entre janvier 2018 et juin 2019 par tranche de 6 mois, et qui entreront en service probablement au même rythme à compter du début d’année 2023. Il est possible que la pause observée dans la construction de nouveaux LHD soit la conséquence de la construction des 3 derniers LPD Type 071.

Cependant, d’autres rumeurs font état de la conception d’une nouvelle classe de LHD désignée Type 076, plus imposante que le Type 075, et surtout apte à mettre en œuvre, au-delà des hélicoptères, des drones de combat pour appuyer les forces d’assaut.

LPD type 071 de la marine chinoise Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne
Les LPD Type 071 chinois offrent des capacités similaires à celles des navires de la classe San Antonio de l’US Navy

En dépit de l’effort évident fourni par Pékin pour renforcer ses capacités de projection de puissance navales, la Marine chinoise reste très en deçà de celles dont dispose l’US Navy, qui aligne 8 porte-hélicoptères d’assaut classe Wasp et America, et qui prévoit de se doter de 26 navires d’assaut de 25.000 tonnes de la classe San Antonio pour remplacer les LPD des classes Harpers Ferry et Whidbey Island de 16.000 tonnes.

À raison de 1 grand navire d’assaut tous les 6 mois produits par les chantiers navals chinois, il faudra encore plus d’une douzaine d’années pour faire jeu égal avec l’US Navy, soit une échéance autour de 2035, et 2045 pour être à parité avec les potentialités de projection de puissance des États-Unis et de leurs alliés, même si ces derniers sont beaucoup plus dispersés géographiquement. Cette échéance est la même considérant la flotte de porte-avions chinois, à raison d’un nouveau navire tous les 2 ans 1/2.

Il est intéressant de constater que l’effort industriel chinois en matière de forces navales visent à faire jeu égal avec l’US Navy d’ici au début des années 2030 pour ce qui concerne les grandes unités de surface combattantes, en admettant au service une dizaine de destroyers et frégates chaque année.

Il en va aussi en termes de sous-marins, sans chercher toutefois à égaler le nombre de navires à propulsion nucléaires américains, alors que la flotte aéronavale et amphibie reste de toute évidence sur un objectif de parité lors de la seconde moitié de la décennie 2040, conformément aux objectifs annoncés par Xi Jinping selon lequel la Chine doit devenir la première puissance militaire mondiale pour 2049 et le centenaire de la République Populaire de Chine.

Ce constat renforce l’hypothèse selon laquelle la prise de Taïwan pourrait reposer non sur un assaut amphibie, mais sur un blocus naval et aérien d’une part, et que la Chine ne chercherait pas, au-delà de la prise de Taïwan, à étendre sa zone de défense Pacifique par l’intermédiaire de conquêtes territoriales comme le fit l’empire nippon en 1941 et 1942.

La France peut-elle rendre la politesse à l’Allemagne au sujet des sous-marins néerlandais ?

Alors que La Haye a accéléré le tempo de son programme visant à remplacer les sous-marins néerlandais, La France et Naval Group pourraient se positionner en appliquant la même stratégie que celle employée par l’Allemagne et TKMS en Norvège.

En 2017, les autorités norvégiennes annonçaient la fin de la compétition engagée depuis plusieurs années en vue de remplacer les 6 sous-marins de la classe Ula en service au sein de la marine royale norvégienne depuis le début des années 80.

En effet, Berlin avait proposé à Oslo de co-développer une nouvelle version de son sous-marin Type 212, désignée Type 212CD, et à commander, dans cette hypothèse, deux navires pour renforcer la flotte de six submersibles en service au sein de la marine allemande.

En procédant ainsi, l’ensemble des frais de développement était reparti à parts égales entre Berlin et Oslo, et les compensations industrielles norvégiennes pouvaient s’appliquer également aux deux navires commandés pour la marine allemande, rendant l’offre à ce point attractive que Naval Group, le chantier naval concurrent de TKMS dans cette compétition, dut admettre qu’il était incapable de s’aligner sur l’offre allemande.

La même situation pourrait bien se reproduire pour ce qui concerne la compétition actuellement menée par Amsterdam pour le replacement de ses sous-marins néerlandais de la classe Walrus, et qui oppose le français Naval Group avec le sous-marin Black Sword de la famille des Shortfin Barracuda, un consortium formé par le Suédois Saab/Kockums et le néerlandais Damen avec une version dérivée du A26, et l’allemand TKMS avec le Type 212 CD.

En effet, Berlin propose à son partenaire néerlandais de rejoindre le programme Type 212 CD germano-norvégien, à l’image de ce qui fut proposé à Oslo il y a cinq ans de cela, de sorte à faire baisser les prix, mais également les risques industriels autour du programme.

De la même manière, Stockholm propose à Amsterdam une offre très attractive autour de son nouveau sous-marin A26, les développements de ce dernier ayant été financés par la Suède pour sa propre marine, alors que l’industriel suédois s’est allié avec le très puissant chantier naval néerlandais Damen pour optimiser ses chances.

Dans ces conditions, l’offre de Naval Group avec le Black Sword, un sous-marin de la famille des Shortfin Barracuda dérivés des SNA de la classe Suffren mais équipés d’une propulsion conventionnelle anaérobie, peut apparaitre comme très désavantagée, qui plus est depuis l’annulation du contrat SEA 1000 australien qui devait précisément concevoir et produire 12 sous-marins Shortfin Barracuda de la classe Attack, même si du point de vue capacitaire, le sous-marin proposé par le groupe français offre des performances sensiblement supérieures à celles de ses concurrents, et mieux adaptées aux besoins de la marine néerlandaise.

Le Marlin de Naval Group serait un formidable atout pour la flotte de sous-marins néerlandais
Pump-jet et tuiles anechoïques, le Black Sword de Naval Group est un sous-marin taillé pour la haute mer et la haute intensité

En effet, le Black Sword est beaucoup plus imposant que le A26 ou le Type 212 CD, avec une longueur de près de 90 mètres et un déplacement en plongée de plus de 4000 tonnes, contre 66 mètres et 2000 tonnes pour le A26 Blekinge suédois, et 73 mètres pour un déplacement de 2500 tonnes pour le Type 212 CD, en faisant un navire beaucoup plus endurant et performant, notamment pour les missions de haute mer, là où les deux autres submersibles sont optimisés pour les mers étroites et l’évolution côtière, comme la Baltique et la Mer du Nord.

Ainsi, lors de la compétition australienne, le Shortfin barracuda avait largement surclassé le Type 212 et le Soryu, précisément du fait de ses qualités hauturières et notamment de sa capacité à évoluer à grande vitesse tout en restant silencieux, héritée de son affiliation avec les sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire de la classe Suffren.

En outre, à l’instar des Suffren, les Black Sword peuvent mettre en œuvre de nombreuses munitions très évoluées, comme les torpilles lourdes F-21, le missile anti-navire à changement de milieu SM-39, et le missile de croisière MdCN. Reste que pour s’imposer face aux offres allemandes et suédoises, il sera indispensable de jouer avec les mêmes armes budgétaires.

Dans un article publié il y a quelques semaines, nous avons étudié la pertinence pour la Marine nationale de se doter de quelques sous-marins à propulsion conventionnelle en lieu et place de SNA classe Suffren supplémentaires. Comme nous l’avions établi, il ne fait aucun doute que les SNA offrent des capacités supérieures aux navires à propulsion conventionnelle, raison pour laquelle la Marine Nationale privilégie cette hypothèse pour étendre sa flotte sous-marine.

Toutefois, ceux-ci ne peuvent s’exporter, tout au moins pour le moment, alors que l’exportation de sous-marins constitue un pilier indispensable pour équilibrer les comptes et les capacités industrielles de Naval Group.

Et si le modèle Scorpène, déjà exporté à 14 exemplaires auprès du Chili, de la Malaisie, de l’Inde et du Brésil, peut encore prétendre à un certain attrait sur la scène internationale, comme en Roumanie, il ne fait aucun doute que le groupe naval français doit désormais s’appuyer sur une nouvelle classe plus moderne de submersibles pour sécuriser ses exportations à venir.

L’article concluait qu’il pouvait être pertinent, si le nombre de sous-marins français devait être revu à la hausse au cours de la prochaine Loi de Programmation Militaire, de doter la Marine Nationale de 2 ou 4 sous-marins à propulsion conventionnelle de nouvelle génération pour soutenir les exportations, mais également pour alléger les missions dédiées aux SNA.

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Le Brésil a commandé 4 sous-marins Scorpène construits localement à Naval Group

Or, le contexte néerlandais offre précisément les conditions optimales pour réaliser une telle procédure, pour peu que Paris entreprenne de faire la même proposition à Amsterdam que celle qui fut faite par Berlin à Oslo en 2017.

En d’autres termes, la France s’engagerait à commander deux sous-marins Black Sword et à financer la moitié des couts de développement si les Pays-Bas choisissaient l’offre de Naval Group, de sorte à s’aligner budgétairement sur les offres allemandes et suédoises, et donc de faire porter la décision sur les capacités des navires pour lesquels il a un net avantage.

Par ailleurs, outre le fait qu’un tel accord permettrait à Naval Group de disposer de précieuses références pour promouvoir son modèle sur la scène internationale dans les années et décennies à venir, il permettrait à la Marine nationale de se doter de deux submersibles très capables, que ce soit pour patrouiller en Méditerranée, Mer du Nord et Mer baltique, pour sécuriser les accès aux arsenaux français, ou pour déployer des submersibles de protection autour de certaines zones de défense prioritaire, comme en Nouvelle-Calédonie.

Mais l’argument le plus décisif en faveur d’une telle proposition n’est autre que budgétaire. En effet, si l’acquisition de sous-marins à propulsion conventionnelle de nouvelle génération avait du sens en vue de soutenir les exportations, comme nous l’avions établi dans le précédent article, elle prend tout son sens dès lors qu’elle s’inscrit précisément dans un processus d’exportation.

Ainsi, en supposant que la conception et la fabrication des six submersibles équivaudraient à une enveloppe de 8 Md€, soit 2 Md€ de R&D et 1 Md€ par navire, l’investissement pour la France serait alors de 3 Md€, pour 50% de la R&D et deux navires.

Sur la base d’un partage industriel de 50% et d’un retour budgétaire de 65% sur les investissements produits en France, le retour budgétaire global s’élèverait alors à 2 Md€. Les économies sociales liées à l’activité liée à 3 Md€ d’investissement, soit 7.500 emplois dont 3.000 emplois industriels sur 10 ans, représenteraient alors 90 m€ par an, soit 900 m€ sur l’ensemble de la durée du contrat.

Au total, les 2 sous-marins livrés à la Marine nationale n’auront couté que 50 m€ l’unité, tout en soutenant le potentiel industriel export de manière plus que conséquente, par ailleurs largement compensé par les contrats de maintenance dans les années à venir.

suffren et duguay trouin Cherbourg Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne
Le maintien des compétences et savoir-faire de Naval Group dans le domaine sous-marins repose en grande partie sur les capacités d’exportation du groupe dans les années à venir

On le comprend, la compétition néerlandaise pour le remplacement des sous-marins de la classe Walrus représente une opportunité à ce jour unique pour Naval Group et l’ensemble de l’industrie sous-marine française afin de prendre pied dans la prochaine génération de sous-marins à propulsion conventionnelle.

Après l’annulation du contrat australien, qui portait entre autres cette mission, il est désormais indispensable de faire preuve de souplesse et d’imagination pour sécuriser ce savoir-faire industriel indispensable au maintien de ces compétences de l’industrie française dans la durée, et donc d’une capacité critique pour la dissuasion, quitte à mécontenter un temps les sous-mariniers français qui plébiscitent la propulsion nucléaire.

L’Indonésie reste engagée dans le programme KF-21 Boramae avec la Corée du Sud

Après avoir participé au developpement de l’avion d’entrainement et d’attaque T/F/A-50 Golden Eagle avec la Corée du Sud, et avoir acquis 19 T-50 pour la formation de ses pilotes, Jakarta s’était engagée en 2010 à participer au financement du programme d’avion de combat de nouvelle génération entamé à Séoul à hauteur de 20%, avec la participation de l’entreprise nationale Indonesian Aerospace notamment pour la conception ainsi que la fabrication des quelques 200 appareils prévus d’être commandés par les deux pays. De fait, en 2011, un centre de recherche et developement commun accueillant une centaine d’ingénieurs indonésiens appartenant à l’entreprise PT Dirgantara fut inauguré à Daejeon, à quelques 150 km de Seoul. En 2017, alors que le montant des arriérés de paiement indonésiens dépassait les 400 m$, le centre fut mis en suspend, et les ingénieurs indonésiens revinrent dans leur pays, et en décembre 2020, il était question d’un retrait pur et simple de l’Indonésie du programme. Toutefois, en aout 2021, après que le Ministre de La Défense Prabowo Subianto ait participé en avril à la cérémonie de presentation du premier prototype de l’appareil, les négociations entre Séoul et Jakarta permirent à l’Indonésie de re-embarquer dans le programme, et plusieurs dizaines de ses ingénieurs purent retourner sur le site de recherche de Daejeon quelques mois plus tard.

Reste que, pour l’heure, les ambitions des autorités indonésiennes restent obscures concernant ce programme, comme elles le sont pour l’ensemble du dossier de modernisation de sa flotte de chasse. En début d’année, Jakarta annonçait un accord avec Paris en vue de commander 42 avions Rafale, et une première tranche de 6 appareils a effectivement été commandée et payée par Jakarta il y a quelques semaines. En revanche, la future commande KF-21, mais également celle de F-15EX pourtant présentée par le Chef d’état-major indonésien comme imminente il y a déjà 6 mois, restent à déterminer. S’exprimant sur les réseaux sociaux, le ministre indonésien de La Défense par intérim, Muhammad Herindra, a toutefois confirmé, cette semaine, que le pays restait engagé pour acquérir le nouvel appareil dans le futur, au delà de 2025, et que la co-production de cet appareil avec la Corée du Sud demeurait un objectif stratégique pour Jakarta.

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L’Indonésie a commandé les 6 premiers des 42 Rafale que le pays entend commander à la France. Ces appareils permettront probablement de remplacer les 5 Su-27 encore en service, désormais obsolètes

En dépit de ces annonces, selon les médias sud-coréens, il semblerait bien que Jakarta ait une nouvelle fois renoué avec ses vieux démons, en oubliant de respecter l’échéancier de paiement convenu il y a tout juste un an lors de la reprise de la collaboration. Ainsi, en dépit des promesses du président indonésien Joko Widodo, la dette de Jakarta envers Séoul dans le cadre du programme Boramae s’élevait en juillet 2022 à plus de 550 m$, alors même que le discours officiel indonésien reste axé vers une commande de 50 appareils pour les forces aériennes du pays. On notera cependant qu’en dépit de la défaillance indonésienne, le programme KF-21 poursuit son developpement selon le calendrier initialement établi.

Les circonvolutions de Jakarta vis-à-vis d’un partenaire pourtant présenté comme stratégique, n’est pas sans rappeler celles qui entourèrent les négociations entre l’Indonésie et la Russie au sujet d’une commande portant sur 11 Su-35, qui aura connu de multiples rebondissements pendant presque 7 ans avant d’être finalement écartée par Jakarta en 2020, de crainte de subir l’ire de Washington, et notamment les effets de la législation CAATSA. En outre, force est de constater qu’il existe le plus souvent un écart significatif entre les annonces faites par les officiels indonésiens, et leur conversion en faits. alors que l’objectif annoncé en 2020 par le ministre de La Défense Prabowo Subianto devenu depuis le principal opposant du président Joko Widodo, de constituer une force aérienne composée de 170 avions de combat modernes d’ici la fin de la décennie, semble plus que jamais compromise.

F16 indonesie Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne
Les forces aériennes indonésiennes alignent 33 F-16, sont seulement 23 en version C/D, les 10 autres étant des versions plus anciennes A/B proches de l’obsolescence

Reste qu’au delà des 42 avions Rafale pour lesquels Jakarta s’est déjà engagé, le KF-21 Boramae représente sans le moindre doute un excellent candidat pour la modernisation des forces aériennes indonésiennes, qui aujourd’hui alignent encore un patchwork d’appareils américains (33 F-16) et russe (5 Su-27 et 11 Su-30), aux cotés d’appareils légers comme les 23 Hawk 200 britanniques, les 19 T-50 sud-coréens et les 15 EMB 314 brésiliens, soit une force bien insuffisante pour effectivement répondre à la dégradation sécuritaire dans le Pacifique, surtout pour un pays de presque 2 millions de km2 et de plus de 13.000 iles dont un millier sont habitées. Ce d’autant que les Su-27 comme une dizaine des 33 F-16 arrivent désormais en limite de potentiel, et à la limite de l’obsolescence opérationnelle. Il est d’ailleurs plus que probable que les 6 premiers Rafale permettront de remplacer les Su-27, les 36 autres permettant de retirer les F-16 les plus anciens, soit une dizaine d’appareils, et les 11 Su-30, sans permettre aux forces aériennes indonésiennes d’accroitre leur format.

Combien les forces aériennes françaises aligneront de Rafale en 2030 ?

En début de semaine, le Ministère des Armées annonçait qu’une nouvelle commande de 42 avions de combat Rafale sera signifiée sur l’année budgétaire 2023. Celle-ci était attendue, puisque dans l’alignement de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025, et conforme aux objectifs de la Revue Stratégique de 2017. Toutefois, du fait du report des livraisons à partir de 2016 pour libérer les capacités industrielles vers l’exportation, mais également pour libérer des crédits d’investissement nécessaires par ailleurs pour d’autres programmes, ainsi que de la vente de 12 Rafale d’occasion à la Grèce en 2020, puis de 12 appareils à la Croatie en 2021, tous prélevés sur le parc de l’Armée de l’Air de l’Espace, un certain flou s’est immiscé dans la réalité des livraisons à venir, comme du parc dont disposeront effectivement les forces aériennes françaises en application de ces commandes.

Le parc de l’Armée de l’Air de l’Air et de l’Espace se compose aujourd’hui de 132 appareils commandés, dont 106 ont été livrés, un appareil à été perdu, et 24 appareils ont été prélevés pour exportation d’occasion vers la Grèce et la Croatie, soit 81 appareils en ligne. Pour l’Aéronautique navale, 47 des 48 Rafale M commandés ont été d’ores et déjà livrés, mais 4 appareils ont été perdu, soit 43 appareils en parc. A partir de 2023, les livraison des 27 derniers appareils déjà commandés pour la Tranche IV débutera, dont 26 appareils seront livrés à l’Armée de l’Air et un appareil pour les essais de la DGA, à raison de 10 appareils par an. En janvier 2021, le Ministère des Armées officialisa une commande supplémentaire de 12 appareils qui seront livrés conjointement à ceux de la tranche IV entre 2023 et 2026, afin de compenser les 12 Rafale prélevés sur le parc de l’Armée de l’Air et de l’espace pour la Grèce.

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Les 12 Rafale d’occasion livrés à la Grèce ont fait l’objet d’une commande de compensation de 12 appareils neufs en 2021

La commande de 42 appareils annoncée en début de semaine correspond à la Tranche V, et sera probablement livrée directement au standard F4, alors que les 39 appareils à livrer entre 2023 et 2026 le seront au standard F3R. Selon la LPM 2019-2025 et la Revue Stratégique 2017, cette tranche devait initialement porter sur 30 appareils à destination de l’Armée de l’Air et de l’espace afin de compenser le retrait des Mirage 2000 C et -5. En portant la commande à 42 appareils, l’Hotel de Brienne officialise donc la compensation 1 pour 1 des Rafale prélevés pour le contrat Croate. Ceux-ci seront livrés entre 2027 et 2030, de sorte qu’entre 2023 et 2030, l’Armée de l’Air recevra en moyenne 10 Rafale neufs chaque année, et disposera donc, à horizon 2030, de 161 Rafale, qui évolueront aux cotés des 55 Mirage 2000D modernisés, soit un parc de 216 avions de combat, se rapprochant donc de la demande du Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air et de l’Espace, le général Stephane Mille, qui déclara qu’une flotte de chasse de 225 appareils était indispensable désormais pour faire face aux enjeux. Rappelons qu’initialement, le Livre Blanc 2013 et la Revue Stratégique 2017 visait une force de 185 avions de combat pour l’AAE. Au total donc, sauf événement non prévu, les forces aériennes françaises aligneront en 2030, 260 avions de combat dont 205 avions Rafale, en faisant en l’état de la planification confirmée, la plus imposante force aérienne en Europe.

Au delà de ces commandes annoncées, de nouvelles commandes sont à venir au delà de 2030, et peut-être même avant cette échéance. En premier lieu, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les Mirage 2000D seront remplacés, au delà de 2030, par des appareils de la Tranche VI, au delà des 30 appareils prévus par la planification existante. On imagine mal, en effet, que le Ministère des Armées et l’Etat-major de l’Armée de l’Air, envisagent désormais de revenir au format de 2013 de 185 Rafale à terme pour l’AAE. A minima, il est donc probable que les Mirage 2000D seront remplacés 1 pour 1 par des Rafale, probablement au standard F5. Surtout, la commande annoncée en début de semaine, se devait de respecter le cadre légal existant, c’est à la dire la LPM 2019-2025. Or, le Ministère des Armées est actuellement en négociation avec le Ministère des Finances pour accroitre considérablement les moyens dont disposeront les armées du fait de la nouvelle LPM 2023-2029. En toute hypothèse, ces moyens supplémentaires représentant 30 à 40% de crédits surnuméraires, pourraient permettre au Ministère des Armées de faire évoluer le format des Armées, y compris pour la Chasse française.

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On peut s’attendre à ce que les 55 Mirage 2000D modernisés de l’Armée de l’Air et de l’espace soient remplacés à 1 pour 1 au delà de 2030, de sorte à maintenir le format minimal de 225 avions de chasse.

De fait, la commande de 42 appareils annoncée au début de la semaine, permettra de ramener le parc Rafale sur la trajectoire prévue en 2017, y compris en ayant compensé les 12 appareils prélevés pour la Croatie, les 12 appareils grecs ayant été commandés dés 2021. Il est toutefois probable que dans les années à venir, en application de la nouvelle Loi de programmation militaire 2023-2029 en cours de préparation, d’autres commandes seront annoncées afin d’accroitre le format de l’Armée de l’Air et de l’Espace, comme celui de l’aéronautique navale, pour atteindre un parc de plus de 280 voire 300 Rafale à terme, avant de basculer vers le futur programme SCAF. Dans une telle hypothèse, il est désormais plus que probable que le programme Rafale surpassera les 601 Mirage 2000 livrés. Et si certains prospects actuellement en cours, comme l’Inde, l’Irak ou la Serbie, venaient à se concrétiser, il pourrait bien se rapprocher des 720 Mirage F1 construits entre 1072 et 1990, pour plus de la moitié à l’exportation. Pas mal pour un avion qualifié d’invendable il y a quelques années.

Correction : Le dernier Rafale de la tranche IV ne sera pas destiné à la Marine Nationale comme écrit précédemment, mais à la DGA pour mener les expérimentations technologiques à venir, notamment dans le cadre du developpement des futurs versions du Rafale et du developpement du SCAF.

4 raisons pour accélérer le calendrier des programmes SCAF et MGCS

Alors que la coopération franco-allemande autour des programmes d’avion de combat de 6ème génération SCAF et de celui de char de combat de nouvelle génération MGCS semblait destinée à rejoindre la très longue liste des coopérations industrielles de défense avortées, le Ministre des Armées, Sebastien Lecornu, et la Ministre allemande de La Défense, Christine Lambrecht, ont annoncé lors d’une conférence de presse conjointe la semaine dernière, que ces programmes iront à leur terme, laissant supposer que l’exécutif de part et d’autre du Rhin entendait désormais reprendre la main sur la conduite de ces programmes. Cette volonté politique réaffirmée et déterminée, mais également le contexte géopolitique et budgétaire des deux pays, retracent l’ensemble des contraintes qui s’appliquent à la poursuite de ces deux programmes, et ouvrent de nouvelles perspectives hautement pertinentes si tant est qu’elles soient saisies. La plus importante d’entre elles n’est autre que la redéfinition des calendriers qui aujourd’hui encadrent le developpement de ces équipements majeurs. En effet, il existe 4 arguments en faveur d’une accélération des développements, et du raccourcissement du calendrier des deux programmes : les besoins opérationnels des armées, l’évolution du marché international, les nouveaux moyens dont disposeront les armées des deux pays ainsi que la diminution des risques et contraintes industriels les entourants.

1- Faire face à la nouvelle course aux armements

A en croire Eric Trappier, Pdg de Dassault Aviation, le programme SCAF ne pourra produire, dans son format actuel, de nouvel appareil opérationnel avant la fin des années 2040, alors qu’initialement, il était question que les premiers avions de combat soient livrés à la fin de la prochaine décennie. D’ici là, ce seront donc aux Rafale français et aux Typhoon allemands de tenir la ligne, y compris face à l’arriver de nouveaux appareils comme le Su-57 russe ainsi que les J-20 et J-35 chinois, tous conçus pour appartenir à la 5ème génération des avions de combat, si tant est que cette classification soit pertinente. En outre, Pékin développerait d’autres modèles comme le JH-XX destiné à remplacer les chasseurs bombardiers JH-7, et aurait d’ores et déjà entreprit de concevoir un chasseur de 6ème génération qui devrait entrer en service autour de 2035, conjointement au NGAD américain et au Tempest britannique. Dans le même temps, Moscou et Pékin mettront en oeuvre leurs nouveaux bombardiers stratégiques furtifs Pak-DA et HH-20, aux performances que l’on imagine proches de celles du nouveau B-21 Raider américain. Dans le domaine des défenses anti-aériennes également, de nombreuses avancées sont attendues dans les 20 années à venir, que ce soit avec l’arrivée de nouveaux systèmes sol-air parfois hypersoniques comme le S-500 et le remplaçant du HQ-9 en developpement, ou par la multiplication des armes à énergie dirigée et des drones de combat. En dépit de leurs capacités à être modernisés, ni le Rafale ni le Typhoon ne seront en mesure de faire face efficacement à ces nouveaux systèmes, ou tout au moins d’avoir l’ascendant technologique requis par la doctrine occidentale.

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Si le KF-21 Boramae confirme ses ambitions, il pourrait bien s’emparer dans les années à venir de nombreuses parts de marché vis-à-vis de débouchés traditionnels de l’industrie aéronautique européenne

Le problème est strictement identique concernant les blindés lourds, et semble même bien plus pressant, si l’on en juge par l’attrait que génère le K2 Black Panther sud-coréen ces derniers mois, ainsi que le nouveau K51 Panther présenté par Rheinmetall lors du salon Eurosatory 2022. En effet, au delà de la vétusté relative des Leopard 2 allemands et Leclerc français que le programme MGCS vise à remplacer au delà de 2035 dans le meilleur des cas, ni Nexter en France, ni Krauss Maffei Wegman en Allemagne ne dispose d’une ligne de production de grande série pour fabriquer ces blindés, alors même que le besoin de modernisation du parc de chars en Europe et dans le monde a été clairement mis en évidence par la guerre en Ukraine. Si l’on peut raisonnablement douter du fait que les Armées russes seront capables de se doter d’un vaste flotte du nouveau T-14 Armata d’ici 2035, et si aucune information publique ne confirme à ce jour l’existence d’un pourtant probable programme visant à remplacer le Type 099A chinois, l’absence d’une solution européenne de char lourd moderne pèse tout de même gravement sur les équilibres géopolitiques en Europe. Au delà des aspects purement industriels, la guerre en Ukraine a également montré l’absolue nécessité de doter désormais les blindés de première ligne de systèmes de protection de nouvelle génération, en particulier de systèmes Hard-Kill, ainsi que de nouvelles capacités de communication et de détection, pour lesquels les chars de génération antérieure, comme le Leopard 2, le Leclerc mais également l’Abrams ou le T-90, ne sont pas optimisés.

2- Préserver et étendre les parts de marché export

Le Rafale est le champion européen des avions de combat sur le marché de l’exportation, comme le Leopard 2 l’est pour ce qui concerne les chars de combat. Dans les deux cas, ces équipements contrôlent un vaste marché international qui, s’il n’est pas captif, aura cependant une prévalence certaine pour leurs remplaçants respectifs. Rappelons à ce titre que 5 des 7 clients exports du Rafale mettaient en oeuvre des Mirage 2000 précédemment, tout comme plus de la moitié des clients du Leopard 2 vis-à-vis du Leopard 1. Or, ni le Rafale, pas davantage que le Typhoon, ni le Leopard 2, ou le Leclerc, ne seront en mesure de s’imposer sur des marchés à l’exportation de manière significative au delà de 2030. En effet, à ce moment, au delà du F-35 américain qui continuera à bénéficier de l’appui de Washington, arriveront de nouveaux appareils dont le KF-21 Boramae sud-coréen, le Su-57E russe et la probable version export du J-35 chinois, privant les européens d’un marché pourtant indispensable à la soutenabilité des efforts de defense de part et d’autre du Rhin. Dit autrement, si le SCAF devait arriver en 2045 voire au delà, les dégâts sur la pérennité du marché export de Dassault Aviation pourraient être définitifs.

KF 51 Panther Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne
Le KF51 Panther allemand pourrait bien siphonner le marché des chars de combat modernes d’ici l’arrivée du MGCS

Là encore, la situation concernant le marché des chars lourds et véhicules blindés chenillés lourds autour du programme MGCS est sensiblement similaire à celle touchant les avions de combat et le programme SCAF. En effet, au delà d’éventuelles exportations du T-14 Armata russe, apparaissent désormais des modèles de chars lourds de génération intermédiaire comme le K2 Black Panther sud-coréen, l’Altay turc et le KF-51 Panther de l’allemand Rheinmetall, qui pourraient bien entièrement redessiner le marché exportation adressable par Paris et Berlin d’ici à ce que le MGCS puisse être proposé à l’exportation. En outre, et c’est loin d’être négligeable, en visant une entrée en service au delà de 2035, le programme MGCS se trouverait en concurrence directe avec le programme Future Combat Systems américain visant à remplacer le M1A2 Abrams au sein de l’US Army. L’experience du F-35 démontré que dans un tel contexte, les arguments américains sont d’une portée bien supérieure à ceux de leurs compétiteurs européens, surtout dans un contexte de tension internationale intense.

3- Baisser la criticité industrielle des deux programmes

Au delà des aspects opérationnels et commerciaux, les calendriers très étendus des programmes SCAF et MGCS contribuent également à accroitre les tensions industrielles qui entravent la conduite efficace de ces programmes. En effet, aujourd’hui, l’industrie aéronautique française est parfaitement capable de concevoir en totale autonomie un programme comme SCAF, et il en va de même de l’industrie aéronautique allemande au détail prés du propulseur. La situation est strictement la même concernant le programme MGCS, Nexter, KMW et Rheinmetall ainsi que leurs partenaires nationaux étant eux aussi en capacité de concevoir et produire un char de nouvelle génération comme MGCS. Le partage industriel lié à la coopération menace donc, de part et d’autre du Rhin, des savoir-faire durement acquis au fil des années, ce d’autant que les programmes s’entendent sur prés de deux décennies, ne permettant pas de maintenir ces savoir-faire si tant est qu’ils soient attribués à un partenaire. Cette contrainte constitue un facteur clé des difficultés que rencontrent aujourd’hui les industriels pour trouver un équilibre industriel satisfaisant.

Atelier Rafale Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne

A l’inverse, en raccourcissant le calendrier des programmes, il deviendrait possible aux industriels de préserver ces savoir-faire, pour peu qu’ils puissent être exploités par la suite au sein d’un programme secondaire, ou plus prosaïquement, au sein de variations nationales autour du SCAF ou de MGCS. En réduisant le temps d’exposition aux contraintes liées à la coopération européenne, on réduit de fait la criticité industrielle des programmes pour ce qui concerne les savoir-faire non développés. En outre, l’augmentation de la masse de travaux sur la durée contribuera à permettre aux industriels de compenser ces aspects, voire de dégager les marges suffisantes pour financer des programmes en fonds propres pour maintenir ces savoir-faire critiques.

4- Des moyens supplémentaires à disposition des armées

Reste, bien évidemment, la critère le plus contraignant pour ce type de programme, le financement. En effet, le calendrier de SCAF, comme celui de MGCS, a été élaboré en tenant compte des contraintes industrielles et technologiques au rapport des crédits de developpement envisagés à ce moment, donc des budgets defense dont devaient disposer les armées sur cette période. Or, depuis 2019 et le lancement officiel des deux programmes, le contexte budgétaire des armées françaises et allemandes a considérablement évolué. Ainsi, pour Paris, la nouvelle Loi de Programmation Militaire envisagée par le Ministère des Armée vise un effort de défense qui attendra 70 Md€ et 2,7% du PIB en 2029, pour un budget moyen de 57 Md€ sur la durée de la LPM entre 2023 et 2029, soit une hausse de presque 40% vis-à-vis du budget des armées de 2022, et de 30% vis-à-vis d’un effort de défense amené à 2% du PIB comme visé par la LPM 2019-2025. Il en va de même pour Berlin, qui ne visait il y a un an encore, qu’un effort de defense de 50 Md€ et de 1,8% de son PIB d’ici 2025, alors que désormais, l’objectif de 2% du PIB et de 75 Md€ d’ici la fin de la décennie est acté par Olaf Scholz et son gouvernement.

germany and france announces main ground combat system mgcs contract Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne

En d’autres termes, si le numérateur technologique et industriel reste inchangé, le dénominateur budgétaire par échelle de temps de l’équation qui pilote les deux programmes, peut être sensiblement accrue, de sorte, au final, à raccourcir le developement de SCAF comme de MGCS, mais également de sorte à accroitre les potentiels d’acquisition de Paris, Berlin et dans une moindre mesure, Madrid concernant SCAF. De fait, la nouvelle donne budgétaire en cours de préparation de part et d’autre du Rhin, constitue un effecteur très efficace pour raccourcir le calendrier des deux programmes, et répondre aux exigences précédemment abordées, sans pouvoir toutefois gommer certaines contraintes technologiques et industrielles indépendantes des crédits disponibles.

Conclusion

De toute évidence, il existe aujourd’hui un faisceau de besoins, d’opportunités et de moyens afin de réviser à la baisse les calendriers des programmes SCAF et MGCS. Au delà des aspects opérationnels, commerciaux et même industriels, le raccourcissement de ces programmes permettrait par ailleurs d’éliminer l’une des plus grandes menaces qui pèse aujourd’hui sur leur bon déroulement, en l’occurence la menace politique liée à un changement de cap de l’un ou l’autre des partenaires, par exemple à la suite d’un changement de majorité. Plus les programmes seront avancés, équilibrés et dynamiques, moins ils seront exposés à la critique, et donc plus sûre sera leur destinée. De fait, dès lors que la décision politique de mener ces deux programmes de coopération est ferme et définitive pour Paris comme pour Berlin, la révision des calendriers s’impose pour en faire de réels succès opérationnels, industriels et commerciaux, et non des programmes soutenus par la seule volonté politique d’Emmanuel Macron et d’Olaf Scholz.

L’Armée Populaire de Libération perfectionne l’usage des ferries pour l’assaut amphibie

Si la Guerre en Ukraine a démontré une chose de manière certaine, c’est bel et bien que les frappes de missiles et d’artillerie à longue distance n’étaient pas en mesure d’altérer de manière significative et durable les capacités de résistance d’un adversaire préparé, et que pour mener un assaut contre de telles forces, il est indispensable de disposer d’une force massive susceptible de s’imposer rapidement et d’ouvrir les brèches nécessaires à la manoeuvre. La situation est encore plus délicate lorsqu’il s’agit de mener un assaut amphibie, en particulier lorsqu’il s’agit de se confronter à une armée bien équipée et bien entrainée comme les forces taïwanaises. Sachant qu’il serait à la fois très long et très onéreux de construire une flotte de navires dédiés comme des porte-hélicoptères d’assaut et des transports de chalands de débarquement, l’Armée Populaire de Libération, pour qui la prise de Taïwan représente de toute évidence un objectif majeur à moyen terme, expérimente depuis plusieurs années l’utilisation potentielle de la vaste flotte de navires commerciaux chinois pour mener un tel assaut.

Contrairement à un assaut longue distance, pour lequel les navires de transport et d’assaut doivent non seulement assurer la projection de forces mais également le soutien du corps amphibie une fois engagé, un assaut amphibie contre Taiwan n’aurait lieu qu’à 400 km des cotes chinoises, offrant de nombreuses opportunités pour créer un flux logistique suffisant une fois la tête de pont sécurisé, aussi bien par des moyens navals qu’aériens, qu’ils soient civils ou militaires. Toutefois, pour obtenir la masse nécessaire au succès d’un tel assaut, l’Armée Populaire de Libération entend mettre à profit l’importante flotte de Ferries qui circule le long des cotes chinoises, et au delà. Depuis quelques années, Pékin a même lancé la construction de certains navires qui, sous la désignation de rouliers ou RoRo, disposent dans les faits de capacités opérationnelles avancées, avec par exemple une vaste plate-forme hélicoptère qui n’a que peu d’intérêt pour ce type de navire, en dehors d’une utilisation militaire. C’est notamment le cas du Bo Hai Heng Tong, un ferry de 15.000 tonnes lancé en 2020, qui dispose de plus de 2 km de capacité de chargement mobile d’une largeur de 3 mètres sur 3 ponts, lui permettant d’accueillir 3 fois plus de véhicules blindés que les LPD de la classe San Antonio, les derniers nés des navires d’assaut de l’US Navy.

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le Bo Hai Heng Tong auprés son lancement en 2020. Remarquez l’immense plate-forme hélicoptère

C’est précisément ce navire qui fut au coeur d’un exercice d’assaut amphibie observé par les satellites américains le 31 aout à proximité de la passe de Taïwan. Epaulé du LHD Type 71 Wuzhishan, ainsi que d’un LST non identifié, le Bo Hai Heng Tong a ainsi démontré sa capacité à embarquer des véhicules blindés d’assaut amphibie Type 05 (en illustration principale) partis de la plage, puis à les remettre à la mer pour qu’ils regagnent le rivage. Le navire civil était équipé d’une rampe spéciale pour permettre les transferts à la mer. Au regard des observations satellites, les conditions météorologiques étaient excellentes lors de l’exercice. Selon Tom Shugart, analyste spécialisé dans ce domaine, cet exercice serait le plus important en volume jamais observé faisant appel à un navire civil. Il s’agissait, sans le moindre doute, d’acquérir une précieuse experience pour mettre en oeuvre ce type de navire dans l’hypothèse d’un assaut contre Taïwan, sans pour autant représenter un exercice que l’on peut qualifier de massif, laissant supposer de l’imminence d’un tel assaut. Comme expliqué dans un article précédent, l’Armée Populaire de Libération ne disposera pas d’une flotte de combat suffisante pour entreprendre sereinement cette offensive avant 2030 voire 2035.

Pour autant, il est interessant de constater que si Pékin développe effectivement une flotte disposant de réels moyens de projection de puissance, avec 8 LPD Type 071 25.000 tonnes et autant de LHD Type 075 de 40.000 tonnes, rien n’indique que Pékin souhaite effectivement accroitre massivement ce type de capacités au delà de ce formatéquivalent celui visé par l’US Navy. En d’autres termes, la menace d’une potentielle offensive majeure chinoise dans le Pacifique, à l’image de ce que fut l’offensive nippone en 1941 et 1942, est loin d’être évidente, d’autant qu’elle ne correspond pas à la doctrine historique chinoise. En effet, contrairement à la Russie, mais également aux nations européennes, arabes et ottomanes par le passé, la Chine n’a que très peu mené des guerres de conquêtes hors de ses frontières dans son histoire, alors que les guerres intérieures ont déchiré le pays depuis prés de 3 millénaires. De fait, les frontières chinoises ont beaucoup moins évolué depuis l’empereur Qin Chi Huang qui unifia les royaumes combattants en 221 av-JC, que n’ont pu le faire les frontières des autres nations historiques, y compris concernant certains de ses voisins asiatiques comme le Japon et la Corée.

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La marine chinoise alignera 8 porte-hélicoptères d’assaut LHA Type 075

La prise de Taïwan, en revanche, est parfaitement alignée avec cet héritage historique, même si l’ile elle-même n’a été sous controle de Pékin qu’un peu moins de 200 ans dans son histoire. En effet, à l’instar du Tibet annexé en 1951, les populations des deux pays sont très majoritairement composées de l’ethnie Han, en faisant de fait, du point de vue doctrinal chinois, des régions chinoises qu’il convient de rattacher à la nation, même contre leurs grés. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’application moderne de l’objectif qui permit à Qin Chi Huang alors Roi de l’état de Quin, de s’emparer militairement des 6 autres grands royaumes de l’époque qui formaient déjà une entité unique mais divisée. Dans ce contexte, le recours massif à la flotte civile, au delà des aspects purement géographique rendant cette stratégie possible et pertinente, prend naturellement tout son sens. Si Pékin n’envisage pas de campagne de conquête dans le Pacifique comme ce fut le cas pour Tokyo lors de la seconde Guerre Mondiale, il semble effectivement inapproprié de se doter d’une flotte d’assaut au delà d’un format comparable à celui de l’US Navy dans sa planification actuelle.

Reste que même en disposant de l’appui de son immense flotte commerciale, l’APL aura grand mal à s’emparer de Taïwan dans un assaut amphibie frontal. Consciente des ambitions chinoises, et surtout de celles de Xi Jinping qui entend laisser son nom à la postérité comme le fit Mao et Qin Chi Huang avant lui, l’ile autonome depuis 1947, renforce activement ses défenses, en particulier pour faire face à un assaut amphibie. Même si les échelles de forces ne sont pas comparables, nous avons pu voir qu’une telle manoeuvre est loin d’être aisée même en disposant d’une supériorité navale incontestable, en Ukraine, la Marine russe n’ayant jamais réussi à créer les conditions nécessaires et suffisantes pour mener un assaut amphibie sur Odessa. Elle y perdit même son plus imposant croiseur, le Moskva, victime de deux missiles P-360 Neptune ukrainiens lancés d’une batterie côtière. Si une poignée de missiles anti-navires, de drones et de mines suffirent à faire renoncer la flotte russe, on imagine à quel point les centaines de missiles anti-navires et anti-aériens déployés le long des côtes taïwanaises peuvent représenter une menace terrible pour les navires chinois dans l’hypothèse d’un assaut amphibie massif, ce d’autant que les autorités taïwanaises et occidentales ne feront pas preuve de la même naïveté que face à la Russie si des signes évidents de préparation opérationnelle venait à être détectés de l’autre coté de la passe de Taïwan.

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Les cotes taïwanaises sont protégés par de nombreuses batteries côtières, notamment par le missile anti-navire Hsiung Feng IIE d’une portée annoncée de 1500 km

Il ne fait aucun doute que Pékin entend ramener Taïwan dans le giron national à court ou moyen terme. Toutefois, la méthode qui sera employée pour y parvenir reste encore loin d’être certaine. Tout semble indiquer qu’aujourd’hui, les autorités chinoises développent et perfectionnent toutes les options, qu’il s’agisse d’un assaut amphibie en mettant à profit la flotte civile, d’un blocus naval et aérien en s’appuyant sur l’immense flotte de combat en construction, ou de moyens plus indirects comme d’importantes pressions économiques et commerciales, alors que la Chine Populaire demeure le premier partenaire commercial de Taïwan avec 30% des exportations et 23% des importations du pays. Il ne fait aucun doute que de toutes ces hypothèses, l’assaut amphibie demeure la plus risquée, ainsi que la plus coûteuse. En revanche, il ne coute pas grand chose de s’y préparer activement.

L’US Air Force veut déployer un micro-réacteur nucléaire sur la base de Eielson en Alaska

Un temps presque à l’abandon, la base aérienne de Eielson, située à une quarantaine de kilomètres de Fairbanks en Alaska, accueille désormais le 354ème groupe de chasse, fort du 18ème escadron Agressor alignant 18 F-16 C/D, ainsi que des 355ème et 356ème escadrons de chasse pour 54 F-35A. En outre, s’y trouvent le 168ème escadron de ravalement en vol monté sur KC-135 Stratotanker, et le 210ème escadron de sauvetage sur HH-60G Pave Hawk. Au total, ce sont désormais plus de 3500 hommes et femmes qui vivent et travaillent sur cette base aérienne disposant d’une piste de presque 4500 mètres, pour assurer la protection de l’espace aérien au dessus de l’Alaska et du Pacifique Nord, ainsi que pour organiser l’exercice RED FLAG-Alaska. En 1989, la base a également été intégré au programme environnetal fédéral Superfund, alors que de nombreuses traces de polluants aéronautiques ont été observées sur le site.

Le 26 septembre, le departement de l’Air Force en partenariat avec l’Agence de l’Energy Défense, ont lancé un appel à proposition pour équiper et mettre en oeuvre la base de Eielson d’un micro-réacteur nucléaire afin d’alimenter l’ensemble des installations de manière indépendante vis-à-vis de la grille électrique civile dont elle dépend. Il s’agit, pour l’US Air Force, d’évaluer l’efficacité de ce dispositif pour alimenter des bases isolées de manière autonome et dépourvue d’émission de gaz à effet de serre, et donc de sécuriser l’approvisionnement électrique tout en allégeant le poids logistique de cette contrainte. Selon la RFI publiée, les prestataires potentiels ont jusqu’au 12 octobre pour soumissionner, alors que l’objectif annoncé est de rendre le dispositif fonctionnel dès 2027. Le micro-réacteur sera soumis à licence de la part du departement de l’Energie, mais l’offre doit être exclusivement commerciale, tant pour son installation que pour sa mise en oeuvre.

18th Aggressor Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne

Cette expérimentation s’inscrit dans un effort global entreprit par le Departement de La Défense et le Departement de l’Energie, afin de developper des solutions de réacteurs nucléaires transportables et sécurisés capables de produire 1 à 5 Gwh d’énergie de manière autonome. Le programme, désigné sous le nom de la déesse des volcans maorie Pelé, s’appuie notamment sur la technologie des réacteurs de 4ème génération, plus performante et beaucoup plus sur que les réacteurs de génération antérieure, permettant une intégration dans une infrastructure transportable plus légère sans accroitre les risques de contamination ou d’incident nucléaire. Selon la DARPA et les Departement promoteurs du programme, celui-ci permettra de sensiblement réduire les émissions de gaz a effet de serre du fait de l’activité militaire qui représente aujourd’hui 100 millions de kg de CO2 par jour aux Etats-Unis, mais également d’améliorer l’autonomie énergétique des bases et donc leur resilience potentielle.

Dans ce contexte, l’expérimentation de Eielson Air Force Base sera sans le moindre doute observée de prés par le Pentagone ainsi que par les armées américaines et alliées, tant cette technologie serait en mesure de résoudre de très nombreux enjeux énergétiques opérationnels au delà des aspects environnementaux. En effet, en conférant à des bases bases déportées des capacités énergétiques de premier plan, il serait possible d’alimenter non seulement les infrastructures mais également une partie des véhicules à propulsion électrique ou hybride, et donc d’alléger considérablement son empreinte logistique, y compris en produisant l’eau pour les forces et l’hydrogène nécessaire aux véhicules adaptés, bien au delà de ce que pourrait produire des solutions d’énergie renouvelable, et de manière bien plus sécurisée qu’en se connectant à la grillé électrique civile.

Project Pele reacteur nucleaire Analyses Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Défense antiaérienne

Reste que si les perspectives sont nombreuses et prometteuses, il faudra faire la démonstration de l’innocuité du dispositif, y compris en cas de menace militaire. L’exemple très actuel des risques liés aux combat à proximité de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia tend à rappeler à quel point l’énergie nucléaire est complexe à mettre en oeuvre. Pour autant, comme l’avait abordé la Red team de l’Agence Innovation Défense dans ses scénarios de 2022, la question de l’accès à l’énergie tend à devenir un enjeux stratégique pour la conduite des opérations miltaires, et l’expérimentation de Eielson apportera probablement de précieuses informations à l’US Air Force dans ce domaine.