jeudi, décembre 4, 2025
Accueil Blog Page 145

Pourquoi le bouclier anti-aérien européen allemand est un terrible échec pour la France ?

Le 29 aout, à Prague, le chancelier allemand Olaf Sholz annonçait le lancement d’une initiative centrée autour de l’Allemagne pour la constitution d’un bouclier anti-aérien en Europe. Il n’aura fallu moins de deux mois à la diplomatie allemande pour donner corps à cette initiative. En effet, le 13 octobre, l’Allemagne ainsi que 14 autres pays européens (Belgique, Bulgarie, Estonie, Finlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Slovénie), ont signé conjointement une déclaration d’intention visant à donner naissance au programme « Européen Sky Shield ». Ce succès incontestable de Berlin va probablement permettre de considérablement renforcer les capacités de defense anti-aérienne et anti-missile en Europe de l’Est et du nord. Mais il s’agit, avant tout, d’un immense camouflet adressé à la France et à son président Emmanuel Macron.

En effet, un bouclier tel que celui envisagé par Berlin, qui s’appuiera sur une defense multi-couche coordonnée basée sur le système anti-aérien à moyenne portée IRIS-T SLM développé la l’allemand Diehl, le systeme anti-aérien et anti-missile américain Patriot à longue portée efficace notamment contre les missiles balistiques de courte et moyenne portée, et un système anti-missile exo-atmosphérique comme l’Arrow 3 israélien ou l’Aegis Ashore américain pour traiter les menaces balistiques à longue et très longue portée, est une composante ayant un rôle majeur en terme de dissuasion, sans pour autant être composé ni contrait par l’utilisation d’armes nucléaires. A ce titre, le déploiement du bouclier anti-missile de l’OTAN sur la façade orientale de l’alliance, avec le déploiement d’un système Aegis Ashore en Roumanie et un autre en Pologne, avait provoqué la colère des russes en son temps, et joua un rôle non négligeable dans le durcissement des postures de part et d’autre dans le domaine de la dissuasion. En d’autres termes, en prenant le controle de cette composante stratégique de La Défense du vieux continent, Berlin réussi là ou la France avait échoué, en grande partie du fait de l’Allemagne, en proposant d’étendre la dissuasion française à certains de ses voisins européens en 2020.

MDA AEGIS ASHORE Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La système anti-missile balistique exo-atmoshpérique Aegis Ashore et le missile SM3 sont plus imposants et onéreux que l’Arrow 3, et ne sont pas mobiles. En revanche, ils ont une fiabilité opérationnelle démontrée infiniment supérieure, des performances accrues et bénéficient de deux sites installés en Europe en Pologne et en Roumanie dans le cadre de l’OTAN.

Il faut dire que dans ce dossier, Berlin a particulièrement bien oeuvré pour renforcer ses propres positions et prendre une position de leadership qu’il sera désormais difficile de contester en matière de defense européenne. En premier lieu, l’Allemagne a, très probablement à dessein, évité d’inclure certains pays européens dans cette initiative, en particulier la France et l’Italie, pourtant respectivement les 2ème et 3ème économies et démographie de l’UE. D’une part, il était évidemment indispensable pour Berlin d’écarter ces deux pays puisqu’ils disposent de la seule offre européenne en matière de système anti-aérien et anti-missile à moyenne et longue portée en Europe, avec le systeme SAMP/T Mamba et le missile Aster 15/30/Block1NT. La présence de Rome et ou de Paris aurait ainsi considérablement contrarié l’hégémonie allemande, en particulier en matière de choix des systèmes, ce d’autant que le SAMP/T peut remplacer, à lui seul, l’IRIS-T SLM allemand et le Patriot américain, avec des performances et des capacités supérieures à ceux deux systèmes. En invitant Paris ou Rome, Berlin aurait donc érodé sa propre main-mise sur l’ensemble du dispositif, ce d’autant que dans le même temps, l’Allemagne a été à l’oeuvre pour exclure le français MBDA du programme européen de defense anti-missile EHDI.

Par ailleurs, en prenant la haute main sur l’une des deux composantes clés de la dissuasion, la defense anti-missile, et en en excluant la France, Berlin réduit les possibilités pour Paris de convaincre ses partenaires de l’intérêt d’une dissuasion partagée basée sur les systèmes français, comme le missile de croisière supersonique ASMPA et la composante sous-marine armée de missiles balistiques intercontinentaux, ce d’autant que l’on perçoit, de manière parfaitement évidente, la main des Etats-Unis dans ce dossier, qu’il s’agisse du controle de la dissuasion partagée dans le cadre de l’OTAN, mais également de l’équipement de cette composante anti-aérienne et anti-missile, en contrôlant ses deux capacités stratégiques avec le Patriot et le système exo-atmosphérique avec le SM3 du système Aegis Ashore, ou un très hypothétique Arrow 3 israélien qui n’existe que par l’apport de la technologie et des crédits américains.

Mamba Aster30 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le programme European Sky Shield ferme la porte de manière quasi-définitive au système franco-italien SAMP/T Mamba pourtant très performant et économique dans une majorité de pays européens, au profit de systèmes allemands et américains.

De toute évidence, au delà des aspects politiques déjà préoccupants, cette initiative constitue également une entrave sévère aux possibilités d’exportation en Europe du système franco-italien SAMP/T Mamba, alors même que le missile anti-balistique Aster Block 1NT va entrer en service en 2023. En outre, le système est sous les projecteurs de l’actualité alors que les ukrainiens réclament à corps et à cris à Paris et Rome de fournir de tels systèmes pour protéger les villes et infrastructures du pays contre les frappes russes, ce en dépit de l’arrivée du premier système IRIS-T SLM de l’allemand Diehl dans le pays, certes performant contre les avions et les hélicoptères, mais beaucoup plus limité que le Mamba franco-italien pour contrer les menaces balistiques contre les missiles Iskander-M et Toshka. On imagine mal, en effet, que les Etats-Unis ne soient pas eux aussi à la manoeuvre dans ce dossier, tant le potentiel commercial en Europe pour le Patriot, le Thaad et le SM3 est considérable dans un tel contexte.

On remarquera également que la France et l’Italie ne sont pas les seuls grands absents de cette initiative européenne. Ainsi, l’Espagne, la Pologne et la Suède, pourtant partenaires du programme européen EHDI, n’y adhèrent pas, tout au moins pour le moment. La Grèce, qui pourtant contrôle le théâtre de Méditerranée Orientale et qui est exposée à la fois à la menace russe et turque, n’y participe pas non plus. Ces pays n’ont probablement pas été écartés du programme mené par l’Allemagne, ni par les Etats-Unis en sous-main, mais leur absence altère sensiblement l’efficacité anticipée de cette initiative, qu’il s’agisse de position géographique comme la Pologne, la Suède et la Grèce, ou en matière de capacités technologiques industrielles comme l’Espagne.

SCAF Artiste Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La trajectoire désormais évidente suivie par l’Allemagne en matière de défense doit amener les dirigeants français à s’interroger sur la pertinence de la poursuite des programmes franco-allemands tels SCAF ou MGCS

Reste que cette avancée flamboyante de la part de Berlin remet sans le moindre doute en cause les fondements mêmes des partenariats stratégiques industriels qui associent la France et l’Allemagne dans le domaine de la défense. En effet, il est désormais évident, quel que soit le point vue choisi, que le programme « European Sky Shield » a été conçu afin d’écarter le système franco-italien SAMP/T, de sorte à privilégier l’offre allemande et américaine, et par transitivité, affaiblir la position français autour de la construction européenne en matière de défense. Dans ce contexte, il semble des plus hasardeux de maintenir la coopération franco-allemande engagée en 2017, nonobstant les difficultés évidentes et les nombreux questionnements soulevés aussi bien par les industriels que par un nombre croissant de parlementaires français à son sujet, en particulier autour de composantes aussi dimensionnantes que peuvent l’être le futur de l’aviation de chasse avec le programme SCAF, de la patrouille maritime avec le programme MAWS, de l’artillerie avec le programme CIFS et des chars de combat avec le programme MGCS. En outre, là encore, la trajectoire allemande révélée par l’European Sky Shield, met en perspective l’arbitrage d’Airbus DS en faveur du turbopropulseur Catalyst de General Electric pour le drone européen Euromale RPAS, alors que la France proposait le 3TP Ardiden de Safran.

Il convient désormais de s’interroger sur la pertinence des positions dogmatiques de la France au sujet de la coopération européenne en matière d’industrie de défense, alors que, de toute évidence, de nombreux acteurs européens, comme l’Allemagne mais également la Pologne, l’Italie, les Pays-bas ou encore l’Espagne, suivent des trajectoires beaucoup plus pragmatiques et souples, souvent au détriment des solutions proposées par l’industrie de défense française. On peut, naturellement, y voir des influences américaines, pour qui la BITD française constitue de toute évidence un électron libre beaucoup plus difficile à contrôler que ne peuvent l’être les autres de ses alliés, en Europe comme en Asie et au Moyen-orient. Mais force est de constater que, dans ce dossier, c’est avant tout la posture idéaliste de l’exécutif français qui fait le jeu des concurrents de Paris, au détriment évident de l’industrie mais également de l’autonomie stratégique nationale. Et de garder à l’esprit que si les européens ont, de manière évidente, renoncé à toute velléité d’autonomie stratégique, ce n’est certainement pas en tentant une greffe qui ne veut pas prendre que Paris parviendra à les faire changer d’avis, et encore moins à préserver sa singularité stratégique héritée du gaullisme, bien au contraire.

L’Italie veut monter à bord du S-97 Raider de Sikorsky dans le cadre du programme FVL de l’US Army

Beaucoup attendaient que le vainqueur du programme Futur Long Range Airborne Assault, ou FLRAA, l’un des piliers du programme Futur Vertical Lift de l’US Army, soit annoncé à l’occasion du salon AUSA de Washington dont nous avons plusieurs évoqué certains points clés ces derniers jours. Mais ils furent déçus lorsque le chef d’état major de l’US Army, le général James McConville, annonça à l’occasion de la conférence de l’US Army pour l’ouverture de cet événement, que la décision serait annoncée « d’ici quelques mois ». Mais pour le général Luca Goretti, chef d’Etat-major des forces aériennes italiennes, il semble bien que le choix soit déjà fait. En effet, celui-ci a déclaré face à la presse spécialisée US, qu’il entendait faire monter l’Italie à bord du programme FLRAA, si celui-ci venait à choisir le Sikorsky S-97 Raider équipé de rotors contra-rotatifs face au V-280 Valor de Bell basé sur le principe des rotors basculants, comme le V-22 Osprey.

Pour le chef d’état-major italien, en effet, le Raider offre des performances et des opportunités technologiques très interessantes pour les armées italiennes, mais également pour l’industrie aéronautique du pays, qui dispose déjà d’une expertise dans le domaine des rotors basculent avec l’AW609, un prototype qui fit son premier vol en 2003 et qui, jusqu’ici, n’est pas parvenu à convaincre les miltaires italiens. Il est possible que la perte du second prototype lors d’un accident en 2015, ait érodé la confiance dans cette approche technologique dans le pays. Mais l’intérêt principal développé par le général Goretti lors de l’interview ne portait sur aucun aspect capacitaire ou opérationnel. Il était en effet purement commercial, Rome s’estime en effet très satisfait de sa participation au sein du programme F-35 alors que les appareils suisses et allemands seront assemblés et entretenus par l’usine de Cameri, à l’ouest de Milan. Ainsi, selon la vision développée par le général italien, la participation italienne dans le cadre du programme FLRAA, permettrait à Rome de renforcer ses positions en Europe, et d’agir tel un hub technologique et commercial sur le vieux continent pour promouvoir le modèle américain vers d’autres armées, tout en précisant que, comme ce fut le cas avec le Typhoon, l’Italie entendait également participer à des programmes européens dans ce domaine.

V280 1 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le Bell V280 Valor participe à la competition FLRAA pour remplacer les UH60 Black Hawk

En se positionnant ainsi, Rome cherche avant tout à consolider ses partenariats effectivement fructueux de longue date avec l’industrie de défense américaine pour s’implanter en Europe. C’est ainsi que nombre des hélicoptères italiens conçus par Agusta étaient des modèles américains sous licence ou dérivés de ceux-ci, et que Rome parvint à imposer, en 1958, le G-91 comme chasseur léger standard de l’OTAN, en dépit de performances inférieures aux modèles britanniques ou français, en particulier face à l’Etendard de Dassault également proposé dans le cadre de cette compétition. La coopération italo-americaine s’étendit au fil des années à d’autres domaines, comme dans les missiles avec la conception de l’Aspide dérivé du Sea Sparrow, ou des radars et systèmes de détection. Ces dernières années, entre les bénéfices recueillis dans le cadre du programme F-35 en Europe, la sélection d’Austral, une filiale de Fincantieri pour la réalisation des LCS classe Independance, et le choix du modèle FREMM italien pour la conception de la classe de frégate Constellation de l’US Navy, l’industrie italienne est effectivement largement bénéficiaire dans le domaine de la coopération avec les Etats-Unis.

Toutefois, force est de constater que la vision décrite par le général Goretti, même si elle est parfaitement cohérente avec la ligne politique suivie par les gouvernements italiens successifs depuis plusieurs décennies, diverge profondément de la vision proposée par Paris et Emmanuel Macron pour la construction d’une Europe de La Défense et d’une autonomie stratégique européenne. On notera à ce titre que cette position constitue une grille de lecture très efficace pour comprendre l’arbitrage en faveur du turbopropulseur américano-italien Catalyst conçu par General Electric face au 3TP Ardiden du français Safran pourtant 100% européen pour équiper le . Dans ce contexte, il apparait que Rome, comme Berlin, Amsterdam et Madrid, n’envisagent la coopération industrielle européenne en matière de défense que comme un moyen de developper leurs propres compétences et marchés industriels, dans un mixe composé de productions nationales, européennes et américaines, avec plus ou moins de coopérations à chaque niveau. A aucun moment, quoi qu’en disent les dirigeants lors des rencontres bilatérales, ceux-ci ne visent à developer l’autonomie stratégique européenne. On peut se demander, par ailleurs, à quel point certains des partenariats menés entre les industries européennes et américaines, ne sont pas destinés, avant toute chose, à réduire l’influence et les parts de marché, donc les compétences et la pérennité, de l’industrie de défense française, celle-là même qui permet aux dirigeants français de mener une politique indépendante et autonome sur la scène internationale, sans renier ses alliances, mais sans dépendre d’arbitrages menés sur les pelouses de la Maison Blanche.

F35B italy Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’Italie veut commander jusqu’à 130 F-35A et B, même si la commande actuelle ne porte que sur 60 appareils

Une chose est certaine, c’est qu’il ne sera pas question de feindre la surprise lorsque italiens, britanniques ou allemands claqueront la porte au pire moments des coopérations industrielles de defense, tant les choses sont parfaitement et clairement dites à Rome, Londres et Berlin. On notera en particulier que l’Italie est signataire d’un MoU européen pour la conception d’un hélicoptère de manoeuvre destiné à prendre la suite du NH90 à horizon 2035, précisément pour résister à l’arriver des modèles américains. Or, le Raider de Sikorsky, celui-là même auquel le général Goretti vient de déclarer sa flamme, évoluera précisément dans cette gamme, et il ne fait guère de doute que le jeu de l’Italie sera de proposer une version européanisée de l’appareil dans le cadre de cette coopération. Au pire des cas, Rome proposera un sérieux concurrent à l’appareil européen sur le vieux continent. Voilà qui remet, en de nombreux aspects, les choses en perspectives pour ce qui concerne la coopération industrielle de défense entre la France et l’Italie.

Systèmes Hard-kill, robotisation et autonomie au cœur des évolutions du corps blindé de l’US Army

Après n’avoir que très peu évolué pendant 30 ans, le corps blindé de l’US Army s’apprête à entamer un vaste programme de modernisation faisant la part belle aux systèmes hard-kill, à la robotisation ainsi qu’aux systèmes autonomes.

Le salon AUSA, qui se tient jusqu’à aujourd’hui aux abords de Washington, est l’occasion, chaque année, de faire un état des lieux des évolutions en cours et envisagées en matière d’armement terrestre et de stratégie pour les forces terrestres américaines, et par voie de conséquence, pour leurs alliés. Mais avec la guerre en Ukraine, la crise sino-taïwanaise, et les diverses tensions à différents niveaux de gestation sur la planète, l’édition 2022 revêt une dimension toute particulière.

C’est en effet à cette occasion que l’US Army a présenté sa nouvelle doctrine d’engagement qui remplacera celle rédigée au début des années 90 sur des bases de fin de guerre froide, et que le gouvernement de Biden a publié la nouvelle National Security Strategy encadrant l’action internationale et sécuritaire des États-Unis pour les années à venir.

C’est également lors de ce salon que son présenté les nouveaux équipements qui devraient rejoindre, au cours de l’année 2023 et au-delà, l’US Army et les forces américaines.

En effet, l’US Army, comme les autres branches du Pentagone, va entamer dans les mois à venir la grande mutation entamée en 2017, lorsqu’il devint évident que la Chine, mais également la Russie, deviendraient des compétiteurs géopolitiques majeurs au-delà de 2020, alors que les zones de tensions dites « traditionnelles » iront, elles aussi, en se dégradant.

C’est ainsi que l’US Army entama le super Programme BIG 6, censé être la redite du super Programme BIG 5 du début des années 70 qui donna naissance notamment au véhicule de combat d’infanterie Bradley, au canon automoteur M108, à l’hélicoptère de manœuvre UH-60 Black Hawk, ainsi qu’au système de défense anti-aérienne et anti-missile Patriot.

Très ambitieux au départ, BIG 6 se confronta rapidement à certaines réalités budgétaires ne permettant pas de financer simultanément les 6 piliers majeurs, et celui-ci se transforma avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, en un effort global, mais progressif dans ce domaine.

Et 2023 sera une année cruciale pour cet effort majeur de modernisation de l’US Army, puisque 24 de ces programmes entreront en service où seront fournis pour essais aux forces américaines, parmi lesquels figure par exemple le nouveau char « léger » Mobile Protected Firepower ou MFP qui s’appuiera sur le modèle proposé par General Dynamics Land Systems, ainsi que les lunettes de combat et de réalité augmentée Integrated Visual Augmented System ou IVAS, le nouveau fusil d’assaut Next Generation Squad Weapon ou encore les systèmes anti-aériens et anti-drones DE-SHORAD.

Le char léger MFP viendra bientôt renforcer le corps blindé américain
Les premiers Mobile Firepower Protected de GDLS seront livrés en 2023. Étonnement dépourvu de système hard-kill dans sa phase de conception, l’US Army envisage désormais de l’en équiper à court terme pour répondre aux menaces croissantes du champ de bataille

Mais l’attention au sein du salon AUSA est avant captée par les compétiteurs participants au programme Optionnaly manned Fighting Vehicle, ou OMFV, destiné à remplacer les véhicules de combat d’infanterie Bradley.

Après plusieurs programmes infructueux et des dizaines de milliards de dollars dépensés en vain des 20 dernières années, l’US Army s’est en effet doté d’un processus efficace et raisonnable pour sélectionner le remplaçant du vénérable Bradley qui arrive au terme de son efficacité opérationnelle.

Au-delà des 5 compétiteurs qui s’affrontent pour ce contrat de plus de 2000 véhicules blindés de première ligne, dont Rheinmetall, BAe et GDLS, apparaissent comme les favoris, le chef d’État-major de l’US Army, le général James C. McConville, a tracé les lignes qui dirigeront l’effort de modernisation du corps blindé américain dans les années à venir à l’occasion d’une conférence de presse donnée lors de l’ouverture du salon.

Pour le général américain, cet effort s’articule autour de trois piliers technologiques aussi décisifs qu’urgent à mettre en œuvre : l’implémentation de systèmes de protection Hard-Kill sur l’ensemble des blindés de première ligne, la robotisation et l’automatisation des équipements ainsi que l’autonomie au combat, qu’il s’agisse de prise d’énergie, de logistique et de prise de décision.

Pour rappel, les systèmes de protection actifs (ou APS pour Active Protection Systems) se décomposent en deux familles. Les systèmes dits Soft-kill comme les détecteurs de menaces, les brouilleurs, les leurres et les fumigènes, visent à empêcher l’adversaire de repérer ou de viser le blindé. Les APS Hard-Kill, quant à eux, visent à détruire la menace que représente une roquette anti-char, un missile guidé ou une munition rôdeuse.

Le premier APS hard-Kill entré en service était l’ARENA russe, qui équipa de manière discrète et limitée certains T-80U et T-72B soviétiques à la fin des années 80, sur la base des enseignements de la guerre en Afghanistan.

Mais le premier système Hard-Kill employé massivement au combat fut le célèbre Trophy de l’Israélien Rafael pour protéger les Merkava de Tsahal lors de l’intervention dans les territoires palestiniens en 2011, alors que les véhicules de combat d’infanterie Namer étaient, quant à eux, protégés par le système Iron Fist de IAI. L’efficacité de ces deux systèmes impressionna de nombreuses armées, et plusieurs d’entre elles, y compris l’US Army, décidèrent de s’équiper des systèmes israéliens comme solution de transition.

T-72M1M avec système APS Arena
Le système russe Arena fut le premier APS hard-Kill opérationnel, ici sur un T-72M1M. Mais il ne fut installé que sur un nombre très restreint de blindés sur fond de baisse massive des crédits d’équipement après l’effondrement de l’Union Soviétique.

C’est ainsi que l’US Army commanda 400 systèmes Trophy pour équiper une partie de ses chars Abrams M1A2 ainsi que 150 systèmes Iron Fist pour protéger certains de ses véhicules de combat d’infanterie Bradley, dans l’attente de la conception de systèmes de facture américaine.

L’Allemagne, de son côté, commanda une trentaine de systèmes Trophy pour équiper, à la demande, autant de chars Leopard 2A7 lors de déploiements à risque, alors que la Grande-Bretagne annonça qu’elle équiperait ses 148 Challenger 3, évolution d’une partie de ses Challenger 2 encore en service.

Depuis, le système a été sélectionné par d’autres forces armées, parfois de manière discrète, notamment dans le cadre de négociations de renouvellement de parc de chars.

Pour le Général McConville, les systèmes Hard-Kill représentent désormais un enjeu majeur pour l’US Army, qui entend en doter l’ensemble de ses blindés de première ligne, ceux qui justement peuvent être pris à partie par des roquettes, missiles et drones.

Ainsi, tous les modèles du programme OMFV intégrant nativement un système hard-kill. De même, les essais afin de doter le transport de troupe 8×8 Stryker d’un système de ce type continuent, alors que des travaux pour équiper le tout nouveau char léger MFP, qui étonnamment n’en est pas doté à ce jour, ont été entrepris. En outre, selon le général, même les véhicules plus légers, on pense naturellement au successeur du célèbre Humvee, devront disposer de ce type de protection.

Il faut dire que le rapport bénéfices/couts plaide en faveur des APS hard-kill. Ainsi, lors de l’intervention israélienne entre 2011 et 2014, aucun Merkava ne fut perdu au combat, et le Trophy se tailla une solide réputation d’efficacité, y compris contre des missiles modernes comme le 9M113 Konkurs et le 9M133 Kornet de facture russe.

Or, un système Trophy coute moins d’un million de $, et son intégration à un blindé, non prévu pour cela à l’origine, coute moins de 3 m$, là où un char moderne comme l’Abrams M1A2, le Challenger 3 ou le Leopard 2A7 coute plus de 15 m$. En outre, pour peu que le système soit intégré nativement sur le blindé, comme ce sera le cas sur le futur OMFV, les couts d’installation sont largement réduits, ramenant le système sous la barre des 2 m$.

La problématique est similaire pour ce qui concerne les véhicules de combat d’infanterie comme OMFV ou de transport de troupe blindé comme Stryker, la valeur du blindé étant cette moindre, mais celle de sa cargaison, en l’occurrence un groupe de combat de 7 à 8 militaires plus l’équipage, compensant le surcout.

En d’autres termes, d’un point de vue objectif, l’intégration de systèmes hard-kill représente désormais un impératif opérationnel incontournable pour les blindés de première ligne dans les conflits présents et à venir, fait largement démontré par la vulnérabilité des chars et vci russes et ukrainiens depuis le 24 février. Le général McConville, lui, ne s’y est pas trompé.

Griffin III IFV General Dynamics AUSA 2018 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
le Griffin III de GDLS est, avec le KF-41 Lynx de Rheinmetall, l’un des deux favoris du programme OMFV. Remarquez le radar et le lance-projectile du système Iron Fist sur la tourelle.

Il en va de même quant à la robotisation des systèmes, un enjeu prioritaire pour l’US Army selon son chef d’État-Major. Celle-ci représente, en effet, une alternative partielle à la masse d’une part, ainsi qu’à l’attrition d’autre part, et permet donc aux unités américaines, qui sont appelées à opérer de manière beaucoup plus décentralisée et autonome dans un futur proche dans un contexte de haute intensité faisant largement place à la guerre électronique et imposant une discrétion électromagnétique renforcée.

Loin d’une vision exagérée basée sur des bénéfices à venir fantasmer, l’US Army vise (désormais) une approche raisonnée de l’emploi de la robotique, recherchant des plus-values efficaces dans le domaine du renseignement, du train logistique ou encore de l’assistance au combat.

On remarquera d’ailleurs que l’ensemble des armées américaines mise sur cette dimension, l’US Navy en engageant la construction d’une flotte de navires et sous-marins robotisés autonomes de plus de 150 unités, et l’US Air Force ayant fait des drones de combat et autres Loyal Wingmen le pivot de sa future puissance aérienne.

Même les équipements majeurs à venir de l’US Army, comme OMFV, disposeront d’une importante dimension robotisée, le véhicule de combat étant, comme son nom l’indique, capable de mener des actions de manière autonome et sans équipage.

Mais la plus grande évolution entreprise par McConville et l’US Army n’est ni technologique, ni ne repose pas sur un nouvel armement. En effet, pour répondre aux enjeux opérationnels à venir, en particulier face à la Chine, le général américain et son État-major sont parfaitement conscients que la doctrine centralisée qui fit la puissance de l’US Army en Irak et sur de nombreux théâtres, n’est plus adaptée au combat distribué imposé par les évolutions technologiques et les progrès que réalisent chaque jour les ingénieurs de Pékin.

Et là où les décisions opérationnelles suivaient jusqu’ici une ligne de commandement rigide et stricte, allant jusqu’au micro-management des déplacements et des ordres de tirs, celles-ci devront, à l’avenir, s’appuyer sur les officiers de terrain, capables d’apprécier la situation et de diriger l’action de manière opportune et efficace, alors que les communications montantes et descendantes pourraient être compromises, voire détériorées.

GD at AUSA 10 4 22 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
l’AbramsX comme le StrykerX, tous deux présentés lors du salon AUSA, s’appuient sur une propulsion hybride et intégrant nativement un système Hard Kill, conformément aux attentes exprimées par le général McConville.

Pour y parvenir, il est indispensable non seulement de former les officiers à agir de manière autonome, mais efficace dans le cadre de la nouvelle doctrine d’engagement coopératif Joint All-Domain Command and Control, mais également en les dotant des moyens de mener leurs actions.

Ainsi, la propulsion hybride, mise en valeur par les prototypes AbramsX et StrykerX de GDLS lors du salon AUSA, semble désormais largement privilégiée par l’US Army, y compris dans le cadre du contrat OMFV, même si celle-ci ne fait pas partie des pré-requis du cahier des charges.

De même, les systèmes de communication devront permettre de monter des bulles coopératives, y compris en cas de brouillage. Enfin, le flux logistique, jusqu’ici centralisé et arborescent, va devoir être réorganisé de manière beaucoup plus souple et agile, de sorte à répondre aux besoins et aux contraintes anticipées, ce qui suppose la refonte des moyens de gestion et de distribution.

Une chose est certaine, après des années d’errement et de tâtonnements doctrinaux et technologiques, l’US Army, à l’instar de l’ensemble du Pentagone, se prépare désormais, avec célérité et efficacité, à faire face aux enjeux sécuritaires à venir, que ce soit dans le Pacifique, au Moyen-Orient et en Europe.

En effet, la nouvelle doctrine, présentée par le général McConville comme l’arrivée de nouveaux équipements parfois disruptifs selon un calendrier étonnement resserré en comparaison des dérives passées, montrent sans ambiguïté que celle-ci a changé de perspective et se prépare désormais à des temps dangereux et complexes, par ailleurs parfaitement définis par la nouvelle Nationale Defense Stratégie de Joe Biden.

Les axes technologiques et doctrinaux retenus par l’US Army vont très probablement s’imposer, par capillarité, à l’ensemble des armées occidentales, y compris en Europe. Il est donc nécessaire, désormais, d’évaluer les domaines dans lesquels l’industrie française est à même d’apporter des réponses, pour ne pas se trouver, comme ce fut le cas des drones MALE, face à l’obligation de suivre et de s’équiper outre-atlantique.

Or, qu’il s’agisse du système Hard-Kill Prometheus de Thales, ou des capacités démontrées sur le prototype Scarabée d’Arquus en termes de robotisation et de propulsion hybride, il ne fait guère de doutes que les compétences et les savoir-faire existent bel et bien au sein de la BITD.

On ne peut qu’espérer, désormais, que les architectes de la prochaine Loi de Programmation Militaire feront preuve de clairvoyance en préparant l’avenir aussi bien qu’ils souhaitent combler les déficits capacitaires immédiats.

Pour Berlin, l’avenir du programme MAWS de patrouille maritime est dans les mains de Paris

En septembre 2017, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel annoncèrent un partenariat sans précédent entre la France et l’Allemagne dans le domaine de l’industrie de défense, afin de donner à ce qui était alors présenté comme une vision partagée pour la construction d’une Europe de La Défense trouvant son pivot dans le couple franco-allemand. Aux cotés des désormais célèbres programmes SCAF pour le developpement du remplaçant des avions de combat Rafale et Typhoon, et MGCS pour remplacer les chars lourds Leclerc et Leopard 2, figurait également le programme Maritime Airborne Warfare System, ou MAWS, qui devait permettre de concevoir le prochain système de patrouille maritime franco-allemand pour remplacer les Atlantique 2 français et les P-3C Orion Allemands. Comme ce fut le cas pour SCAF et MGCS, le programme MAWS se heurta rapidement à des intérêts et des besoins divergents entre la France et l’Allemagne. En effet, là ou la France pouvait moderniser ses Atlantique 2 entré en service dans les années 90 dans l’attente de l’arrivée du MAWS au delà de 2030 voire 2035, les P-3C allemands étaient, quant à eux, beaucoup plus anciens et usés, et nécessitaient au moins une solution intérimaire.

C’est ainsi qu’en juin 2020, le ministère de la Défense allemand annonça qu’il renonçait à moderniser 8 de ses P-3C Orion, une opération jugée trop onéreuse sur une durée efficace trop restreinte, et qu’il envisageait dès lors de se tourner vers une solution intérimaire dans l’attente d’avancées dans le programme MAWS, alors englué, lui aussi, dans un bras de fer entre Dassault Aviation et Airbus DS, le premier s’estimant légitime à concevoir le nouvel appareil du fait de son experience avec l’Atlantique 2, le second s’estimant légitime du fait que le nouvel appareil pourrait bien être dérivé d’un modèle d’avion de ligne, comme c’est le cas du P-8A Poseidon américain dérivé du Boeing 737. Berlin annonça alors qu’il envisageait d’acquérir 5 P-8A Poseidon américains pour remplacer ses P-3C les plus anciens, alors que la France proposa à Berlin de moderniser et de transférer les 4 derniers Atlantique 2 sur les 22 en service, les 18 autres devant être modernisés pour la Marine Nationale. Au final Berlin écarta la proposition française et commanda effectivement 5 P-8A américains en 2021, alors que les blocages autours du programme MAWS demeuraient.

Atlantique 2 Marinenationale Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La Marine nationale modernise actuellement 18 de ses 22 Atlantique 2 pour assurer la transition jusqu’au programme MAWS ou une alternative nationale

La décision allemande fit naitre très naturellement de nombreux questionnements sur l’avenir du programme MAWS, en particulier en France, alors que Dassault Aviation mettait déjà en avant son Falcon 10 comme alternative nationale pour remplacer les ATL2 de la Marine Nationale. Après l’offensive russe en Ukraine, entrainant la résurgence de menaces répétées sur les intérêts navals allemands et européens en Mer Baltique et Mer du Nord, ainsi que l’annonce d’un effort exceptionnel de Berlin en faveur de la modernisation de son outil de defense au travers d’une enveloppe budgétaire exceptionnelle de 100 Md€, les autorités allemandes ont annoncé envisager d’étendre la commande de P-8A Poseidon de 7 unités, soit un total de 12 appareils, ce qui viendrait porter le coup de grâce au programme MAWS, en créant un décalage bien trop significatif pour représenter une base de coopération entre la Marine nationale qui devra remplacer ses 18 Atlantique 2 à horizon 2035, et l’Allemagne qui disposerait d’une flotte de 12 P8-A Poseidon de moins de 10 ans à cette date. Pour autant, aucune déclaration officielle en faveur de l’acquisition de ces 7 Poseidon supplémentaires ne fut faite depuis, et le site spécialisé Defense News semble savoir pourquoi. En effet, selon le site américain, Berlin attendrait un retour de Paris, notamment concernant l’étude en cours diligentée par le Ministère des Armées et la DGA sur le sujet, pour arbitrer dans un sens ou dans l’autre, quant au dimensionnement et à la nature de ses capacités intérimaires et à venir.

Selon Defense News, qui aurait obtenu une note interne du Bundestag à ce sujet, Berlin n’aurait, à ce jour, pas arbitré le sujet, sachant qu’une acquisition de P-8A supplémentaires marquerait, comme dit précédemment, la fin du programme MAWS, et attendrait donc les propositions venant de Paris, mais également le résultat d’études menées en interne, notamment auprés d’Airbus DS. Il est probable que cette information n’a pas fuité par inadvertance, alors que le ministre des Armées français, Sebastien Lecornu, et son homologue allemande, Christine Lambrecht, ont annoncé il y a deux semaines face aux difficultés rencontrés par les programmes SCAF et MGCS, une reprise en main politique de la coopération industrielle franco-allemande en matière de défense, et que des annonces seraient faites en ce sens à l’occasion d’un sommet bilateral qui aura lieu à la fin du mois d’octobre. Entre temps, il revenait aux industriels de surmonter leurs divergences par eux-mêmes, faute de quoi les arbitrages seraient imposés par les politiques directement, y compris, de toute évidence, au sujet du programme MAWS.

A320 NEO MPA maws Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Jusqu’à l’apparition du Falcon 10 de Dassault, le programme MAWS semblait promis à Airbus sur la base d’une adaptation d’un modèle commercial comme l’A319

Reste que là où aucune alternative n’a jusqu’ici été sérieusement envisagée par Paris ou Berlin en cas d’échec de SCAF ou MGCS, tout au moins du point de vue politique, de telles alternatives ont bel et bien été envisagées et sont même étudiées concernant MAWS, en particulier en France avec un éventuel et très prometteur Falcon 10 de Patrouille Maritime proposé par Dassault Aviation (en illustration principale). Plus économique à l’achat comme à la mise ne oeuvre qu’une version basée sur un avion de ligne comme l’A319, et beaucoup plus performant que ne peuvent l’être les solutions basées sur des avions de transport regional à turbopropulseur, le Falcon 10 Patmar de Dassault répond en effet à de nombreux besoins, tant dans le domaine de la reconnaissance et surveillance maritime que pour la lutte anti-sous-marine et la lutte anti-surface, les 3 dimensions de la patrouille maritime. Il semble que de son coté, l’Allemagne ait également entrepris d’étudier une solution nationale, probablement basée sur des modèles Airbus comme l’A321.

Or, ces études menées de part et d’autres du Rhin vont très probablement rendre encore plus difficile l’émergence d’une solution binationale en coopération, chaque BITD ayant fait la démonstration de ses propres capacités à mener en autonomie un tel programme, et chacun d’eux étant très probablement parfaitement adapté aux besoins respectifs de leurs armées. Et s’il est difficile de faire converger besoins et moyens en partant d’une feuille vierge, il est, tout naturellement, beaucoup plus compliqué de faire fusionner deux visions complètes élaborées individuellement. A moins, évidement, que le programme MAWS n’ait été préservé que pour servir d’alternative industrielle lors des négociations autour de SCAF et MGCS, ce qui n’est pas exclu dans le présent contexte, comme par exemple pour amener Dassault Aviation à plus de souplesse vis-à-vis d’Airbus DS dans le cadre du SCAF, contre le pilotage du programme MAWS avec, à la clé, l’utilisation du Falcon 10 dans ce domaine. Il faudra donc attendre le sommet entre S.Lecornu et C.Lambrecht pour y voir plus clair dans ce domaine, en espérant qu’à ce moment, les arbitrages définitifs, quels qu’ils soient, soient effectivement faits et appliqués fermement.

La Chine aussi développerait un char de combat de nouvelle génération

Depuis quelques mois, et la presentation du KF-51 Panther de Rheinmetall lors du salon Eurosatory 2022, la problématique de la modernisation du parc de chars lourds des armées a connu une accélération plus que notable en occident, amenant General Dynamics à présenter cette semaine à Washington une toute nouvelle version de son Abrams désignée AbramsX, alors que la Russie, de son coté, avait présenté le T-14 Armata dès 2015. Dans ce domaine, la position chinoise était jusqu’il y a peu, pour le moins obscure. A l’instar de nombreux autres domaines de developpement de technologies de Défense, Pékin était en effet particulièrement peu prolixe quant à ses programmes à venir en matière de blindés. De fait, la présentation ce dimanche sur la chaine chinoise dédiée aux forces armées CCTV, d’une video laissant entendre la prochaine presentation d’un nouveau char de combat chinois, constitue un réel événement.

Pour l’heure, comme ce fut le cas pour la presentation du bombardier stratégique HH-20, la video diffusée sur la chaine chinoise ne montre qu’une vague silhouette couverte d’un large tissu sombre sur fond noir, ne laissant guère de place à l’analyse, en dehors du fait qu’il est probable que ce nouveau char de combat sera effectivement présenté publiquement dans les semaines ou mois à venir. Il s’agit également, sans le moindre doute, de modérer dans l’opinion publique chinoise la presentation faite de l’AbramsX au salon AUSA cette semaine, le timing de cette diffusion ne laissant guère de doutes à ce sujet. On n’en sait donc que très peu de manière certaine quant à ce futur char de combat chinois, si ce n’est quelques rumeurs qui ont infusé sur les reseaux chinois. Il serait ainsi question d’un char relativement inspiré de l’Armata russe, avec une tourelle entièrement robotisée est plus faiblement protégée pour alléger le blindé, en accroitre la mobilité et en diminuer la consommation, ou encore un système de protection avancé intégrant un système Hard-Kill de manière native. Surtout, il serait très automatisé, au point que son équipage serait réduit à seulement 2 membres. Enfin, il est question que le blindé emporte des systèmes de combat et d’engagement coopératif très avancés, comme c’est désormais la norme pour ces chars de nouvelle génération.

CCTV New Tank Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Comme ce fut le cas l’hivers dernier lors de la presentation du HH-20 sous bâche, le nouveau char chinois a été présenté masqué que la chaine CCTV

Bien que développé en grand secret, l’annonce de la presentation prochaine d’un nouveau char de combat chinois n’a, en soit, rien de surprenant. En effet, l’Armée populaire de libération n’aligne à ce jour que 1200 chars lourds Type-99 et 99A modernes équivalents des Abrams et Leopard 2, aux cotés de 2500 Type-96 se voulant l’équivalent du T-80 soviétique. Le plus moderne de ces blindés, le Type-99A entré en service en 2011, n’a été livré à l’APL qu’à hauteur de 650 exemplaires, La marge de progression de l’APL dans ce domaine était donc importante, et l’absence d’effort ces 10 dernières années pour accroitre et sensiblement moderniser le parc de chars lourds chinois pouvait laisser supposer qu’un nouveau modèle était en gestation, notamment pour conserver l’équilibre technologique avec les moyens dont disposent et disposeront les adversaires potentiels de Pékin, y compris à Taiwan, qui a commandé en 2019 108 chars américains M1A2 SEPv3 Abrams auprés des Etats-Unis. Reste qu’avec l’annonce de ce nouveau char lourd, Pékin risque de provoquer l’accélération des programmes occidentaux, en particulier pour les Etats-Unis.

En effet, des deux cotés de l’Atlantique, les programmes visant à developper les remplaçants des Abrams, Leopard, Challenger et Leclerc occidentaux, ont des objectifs d’entrée en service au delà de 2035, comme c’est le cas du MGCS franco-allemand. L’arrivée annoncée en 2015 du T-14 Armata pour 2020 a depuis fait long feu, le char russe ayant de toute évidence rencontré des difficultés de mise au point, alors que son cout de 6 m$ l’unité constitua un frein pour Moscou, puisqu’il s’agit du prix de 2 T-90M et de 4 T-72B3M ou T-80BVM. En tout état de cause, la pression technologique restait encore faible sur les programmes occidentaux pour accélérer les programmes de chars de combat de nouvelle génération face à l’évolution de la menace et des rapports de forces, d’autant que beaucoup estiment que les dernières versions du Leopard 2 ou de l’Abrams demeurent supérieures non seulement au T-90M ou au T-99A, mais également dans de nombreux domaines, à d’éventuels T-14 peu nombreux et semble-t-il encore peu fiables. Bien évidement, l’arriver d’un char de nouvelle génération chinois risque fort de provoquer une réaction occidentale dans l’urgence, avec les Etats-unis en chefs de file.

T14 armata manoeuvre 2 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le T14 Armata russe n’est pas encore entré en phase de production industrielle, le blindé ayant du faire face à de nombreuses difficultés de mise au point, mais également à des arbitrages défavorables alors que son prix est très supérieur aux autres modèles russes

L’arrivée de ce nouveau char chinois, pour peu qu’il s’appuie effectivement sur certaines technologies disruptives comme évoquées par la rumeur, amènera probablement l’US Army à réviser sa planification dans ce domaine, qui n’envisageait jusqu’ici de s’attaquer au remplacement de l’Abrams qu’une fois le programme Optionnally Manned Fighting Vehicle, ou OMFV, destiné à replacer les véhicules de combat d’infanterie Bradley, effectivement sur des rails, soit au delà de 2025. On comprend dès lors l’empressement de General Dynamics à presenter son AbramsX, qui dans ce contexte, constituera très probablement une alternative sérieuse pour l’US Army mais également pour de nombreux alliés de la ceinture Pacifique, pour contrôler l’arriver du char chinois, que ce soit comme solution de remplacement de l’Abrams, ou comme solution intérimaire dans l’attente d’un programme plus ambitieux.

En outre, les conséquences d’un tel bouleversement pourrait bien toucher l’ensemble des théâtres mondiaux, y compris en Europe. En effet, à l’instar du VT-4, version export du Type 99A, le nouveau char chinois pourrait fort bien être proposé à l’exportation, et donc trouver acquéreur en Afrique ou au Moyen-Orient, comme c’est déjà le cas pour des drones, des systèmes de defense anti-aériens ou des avions d’entraînement et d’attaque et des blindés chinois. Par ailleurs, en influençant le programme américain pour remplacer l’Abrams, la Chine pourrait bien, par transitivité, influencer le programme européen MGCS, qui lui aussi devra accélérer, non seulement pour conserver l’ascendant technologique potentiel face à d’éventuels alliés de Pékin équipés par NORINCO, y compris la Russie, mais également pour répondre, sur les marchés exports que l’on sait cruciaux notamment pour l’Allemagne, à l’arrivée d’un nouveau char américain. On notera, au passage, qu’une telle hypothèse ne ferait certainement pas l’affaire de Rheinmetall avec son KF-51 Panther, qui bien qu’intégrant de nombreuses technologies modernes, semble d’ores-et-déjà à la traine vis-à-vis du modèle américain AbramsX, mais également du modèle chinois si l’on prête foi aux rumeurs actuelles. Quant au K2 Black Panther sud-coréen, il pourrait bien voir un marché jusqu’ici très prometteur se dérober sous ses pieds, une telle dynamique se mettant en branle.

AbramsX 1 1 e1665410847863 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
l’évocation d’un nouveau modèle de char chinois de nouvelle génération fait très certainement les affaires de General Dynamics Land Systems qui voit de fait les regards converger vers son AbramsX présenté au salon AUSA 2022

Une chose est certaine, cette annonce faite sur la chaine chinoise CCTV ce dimanche, contient en elle les capacités de profondément bouleverser l’ensemble de la planification militaire occidentale dans le domaine des chars lourds, pour peu que les ambitions technologiques évoquées sur les reseaux sociaux chinois se concrétisent dans les faits. Et ce phénomène, que l’on a déjà observé à moindre échelle avec l’arrivée des destroyers lourds Type 055 ou dans le domaine des drones et missiles furtifs ou hypersoniques russes et chinois, pourrait bien s’accélérer et s’entendre dans les mois et années à venir. En effet, de nombreux programmes avancés de défense sont en developpement en Chine, et ce de manière très discrète. On parle ainsi d’un chasseur bombardier furtif de 5ème génération destiné à remplacer les JH-7, de sous-marins à propulsion nucléaire et conventionnelle de nouvelle génération faisant jeu égal avec les technologies occidentales, ou de porte-hélicoptères-drones qui prendraient la suite des porte-hélicoptères Type 075. On peut s’attendre, de fait, à ce que d’autres révélations soient faites prochainement par Pékin, avec le potentiel de gommer définitivement le gradient technologique favorable jusqu’ici aux armées occidentale et alliées, et donc de profondément bouleverser les rapports de forces mondiaux. Car une chose est certaine depuis deux décennies désormais, en matière de technologie de défense, les chinois parlent peu, mais font beaucoup. Quant aux occidentaux ….

AbramsX, Panther, Black Panther : face à la concurrence émergente, faut-il accélérer le programme MGCS ?

A l’occasion du salon AUSA qui aura lieu du 10 au 12 octobre dans la banlieue de Washington, le constructeur de véhicule blindé General Dynamics Land Systems, anciennement Chrysler et concepteur du célèbre char de combat Abrams et du véhicule blindé Stryker, va présenter une nouvelle génération de véhicules blindés basée sur une propulsion hybride électrique et l’intégration des dernières avancées technologiques dans ce domaine comme les systèmes Hard-Kill et des systèmes de visualisation/commandement/communication de nouvelle génération. Parmi eux, figure le StrykerX, une refonte du véhicule de transport de troupe sous blindage 8×8 équipé de l’ensemble de ces technologies, ainsi que l’AbramsX, un reboot en profondeur du char américain, dont nous avons déjà abordé les principales caractéristiques dans un précédent article. Alors que le salon débute, il semble bien que la stratégie de GDLS calque de plus en plus celle de Rheinmetall autour du KF-51 Panther, puisque l’AbramsX ne sera pas présenté sous la forme d’une maquette, mais d’un char fonctionnel à mi-chemin entre le démonstrateur technologique et le prototype, de sorte à proposer à l’US Army une solution potentielle à relativement court terme et moindres couts pour moderniser son parc de chars de combat.

De toute évidence, GDLS entend ne pas laisser à d’autres acteurs, comme le sud-coréen Hyundai Rotem avec le K2 Black Panther, mais surtout l’allemand Rheinmetall avec le KF-51 Panther, l’opportunité de s’imposer sur le marché mondial, et surtout sur le marché national, par manque d’alternative de la part des industriels américains. En effet, l’US Army a montré par le passé sa capacité à se tourner vers un fournisseur européen voire asiatique pour répondre à des besoins que son industrie n’était pas en mesure de produire, ou dans des délais et à des couts trop élevés. En ce sens, l’AbramsX constitue bel et bien une réponse au Panther allemand, même s’il s’appuie sur certaines technologies plus évoluées que le char allemand, notamment en terme de propulsion. Reste qu’après le T-14 Armata russe présenté en 2015 et qui semble avoir fait de discrets premiers pas opérationnels en Ukraine, le Panther et l’AbramsX semblent bel et bien donner une nouvelle impulsion en matière de modernisation et d’extensions de capacités opérationnelles des chars lourds, avec un objectif de disponibilité avant la fin de cette décennie. Dans ce contexte, le programme de char de combat de nouvelle génération MGCS franco-allemand, dont l’entrée en service n’est pas prévue avant 2035, peut apparaitre en retard de phase vis-à-vis des modèles concurrents, ce d’autant que le K2 Black Panther sud-coréen, plus conventionnel mais disponible immédiatement, pourrait fort bien séduire de nombreux acteurs en demande de solutions rapidement disponibles. Comme souvent, de nombreux facteurs influences une telle problématique, et savoir s’il est nécessaire et pertinent d’accélérer le programme MGCS est beaucoup plus complexe que perçu de prime abord.

KF 51 Panther Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Moins évolué que l’AbramsX, le KF-51 de Rheinmetall est cependant plus abouti et, selon son concepteur, prêt à produire à relativement court terme.

Le principal argument en faveur d’une accélération du programme MGCS n’est autre que les besoins importants à court et moyen termes des armées françaises et allemandes en matière de chars et de blindés lourds. En effet, les armées françaises n’aligneront, dans les années à venir, que 200 chars Leclerc, 270 au mieux si l’ensemble des chars en parc pouvant être modernisés l’était effectivement. Il en va de même outre-Rhin, alors que la Bundeswehr ne prévoit d’aligner de 356 Leopard 2 d’ici l’entrée en service du MGCS. Or, l’industrie française n’a plus, aujourd’hui, capacité à produire de nouveaux Leclerc, et les capacités industrielles allemandes pour produire de nouveaux Leopard 2 sont limitées et insuffisamment dimensionnée pour répondre aux besoins à venir en Europe. En outre, les Leclerc MLU et les Leopard 2A7, même s’ils sont encore performants après modernisation, ne proposent pas de capacités de nouvelle génération comparables à celles proposées par, par exemple, le KF-51 Panther de Rheinmetall. C’est précisément pour se positionner sur ce créneau que le groupe allemand a développé en fonds propres son char, et de le presenter non pas comme un démonstrateur mais comme un prototype, de sorte à permettre aux décideurs allemands de prendre une décision rapide et aisée pour répondre à l’urgence opérationnelle.

Bien évidemment, un tel arbitrage des autorités allemandes en faveur du KF-51, constituerait une menace de taille au sujet pour le programme MGCS, et Rheinmetall ne s’est pas même caché de ses ambitions dans ce domaine, même si le char est avant tout présenté comme une solution de transition, comme l’est, soit dit en passant, l’AbramsX pour l’US Army. Même si le programme franco-allemand était sanctuarisé par Paris et Berlin dans une telle hypothèse, l’urgence des besoins de part et d’autres du Rhin serait très différentes, créant un phénomène comparable à celui qui émergea suite à l’acquisition des 5 premiers P-8A Poseidon par l’Allemagne auprés des Etats-Unis, démarche qui condamna rapidement le programme MAWS franco-allemand visant précisément à concevoir un avion de patrouille maritime, après que Berlin ait annoncé la commande à venir de 7 appareils supplémentaires. L’achat de KF-51 par la Bundeswehr permettrait en effet à Berlin de se satisfaire d’un programme MGCS visant une entrée en service en 2040 voire 2045, de sorte à créer un gradient capacitaire et technologique plus marqué avec le Panther, mais également pour marginaliser l’industrie française qui verrait ses compétences s’étioler alors que le dernier char conçu par Nexter, le Leclerc, l’aura été à la fin des années 80, sans parler du fait que la France serait sans solution nationale pour renforcer et modernises sa propre flotte de chars pendant 20 ans.

EMBT KNDS Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
KNDS a présenté son nouveau démonstrateur EMBT lors du salon Eurosatory 2022, qui pourrait servir de base à la conception d’un MGCS Mk1 à horizon 2030.

La solution à ces problèmes plus que sensibles serait d’accélérer le programme MGCS. Pour cela, il serait pertinent de transformer MGCS d’un programme de systèmes, en un programme de programmes. La première partie du programme développerait ainsi un char de combat et ses systèmes sur la base des acquis technologiques immédiatement disponibles, comme le sont les KF-51, AbramsX et autres T-14 Armata, de sorte à produire un premier modèle disponible avant la fin de la présente décennie. Il s’agirait, en quelques sortes, de transformer le démonstrateur EMBT de KNDS pour répondre aux besoins immédiats des deux armées et de leurs alliés, mais également pour servir de plate-forme de developpement pour un second programme, visant cette fois une entrée en service en 2040 ou peu après, qui lui constituerait l’aboutissement technologique et opérationnel du programme MGCS lui-même. Cette approche est proche de celles mise en oeuvre autour du programme SCAF, les Rafale français et Typhoon allemands et espagnols devant notamment intégrer certaines des technologies du programme dés le début des années 2030, comme les drones Remote Carrier. En procédant ainsi, le programme franco-allemand répondrait non seulement aux attentes des armées et permettrait de lisser la progression et donc la gestion des risques technologiques, mais provoquerait probablement une forte opposition de Rheinmetall outre-Rhin, qui verrait l’ensemble de stratégie commerciale battue en brèche.

Au delà des aspects capacitaires et industriels, l’accélération du programme MGCS permettrait également au couple franco-allemand de prévenir une certaine érosion de ses marchés traditionnels à l’export, directement menacés aujourd’hui par la conjonction d’une hausse de la perception de la menace, par des capacités de réponse industrielles limitées et datées en Europe, et par l’émergence de solutions alternatives effectivement disponibles comme el K2 sud-coréen, et peut-être l’AbramsX américain. Ce point est d’autant plus critique que le Leopard 2 dans sa version modernisée A7+, seul char effectivement disponible sur le marché européen, souffre des mêmes contraintes que son principal concurrent jusqu’ici, l’Abrams, à savoir une prise de masse très importante, les deux chars approchant les 68 tonnes au combat, alors que l’AbramsX comme le KF-51 et le K-2, visent précisément des masses plus réduites, de sorte à en réduire la consommation en carburant, et à en simplifier la transportabilité. En outre, tous emportent des capacités avancées en matière de protection, de communication et d’engagement coopératif. De fait, pour de nombreux experts, ces chars de nouvelles génération, y compris le K2 sud-coréen, surperforment très nettement les blindés qu’ils doivent remplacer ou renforcer, et donc représentent une menace potentielle plus que sensible pour les marchés exports français et surtout allemands dans ce domaine.

K2 tout terrain Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
la principale menace pour les industriels européens dans le domaine des chars de combat aujourd’hui est portée par le K-2 Black Panther sud-coréen. Moins évolué que le KF-51, l’EMBT ou l’AbramsX, il est cependant très performant, moderne et économique, des arguments susceptibles de porter alors que les alternatives européennes se font attendre.

Reste que cette perception de menace accrue ayant engendré l’émergence de ces nouveaux modèles, pourrait bien s’étioler rapidement dans les mois et années à venir. En effet, la principale menace en manière de guerre conventionnelle pour les pays Européens est la Russie, celle-là même qui a déjà perdu 1200 chars lourds en Ukraine de manière documentée, soit plus de 50% de l’ensemble de son parc d’avant guerre. Comme évoqué dans un article précédent, il est probable que d’ici quelques mois, et une éventuelle conclusion de cette guerre, Moscou aura perdu plus des trois quarts de son parc de chars, en particulier pour les modèles les plus modernes qui formaient le fer de lance de ses armées. En l’état de l’économie russe, de ses capacités industrielles, et sans préjuger des possibles évolutions de régime, il est très improbable que la Russie ne soit en mesure de reconstituer ses forces avant 10 à 15 ans, et ce dans le meilleur des cas. Or, de telles délais permettrait précisément au programme MGCS tel qu’actuellement planifié, de répondre à la re-émergence d’une menace éventuelle russe dans le domaine conventionnelle. Quant aux autres menaces potentielles, qu’elles soient au moyen-orient ou dans le Pacifique, rien n’indique qu’elles disposeront de blindés de nouvelle génération d’ici là. De fait, le renforcement des capacités d’engagement blindé peut apparaitre, eu égard à l’évolution de la menace effective, comme superfétatoire, d’autant que dans le même temps, d’autres besoins doivent être traités en urgence face à des menaces réelles et croissantes, comme dans les domaines des systèmes de defense anti-missiles, de l’artillerie à longue portée ou des évolutions de l’aviation tactique et des capacités navales.

On le comprend, si plusieurs arguments opérationnels soutiennent l’hypothèse d’une accélération du programme MGCS, la réalité de l’évolution de la menace dans ce domaine tend davantage à respecter la planification initiale telle que définie aujourd’hui. En revanche, les aspects industriels et commerciaux, quant à eux, militent sans le moindre doute en faveur de cette accélération, en particulier pour être en mesure de contrôler l’implantation durable de solutions alternatives, en particulier en Europe. Paradoxalement, dans ce contexte, le KF-51 Panther pourrait précisément servir cet objectif, comme le pourrait surtout l’EMBT de KNDS. Il faudrait, pour cela, que l’un ou l’autre des modèles soit commandé par au moins l’une des deux armées française ou allemande, de sorte à lui conférer la stabilité indispensable pour créer la confiance sur le marché de l’exportation. Toutefois, pour ne pas menacer le programme MGCS lui-même, il est indispensable que ce char de transition, quel que soit le modèle, soit lui aussi intégré au programme MGCS, et soit co-produit par les deux pays, de manière controlée et maitrisée, y compris en matière de capacités et de quantités. Alors que les budgets des armées sont à la hausse de part et d’autres du Rhin, et que les ministres français et allemands ont décidé de reprendre la main sur les deux programmes de coopération industrielle de défense franco-allemand SCAF et MGCS, il est effectivement possible qu’une solution émerge en ce sens. Faute de quoi, on peut craindre que l’AbramsX américain, le K2 sud-coréen, ou encore le KF-51 de Rheinmetall, ne viennent s’emparer de l’essentiel des marchés adressables par MGCS avant que ce dernier n’émerge, et que ce dernier ne se retrouve face à un marché saturé, comme ce fut le cas, dans les années 90, du Leclerc. Plus que jamais, pour MGCS comme pour SCAF, la question du calendrier est aujourd’hui critique, et conditionnera pour beaucoup le succès de ces programmes.

Missiles anti-balistiques : 4 arguments incontournables en faveur de MBDA pour le programme européen EHDI

En novembre 2019, la Finlande, l’Italie, les Pays-bas et le Portugal, emmenés par la France, s’unissaient au sein de la nouvelle coopération permanente structurée européenne, ou PESCO, pour concevoir un nouveau système anti-balistique capable de contrer les menaces émergentes, y compris les missiles et les planeurs hypersoniques dans le cadre du programme TWISTER. Un an plus tard, Berlin décidait de rejoindre le programme, après l’abandon du programme MEADS par Washington. Pour le français MBDA et son partenaire italien Aliena Aerospace, il ne faisait aucun doute que le futur programme serait piloté par ces deux pays, les deux entreprises étant, avec le français Thales, au coeur de la joint-venture Eurosam qui produit le seul système anti-balistique européen à ce jour, les systèmes SAMP/T et PAAMS et les missiles Aster Block 1 et Block 1NT, capables respectivement d’intercepter des missiles balistiques à courte portée (inf 600 km) et de moyenne portée (inf 1500 km).

Fin juillet 2022, cependant, la Commission Européenne décida d’attribuer la conception du programme « European Hypersonic Defence Interceptor » à un consortium composé de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Belgique, la Pologne, la République Tchèque et la Suède, ainsi que la Norvège n’appartenant pas à l’UE, via le Fonds Européen de Défense. Ceci provoqua la stupéfaction des partenaires du programmes TWISTER en dehors de l’Allemagne, et en particulier de MBDA qui n’imaginait pas que ce programme puisse lui échapper. Au delà des probables erreurs d’appréciation de l’entreprise française et de son partenaire italien, il ne fait aucun doute que la décision de la Commission Européenne a de quoi surprendre, pour ne pas dire irriter. En effet, 4 arguments incontournables militent en faveur d’un pilotage français de ce programme européen hautement stratégique, qu’il s’agisse de questions de délais, de couts, d’autonomie stratégique et même d’Europe.

La Défense anti-missile balistique, qu’est-ce que c’est ?

Les missiles balistiques représentent à nouveau, pour les européens, une menace des plus tangibles depuis la détérioration des relations avec le voisin russe. En effet, Moscou dispose d’une vaste flotte de missiles balistiques de différents types, allant du Iskander-M à courte portée au futur RS-28 Sarmat intercontinental, en passant pas le missile hypersonique aéroporté Kinzhal. Outre le fait que tous les missiles russes peuvent emporter des charges conventionnelles comme nucléaires, ils suivent tous une trajectoire balistique ou semi-balistique, beaucoup plus difficile à contrer que les menaces traditionnelles comme les missiles de croisière ou les aéronefs. En effet, du fait de cette trajectoire balistique, ces missiles atteignent des altitudes, on parle d’apogée pour l’altitude maximale atteinte, et de vitesse, les mettant hors de portée des systèmes anti-aériens conçus pour abattre les aéronefs. Pour contrer cette menace, il est donc indispensable de disposer de solutions dédiées spécialement conçues à cet effet, capables d’atteindre les très hautes altitudes où évoluent ces missiles, et de les intercepter en dépit de leur vitesse souvent hypersonique ou supersonique élevée, alors qu’il dispose parfois de leurre et de capacités de manoeuvre .

Iskander systeme Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les forces russes disposent presque 500 TEL 9K720 Iskander-M d’une portée de 500 km capable d’emporter une charge nucléaires, dont une trentaines d’exemplaires sont postés dans l’enclave de Kaliningrad

Et comme il existe plusieurs types de missiles classés selon leur portée, et donc leur apogée, il existe 3 familles de systèmes anti-balistiques, basées elles aussi sur l’attitude d’interception. La première est dite endo-atmosphérique, et se compose le plus souvent d’évolutions de systèmes anti-aériens à longue portée. C’est le cas, notamment, du célèbre Patriot PAC-2/3 américain, de l’Aster Block 1 franco-italien, ou des S-300V et S-400 russes et de leurs cousins chinois, le HQ-9. Ces systèmes peuvent atteindre des cibles à des altitudes de 25 à 35 km, mais n’offrent qu’une capacité d’interception limitée aux phases ascendantes et descendantes de la trajectoire des missiles, ce qui oblige à des fenêtres de tir très étroites, de l’ordre de quelques secondes, et à une capacité de protection limitée à quelques dizaines de km2 entourant le système anti-balistique, qui ne peut précisément protéger que la cible visée en étant déployé à proximité. En revanche, par leur filiation anti-aérienne, ces systèmes offrent des capacités de manoeuvre et d’interception étendues dont ne disposent pas les autres systèmes, en particulier contre les missiles balistiques à trajectoire aplatie ou tout simplement à coutre portée.

La seconde famille de systèmes anti-balistiques représente l’interception endo-atmosphérique haute, c’est à dire à des altitudes allant de 60 à 150 km. C’est le cas notamment du THAAD américain, et du futur S-500 russe, ainsi que de l’éventuel Aster Block 2 envisagé par Paris et Rome. Ces systèmes étendent les capacités d’interception des systèmes endo-atmosphériques, et sont, comme les systèmes exo-atmoshpénriques, dotés d’impacteurs cinétiques inertiels largués par le missile pour intercepter la cible. Ils sont encore suffisamment légers pour être réellement mobiles, mais n’offrent pas de capacités d’interception en dessous d’un planché minimum, de l’ordre de 50 km pour la THAAD, ceci ayant amené les russes mais aussi les chinois et les iraniens à developper des missiles à trajectoire dite semi-balistique, c’est à dire évoluant entre le plafond du Patriot et de l’Aster Block 1 NT, et le planché du THAAD.

Mamba Aster30 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’Aster 30 est aujourd’hui l’un des tous meilleurs missiles sol-air au monde

La troisième famille, enfin, est celle des intercepteurs exo-atmosphériques, des missiles lourds amenant un impacteur cinétique au delà de l’atmosphère et de la gravité terrestre, et capables de protéger de très vastes étendues de territoires y compris contre des missiles en transit. Il s’agit, à proprement parler, de la seule capacité capable de neutraliser les missiles balistiques lourds de type ICBM ou leur version lancée de sous-marins SLBM, avec des systèmes comme le SM-3 du système AEGIS de l’US Navy ou de l’A-236 russe en silos qui protège Moscou et Saint-Petersbourg. Ces systèmes n’ont cependant aucune capacité pour répondre à des missiles balistiques évoluant en trajectoire aplatie ou contre des missiles à courte et moyenne portée ayant une apogée sous la barre des 200 km. En outre, ils sont souvent très lourds et très onéreux, et le seul de ces systèmes considéré comme mobile est l’Arrow 3 américano-israélien. Comme nous le verrons plus bas, cet aspect multi-couche caractérisant une defense anti-balistique efficace va jouer en rôle déterminant en faveur d’un retour de MBDA et de l’ensemble du consortium Eurosam à la tête du programme européen EHDI.

La question cruciale des délais de conception

En effet, il aura fallu plus de 10 ans aux deux industriels européens les plus expérimentés dans le domaine des systèmes anti-aériens, et sur la base d’un système déjà en service par ailleurs de très grande qualité et aux performances inégalées par un quelconque autre système européen, le missile Aster, pour developper le missile anti-balistique Aster Block 1NT, capable d’intercepter des cibles balistiques d’une portée pouvant atteindre 1500 km, et ce après être passé par l’Aster Block1 cinq ans plus tôt, capable lui d’intercepter des missiles balistiques à courte portée comme les Scud ou le Toshka. Or, aucun des industriels retenus par le FED ne dispose du même niveau d’expertise dont disposait Eurosam lors de l’entame des travaux sur le Block 1. En d’autres termes, le programme tel que défini par la Commission européenne , n’aura d’autres choix que de franchir les mêmes étapes que celles franchies précédemment par Eurosam, ne serait-ce que pour concevoir un système anti-balistique endo-atmopshérique comparable à l’Aster Block 1/NT, par ailleurs indispensable, comme nous l’avons vu plus haut.

Tir dun missile Aster 15 a partir de la FREMM Bretagne de la Marine Nationale Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Au delà de la conception des missiles Aster 15/30 et Block1/NT, Eurosam a également conçu l’ensemble des systèmes pour le mettre en oeuvre, y compris à bord des destroyers, frégates et porte-aéronefs de nombreuses marines

D’autre part, MBDA, comme Aliena et Thales, ont accumulé de nombreuses compétences aussi rares qu’ élevées lors de ces phases de developpement de l’Aster, du SAMP/T et du PAAMS, allant bien au delà de la simple conception de l’intercepteur lui-même, qu’il s’agisse de la détection et du suivi de trajectoire des cibles potentielles, de l’automatisation indispensable du tir eu égard à la fenêtre de tir efficace très étroite, ou encore pour la mise en oeuvre de ces systèmes à bord d’unités navales, domaines qui sont tous inconnus des industriels participant au programme européen, et qui pourtant joueront un rôle décisif dans la conception non seulement du système endo-atmosphérique, mais des systèmes endo-atmosphériques haut et exo-atmopshériques requis. En d’autres termes, en se privant du pilotage des entreprises d’Eurosam, l’Europe impose un délais supplémentaire de 10 ans à son programme, alors même que l’urgence du besoin est évidente.

La question des couts très incertaine

La conséquence immédiate de ces délais supplémentaires n’est autre qu’une augmentation très sensible des couts de conception, en devant réinventer des systèmes et des savoir-faire déjà existant d’une part, et en s’exposant à des risques industriels et technologiques autrement plus significatifs d’autre part. En effet, parmi l’ensemble des industriels retenus par la Commission Européen, seul l’allemand Diehl dispose d’une experience opérationnelle en matière de système anti-aérien sol-air. Toutefois, l’Iris-T SL de Diehl n’est en rien comparable à l’Aster d’Eurosam, puisqu’il s’agit avant tout d’un systeme air-air à courte portée concurrent du Sidewinder américain à guidage infrarouge intégré à un lanceur sol-air, à l’instar du Mica VL français ou du Nasams norvégien (qui emploie des missiles AIM-120 américains). La France, pour sa part, pouvait s’appuyer, en amont de la conception de l’Aster, sur la conception du Masurca qui équipa les deux destroyers Suffren et Duquesne et le croiseur Colbert, un missile anti-aérien à moyenne portée très efficace pour l’époque mais également très lourd et onéreux, alors que l’Italie développa le système Aspide à courte portée dérivé du Sea Sparrow américain pour armer ses frégates.

iris t 3 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Diehl a développé l’IRIS-T SLM, un système anti-aérien à courte portée basé sur le missile Iris-T air-air à courte portée

Dès lors, même si les industriels allemands, espagnols et belges participants au programme européen ont des compétences certaines, ils manquent, de manière évidente, d’experience dans ce domaine précis, qui plus est pour concevoir des systèmes aussi exigeants que ne le sont les systèmes anti-balistiques. Il est donc probable qu’au delà des couts de répétition pour developper des technologies déjà existantes en Europe par ailleurs, s’ajouteront des couts supplémentaires liés à la montée en compétence initiale de ces entreprises, rendant le programme européen tout à la fois très onéreux et particulièrement risqué du point de vue technologique. A l’inverse, si MBDA et ses partenaires venaient à piloter le programme, ces délais, couts et risques supplémentaires seraient gommés, permettant de concentrer les investissements européens sur des développements technologiques à forte valeur ajoutée répondant aux exigences opérationnelles de la protection du vieux continent, notamment en terme de délais.

L’autonomie stratégique européenne en question

Face à tant d’inconnues et de risques, la tentation sera grande, pour le programme européen, de se tourner vers un partenaire technologique ayant l’experience de ces systèmes. Dans une telle hypothèse, et comme nous le verrons dans le prochain point, il serait très improbable que Madrid et Berlin ne se tournent vers Paris et Rome, ne laissant que deux options possibles, les Etats-Unis d’une part, et Israël de l’autre. Qui plus est, eu égard aux attachements traditionnels tant des allemands que des espagnols vis-à-vis de tels partenariats, il ne fait guère de doutes que le sujet sera très rapidement mis sur la table, peut-être même est-ce l’objectif non affiché poursuivi par cet arbitrage. Or, la coopération européenne industrielle de défense, qu’il s’agisse du PESCO ou du FED, a d’abord et avant tout pour objet de developper les compétences, les savoir-faire et l’autonomie stratégique en matière de défense des européens eux-mêmes, et en aucune manière de financer des transferts de technologies et de compétences qui s’accompagneront, comme on le voit au sujet des Arrow 3 israéliens envisagés par Berlin, d’une main mise de Washington sur une capacité plus que stratégique appartenant au domaine de la dissuasion.

THAAD missile launch in 2005 1 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les Etats-Unis et Israél sont les deux seuls pays occidentaux proches ayant développé une expertise anti-balistique susceptibles d’apporter un appuie technologique au programme européen EHDI

En d’autres termes, dans la présente situation, le programme EHDI européen n’a que deux alternatives, soit tenter le developpement purement européen sur des délais et des couts incompatibles avec les besoins et les moyens, soit se tourner vers un partenaire exogène, qui finira par donner aux Etats-Unis les clés d’une composante stratégique de la Défense européenne, comme si le controle de la dissuasion partagée de l’OTAN et du commandement intégré ne suffisait pas.

L’efficacité et la volonté des instances européennes de défense en balance

Reste que toutes ces questions relèvent une dernière question particulièrement troublante. En effet, le PESCO et le FED ont précisément été conçus pour optimiser l’efficacité industrielle et l’autonomie stratégique sur le vieux continent. En effet, en amont de sa création, ses promoteurs, en particuliers français, répétaient qu’il existait en Europe pas moins de 11 types d’avions de combat et 7 modèles de chars différents dans les armées du vieux continent, et que la confrontation permanente des industriels et des pays européens lors des compétitions internationales nuisait lourdement à l’efficacité de l’investissement européen de défense dans son ensemble et donc à l’émergence d’une réelle autonomie stratégique européenne. Or, en abritant en faveur du consortium hispano-allemand, la Commission Européenne a, en quelques sortes, trahi ce socle, sachant pertinemment que dans une telle hypothèse, Paris et Rome, ainsi que probablement d’autres pays européens, développeraient de leur coté, et probablement à meilleur cout et sur des délais autrement plus courts, un système anti-balistique au moins équivalent.

La Maquette grandeur nature du drone europeen EuroMale Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
On peut espérer qu’espagnols et allemands n’entendent pas rejouer l’épisode de la motorisation de l’Euromale en se tournant vers des technologies américaines, de manière directe ou induite par l’intermédiaire d’Israël

En d’autres termes, et comme ce fut le cas concernant l’arbitrage européen en matière de drone naval qui amena Airbus hélicoptères et Naval Group a entreprendre la conception du VSR700, la commission européenne, en écartant MBDA et Aliena du programme EHDI, va à l’encontre même des fondements de la coopération industrielle européenne en matière de défense, remettant en cause son existence et sa légitimé, tant cette décision est inefficace sur l’ensemble des aspects clés d’un programme répondant à des enjeux stratégiques en période de crise. Il est probablement nécessaire, dans ce contexte, de s’interroger sur les raisons profondes ayant amené la Commission et le FED à arbitrer dans ce sens, tant les perspectives divergent des objectifs initiaux.

Conclusion

Alors que les premiers Aster Block 1NT seront livrés aux forces armées françaises en 2023, le recours entamé par MBDA au sujet du programme EHDI fera très certainement office de test voire de révélateur quant à la réelle perspective poursuivie par les instances européennes dans ce domaine. Car au delà des aspects budgétaires et industriels, se jouent dans ce dossier une composante clé de La Défense européenne pour les décennies à venir que l’on imagine sans mal très incertaines, et la capacité du vieux continent à s’émanciper de la protection mais également du controle stricte des Etats-Unis sur ces aspects. Toutefois, si l’arbitrage européen devait être maintenu en dépit du recours entamé par MBDA, il ne fait aucun doute qu’il sera indispensable pour la France, l’Italie, et probablement d’autres acteurs européens comme les Pays-bas, la Finlande, le Portugal et la Grèce, de s’engager malgré tout dans le developpement du système TWISTER, ne serait-ce que pour disposer, à horizon 2030-2035, d’une véritable capacité anti-balistique multicouche européenne. Car il ne s’agit pas, ici, de traiter d’investissements industriels équilibrés, mais bel et bien de la protection des populations européennes face à une menace galopante. Probable que les commissaires européens ont omis cette dimension lors de leurs délibérations.

La Russie aurait déployé des T-90S Bhishma indiens en Ukraine, sans accord de New Delhi

Une photo publiée subrepticement avant d’être retirée sur la messagerie Télégramme pourrait bien créer un important incident entre l’Inde et la Russie. Jusqu’à présent, New Delhi avait, à l’instar de la Chine, conservé une posture relativement neutre au sujet de l’intervention des forces russes en Ukraine. Pour les autorités indiennes, il s’agissait, jusqu’il y a peu, d’un problème purement européen, qui ne méritait pas de se brouiller avec Moscou, par ailleurs l’un de ses principaux alliés et fournisseurs de systèmes de défense. Les positions indiennes avaient déjà sensiblement évolué après l’annonce de l’annexion par Moscou des oblasts de Luhansk, Donetsk, Zoporijjiia et Kherson, même si lors du vote de condamnation au Conseil de Sécurité des Nations Unis, l’Inde comme la Chine, le Brésil et le Gabon, choisit l’abstention. Mais les choses pourraient bien rapidement changer dans les jours à venir. En effet, une photo publiée sur les reseaux sociaux montre un char T-90 marqué des désormais tristement célèbres marques d’identification des forces russes en Ukraine. Problème, ce char n’est autre qu’un T-90S Bhishma, la version indienne du blindé.

Selon les autorités indiennes, un certain nombre de ces chars sont effectivement en Russie afin d’y être modernisés. Mais voir apparaitre ce blindé en Ukraine aux marques russes provoque la stupéfaction à New Delhi, même si pour l’heure, les réactions sont pour l’essentiel couvertes par le secret des relations internationales. De toute évidence, Moscou et Uralvagonzavod, l’industriel en charge de la modernisation, n’ont ni demandé, ni même informé New Delhi de cette réquisition. En outre, l’apparition de ces chars en Ukraine fait craindre New Delhi de la colère des occidentaux, et de sanctions là où tout le positionnement indien visait jusqu’à présent à éviter de s’impliquer, en dépit des pressions venant du camp occidental, et en particulier des Etats-Unis. Rappelons en effet que Washington a autorisé cette semaine la modernisation partielle des F-16 Pakistanais, un contrat de 450 m$, et que Joe Biden a rencontré son homologue Pakistanais, Shehbaz Sharif, le 22 septembre, dans le cadre des Nations Unis, une décision interprétée en Inde comme un moyen de pression sur New Delhi au sujet de la Russie.

T90 Bhishma russian Markings Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La photo montre un T-90S arborant les marques distinctives des forces russes en Ukraine. Il semble appartenir à une unité sibérienne eut égard aux mots écrits sur son flanc (Chuchka Malich -> enfant tchouktche, un peuple de Sibérie sur la rive nord de la mer d’Okhotsk). L’absence de lance-leurres et la presence que l’on devine du système de visée Thales sur la tourelle pointe vers un modèle indien.

Cette observation, dont on pouvait pourtant se douter qu’elle ne pourrait longtemps échapper aux nombreux observateurs spécialisés qui scrutent en permanence ce conflit, montre aussi à quel point l’industrie et les armées russes peinent désormais à reconstituer leurs stocks et la masse opérationnelle indispensable pour espérer résister à l’offensive ukrainienne. La réquisition de materiels militaires présents sur le sol d’un belligérant n’est pas, en soit, une nouveauté, et fut pratiquée par de nombreuses armées engagées dans des conflits au cours de l’histoire. Mais en prenant une telle décision vis-à-vis de l’Inde, Moscou montre sans équivoque que ses moyens industriels et militaires sont désormais à ce point limités, qu’il est préférable de s’en saisir au risque de rompre un partenariat de longue date avec New Delhi, bâtit notamment sur le souvenir du soutien soviétique face à la Chine en 1962, et sur la posture de non-alignée suivie par le pays depuis Nehru.

Su30MKI Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La Russie est le premier fournisseur d’arme des armées indiennes, alors que l’Inde représente le premier client export de l’industrie de défense russe.

Reste à voir, désormais, quelles seront les réactions de la presse et des autorités indiennes à ce sujet, mais également l’ampleur réelle de cette réquisition. Rappelons qu’un puissant mouvement pro-russe anime le pays, et qu’il s’exprime fréquemment et ouvertement dans la presse indienne. En outre, Moscou demeure le premier fournisseur d’armes des armées indiennes, que ce soit en terme de blindés avec 1450 chars T-90S Bhishma, d’avions de combat avec 270 Su-30MKI, ou encore des navires avec les frégates de la classe Talwar et la location du SNA INS Chakra de la classe Akula. De fait, la situation est désormais très délicate à gérer pour New Delhi, qui ne peut rompre avec Moscou au risque de voir des pans stratégiques de son outil de defense s’effondrer par manque pièces et de modernisation, mais qui redoute également les réactions occidentales et américaines alors qu’à ce jour, seule l’Iran et la Corée du Nord, déjà sous un régime de sanctions sévères, avaient transférés des systèmes d’arme vers la Russie dans le cadre de son intervention contre l’Ukraine.

Avec l’AbramsX, l’américain General Dynamics veut répondre au KF-51 Panther allemand et au K2 Black Panther sud-coréen

A la suite de la guerre froide, nombreux furent ceux qui prédirent la fin du char de combat dans les engagements à venir. Pour beaucoup d’experts, en effet, les progrès des armes antichars d’infanterie ainsi que l’arrivée de nouvelles menaces comme les drones et les munitions rôdeuses, rendait les blindés lourds trop vulnérables sur le champs de bataille, tout au moins en comparaison des prix croissants de ces monstres d’acier. Les deux guerres d’Irak, de Tchétchénie ainsi que la guerre du Haut Karabakh semblaient en effet attester de cette vulnérabilité accrue, et la plupart des armées mondiales ont considérablement réduit le format de leurs flottes de chars, parfois au point d’envisager de la supprimer totalement comme ce fut le cas un temps au Canada. En dépit des lourdes pertes enregistrées de part et d’autre par les flottes de chars au cours de la guerre en Ukraine, celle-ci a cependant démontré, de manière incontestable, que le char lourd demeure aujourd’hui encore, et en dépit des menaces, le pivot de la manoeuvre offensive et défensive terrestre. De fait, dans une dynamique déjà entamée en amont de cette guerre, de nombreuses forces armées y compris en Europe, ont entrepris de moderniser voire d’étendre leurs parcs de chars, l’attaque russe contre l’Ukraine ayant agit tel un accélérateur/multiplicateur de cette dynamique.

Pour autant, si la demande grandit rapidement, l’offre, quant à elle, reste fortement empreinte de modèles développés dans les années 70 et 80, comme l’Abrams américain, le Leopard 2 allemand, le Challenger britannique et le Leclerc français, ainsi que les T-72, 80 et 90 russes et les Type 99 chinois, dans des versions largement modernisées. A ce jour, un seul modèle de char lourd moderne de conception récente est effectivement proposé sur le marché occidental, le K2 Black Panther du sud-coréen Hyundai Rotem, un nouveau venu sur ce marché qui se taille déjà d’importantes parts de marché, comme ce fut le cas en signant un contrat de 180 blindés pour la Pologne, avec une perspective de coproduction de 750 chars supplémentaires, soit le plus important contrat de chars lourds de ces 20 dernières années. Les modèles hérités ont également retrouvé des couleurs sur le marché international, notamment le M1A2 Abrams américain retenu par la Pologne, l’Australie et Taiwan, le Leopard 2 en Hongrie, ou le T-90 russe en Inde et en Egypte. Mais c’est bel et bien de K2 qui aujourd’hui attire les regards, le blindé sud-coréen étant souvent présenté comme le favori de compétitions en Norvège et en Egypte. Paradoxalement, les deux programmes majeurs visant à remplacer les chars occidentaux, le Main Ground Combat System franco-allemand et le programme visant à remplacer l’Abrams américain, ne prévoit de livrer les premiers blindés qu’au delà de 2035.

GD at AUSA 10 4 22 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
GDLS va présenté lors de l’AUSA 2022 aux cotés de l’AbramsX, le StrykerX doté d’un APS hard-Kill et d’un système de visualisation avancé; le Leonidas, un Stryker équipé d’un canon à Micro-onde pour compléter la gamme SHORAD, et le TRX Breacher, un véhicule robotisé de breachage de 10 tonnes.

C’est précisément dans ce créneau que s’est positionné l’allemand Rheinmetall avec le KF-51 Panther, un char présenté lord du salon Eurosatory 2022 qui défraya la chronique y compris outre atlantique. Synthèse des évolutions disponibles à ce jour, le Panther est présenté par son concepteur comme prêt à produire, et même comme une alternative à l’ambitieux mais onéreux programme franco-allemand MGCS, non sans de nombreuses arrières pensées industrielles il est vrai. C’est sur ce même créneau intermédiaire que l’américain General Dynamics, concepteur du célèbre Abrams mais également du véhicule blindé Stryker, entend lui aussi se positionner avec l’AbramsX, un concept qui sera présenté lors du salon AUSA qui se tiendra dans la banlieue de Washington du 10 au 12 octobre 2022.

En effet, si l’Abrams continue de remporter certains contrats intérieurs et à l’export, notamment avec ses dernières versions modernisées SEPv3 et SEPv4 bientôt disponible, le char américain souffre désormais d’avoir évolué de manière itérative depuis 40 années, ceci ayant engendré un surpoids considérable, ainsi que l’augmentation de la consommation et donc une diminution de l’autonomie au combat. Ainsi, le M1A2 SEPV3 acquis notamment par la Pologne et Taïwan, affiche une masse au combat de presque 67 tonnes, 12 tonnes de plus que la première version du char, ce qui engendre désormais s’importantes difficultés en terme de mobilité et de transportabilité, notamment sur les théâtres européens. En outre, cette prise de masse s’est accompagnée d’une augmentation de la puissance moteur, et surtout de la consommation du blindé, qui ne dispose désormais plus que d’une autonomie au combat entre 150 et 200 km, et entraine une empreinte logistique des plus considérables. Enfin, le blindé reste fortement empreint des choix architecturaux qui lui donnèrent naissance au milieu des années 70, faisant des versions les plus modernes des patchwork technologiques loi d’être optimisés. C’est précisément pour répondre à ces enjeux, et donner à l’Abrams une cure de jouvence, que General Dynamics propose l’AbramsX.

NATO Mobility Abrams Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La transportabilité des M1A2 pose désormais d’importants problèmes notamment en Europe, alors que le char dépassé les 65 tonnes

Le nouveau char rompt en effet en de nombreux points avec son lignage historique. Selon GDLS, il sera en effet, et pour la première fois, sensiblement plus léger que les modèles précédent, et verra sa consommation de carburant divisée par 2, grâce à une nouvelle propulsion hybride électrique permettant par ailleurs des manoeuvres silencieuses et répondant aux exigences de decarbonation et d’électrification des équipements militaires américains. En outre, l’équipage du char sera ramené, comme sur les chars les plus modernes, à seulement 3 membres, le poste de chargeur étant remplacé par un système de chargement automatique permettant également de redessiner la tourelle et ainsi de gagner en légèreté. En terme de protection, le blindé sera doté nativement d’un APS hard Kill Trophy directement intégré dans la tourelle et non ajoutée comme c’est le cas aujourd’hui. Enfin, l’AbramsX disposera d’une Vetronique et de système de conduite et d’engagement coopératif des plus modernes. Au final, l’AbramsX se présente donc non pas comme une évolution de l’Abrams historique, mais comme un « reboot » du char, à l’instar de ce que peuvent être par exemple les Super Hornet vis-à-vis de Hornet, ou les Gripen E vis-à-vis des Gripen C.

La démarche de General Dynamics ne manque pas de sens. En effet, en faisant la synthèse des technologies les plus évoluées offrant la plus grande valeur ajoutée et immédiatement disponibles, l’industriel réduit non seulement les délais de conception, mais également les risques technologiques y afférant, domaine dans lequel l’US Army a par le passé rencontré de nombreuses contrariétés, de sorte à disposer d’un programme disponible sur étagère prêt à répondre aux attentes des armées américaines pour moderniser et étendre le parc de chars lourds à relativement court terme. Il s’agit, en l’occurence, d’une stratégie très similaire à celle employée par Rheinmetall en Allemagne avec le KF-51 Panther, qui s’appuie par ailleurs sur les mêmes leviers décisionnels, en particulier la menace que fait désormais peser le K2 sud-coréen sur les parts de marchés allemandes et américaines dans ces domaines.

KF 51 Panther Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le KF-51 Panther de Rheinmetall veut se positionner entre le Leopard 2 et le MGCS

Reste à voir si le pari de General Dynamics sera effectivement payant. En effet, paradoxalement, la guerre en Ukraine a à ce point détérioré l’outil militaire russe et donc ses capacités de nuisances conventionnelles, que la perception de ‘l’urgence à se doter d’un remplaçant à l’Abrams M1A2 est probablement désormais moindre outre-atlantique, d’autant que du coté chinois, rien n’indique à ce jour que Pékin entende étendre spécifiquement son parc de chars lourds modernes à court terme. En outre, les chars russes ont montré d’évidentes limites au combat, laissant supposer sur les Abrams, Leopard 2 et autres Leclerc sont encore largement capables d’y faire face et même de prendre l’ascendant, y compris pour les chars les plus modernes comme les T-72 B3obr.2016, les T-80 BVM et les T-90M, alors que la production de T-14 Armata semble désormais compromise à court ou moyen terme, tout au moins en quantité significative. En d’autres termes, alors que la menace russe, du point de vue terrestre conventionnelle, ne pourra retourner à son niveau d’avant-guerre avant 2035 voire 2040, le besoin d’un char « intermédiaire », entre les Legacy Systems actuels et les blindés de nouvelle génération qui arriveront à partir de 2035, est désormais beaucoup moins pressant, là ou d’autres domaines requièrent eux aussi d’importants investissements.

Le MQ-Next, futur remplaçant du drone MALE MQ-9 Reaper, prend forme pour General Atomics

En service au sein de 10 forces aériennes, dont 9 sont membres de l’OTAN, le drone Moyenne Altitude Longue Endurance MQ-9 Reaper de l’américain General Atomics, constitue aujourd’hui la référence occidentale dans le domaine des drones de combat de cette gamme. Capable de tenir l’air pendant 15 heures à plus de 7 km d’altitude et à plus de 300 km/h tout en emportant 4 missiles air-sol Hellfire ou Brimstone, le Reaper est aujourd’hui une composante centrale des opérations menées par les armées occidentales, en particulier au dessus des vastes étendues en Afrique et au Moyen-Orient, tant pour surveiller les mouvements d’adversaires potentiels que pour mener des frappes d’opportunité. Depuis leur entrée en service, le Predator MQ-1 et surtout son successeur, le MQ-9 Reaper, tous deux produits par General Atomics, ont profondément transformé la conduite des opérations militaires sur des théâtres dits de basse et de moyenne intensité. En revanche, dès qu’il s’est agit de les employer au dessus de zones contestées disposant de systèmes anti-aériens, l’efficacité pourtant essentielle des drones MALE fut largement entamée.

Ce fut notamment le cas lors de la guerre civile Libyenne qui opposa les forces du gouvernement de Tripoli à celles du général Haftar contrôlant la région e Benghazi. Les forces des deux cotés disposant de systèmes anti-aériens SA-8 et SA-6 à courte et moyenne portée, ainsi que des systèmes plus récents comme le Pantsir russe, ces systèmes d’arme anti-aériens portèrent de rudes coups aux Predator et autres Wing Loong tentant de surveiller les forces adverses de part et d’autres. Même le redoutable Reaper ne parvint pas à évoluer en securité au dessus du ciel libyen, comme ce fut également le cas au dessus de la Syrie quelques mois plus tôt. La vulnérabilité des drones MALE et HALE actuels n’est cependant en rien une découverte récente pour l’US Air Force, qui entreprit dès 2019 de developper un remplaçant au MQ-9 capable précisément d’évoluer au dessus des espaces contestés présents et à venir. Ce programme, qui répond pour l’heure au nom de code MQ-Next, vise l’entrée en service de ce nouveau modèle de drones MALE entre 2030 et 2035, et entend disposer de capacités bien supérieures à celles des MQ-9 actuels.

barkhane mirage 2000 MQ 9 Reaper Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’arrivée des drones MALE comme le MQ-9 Reaper a offert de nombreuses capacités jusqu’ici hors de portée aux forces armées qui les mettent en oeuvre, comme ici pour l’Armée de l’Air dans le ciel malien

A l’occasion de la conférence 2022 de l’Air Force Association, le concepteur du Reaper et du Predator, General Atomics, a présenté sa vision de ce que pourrait être le prochain drone MALE MQ-Next de l’US Air Force (en illustration principale). Et force est de constater à la vue des ambitions affichées par l’avionneur américain, que cette future génération de drone entend offrir un gain capacitaire majeur vis-à-vis de la génération actuelle, bien au delà, par exemple, de ce qu’apporte aujourd’hui la 5ème génération d’avions de combat vis-à-vis de la 4ème. En effet, même si l’essentiel des recherches sur le sujet sont encore sous le sceau du secret, General Atomics a présenté certaines des capacités majeures de son MQ-Next. Ainsi, le drone sera conçu sous la forme d’un aile volante furtive de sorte à réduire autant que possible la surface équivalente radar de l’appareil pour permettre son utilisation au dessus des espaces contestés. De même, les équipements et armements seront intégrés à la cellule ou transportés en soute pour ne pas dégrader la furtivité de l’engin. Il sera par ailleurs doté d’une nouvelle propulsion hybride électrique améliorant les performances de son turboréacteur de sorte à lui conférer une autonomie de plus de 60 heures de vol, 4 fois plus que le Reaper, à une vitesse de croisière bien supérieure, lui offrant des performances inégalées en matière de distance franchissable de l’ordre de 35.000 km voire davantage, permettant potentiellement au MQ-Next de décoller de Hawaï, de traverser le Pacifique pour mener une mission de surveillance de 20 heures dans le ciel de la Mer de Chine, avant de revenir à sa base de départ, et ce sans ravitaillement en vol ni escale, et de manière des plus discrètes.

Mais General Atomics entend également doter son futur drone de deux capacités bien plus surprenantes dans ce domaine. En premier lieu, le MQ-Next tel que vu par GA se doit d’être rustique, et même de pouvoir être mis en oeuvre à partir de terrains de fortune. Ainsi, le cahier des charges visé par l’avionneur prévoit que le drone devra pouvoir décoller et atterrir à partir d’une piste en herbe ou en terre de 1000 mètres, une caractéristique nouvelle pour ce type d’équipements qui, jusqu’ici, était toujours considéré comme pouvant être mis en oeuvre à partir de pistes aériennes sécurisées et adaptées. En second lieu, General Atomics vise à rendre le MQ-Next évolutif, en particulier en le dotant dès la conception d’une crosse d’arrêt de sorte à permettre à l’avenir, d’en dériver une éventuelle version navale embarquée, même si pour l’heure, de l’avis même de GA, la question ne se pose pas alors que l’US Navy n’a pas les moyens de mettre en oeuvre de tels drones à partir de ses navires actuels.

MQ 20 Avenger Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le MQ-20 Avenger de General Atomics est un drone de transition offrant déjà des performances bien supérieures aux MQ-9 notamment en terme d’autonomie, de vitesse et de discrétion.

Pour General Atomics, le programme MQ-Next porte en outre une dimension critique, tant pour assurer la pérennité de l’entreprise face à la fin prévisible d’ici une vingtaine d’années des drones MALE actuels comme le Predator, le Reaper ou le Grey Eagle et la concurrence féroce notamment de Lockheed-Martin (MQ-170) et Northrop Grumman (MQ-180) , mais également pour permettre le developpement de son programme de drones de combat Gambit, visant à concevoir 4 modèles de drones différents sur la base d’un noyau central commun représentant 70% des modèles définitifs, comme c’est le cas de la propulsion hybride électrique visé par l’avionneur et présentée comme révolutionnaire en terme de performances. Contrairement au MQ-Next qui demeure un drone à forte valeur ajoutée, donc onéreux à l’achat comme à la mise en oeuvre, les drones de la familles Gambit seront, quant à eux, économiques à l’achat comme à l’usage, de l’ordre de quelques millions de $ selon GA, de sorte à en étendre le potentiel d’utilisation en acceptant le risque de perte. Rappelons afin que General Atomics participe également au programme Skyborg de l’US Air Force avec le drone MQ-20 Avenger, qui représente un drone de transition entre le MQ-9 et le MQ-Next, capable de voler à 650 km/h pendant plus de 20 heures en emportant 1600 kg d’armement en soute, de sorte à préserver sa discrétion radar.

Eurodrone en vol Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
l’Euromale offrira des capacités importantes aux forces aériennes françaises, allemandes, espagnoles et italiennes, mais ne sera pas au niveau des capacités offertes par le MQ-Next de l’US Air Force qui entrera en service au même moment

La stratégie poursuivie par General Atomics, associant une gamme de drones offrant des capacités sensiblement supérieures à celles des drones existants, ainsi qu’un calendrier ambitieux visant une entrée en service à partir 2030, met naturellement en évidence les déficiences du programme européen Euromale dans ce domaine qui, pour sa part, vise à produire un drone MALE certes bimoteurs et plus performant que le MQ-9 Reaper, mais qui sera largement surclassé en terme de furtivité, d’autonomie et de capacité d’emport par le MQ-Next. En outre, l’avionneur américain entend immédiatement capitaliser sur les avancées technologiques enregistrées autour du programme MQ-Next pour concevoir une gamme de drones plus économiques et plus spécialisés autour du programme Gambit, là ou pour l’heure, aucune initiative de ce type n’a été avancée en Europe, en particulier autour du programme SCAF auquel participent pourtant 3 des 4 pays collaborant à Euromale. Sans remettre en question la pertinence du programme Euromale, qui permet de doter les armées européennes d’un drone à hautes performances pour les missions de renseignement et de désignation, et aux industriels d’acquérir le savoir faire nécessaire pour concevoir ce type de drones bien plus complexe que les drones légers comme le TB2, il semble désormais nécessaire et même urgent de ne pas attendre la fin du developpement d’Euromale pour entreprendre la conception de son successeur qui devra, lui, viser des performances et des capacités au moins alignées à celles de MQ-Next pour espérer ramener l’Europe dans la course dans ce domaine.