Comme c’est le plus souvent le cas à l’occasion de la conception d’une loi de Programmation Militaire, deux contraintes critiques se font face aujourd’hui entre le ministère des Finances et le ministère des Armées afin de concevoir la trajectoire budgétaire qui sous-tendra la prochaine Loi de Programmation Militaire qui encadrera l’effort de défense français entre 2024 et 2030, ou LPM 2024-2030.
Pour l’état-major des Armées, les besoins d’investissement ont été estimés autour de 435 Md€ sur l’ensemble de cette période, afin de permettre aux Armées françaises de retrouver des capacités opérationnelles compatibles avec l’évolution de la menace, en particulier dans le domaine de l’engagement de Haute Intensité.
Pour le ministère des Finances, cependant, la hausse des crédits consacrés à l’effort de defense ne pourra pas excéder les 377 Md€ sur la même période, ce afin de respecter les engagements du pays à contenir ses déficits publics ainsi que sa dette souveraine déjà lourdement éprouvée par la crise covid et la crise énergétique.
Sommaire
Il semble, dans les faits, impossible de faire cohabiter ces deux contraintes strictes, alors même que toutes deux se parent d’un caractère impératif et stratégique, et l’hypothèse la plus généralement avancée dans ce dossier repose sur une position intermédiaire, avec un budget entre 400 et 410 Md€, ne permettant ni de répondre efficacement aux besoins des armées sauf à créer à nouveau certaines impasses opérationnelles, ni de préserver la dette souveraine au-delà du seuil de soutenabilité défini par Bercy.
Il existe pourtant une troisième voie, basée sur un changement de paradigmes en matière d’investissement industriel de défense, permettant d’amener l’effort de défense français au-delà de 3 % du PIB, le tout sans creuser la dette souveraine française ni altérer la trajectoire budgétaire de la LPM : le Socle Défense.
Dans cet article en deux parties, nous présenterons d’abord les 4 piliers qui permettent à cette approche de répondre à cette équation impossible, puis son application aux armées, à la BITD, aux finances publiques ainsi qu’aux programmes en coopération dans la cadre de la LPM 2024-2030.
Une équation politico-économique impossible ?
Comme l’ont souligné les différents Chefs d’État-Major des forces armées françaises lors de leur récente audition par la Commission Défense de l’Assemblée nationale, les armées françaises souffrent aujourd’hui d’un profond déficit de capacités et de masse pour répondre aux nouveaux enjeux de défense imposés par le retour des tensions internationales entre grandes nations technologiquement avancées, en particulier face à la compétition lancée par Moscou et Pékin dans ce domaine.

Faisant suite à deux décennies de sous-investissements ayant sensiblement érodé les capacités de nos armées, la Loi de Programmation Militaire 2019-2025 permit de leur redonner une capacité budgétaire permettant de combler certaines défaillances et obsolescences.
Toutefois, qu’il s’agisse du format des armées définit par le LBDSN 2013 et confirmé par la RS 2017, ou des calendriers des programmes visant aujourd’hui à remplacer certains équipements majeurs comme les chars de combat, les avions de chasse, les sous-marins nucléaires et les porte-avions, aucun n’est en mesure de répondre à la profonde et rapide évolution des rapports de force dans le Monde, y compris en Europe.
Pour de nombreux pays européens, la solution repose sur l’augmentation du budget des armées, voire la mise en place de crédits supplémentaires pour combler à court terme les principales obsolescences.
Pour la France, les options sont toutefois beaucoup plus difficiles à avancer, le pays étant contraint par une dette souveraine fortement détériorée et atteignant 113 % PIB à la suite de la crise Covid, un déficit public déjà à son plafond autorisé par le pacte de stabilité de la zone Euro, et une croissance menacée par la reprise de l’inflation et la crise énergétique. Dans ces conditions, répondre aux besoins de modernisation et d’extension des armées imposés par la situation internationale, s’oppose directement à la réalité socio-économique du pays.
Le Socle Défense : une réponse technique à potentiel politique
Les travaux ayant donné naissance au modèle « Socle Défense », débutés en 2016, visaient précisément à répondre à cette problématique précise, à savoir de permettre à l’État français d’accroitre rapidement son niveau d’investissement dans la défense nationale, en particulier au travers de son industrie, tout en respectant les contraintes légales et économiques du pays, afin de permettre aux armées françaises et à leur Chef de « Choisir nos guerres et de les gagner », selon la formule du Général de Gaulle.

Pour y parvenir, le Socle Défense s’appuie sur 4 piliers complémentaires et interdépendants issus d’une analyse pluridisciplinaire et innovante.
- La location des équipements de défense par les armées par l’intermédiaire d’une structure ad hoc en Partenariat Public-Privé respectant les contraintes imposées par l’UE pour ne pas être décompté comme de la dette souveraine.
- La mise en œuvre d’une solution d’épargne spécialement dédiée au financement de ces investissements
- Un changement de paradigme industriel et technologique pour optimiser l’efficacité budgétaire, politique et sociale des investissements
- Une nouvelle doctrine d’analyse économique permettant d’évaluer avec précision l’efficacité sociale et économique de ces investissements, ainsi que leur soutenabilité au travers de l’évaluation du Solde Budgétaire.
La location des équipements de défense par les Armées
Les Armées ont déjà recours à la location de certains équipements. Ainsi, la Hongrie et la République tchèque louent depuis plus de 20 ans leur flotte respective de chasseur JAS-39 Gripen.
En France, plusieurs services des armées louent également certains équipements, souvent dans le cadre d’une offre de service globale, comme l’EALAT de Dax ou les hélicoptères H160 de la Marine nationale. Ces solutions n’offrent cependant qu’une réponse partielle aux besoins, et sont souvent contraintes par des clauses d’utilisation strictes.
Le Socle Défense propose une solution globale permettant de remplacer la majeure partie des acquisitions d’équipement majeur par un modèle de location au travers d’une unique structure ad hoc en Partenariat Public Privé de sorte à répondre à l’ensemble des contraintes et de disposer de capacités renouvelées d’investissement.
Les avantages techniques de la location d’équipements militaires
Le recours à la location d’équipements est une solution technique visant avant tout à optimiser le haut de bilan des entreprises, en transférant des investissements soumis à immobilisation, donc à impôt, en charges qui contribuent à réduire les bénéfices affichés, donc les impôts exigibles.
Pour l’État français, qui comme une grande entreprise, fait auditer ses comptes chaque année par Eurostat dans le cadre du pacte de stabilité de la zone Euro, la situation est sensiblement la même. Le pays n’ayant pas un budget équilibré, les investissements en matière d’équipements de défense contribuent à creuser les déficits annuels, et sont financés par de la dette souveraine, celle-ci atteignant désormais 113 % du PIB.
Dans ce contexte, le recours à un modèle de location permettrait de ne pas décompter ces investissements comme une dette, et de n’intégrer que le paiement des annuités dans le budget de l’État, offrant d’importantes capacités de financement supplémentaires sans affecter les finances publiques au-delà des annuités, et sans affecter la dette souveraine.
Les contraintes européennes
Afin d’éviter que les offres de location ne deviennent pas une manière commode de faire de la dette déguisée, les instances européennes avaient, à la demande de la France lors de l’étude des Sociétés de Projet en 2014, défini des obligations strictes encadrant la location d’équipements militaires :
- A1 : Le financement ne peut porter sur plus de 75% de la valeur d’acquisition de l’équipement
- A2 : La valeur résiduelle ne doit pas être nulle, et le montant des annuités doit respecter la décote de valeur de l’équipement
- A3 : Le client doit contractuellement pouvoir mettre fin à la location et restituer les équipements pendant toute la durée de la location
- A4 : L’état ne peut être l’actionnaire ni le contributeur financier majoritaire de l’offre
Les enjeux de la location d’équipements militaires
Pour les Armées, la location d’équipements de défense fait également face à 4 enjeux critiques qui, jusqu’à présent, ont limité l’utilisation de ce modèle :
- B1 : Les couts de location sont souvent bien plus élevés que les couts de financement d’état
- B2 : Les matériels doivent être assurés, ce qui augmente sensiblement les couts de location, et empêche le plus souvent l’emploi de ces équipements en zone de combat
- B3 : L’évolution et la modernisation des matériels loués est contraignante et souvent très limitée par les contrats de location et les contrats d’assurance
- B4 : Enfin, les entreprises bancaires et d’assurance sont pour le moins rétives à financer des équipements militaires dont elles auraient la nue-propriété, au risque de pouvoir être mises en cause du point de vue légal lors de leur utilisation par les Armées en zone de guerre.
Ces contraintes expliquent la raison pour laquelle la location des équipements militaires se limite à des équipements dédiés à la formation ou à des missions de service publique.
1ᵉʳ pilier : une structure Ad hoc dédiée à la location d’équipements militaires en France
Pour répondre aux enjeux et contraintes liés à la location d’équipements militaires par les armées en substitution des acquisitions conventionnelles, le Socle Défense s’appuie sur une structure unique en Partenariat Public Privé dédiée à cette activité.
L’expérience des Sociétés de Projet
De 2014 à 2016, la DGA, les industriels de défense et le ministère de tutelle étudièrent un modèle dédié à la location de certains équipements militaires, les Sociétés de Projet. Ces structures devaient permettre de financer l’acquisition de certains matériels, en particulier les avions A400M, en créant une société de financement par équipement ou lot d’équipements.
Si ces travaux permirent de définir précisément certains aspects liés à la location d’équipements militaires, en particulier vis-à-vis des instances européennes, elles se heurtèrent au problème de l’attrition et de l’évolution, ainsi qu’aux difficultés de financement récurrent.
En particulier, il apparut rapidement qu’en cas de perte d’un appareil, par accident ou au combat, la société de tutelle verrait ses fonds propres ramenés à 0, entrainant sa faillite, sauf à prendre des assurances aussi difficiles à négocier qu’à financer.

Une offre globale pour répondre aux contraintes
Le modèle proposé par le Socle Défense pourrait s’assimiler à une « Super Société de Projets », permettant de traiter, par son volume et sa structure, plusieurs des contraintes qui entravèrent l’émergence des Sociétés de Projet en 2015, et plus globalement la location des équipements de défense par les Armées.
- Financement global et multiéquipements (B2/B3)
En multipliant le nombre et le type d’équipements financés, les risques de l’attrition sur les fonds propres de la société de financement sont très largement réduits.
- Respect des contraintes européennes (A1/A2/A3/A4)
Une unique structure globale permet de simplifier l’accréditation de l’offre par Eurostat. En cas de modification des règles, un unique réexamen est suffisant.
- Partenariat Public Privé (A4)
La structure PPP offre une grande souplesse d’évolution de l’actionnariat de l’entreprise, notamment pour permettre d’y intégrer de nouveaux partenaires dynamiquement (banques, acteurs européens…) garant de l’évolutivité structurelle de l’offre, tout en permettant à l’état de garder sous contrôle l’offre et l’entreprise.
- Gestion spécifique de l’attrition (B2/B4)
Afin de répondre aux enjeux liés à l’attrition, l’offre s’appuiera sur une modalité spécifique du traitement de l’attrition à posteriori, transformant la valeur résiduelle de l’équipement perdu en dette souveraine (pour Eurostat). Un mécanisme permettant la vente de tout ou partie du parc en cas de guerre majeure avec solution de financement attenante devra également être annexée aux contrats.
- Supervision de l’efficacité socio-économique de l’investissement (B1)
Pour assurer la soutenabilité budgétaire de l’investissement pour l’État, la société d’investissement pourra également avoir pour mission d’assurer l’évaluation et le suivi du Solde Budgétaire des investissements, et proposer des pistes pour en améliorer l’efficacité.
- Gestion du second marché (B1)
L’entreprise aura enfin en charge la gestion de l’offre de revente des équipements en fin de location, notamment sur le second marché international, de sorte à optimiser l’efficacité budgétaire de l’offre et de réduire les couts de location pour les armées françaises elles-mêmes.
2ᵉ pilier : un appel à l’épargne pour financer le modèle
L’État ne pouvant être le contributeur principal des fonds investis par une société de leasing (A4), et n’ayant guère d’intérêts à le faire dans le contexte économique et budgétaire présent, les sources de financement permettant à l’offre de leasing de fonctionner de manière efficace doivent reposer sur d’autres canaux. En outre, celles-ci doivent permettre de mobiliser des capitaux importants chaque année, de l’ordre de 15 à 20 Md€, afin d’atteindre le plein potentiel du modèle.
Un modèle de financement mixte Épargne / marchés
Pour répondre à ces besoins, le Socle Défense repose sur un modèle de financement mixte, basé sur un appel à l’épargne pour parti, et sur un appel aux marchés financiers de l’autre, de sorte à obtenir une efficacité optimisée et sécurisée.
L’appel à l’épargne, qui peut s’effectuer au travers d’un plan d’épargne d’État dédié ou par l’intermédiaire d’une offre de type assurance-vie spécifique, permet de mobiliser des capitaux initiaux plus onéreux et plus complexes à manipuler que les appels aux marchés, tout en offrant d’importants atouts tant du point de vue politique que financier. L’utilisation conjointe des deux modèles confère à l’offre financière à la fois souplesse, compétitivité et résilience.
Les atouts et difficultés de l’appel aux marchés
L’appel aux marchés est une procédure classique de financement pour une société financière. Cette solution offre un atout déterminant, à savoir un accès souple et peu onéreux à d’importants crédits, adaptés à la réalité exacte des besoins de financement.
Toutefois, cette approche se heurte à la frilosité des marchés pour financer spécifiquement des programmes de défense, de crainte de se voir associer à une potentielle mise en cause juridique engagée contre l’utilisation de ces équipements. E
n outre, les marchés agissent principalement comme coefficient multiplicateur d’un capital d’investissement, et requièrent donc un capital initial suffisant pour constituer la base du financement. Il est donc indispensable d’appuyer sur une seconde source de financement susceptible à la foi de constituer le capital, et d’atténuer les craintes des marchés.
Des bénéfices financiers et politiques de l’Épargne
L’appel à l’Épargne joue précisément ce rôle dans le modèle Socle défense, car il présente les caractéristiques financières et politiques requises pour lever les objections tant de la part des marchés financiers que des instances politiques :
- Mobilisation financière patrimoniale privée
En s’appuyant sur de l’épargne privée, le Socle Défense réduit les risques de voir des oppositions juridiques émerger, celles-ci venant par nature menacer directement l’épargne de nombreux français, elles seraient par conséquent extrêmement impopulaires. Ce même argument agit comme élément modérateur de la contrainte A3 européenne concernant l’obligation d’une clause de sortie aux contrats de location.
- Transformation de la conception régalienne de la propriété des équipements militaires
Le recours à l’épargne privée permet également d’atténuer les objections concernant le non-respect de la dimension régalienne des offres de location d’équipements militaires, puisque la propriété reste détenue par des fonds appartenant aux français eux-mêmes.
- Renforcement du lien Défense-Société Civile
Alors que les Armées vont faire face à d’importants enjeux RH pour accroitre leurs formats, et que la résilience de la Nation redevient un objectif stratégique pour le pays, l’appel à l’Épargne permet de renforcer les canaux de communication entre l’univers Défense et la Société Civile.
Il convient toutefois de garder sous contrôle un tel modèle, qui présente également certaines contraintes propres, comme la difficulté de contrôler les flux entrants et sortants des épargnants, en particulier si le modèle s’appuie sur un Livret d’Épargne.
3ᵉ pilier : la Défense à Valorisation Positive, un outil innovant pour le pilotage de la soutenabilité budgétaire de l’effort de défense
Depuis le milieu des années 50, de nombreux efforts ont été menés en France et ailleurs pour tenter de calculer l’efficacité économique de l’investissement de l’État dans l’industrie de Défense, et plus globalement de l’effort de défense.
Pour de multiples raisons, ces travaux ont toujours produit des résultats contestables, en particulier par l’opposition non poreuse entre les analyses de micro et de macro-économie, mais également en raison d’un objectif mal défini, à savoir de rechercher un éventuel coefficient multiplicateur Keynésien résultant de ces investissements.
Le Socle Défense prend le contre-pied de ces approches, avec un outil innovant et applicable désigné sous le terme Défense à Valorisation Positive, ou DVP.
Évaluer le Solde Budgétaire de l’investissement industriel de Défense
En premier lieu, la DVP ne vise pas à évaluer la valeur d’un éventuel coefficient multiplicateur Keynésien, une approche à la fois datée académiquement, et particulièrement complexe à déterminer de manière efficace.
Surtout, la recherche de cette valeur n’offre qu’un intérêt limité dans l’évaluation de la soutenabilité de l’effort industriel de défense. Au contraire, le calcul du Solde Budgétaire, à savoir la différence entre les investissements consentis par le budget de l’État dans ce domaine, et les recettes et économies budgétaires qui résultent directement ou indirectement de cet investissement, offre un intérêt évident, puisqu’il permet de déterminer de manière précise la soutenabilité, et donc la pérennité de cet effort.
Une méthodologie pluridisciplinaire
Pour y parvenir, la DVP s’appuie sur deux analyses successives et complémentaires, issues d’écoles économiques qui souvent ne s’associent pas ou mal :
- Une analyse micro-économique de plusieurs bassins d’emplois liés à l’industrie de Défense permet de déterminer le nombre d’emplois directs et indirectes créés ou sécurisés par l’investissement, de sorte à concevoir un indicateur présentant le nombre d’emplois par m€ investis et par an.
- Une analyse macro-économique prend alors le relais, pour déterminer d’une part le nombre d’emplois induits créés par ces emplois directs et indirects (par consommation essentiellement), puis pour déterminer le retour budgétaire effectif et étendu pour l’état.
- Le Retour budgétaire effectif s’appuie sur les recettes fiscales et sociales générées par ces emplois sur une année sur la base de statistiques moyennes nationales
- Le Retour Budgétaire étendu intègre l’application des recettes sociales en réduction des déficits sociaux sur le budget de l’État, ainsi que la transposition des emplois financés en couts sociaux si les emplois n’existaient pas.
Sur la base des études existantes, l’industrie de défense génère en moyenne 25 à 27 emplois annuels par m€ investis, générant un Retour budgétaire direct de 65% et un retour budgétaire étendu de l’ordre de 100%. Dans le cadre du programme Tempest, PWC a estimé la création de 31 emplois par m£ par an, et un retour budgétaire de l’ordre de 85%, ce ci tenant compte des spécificités du modèle britannique.
Un outil de pilotage de l’effort industriel
En tenant compte du taux d’exportation moyenne de l’industrie de défense française, de l’ordre de 35% ces 10 dernières années, l’effort industriel de défense en France excède donc un RB effectif de 100% et un RB étendu de plus de 130% sur la base de l’analyse existante.
Une analyse plus méthodique et menée de manière académique permettrait de concevoir un outil de pilotage très performant de l’effort industriel de Défense en France.
4ᵉ pilier : repenser les paradigmes industriels de défense : le Cycle Défense
D’un point de vue purement conceptuel, l’association des trois premiers piliers du Socle Défense, la location d’équipement, l’appel à l’Épargne et la Défense à Valorisation Positive, suffit à produire un modèle répondant aux principaux enjeux du moment, notamment en permettant d’accroitre sensiblement les investissements industriels de défense à court terme sans affecter la dette souveraine, et sans menacer les équilibres budgétaires grâce à la soutenabilité mise en avant par la DVP.
Toutefois, ce modèle passerait outre les nombreux avantages offerts par le Socle Défense au travers de son 4ᵉ et dernier pilier, le Cycle Défense.
L’optimisation du modèle de soutenabilité
Les exemples récents des Rafale grecs et croates, ou des frégates marocaines et égyptiennes, montrent que désormais, la disponibilité et le prix des équipements de défense d’occasion offrent des attraits décisifs, surpassant même des offres compétitives d’équipements neufs.
Dans ce contexte, l’association d’un modèle sur base de leasing à VR non nulle d’abord, et d’un outil d’analyse et de pilotage du Solde budgétaire tel la DVP ensuite, offrirait à la France un formidable outil pour planifier de manière efficace la rotation des équipements des armées, de sorte à atteindre le résultat le plus performant en terme budgétaire, mais également en matière d’emploi et de politique étrangère.

À titre d’exemple, un avion Rafale loué pendant 15 ans par l’Armée de l’Air conserverait une VR supérieure à 35%, valorisable à plus de 40 % sur les marchés internationaux du fait de sa disponibilité et de son potentiel de vol restant.
En tenant compte de ces données, mais également du retour industriel annuel par matériel exporté (peu importe qu’il soit d’occasion ou neuf) et des données issues de la DVP, il peut apparaître plus que pertinent pour la France, ses armées et son industrie de renouveler l’ensemble de sa flotte au bout de la durée de leasing optimum, de manière bien plus efficace que l’acquisition standard d’équipements, y compris face aux supposés surcouts liés à la location et à l’appel à l’Épargne.
Raccourcir les cycles technologiques défense
Le corolaire de ce qui précède, est qu’il devient possible de sensiblement raccourcir les cycles technologiques qui président à la conception des grands programmes d’équipement militaire français.
En effet, s’il est possible et opportun de renouveler à échéance donnée les flottes d’avions de combat, de navires de guerre ou de blindés, il devient possible également de faire évoluer les paradigmes industriels et technologiques qui leur donnèrent naissance, en raccourcissant simultanément les cycles technologiques, voire les cycles générationnels des équipements.
En outre, à l’instar des travaux présentés par le Dr Roper lorsqu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force, il devient possible de réduire les couts de développement des équipements, mais également les couts de maintenance en diminuant la durée de vie opérationnelle au sein des forces, les appareils étant cycliquement remplacés par des matériels de nouvelle génération à moyen terme, et ce, de manière budgétairement optimisée.
Un outil de conquête pour contrôler les offres émergentes
Alors que la DVP démontre le rôle déterminant des exportations d’équipements de défense pour la soutenabilité budgétaire de l’effort industriel de défense français, l’arrivée de nouveaux acteurs, comme la Chine, la Corée du Sud, le Japon, la Turquie ou l’Inde, risque de menacer l’attractivité des offres tricolores sur la scène internationale, alors que l’omniprésence US réduit déjà le marché adressable.
Dans ce contexte, disposer d’une offre de matériels de haute technologie, à disponibilité planifiée, et à des couts attractifs, pourrait permettre de contrôler l’émergence de ces acteurs, voire de contrôler une partie suffisante du marché international pour mettre à mal leur propre pérennité.














