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Le Japon se rapproche de plus en plus de l’alliance AUKUS

Créée en septembre 2021, l’Alliance AUKUS (Australia, UK, Usa) visait à dépasser le cadre des accords de défense bilatéraux entre les Etats-Unis et ses alliés dans le Pacifique. En effet, pour faire face à la montée en puissance des armées chinoises, il devint rapidement évident à Washington qu’une alliance, si pas comparable, en tout cas inspirée du principe de l’OTAN, pouvait constituer la meilleure réponse pour contenir et dissuader la Chine, notamment vis-à-vis de Taïwan. Malheureusement pour les ambitions américaines, le pitoyable volet autour de l’annulation du programme de sous-marins à propulsion conventionnelle Attack développé depuis 2015 par Canberra avec le français Naval Group, afin de se tourner vers une solution américano-britannique de sous-marins à propulsion nucléaire à destination de la Royal Australian Navy, entama sévèrement l’accueil international du projet américain, en particulier en lien avec les risques de prolifération des navires à propulsion nucléaire sur le théâtre une fois la boite de Pandore ouverte par Joe Biden.

Il n’aura cependant fallu qu’une année pour normaliser à nouveau les relations internationales sur ce théâtre, y compris entre l’Australie, les Etats-Unis et la France, en grande partie du fait de la hausse des tensions entre Pékin et Taiwan d’une part, et de la guerre en Ukraine de l’autre. Ainsi, les autorités nippones, jusque là plutôt prudentes et réservées quant à une possible implication dans le soutien à Taiwan et d »éventuelles opérations américaines pour protéger l’ile en cas de menace, ont sensiblement fait évoluer leurs positions, non seulement en annonçant des programmes d’armement offensifs pour tenir en respect Pékin si la situation venait à se dégrader, comme en annonçant ouvertement son soutien à l’autonomie de Taiwan et au statuquo actuel, précisant que l’autonomie de l’ile était désormais un enjeux stratégique pour Tokyo.

JapanF35 Alliances militaires | Analyses Défense | Australie
Les forces aériennes japonaises ont commandé 147 avions de combat F-35, dont 42 F-35B à décollage et atterrissage vertical ou court pour armer ses deux porte-aéronefs de la classe Izumo

Dans le même temps, le Japon s’est rapproché dans de nombreux domaines défense des 3 acteurs de l’Alliance Aukus, avec les Etats-Unis pour renforcer sa defense anti-missile et ses capacités de frappe secondaire y compris contre le sol chinois, avec l’Australie pour accroitre les axes de coopération et les exercices miltaires, et avec la Grande-Bretagne, avec le developpement conjoint d’un missile air-air à moyenne portée, ainsi que la coopération entre les programmes d’avions de combat Tempest et F-X. Ce n’était donc qu’une question de temps avant que Tokyo vienne à envisager publiquement d’intégrer l’alliance Aukus. Et le temps semble venu, si l’on en croit le discours de YAMAGAMI Shingo, ambassadeur japonais en Australie, à l’occasion de la Conférence Aukus qui s’est tenue à Canberra le 14 novembre.

Ainsi, après les circonvolutions traditionnelles du langage diplomatique, mettant en avant la position bienveillante du premier ministre Nippon Suga à l’annonce de la création de l’alliance, puis des initiatives prises par son successeur, Fumio Kishida, pour renforcer les partenariats bilatéraux avec les 3 membres fondateurs de celle-ci, l’ambassadeur nippon a explicitement ouvert la voie à un possible rapprochement du Japon au sein de cette alliance multilatérale, concluant sur un célèbre proverbe japonais 石の上にも三年 –, littéralement « Attend sur une pierre pendant 3 ans », que l’on pourrait traduire par « tout vient à point à qui sait attendre ».

Rool Out Virginia Shipyard Alliances militaires | Analyses Défense | Australie
La décision australienne de se tourner vers une solution nucléaire anglo-américaine pour sa flotte de sous-marins reste aujourd’hui très contestée, y compris à Canberra, avec d’importantes craintes concernant les délais de livraison et le cout du programme

L’arrivée potentielle du Japon au sein de l’Aukus pourrait engendrer un certain emballement et de profonds changements, au delà du nom même de cette alliance. En effet, jusqu’à présent, celle-ci n’est composée que de pays anglo-saxons partageant, au delà de la langue, une longue histoire commune ainsi qu’une coopération défense intense au sein des fameux « Five Eyes », les alliés les plus proches des Etats-Unis rassemblant, au delà de l’Australie et du Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande, et qui disposent d’un degré d’intégration réciproque très étendu, y compris vis-à-vis des membres de l’OTAN. L’arrivée du Japon dans cette alliance, premier pays asiatique, qui plus est ancien adversaire lors de la seconde guerre mondiale, ferait basculer celle-ci dans une nouvelle dimension, plus centrée sur les risques du Théâtre pacifique, à l’instar de l’OTAN vis-vis du théâtre européen.

En outre, au delà du Japon, d’autres acteurs majeurs du théâtres pourraient être tentés de rejoindre l’Alliance, comme Singapour, les Philippines ou encore la Malaisie, et surtout comme la Corée du Sud, l’une des plus puissantes armées de la zone indo-pacifique, et ce même si les relations entre Tokyo et Séoul sont encore tendues et empreintes des stigmates de l’invasion nippone de la péninsule au début du XXème siècle. Rappelons ainsi que les forces armées japonaises et sud-coréennes coopèrent très peu, y compris pour ce qui concerne la menace nord-coréenne à laquelle ils sont tous deux exposés. De fait, si Tokyo rejoint l’alliance Aukus, il est probable que Séoul sera amené à faire de même pour ne pas se trouver marginalisé sur ce théâtre, ce qui lierait les deux pays et pourrait contribuer à accroitre la coopération de ces deux puissances régionales. Or, une alliance rassemblant efficacement les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie, serait un adversaire de taille, y compris pour la puissance chinoise.

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Les forces armées sud-coréennes représentent une puissance militaire de premier plan qui pourrait consolider la caractère dissuasif de l’alliance AUKUS face à la Chine.

Reste que le chemin sera probablement difficile à arpenter par l’ensemble de ces acteurs, pour qui la coopération ne s’envisage depuis de nombreuses décennies que sous la forme de coopération bilatérale, en grande majorité avec les Etats-Unis. Il n’existe pas, contrairement à l’Europe, de volonté profonde de coopération regionale en matière de défense et de sécurité, d’autant que contrairement au vieux continent, et comme dit précédemment, les marques du passé restent encore présentes dans de nombreuses opinions publiques. Le basculement du Japon vers l’alliance Aukus pourrait, en ce sens, servir de déclencheur pour effectivement entamer cette évolution qui semble, en bien des aspects, indispensable pour espérer contenir la puissance militaire chinoise dans les années à venir, comme les européens ont su s’associer en dépit du passé pour contenir la menace soviétique pendant la guerre froide.

Les nouveaux destroyers et sous-marins nucléaires de l’US Navy bien plus chers que prévu

En juillet de cette année, alors qu’il s’exprimait à l’occasion du Government Contracting Pricing Summit, l’assistant au sous-secretaire à l’Air Force en charge des acquisitions, le Major Général Cameron Holt médusa son audience en estimant que la Chine produisait ses équipements militaires « 6 fois plus vite et 20 fois moins cher » que ne le faisait l’industrie de défense américaine. Et il semble bien que cette trajectoire pourtant intenable pour Washington et ses armées, ne soit pas destinée à évoluer positivement. En effet, selon les estimations faites par la Commission Budgétaire du Congrès américain, les futurs navires qui devront équiper l’US Navy dans la décennie à venir, seront beaucoup plus onéreux que ne le laisse prévoir la planification actuelle.

Ainsi, selon la commission, le futur destroyer de l’US Navy, désigné DD(x) et destiné à prendre la suite des destroyers Arleigh Burke de première génération et des derniers croiseurs de la classe Ticonderoga, pourrait coûter non pas 2,4 Md$ comme planifié par la Marine américaine, mais 3,4 Md$, une hausse de 1 Md$ et de plus de 40%, ceci sans tenir compte des armements, sur la base d’une extrapolation des couts de production vis-à-vis des destroyers Arleigh Burke Flight III plus petits, et sans que l’effet de l’inflation n’ait été pris en compte. Dans le même temps, le futur sous-marin nucléaire d’attaque du programme SSN(x), qui doit renforcer les SNA de la classe Virginia et qui sera, comme les SeaWolf, spécialisé dans la lutte anti-sous-marine, coutera quant à lui entre 6,2 et 7,4 Md$ l’unité, une conséquente augmentation vis-à-vis des 5,4 Md$ prévu par la planification actuelle, et surtout prés de deux fois plus cher que les SNA actuels de la classe Virginia Block V qui plafonnent pourtant déjà à 3,2 Md$ l’unité, plus de deux fois le prix d’un SNA de la classe Suffren qui entre en service au sein de la Marine Nationale.

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Les sous-marins nucléaires d’attaque SSN(x) doivent prendre le relais des SNA classe Virginia actuellement en production, et qui remplacent les SNA classe Los Angeles encore en service

Bien évidemment, de telles projections sont plus que problématiques pour l’US Navy, qui ambitionne de convaincre le Congrès de l’accompagner dans un effort pour accroitre sont format des 290 navires actuellement en service, vers un format à 355 navires d’ici la fin de la décennie, et de 450 navires à horizon 2045; ce pour être en mesure de faire face à la montée en puissance chinoise qui, dans le domaine naval, peut s’appuyer sur une production à la fois très dynamique et économique. La Marine de l’Armée Populaire de Libération met ainsi en service chaque année une dizaine de destroyers et frégates, contre 3 navires de ces types pour l’US Navy. En outre, comme dit précédemment, ces surcouts sont exprimés en $ constants, et ne prennent pas en compte les effets de la forte inflation qui touche les Etats-Unis depuis de nombreux mois, et qui commence à poser d’importants problèmes en matière de planification militaire, par nature exprimée en $ courants.

La solution la plus évidente pour l’US Navy serait de s’appuyer sur des programmes téchnologiquement moins ambitieux, sachant que la plus-value opérationnelle de la technologie suit une courbe logarithmique là où la courbe des surcouts technologiques suit une courbe exponentielle. En d’autres termes, les technologies nécessaires pour conférer à un navire une plus-value opérationnelle de 10%, a de fortes chances d’engendrer un surcout budgétaire bien plus important, de l’ordre de 25 à 30%. C’est précisément ce pari qui sonna le glas de la classe de sous-marins nucléaires d’attaque Sea Wolf, des navires effectivement très performants et très modernes, mais au prix de couts de production deux fois plus élevés que ceux d’un SNA de la classe Virginia, il est vrai légèrement moins performant notamment en terme de vitesse et de capacités de plongée.

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Destinée à remplacer les Los Angeles, les SNA classe Seawolf étaient très performants mais beaucoup trop onéreux, obligeant l’US Navy à se rabattre vers un nouveau modèle, plus polyvalent mais moins performant et surtout, sensiblement moins cher, la classe Virginia. Seuls 3 SeaWolf furent finalement construits pour un cout total de 21 Md$ .

Ce biais technologiste n’est pas l’apanage de l’US Navy outre Atlantique. Ainsi, le Secrétaire à l’US Air Force, Franck Kendall, a dès son arrivée fait fit de la trajectoire innovante tracée par son prédécesseur, pour recoller au developement d’un futur NGAD hyper-technologique pour prendre la suite du F-22 Raptor, et ce au prix d’un cout unitaire de « plusieurs centaines de millions de $ », selon ses propres mots. Quant à l’US Army, elle vient de commander 500 chars légers FPC certes très performants, mais dont le cout unitaire de 15 m$ dépasse allègrement celui de la plupart des modèles existants de chars lourds en dehors de l’Abrams et du Leopard 2. Or, cette stratégie qui fait, sans le moindre doute, la joie des industriels américains et de leurs actionnaires, se heurte désormais de plein fouet à la rigueur et l’équilibre des programmes chinois, dont la dimension navale ne fait que préfigurer l’effort à venir dans l’ensemble des domaines.

Il est vrai que contrairement à l’Armée Populaire de Libération, qui parvient chaque année à recruter plus de 800.000 conscrits pour un service militaire de 2 ans sur la base du seul volontariat, et qui dispose d’un réservoir de militaires et miliciens mobilisables de plus de 8 millions d’hommes, les Armées américaines, à l’instar de l’ensemble des armées occidentales, peinent à recruter les effectifs nécessaires pour maintenir leur format, y compris pour les armes technologiques, ainsi qu’à les fidéliser au delà du premier engagement. Dans ces conditions, la tentation de s’en remettre à la technologie comme alternative à la masse peut sembler pertinente, même si l’histoire a souvent montré que cette solution ne produisait que rarement les résultats escomptés.

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Les nouveaux destroyers et frégates chinois, comme le destroyer lourd Type 055, disposent eux aussi de technologies avancées et d’un grande puissance de feu. Mais ils sont produits beaucoup plus rapidement que les Arleigh Burke américains.

Quoiqu’il en soit, il semble que la stratégie industrielle suivie depuis près de 3 décennies par les Armées et les industries de défense américaines atteint désormais ses limites face à la planification et la puissance industrielle chinoise. Dans le respect des planifications actuelles, il faudra encore plusieurs années à l’Armée Populaire de Libération pour faire jeu égale, en terme de puissance opérationnelle conditionnée par le produit de la masse et de la technologie, avec les Armées américaines. Mais là ou le discours officiel de Pékin vise un basculement stratégique pour 2049 et le centenaire de la République Populaire de Chine, tout indique aujourd’hui que ce basculement pourrait intervenir bien plus tôt, et même lors de la prochaine décennie, sauf à profondément revoir les paradigmes de la planification industrielle et technologique de défense américaine, et par extension, celle de ses alliés, partenaires et surtout clients.

La Chine aurait doublé la production d’avions de chasse depuis un an

Entre 2014 et 2017, les chantiers navals chinois lancèrent conjointement 6 destroyers ainsi qu’une dizaine de frégates et d’une quinzaine de corvette. Cette production de navires modernes étaient déjà perçue alors comme un important effort de la part de Pékin pour moderniser et renforcer sa flotte. Toutefois, pour la seule année 2021, ce furent pas moins de 7 destroyers et 2 frégates qui furent lancés par les chantiers chinois, aux cotés d’un nouveau porte-avions et de nombreux autres navires, tous considérés comme parfaitement modernes et très bien équipés et armés. Pour soutenir l’extension de la flotte chinoise, Pékin a par ailleurs mis en place 3 centres de formation, d’entrainement et de simulation modernes, un par flotte, pour former, entrainer et qualifier les équipages concomitamment à la livraison des nouveaux navires. De fait, la montée en puissance de la Marine de l’Armée Populaire de Libération, est devenue le marqueur visible de la modernisation et de l’extension très rapide des forces armées chinoises, alors qu’en 2019, Pékin a interdit la diffusion d’informations, notamment sur les réseaux sociaux, concernant les forces armées et l’industrie de défense du pays.

Pour autant, les observateurs avisés parvinrent à suivre la montée en puissance des autres forces armées chinoises, en particulier pour ce qui concerne les forces aériennes. Ainsi, sur la base de l’observation des numéros de séries et immatriculations des photos d’avions de combat publiées sur les reseaux sociaux et dans les articles de presse chinois, un consensus émergea concernant la production d’avions de combat annuelle chinoise, avec environs 80 nouveaux chasseurs livrés aux forces aériennes et aéronavales chinoises chaque année, dont de 20 à 30 J-20 de 5ème génération. A l’occasion du salon aéronautique de Zhuhai 2022, qui s’est tenu au début du mois de Novembre, il devint évident que la production chinoise d’avions de combat avait considérablement augmenté ces derniers mois. Ainsi, là ou le parc de J-20 était estimé, il y a une année, autour de 150 exemplaires, il semble désormais qu’il atteindrait entre 220 et 260 appareils, sur la base de l’observation d’immatriculation attestant que la production du troisième lot d’appareils serait largement entamée, avec une production, en une année, de 70 à 80 nouveaux appareils, soit à minima le double du rythme de production observée jusque là.

J16 Alliances militaires | Analyses Défense | Australie
Dérivé du Su-30, le J-16 dispose d’une avionique entièrement renouvelée et beaucoup plus moderne que son homologue russe, ainsi que de nouveaux réacteurs pour une plus grande autonomie et des performances accrues

La production de J-20 n’est pas la seule qui semble avoir augmenté ces derniers mois. Ainsi, le nombre de chasseurs lourds polyvalents J-16 semble lui aussi avoir sensiblement augmenté depuis une année, alors que de nombreux nouveaux J-10C monomoteurs et J-15 embarqués ont également été observés. Au total, il semble que la production annuelle d’avions de combat par les industries chinoises aient doublé en une année, pour atteindre et même probablement dépasser les 150 appareils par an, soit un rythme de production sensiblement équivalent à celui soutenu par les entreprises aéronautiques américaines concernant les F-35, F-15EX et F/A-18E/F à destination des forces armées américaines.

Si cette augmentation de cadence de production a surpris par sa fulgurance, elle n’en était pas moins attendue par les spécialistes du secteur. En effet, jusqu’il y a peu, les chasseurs chinois, y compris le J-20 de 5ème génération, emportaient des turboréacteurs de facture russe, obligeant Pékin à s’appuyer sur des accords avec Moscou pour la production et la maintenance de ces appareils. Malgré de très importants efforts consentis par les industries chinoises, en terme d’ingénierie, de rétro-ingénierie et d’espionnage industriel et technologique, celles-ci ont longtemps peiné à produire un turboréacteur performant et surtout suffisamment fiable, susceptible d’équiper un avion de combat. il fallut attendre le début de 2020 pour voir le premier J-10C équipé d’un turboréacteur local WS-10, signe de la nouvelle confiance des forces aériennes chinoises dans ce turboréacteur qui, jusqu’ici, était réservé aux chasseurs bimoteurs comme le J-11 pour en palier le manque de fiabilité.

WS10A sur J10B Alliances militaires | Analyses Défense | Australie
L’arrivée du WS-10 sur le chasseur monomoteur J-10 a marqué la confiance de l’APL envers ce nouveau turboréacteur de facture locale

De toute évidence, et comme anticipé, l’arrivée du WS-10 désormais fiable et performant, a constitué le point de départ attendu par Pékin pour entamer la production intensive de nouveaux avions de combat, y compris le très performant J-20, comme ce fut le cas précédemment dans le domaine naval lorsque les industries chinoises furent en mesure de produire des systèmes de propulsion navals performants et fiables avant d’entamer la production intensive de destroyers et de frégates. Et si l’on suit la dynamique suivie dans le domaine naval, on peut même s’attendre à ce que les cadences de production d’avions de combat augmentent encore dans les mois et années à venir, sachant que l’industrie navale chinoise lance aujourd’hui des navires de surface combattants à rythme beaucoup plus soutenu que ne le peuvent les industriels américaines, et que les forces aériennes chinoises disposent encore de prés d’un millier d’avions de chasse d’ancienne génération comme le J-7, largement dépassés vis-à-vis des appareils mis en oeuvre par les Etats-Unis et le bloc occidental.

Reste qu’au delà du rapport de force numérique, l’augmentation de la production d’avions de combat par Pékin n’ira pas sans poser d’importants problèmes aux forces occidentales. Ainsi, le J-20, s’il n’égale probablement pas le F-22 en matière de supériorité aérienne, n’en est pas moins un chasseur très performant, discret et remarquablement armé de nouveaux missiles considérés comme probablement très efficaces. En outre, de par sa masse et sa configuration, l’appareil dispose d’une allonge et d’une autonomie sensiblement supérieures à celles, par exemple, du F-35 ou du F-16, un atout de taille au dessus des immensités du Pacifique. Il en va de même du plus conventionnel mais performant J-16, dérivé du Su-30 mais disposant d’une avionique de nouvelle génération et d’une panoplie d’armements étendue, qui fait selon toutes vraisemblances jeu égal avec les versions les plus évoluées du F-15D/E, alors que le prochain chasseur moyen de 5ème génération embarqué J-35 semble plus proche que jamais d’un début de production. De fait, si les appareils chinois ne parviennent probablement pas à faire jeu égal avec les chasseurs américains en terme de furtivité, ils ne semblent pour autant pas désavantagés sur ce théâtre particulier, alors même que tout porte à croitre que leur nombre sera appelé à rapidement et massivement augmenter dans les années à venir.

4 arguments en faveur du développement d’un char Leclerc 2 en amont du programme franco-allemand MGCS

La conception d’un char Leclerc 2 comme solution intérimaire, dans l’attente du MGCS, aurait quatre arguments à faire valoir : répondre aux besoins immédiats de l’armée de terre, disposer d’une plateforme polyvalente pour des blindés chenillés spécialisés, étoffer l’offre industrielle française sur la scène internationale et, de manière contre-intuitive, baisser la pression et les risques d’échec du programme MGCS.

Parmi les nombreux enseignements hérités du conflit en Ukraine, le rôle central du char de combat dans la manœuvre terrestre, qu’elle soit offensive ou défensive, est probablement celle qui prit le plus à contre-pieds de nombreuses certitudes héritées de la fin de la guerre froide, ainsi que des deux guerres irakiennes.

Pour de nombreuses forces armées, jusqu’il y a peu, le char de combat était un héritage en passe d’obsolescence, face à la multiplication et la densification des menaces, avec l’arrivée de systèmes antichars de plus en plus performants, y compris aux mains de l’infanterie.

En Ukraine, cependant, comme ce fut le cas dans le Haut-Karabakh deux ans plus tôt, il devint rapidement évident qu’en dépit de ces menaces, et du rôle central repris par l’artillerie, le char de combat, et plus globalement les véhicules blindés lourds, avaient conservé cette capacité unique à percer les lignes ennemies, ainsi qu’à repousser les assauts adverses.

De fait, et même si le phénomène avait redémarré depuis plusieurs années, toutes les grandes armées mondiales et européennes en particulier, ont à nouveau remis le char lourd au cœur de leur planification.

Ainsi, alors que le marché du char de combat connut une période de calme plat pendant près de 20 années, celui-ci a connu une croissance fulgurante ces trois dernières années, y compris pour des armées qui, il y a encore peu, envisageaient très sérieusement de retirer ce type de blindés de leur inventaire.

La France ne fait pas exception, même si l’Armée de Terre a tout fait pour maintenir une telle capacité, y compris lors des années 2010-2015, les plus critiques en terme budgétaire comme politique.

Ainsi, l’Armée de Terre a maintenu 3 régiments cuirassiers armés chacun d’une cinquantaine de chars lourds Leclerc alors que deux régiments blindés disposent d’une compagnie de Leclerc aux côtés de leurs véhicules de combat d’Infanterie, pour un total de 220 Leclerc en service à ce jour.

En outre, 200 de ces chars, livrés au cours des années 90, sont en cours de modernisation, notamment pour intégrer la bulle de combat infocentrée SCORPION aux côtés des Griffon et Serval remplaçant les vénérables VAB, et des Jaguar qui remplacent les AMX-10RC et ERC-90.

Surtout, Paris et Berlin ont lancé, en 2017, un programme conjoint visant à developper à horizon 2035 le remplaçant du Leclerc, mais également du Leopard 2.

Désigné Main Ground Combat System ou MGCS, ce programme rencontre, à l’instar de son pendant SCAF pour le remplacement des avions de combat Rafale et Typhoon, de nombreuses difficultés industrielles et politiques, au point que sa pérennité est aujourd’hui plus que menacée, comme le sont les délais visés.

VBMR Griffon Mali Alliances militaires | Analyses Défense | Australie

Si la trajectoire suivie par Paris et Berlin etait raisonnable et cohérente en 2017, lorsqu’elle fut entamée, le contexte et la menace ont considérablement évolué depuis, au point qu’il pourrait être pertinent d’envisager une accélération du programme MGCS pour y répondre.

Toutefois, eu égard aux difficultés rencontrées par les deux pays dans leur collaboration, une telle solution semble difficile à mettre en œuvre, ouvrant la voie à une seconde alternative, la conception et la construction, sur des délais réduits, d’un successeur direct au char Leclerc, que nous appellerons dans cet article « Leclerc 2 » pour en marquer la filiation directe.

Comme nous le verrons, la France aurait, de manière très factuelle, tout intérêt à s’engager dans une telle démarche, tant pour répondre aux besoins à court et moyen terme de l’Armée de terre, que pour disposer d’une plate-forme chenillée polyvalente capable d’accueillir ses besoins émergents en termes de haute intensité. Elle permettrait enfin de se saisir de réelles opportunités industrielles en Europe et dans le Monde.

Que pourrait-être le char Leclerc 2 ?

À l’instar du Challenger 3 entamé outre manche, un programme Leclerc 2 aurait pour objet d’intégrer à la plate-forme Leclerc existante, de nouvelles capacités résultantes des avancées technologiques développées ces dernières années.

Il s’agirait, par exemple, de doter le blindé de capacités de communication et d’engagement coopératif avancées, ainsi que d’une vétronique de nouvelle génération, à l’instar de celle qui équipe d’autres programmes de même type, comme le KF-51 Panther allemand.

La létalité du char devrait, elle aussi, être étendue, qu’il s’agisse d’embarquer un canon de calibre plus imposant comme le canon ASCALON de Nexter de 140 mm, ou de doter le char de capacités de frappe supplémentaires en le dotant de missiles antichars à moyenne portée comme l’Akheron MP.

La survivabilité du char serait également accrue, avec l’intégration native d’un système de protection soft kill / hard kill comme le nouveau APS Prometeus de Nexter qui devrait déjà équiper les Leclerc MLU, Jaguar et Griffon, ainsi que d’un système de camouflage multispectral comme le Salamandre.

Cette survivabiltié serait accrue en le dotant d’un tourelleau téléopéré doté d’un canon de petit calibre pour la protection rapprochée, notamment contre les drones et en environnement urbain.

Enfin, à l’instar de la trajectoire suivie outre atlantique avec l’AbramsX, il pourrait être pertinent de doter le char d’une propulsion hybride électrique pour en accroitre l’autonomie au combat, et lui conférant des capacités de déplacement furtives.

Un char Leclerc 2 pourrait profiter des avancées technologiques réalisées sur le démonstrateur EMBT, comme sa tourelle.
Un char Leclerc 2 pourrait profiter des avancées technologiques réalisées sur le démonstrateur EMBT, comme sa tourelle.

Au-delà d’un simple empilement de capacités nouvelles, il s’agirait avant tout d’accroitre l’efficacité du char en se basant sur des technologies effectivement disponibles dès à présent.

Cela permettrait une mise en production rapide, et une entrée en service avant la fin de la décennie, tout en réduisant au strict minimum les risques industriels et technologiques, les couts de développement ainsi que les couts de production.

Il serait possible, ainsi, de répondre aux besoins de l’Armée de terre, mais également de disposer d’une offre compétitive et attractive sur la scène internationale, aussi bien face au K2 Black Panther sud-coréen que d’un éventuel KF-51 Panther allemand ou AbramsX américain.

Un besoin critique pour l’Armée de Terre

Pour l’Armée de Terre, un programme Leclerc 2, dont les livraisons pourraient être entamées avant la fin de la décennie, répondrait à de nombreux besoins.

En effet, à ce jour, elle prévoit de disposer de seulement 200 chars Leclerc, et ce, jusqu’à l’arrivée du MGCS. En outre, les opportunités qui permettraient d’accroitre ce parc sont très limitées, de l’ordre de 70 chars supplémentaires. La chaine de production du Leclerc avait été démontée au début de la précédente décennie en l’absence de nouvelles commandes et de perspectives commerciales.

Or, sur la base des pertes enregistrées de part et d’autre en Ukraine depuis le début de cette guerre, un tel format ne permettrait pas de répondre aux exigences d’un engagement de longue durée, même en considérant une intervention en coalition.

En outre, même si la trajectoire finale de la future Loi de Programmation Militaire 2024-2030, en cours de préparation, est encore inconnue, le ministre des Armées a, d’ores et déjà, annoncé que la réserve opérationnelle serait doublée lors de cette LPM, passant de 40.000 à 80.000 réservistes, pour l’essentiel au sein de l’Armée de terre.

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Or, comme l’a également montré le conflit en Ukraine, disposer de capacités humaines renforcées, permettant un roulement des effectifs en zone de combat, n’a de valeur que si les Armées disposent aussi des moyens matériels pour soutenir cette rotation.

En d’autres termes, pour optimiser l’efficacité d’une réserve opérationnelle étendue, il est indispensable de disposer d’une réserve d’équipement au moins équivalente.

Or, si Nexter et Arquus, les deux principaux industriels français dans le domaine des blindés, peuvent effectivement fournir davantage de Griffon, Jaguar, Serval, VBCI et autres CAESAR, la production de nouveaux chars lourds, et plus globalement de blindés lourds chenillés, est à ce jour impossible.

Dans cette hypothèse, la France serait contrainte, pour renforcer cette dimension, de se tourner vers des productions étrangères en cas de besoin. Un comble lorsque l’on sait que le K2 Black Panther sud-coréen, précisément le char qui aujourd’hui remporte le plus de succès en Europe, est semble-t-il très inspiré du Leclerc lui-même.

Une plate-forme polyvalente pour de nombreux besoins

Au-delà de la production de chars lourds modernisés pour renforcer le parc, et donc la résilience de l’Armée de Terre, un programme Leclerc 2 répondrait également à un besoin critique pour celle-ci, à savoir de disposer d’une plate-forme chenillé lourde susceptible d’être déclinée en de nombreux blindés spécialisés.

Une telle plateforme permettrait de concevoir un système d’artillerie lourde chenillée sous blindage pour remplacer les AuF1, un successeur aux lance-roquettes unitaires, un système anti-aérien et anti-drones à courte portée SHORAD tout terrain, des véhicules du génie spécialisés, et même un véhicule de combat d’infanterie lourd capable d’évoluer sur une ligne de front de haute intensité.

Il s’agirait donc de s’appuyer sur une stratégie comparable à celle mise en œuvre par l’allemand Rheinmetall autour de la plate-forme Lynx, déclinée en de multiples versions pour répondre aux besoins des clients potentiels.

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La production de Leclerc 2 permettrait d’envisager la production de blindés chenillés spécialisés lourds, comme un remplaçant au canon automoteur AuF1.

Or, qu’il s’agisse de répondre aux besoins de l’Armée de Terre comme du marché international, l’offre française en matière de véhicules blindés s’est spécialisée, ces 30 dernières années, sur des blindés sur roues.

Ces derniers sont certes très efficaces, plus économiques et mobiles sur la plupart des théâtres, mais ils souffrent de réelles limitations, que ce soit en matière de mobilité tout terrain, en particulier sur terrain boueux ou enneigés, mais aussi en termes de masse.

En effet, la roue conserve son avantage sur la chenille tant que la masse par essieux n’excède pas les huit tonnes. De fait, un véhicule 8×8, comme le VBCI, ne peut guère excéder les 32 tonnes, alors qu’un 6×6 doit se maintenir autour des 24 tonnes, des masses relativement faibles pour des blindés destinés à la haute intensité.

Rappelons ainsi que le KF-41 Lynx allemand dépasse allègrement les 40 tonnes. De la même manière, la majorité des systèmes d’artillerie chenillés ont une masse très supérieure à 45 tonnes, comme le Pzh2000 allemand et ses 55 tonnes, ou le K9 sud coréen et ses 47 tonnes.

De fait, en s’engageant dans un programme Leclerc 2, l’industrie française pourrait retrouver une plateforme susceptible de répondre à de nombreux besoins qu’elle est aujourd’hui incapable de satisfaire, tant pour l’Armée de terre que pour l’exportation.

Une réponse industrielle à un besoin international pressant

En effet, comme le montre le succès des K2, K9 et AS21 sud-coréens sur la scène internationale ces derniers mois, la demande mondiale en matière de blindés lourds est de nouveau importante, en Europe comme sur le reste de la planète.

Or, dans les années à venir, le gradient entre les besoins de modernisation et d’extension des armées sera important, en particulier concernant des blindés lourds et chenillés, ainsi que l’offre industrielle effectivement disponible pour produire et livrer ces blindés dans des délais requis.

Cette pression industrielle sera en outre accentuée par l’affaiblissement notable de l’offre russe dans ce domaine, alors que jusqu’ici, elle couvrait plus de 35 % des acquisitions de blindés lourds dans le monde.

Cet appel d’air permet à de nouveaux acteurs, comme la Corée du Sud, la Chine et la Turquie, de se positionner et de prendre d’importantes parts de marché, au détriment des acteurs traditionnels russes, européens et américains, tant par des équipements modernes et performants effectivement disponibles, que par des prix particulièrement agressifs.

Même la puissante industrie allemande, omniprésente sur ce marché depuis 5 décennies avec les succès du Leopard puis du Leopard 2, ne dispose dorénavant que d’une capacité de production industrielle réduite, en particulier dans le domaine des blindés chenillés lourds, handicapée qu’elle est par la faiblesse des commandes de la Bundeswehr dans ce domaine pendant près de 30 ans.

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Le K2 Black Panther sud-coréen a remporté un très important contrat en Pologne, et semble favoris en Norvège pour remplacer le Leopard 2A4.

De fait, pour l’industrie française, il s’agit d’une opportunité temporelle rare pour revenir sur ce marché très concurrentiel, mais également très lucratif, jusqu’ici entre les mains de trois acteurs majeurs : les Etats-Unis, la Russie et l’Allemagne.

L’opportunité est d’autant plus importante que le Leclerc 2 peut s’appuyer, contrairement aux autres modèles, sur une plate-forme parfaitement fiabilisée et disposant de certains atouts comme une masse de 57 tonnes, de 10 tonnes inférieure à celles du Leopard 2 et de l’Abrams M1A2.

Or, pour l’industrie allemande comme américaine, le principal enjeu repose précisément sur l’allègement de leurs plateformes, la masse étant devenue un handicap sensible sur le champ de bataille, comme l’ont montré le programme KF-51 sur châssis Leopard 2, ou le programme AbramsX reprenant la base de l’Abrams, tous deux s’enorgueillissant pourtant d’une masse inférieure à 60 tonnes.

Réduire la criticité du programme MGCS

Reste qu’un successeur au Leclerc, en dépit des nombreux arguments en sa faveur, pourrait être perçu comme une menace directe contre le programme franco-allemand MGCS, que l’on sait revêtir une dimension politique et symbolique au moins aussi importante qu’opérationnelle et industrielle, en particulier pour l’exécutif français.

Au contraire, un tel programme renforcerait les chances de succès du programme franco-allemand, de manière contre-intuitive, sans jamais venir le menacer dans ses fondements ou son exécution.

En effet, la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur le MGCS, comme sur le SCAF, n’est autre que sa criticité opérationnelle, en particulier pour ce qui concerne son calendrier. Ainsi, les difficultés rencontrées par les industriels et les états au sujet du partage industriel, induisent désormais des délais supplémentaires qui viennent directement menacer les capacités opérationnelles des armées à horion 2035 ou 2040.

Rappelons à ce titre que les deux programmes ont été conçus pour prendre le relais d’équipement arrivant précisément en limite d’efficacité à ces dates. En d’autres termes, à chaque nouvelle hésitation franco-allemande, les risques augmentent de voir l’un des deux acteurs quitter le programme pour une solution alternative plus en adéquation avec le calendrier de ses besoins.

En outre, les tensions autour du partage industriel sont, en partie, liées à la crainte, pour les industriels, de devoir renoncer à certaines compétences clés sur l’autel de la ventilation des sous-programmes et des piliers entre les différents acteurs européens.

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Les difficultés rencontrées par le programme MGCS entrainent des délais qui viennent directement menacer la pérennité du programme

Or, le développement d’un programme comme Leclerc 2, atténuerait justement ces deux aspects menaçant l’exécution de MGCS. Ainsi, en disposant d’un parc de transition composé de Leclerc 2, la menace de délais supplémentaires autour du programme franco-allemand serait largement atténuée, comme le serait celle sur les capacités opérationnelles de l’Armée de terre que représentent les risques d’échec du programme lui-même.

De même, les menaces sur les savoir-faire industriels et technologiques de la BITD française, liées au partage industriel, seraient, eux aussi, atténués par le développement du Leclerc 2, surtout si le char de combat et ses avatars rencontraient un certain succès sur la scène internationale.

Enfin, dans une telle hypothèse, il est probable que le succès international du Leclerc 2 limiterait la pénétration du marché par de nouveaux acteurs comme la Corée du Sud, la Turquie ou la Chine, et pourrait même s’emparer de certaines parts de marchés russes. Il assoirait les chances d’exportation de MGCS dans la durée, comme c’est le cas aujourd’hui du Mirage 2000 vis-à-vis du Rafale.

Conclusion

Comme nous l’avons établi, il existe de nombreux arguments en faveur du développement d’un char de combat Leclerc 2 par l’industrie de défense française, et ce quel que soit l’avenir du programme MGCS.

Loin de représenter une menace sur celui-ci, il en renforcerait la pérennité et les chances de succès, en atténuant les pressions industrielles et opérationnelles qui y sont attachées. Il permettrait, en outre, de renforcer le format et la résilience de l’Armée de terre concomitamment à l’extension de la Réserve Opérationnelle, tout en lui permettant de developper certains modèles de blindés spécialisés hors de portée aujourd’hui.

Enfin, il prendrait corps sur un marché très dynamique marqué par une forte demande alors que l’offre est limitée. Surtout, il permettrait à la France de garder une présence indispensable sur ce marché en pleine recomposition avec l’apparition de nouveaux acteurs aussi agressifs commercialement que performants du point de vue industriel.

De ce dernier point de vue, on peut même penser qu’un tel programme pourrait s’avérer indispensable afin de ne pas être, à moyen terme, marginalisé irrévocablement sur ce marché.

Après la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie se tournent, elles-aussi, vers le F-16

Si les États-Unis et Lockheed Martin ont enregistré de nombreux succès commerciaux en Europe et dans le Monde ces dernières années avec le F-35, alors que l’Autriche, la République tchèque et l’Espagne sont prêts à rejoindre les 10 pays européens ayant déjà commandé l’appareil ou entamé des négociations exclusives officielles avec les États-Unis à ce sujet, un autre appareil américain, pourtant conçu au début des années 70, continue de s’exporter avec succès : le F-16, lui aussi construit par Lockheed Martin.

Ainsi, depuis 2018, le chasseur monomoteur américain a été acquis par le Maroc, la Slovaquie et Taïwan au dernier standard F-16V Block 70/72 équipé notamment d’un radar EASA, alors que plusieurs pays, dont la Grèce, ont entrepris de moderniser leurs flottes à ce standard sous la forme de l’acquisition de kits d’évolution.

Ces derniers jours, ce fut au tour de la Bulgarie d’annoncer son intention de commander des F-16V pour remplacer ses MIG-29, alors que la Roumanie a annoncé l’acquisition de 32 F-16 d’occasion auprès de la Norvège destiné à évoluer aux côtés de 14 appareils acquis auprès des États-Unis en 2012, afin de retirer du service ses derniers MIG-21.

Pour Sofia, cette annonce conclut un processus controversé engagé dès 2013, lorsque le pays entama les consultations afin d’acquérir des F-16 d’occasion auprès de plusieurs opérateurs historiques de l’appareil américain, comme la Belgique et les Pays-Bas. En 2016, cependant, l’instabilité politique dans le pays eu raison de ce processus, et de nouvelles négociations furent entamées avec d’autres partenaires, y compris pour tenter d’acquérir des Typhoon et des F-16 d’occasions, mais également le Gripen suédois.

En 2017, les négociations autour du Gripen suédois perduraient, alors que Boeing proposa son Super-Hornet, et que le Parlement bulgare approuvait une enveloppe de 1,3 Md€ pour financer l’acquisition d’avions de combat pour remplacer ses Mig-29, mais également de nouveaux patrouilleurs navals.

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les forces aériennes bulgares alignent encore une dizaine de Mig-29 et 7 Su-25

Finalement, en 2018, Sofia annonça sa décision d’acquérir 8 F-16V auprès de Washington, mettant fin à toutes les autres négociations. Toutefois, ce ne fut pas la fin de ce dossier à rebondissement, le président bulgare Rumen Radev, lui-même ancien pilote de chasse, posa son veto sur l’acquisition des 8 F-16 en juillet 2019, jugeant l’enveloppe budgétaire excessive pour le pays dont le PIB plafonnait à 57 Md$.

Quelques mois plus tard, celui-ci tenta de se rapprocher du sud-coréen KAI pour acquérir le chasseur léger FA-50 Golden Eagle en lieu et place du F-16, l’appareil étant 3 fois moins cher à l’achat que le chasseur américain. Finalement, le 3 novembre, face à la recomposition de la menace en Europe de l’Est, les dissensions politiques bulgares se sont effacées, et le parlement avalisa à une écrasante majorité (162 voix pour, 49 contre et 11 abstentions) la commande de 8 F-16V, avec munitions et pièces de rechanges, pour un montant global de 1,3 Md$, les appareils devant être livrés à compter de 2027.

Les négociations concernant l’acquisition de 32 F-16 AM/BM norvégiens d’occasion par la Roumanie pour un montant de 388 m€, incluant un stock de pièces détachées et la formation des personnels de maintenance, furent moins mouvementées. Dès 2019, Bucarest annonça son intention d’acquérir une telle flotte auprès des opérateurs historiques européens, en particulier ceux qui commençaient à recevoir leurs F-35 A, ce, après avoir déjà acquis 12 F-16 d’occasion auprès du Portugal en 2012, et 5 de plus en 2019.

La dégradation sensible de la situation sécuritaire du pays, la Roumanie étant frontalière de l’Ukraine et de la Moldavie et faisant face à la Turquie et la Russie en mer Noire, amena Bucarest à expédier les négociations avec la Norvège pour remplacer sa flotte de Mig-21 exposée à de plusieurs accidents ces derniers mois. De fait, les livraisons norvégiennes débuteront dès l’année prochaine, et seront terminées avant la fin de l’année suivante.

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Les forces aériennes roumaines ont perdu deux MIG-21 par accident en Avril 2021 et mars 2022

Les forces aériennes roumaines disposeront alors de 48 F-16 A/B, des appareils certes performants, mais technologiquement en fin de vie. Surtout, les F-16 portugais et norvégiens arriveront presque simultanément au bout de leur potentiel de vol de 8000 heures, ce qui obligera Bucarest soit à procéder, comme l’US Air Force, à entreprendre une couteuse procédure de modernisation pour étendre le potentiel de vol de chaque cellule à 12.000 heures, soit à acquérir une nouvelle flotte de chasse d’ici 5 à 8 ans.

Cette dernière hypothèse semble être privilégiée par les autorités roumaines, celles-ci ayant déjà signifié leur intérêt pour acquérir un escadron (12 à 16 appareils) de F-35 A. Toutefois, avec un PIB de 280 Md$, il sera très difficile pour Bucarest de basculer sa flotte de chasse intégralement vers l’avion furtif de Lockheed Martin sauf à drastiquement réduire son format.

Il est aussi probable que, comme la Grèce ou la Pologne, la Roumanie fasse le choix d’une flotte de chasse composite formée de 2 modèles d’appareils. Aux côtés du F-35, le F-16V et le Rafale ont le plus de chances d’être retenus par Bucarest, le premier du fait de la flotte de F-16 delà mise en œuvre par les forces aériennes roumaines, le second sur la base des relations de défense renforcées que partagent Paris et Bucarest depuis 3 ans, et des performances supérieures de l’avion français face au F-16 américain.

Quoi qu’il en soit, à l’instar de plusieurs autres pays européens, comme la Slovaquie, la Hongrie, la Grèce et le Portugal, la Bulgarie et la Roumanie se sont tournées vers un appareil plus économique que ne le sont les F-35, Typhoon et Rafale, pour renforcer ou moderniser leurs flottes.

Plusieurs d’entre eux devront, à ce titre, prochainement entamer les consultations pour le remplacement de leurs F-16 ou de leurs Gripen, et devront faire face aux mêmes dilemmes que ceux rencontrés par la Belgique, le Danemark ou les Pays-Bas, obligés de considérablement réduire le format de leur flotte de chasse pour financer l’acquisition d’appareils beaucoup plus onéreux comme le F-35.

Ce contexte, qui est loin de ne toucher que l’Europe, plaide, comme nous l’avons déjà abordé, en faveur du développement d’un chasseur monomoteur économique, mais à hautes performances, successeur désigné du F-16 ou du Mirage 2000, domaine de prédilection de l’industrie aéronautique française, alors même que ni les États-Unis, ni la Russie ne se sont effectivement engagés sur ce créneau.

La Marine Nationale veut calquer sa strategie capacitaire sur les programmes aéronautiques

Lorsqu’il entra en service en 2002 au sein de la flottille 12F de l’aéronautique navale pour remplacer ses antédiluviens F-8F Crusader, les premiers Rafale Marine furent livrés au standard F1, qui ne disposait alors que de capacités air-air. Mais dès l’entame du programme, l’évolutivité de l’appareil et le planning des versions étaient au coeur de la stratégie poursuivie par le Ministère de La Défense et la Team Rafale. C’est ainsi qu’en 2005, l’Armée de l’Air commença à recevoir ses premiers Rafale B et C au standard F2, spécialisés dans les frappes Air-Sol pour remplacer le retrait des SEPECAT Jaguar franco-britanniques, suivi en 2009 du Rafale F3, capable de mener les deux missions, ce aussi bien pour les Rafale B et C de l’Armée de l’Air que les Rafale M de la Marine Nationale, lui conférant son statut d’avion multi-rôle. Depuis, 3 autres versions successives sont apparues, la F-3O4T puis du fameux F-3R effectivement omnirôle et capable de mener simultanément des missions air-air, air-sol, air-surface et de reconnaissance, et auxquels les 144 Rafale déjà livrés aux forces aériennes françaises ont été portés à partir de 2018. Désormais, Dassault Aviation et la team Rafale développent la version F-4 qui doit arriver en 2024 et qui conférera à l’appareil des capacités empruntées à la fameuse 5ème génération d’avions de combat, suivie en 2030 par la version F5 qui devrait permettre aux Rafale de contrôler et d’évoluer aux cotés de drones de combat.

Cette gestion de l’évolutivité de manière souple et planifiée offre de nombreux atouts, aussi bien du point de vue opérationnelle que du point de vue industriel et commercial. En premier lieu, cela permet effectivement aux appareils de ne pas céder à l’obsolescence, avec des évolutions régulières à un rythme quinquennal lui offrant de nouvelles capacités adaptées à l’évolution des menaces et des besoins. C’est ainsi que le Rafale F4 à venir recevra une nouvelle version de son système d’autodéfense SPECTRA, ainsi qu’un nouveau missile air-air MICA NG, de sorte à adapter la survivabilité et la létalité de l’appareil aux évolutions des moyens dont disposent les adversaires potentiels de la France, et de ses clients. Il n’est d’ailleurs en rien surprenant de constater que les premiers opérateurs étrangers du Rafale, l’Egypte et le Qatar, ont eux aussi fait évoluer leurs Rafale F3 vers la version F-3R, alors que tous visent désormais la version F4, attestant de la justesse de cette stratégie industrielle et opérationnelle suivie par Dassault et les forces aériennes françaises.

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L’évolutivité du Rafale constitue l’un des atouts majeurs du programme comme de l’appareil, en France comme sur la scène internationale

En outre, cette approche offre de nombreux intérêts tant du point de vue budgétaire, que dans la compétitivité de l’offre internationale. En effet, alors qu’une majorité du parc en service est appelée à évoluer tous les 5 ans, cette solution permet à l’industriel et ses sous-traitants de sécuriser sur la durée la pérennité de son outil de production. Alors qu’un changement de version représente un investissement industriel équivalent à 20% de la production d’un appareil neuf, un parc de 450 appareils à terme engendrera, sur un rythme quinquennal, une activité de production équivalente la production annuelle de 18 appareils neufs, soit un rythme industriel largement suffisant pour pérenniser l’outil industriel sur l’ensemble de la durée de vie opérationnelle du parc de 30 à 40 ans. Cette visibilité permet en outre aux industriels de planifier de manière sécurisée dans la durée l’amortissement de leurs investissements en terme d’infrastructures, d’équipements de production mais également de main d’œuvre, améliorant de fait la performance budgétaire du programme. S’exprimant dans le cadre de du Projet de Loi de Finance 2023 devant l’Assemblée nationale, le Chef d’etat-major de la Marine, l’Amiral Pierre Vandier, a annoncé qu’il entendait, à l’avenir, s’inspirer de cette approche évolutive récurrente pour ses propres navires.

En effet, à ce jour, les navires de la Marine Nationale suivent un schéma capacitaire organisé autour d’une unique phase de rénovation à mi-vie, généralement autour de 15 ans de service, ainsi que divers phases d’améliorations planifiées « à la demande », en fonction de l’évolution des besoins et de la menace, et du budget disponible. Pour le CEMMN, cela induit qu’un navire voit ses capacités opérationnelles diminuer de manière non linéaire jusqu’à cette rénovation à mi-vie, puis se voit doter d’une recapitalisation partielle lui permettant de maintenir son efficacité opérationnelle sur la seconde partie de vie, elle aussi marquée par une décroissance temporelle. En d’autres termes, pour l’Amiral Vandier, la flotte française passe la moitié de sa vie opérationnelle avec une capacité opérationnelle diminuée. C’est précisément là que la stratégie employée dans le domaine de l’aéronautique, en particulier autour du programme Rafale, peut offrir à la Marine Nationale une solution lui permettant d’augmenter significativement son efficacité opérationnelle dans la durée, en faisant évoluer les navires de manière planifiée selon le même rythme quinquennal que le Rafale, et en s’appuyant notamment sur la technologie des jumeaux numériques pour en fluidifier la mise en oeuvre.

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En ramenant le nombre de FREMM commandés de 17 à 8 navires sur le même relais de 10 ans, le programme est passé sous un seuil d’efficacité industriel amenant le cout par coque à 750 m€, contre 450m€ initialement prévus.

Cette approche apporterait naturellement des bénéfices comparables à ceux qui s’appliquent aux programmes aéronautiques. En terme de capacités évidemment puisque tel et le but prioritaire recherché, en permettant à la Marine Nationale d’accélérer sensiblement le tempo et la souplesse de l’évolutivité technologique et capacitaire de ses navires, qui plus est selon une planification maitrisée facilitant la gestion de la flotte. Du point de vue industriel, les bénéfices seraient également considérables, notamment pour sécuriser la pérennité de l’outil industriel qui aujourd’hui demeure très exposé du fait de sa dépendance à l’exportation pour faire la jonction entre les programmes nationaux, alors que la Marine nationale n’a pas la possibilité du fait de son format, même en tenant compte d’une probable hausse capacitaire à venir, de fournir l’activité industrielle minimum sur la durée pour préserver l’outil. Alors que le marché naval miltaires mondial est en pleine recomposition, avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Corée du Sud, la Turquie et la Chine, et le retour des Etats-Unis sur le segment des frégates avec la classe Constellation, cette stratégie industrielle et technologie peut constituer une approche salvatrice pour préserver les capacités industrielles navales militaires françaises dans les années et décennies à venir.

D’autre part, la pérennité de l’ensemble de l’outil industriel peu jouer un rôle critique dans la compétitivité des offres françaises. Rappelons à ce titre que le programme de frégates FREMM visait initialement un prix unitaire de 450 m€ par coque, lorsque la France devait acquérir 17 navires avec un engagement sur 10 ans, et que ce prix atteignit 750 m€ par navire une fois le programme ramené à 8 navires (+2 export) sur la même durée, en passant sous le seuil d’efficacité industriel. En outre, avec une flotte probable de 18 frégates et de 6 corvettes, une telle procédure sur un rythme de 5 ans avec une immobilisation moyenne de 4 mois, équivaudrait à la production annuelle de 1,6 navires par an, proche des 1,7 navires par an du programme FREMM initial, du moins pour ce qui concerne l’installation d’équipements mais également la Recherche et Developpement, soit une activité suffisante pour maintenir l’activité industrielle sur la durée, tout du moins pour ce qui concerne la production de navires de combat de surface de Lorient.

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La Marine nationale n’a pas le format nécessaire pour soutenir l’activité pluriannuelle de Naval Group, y compris dans le domaine de la construction de frégates et corvettes, créant une forte dépendance du groupe aux exportations.

Reste que si la stratégie suivie par le Rafale a montré son efficacité, cette même stratégie employée pour le programme d’hélicoptères NH90 en a également montré les risques et limites. Ainsi, le rythme des évolutions et la durée d’immobilisation doivent être à la fois calibrés vis-à-vis de la taille du parc existant, et être parfaitement respectés, faute de quoi d’importantes contraintes de disponibilité émergent, comme c’est le cas pour le NH90. En outre, il est indispensable de dimensionner la flotte pour anticiper l’immobilisation périodique des materiels pour les procédures d’évolutions. Ainsi, pour une flotte de 18 frégates et 6 corvettes, l’immobilisation moyenne annuelle serait, comme dit précédemment, de 1,6 navires, auxquels il convient d’ajouter les phases de requalification des équipages, indispensables après une immobilisation de plusieurs mois. En d’autres termes, la disponibilité réelle permanente de la Marine Nationale ne serait que de 22 navires par an, ce qui reste suffisant surtout si les navires sont régulièrement modernisés. En revanche, pour des flottes plus réduites, une telle approche peut créer des variations capacitaires sensibles, largement accrues si les délais industriels ne sont pas précisément tenus. C’est ce problème qui amena les Australiens, les Norvégiens et les Suédois à se détourner du NH90, qui peine à respecter les délais de modernisation des appareils, créant des phases d’indisponibilités critiques pour les armées, surtout lorsqu’elles ne disposent que d’une flotte réduite incapable d’absorber ces contraintes.

Le fait est, si correctement planifiée tant par les armées que par les industrielles, une procédure d’évolution itérative des navires de la Marine Nationale, offrirait effectivement de nombreux atouts, ce d’autant que plusieurs des industriels participants à la construction et l’évolution des bâtiments français, comme Thales et MBDA, participent également au programme Rafale, exemplaire dans ce domaine. Elle permettrait notamment de planifier la montée en puissance capacitaire des navires français, que l’on sait très souvent insuffisamment armés et équipés en raison d’arbitrages budgétaires lors de leurs conception et fabrication. En procédant ainsi, on peut espérer voire les nouvelles FDI recevoir les deux systèmes SYLVER supplémentaires pour les mettre au même niveau que les navires grecs, et ce d’ici seulement 5 années, comme de faire évoluer les frégates FREMM et Horizon en les dotant d’un système CIWS, de capacités étendues concernant l’embarquement de missiles dans les silos SYLVER, et pourquoi pas recevoir le nouveau radar Sea Fire de Thales qui équipe déjà les FDI, ainsi que la capacité à mettre en oeuvre divers drones et systèmes de communication, conférant à ces navires des capacités opérationnelles renouvelées et très largement renforcées. On notera à ce titre que cette approche validerait la stratégie d’équipement de la marine Nationale privilégiant le nombre de coques à l’équipement exhaustif des navires neufs, ces navires pouvant être dotés efficacement des capacités manquantes dans les années à venir.

Le harcèlement de Taiwan par la Chine s’est considérablement intensifié

Depuis 3 ans, les démonstrations de force de la part de Pékin envers son voisin taïwanais sont devenues monnaie courante, en particulier lorsqu’il s’est agi de montrer de manière ostentatoire le déplaisir des autorités chinoises vis-à-vis de certaines initiatives taïwanaises ou des Etats-Unis, comme la vente de materiels miltaires ou la visite d’officiels américains. Mais depuis 6 mois maintenant, les choses se sont sensiblement tendues entre Taipei et Pékin, et le harcèlement de Taiwan a largement gagné en intensité comme en régularité. Ce 7 novembre marque une nouvelle étape dans cette hausse des tensions, l’Armée Populaire de libération ayant déployé pas moins de 63 avions de combat face et autours de Taiwan, ainsi que 4 navires de guerre. Ainsi, 24 chasseurs bombardiers J-16 ont traversé sur quelques kilomètres la ligne de séparation de la passe de Taiwan, jusqu’ici considérée comme une frontière aérienne de fait entre les deux pays.

Ce déploiement de force n’est pas une action isolée, puisque sur les 3 derniers mois, Pékin a déployé quotidiennement en moyenne 18 avions de combat et 4 navires dans la zone de defense taïwanaise, avec des pointes d’activité à chaque nouveau pic de tension avec les Etats-Unis, seul le 31 octobre n’ayant vu aucune activité depuis le 15 aout. Surtout, contrairement à précédemment, il ne s’inscrit pas en repose à une décision ou une initiative américaine ou taïwanaise, comme ce fut le cas en mai et début aout suite à la visite de sénateurs puis de la Présidente de la Chambre des Représentants sur l’ile autonome. On notera que le jour précédent, le 6 novembre, fut également l’objet d’une intense activité avec 46 avions chinois et 4 navires dans la zone de détection taïwanaise, dont 8 chasseurs bombardiers J-16 ainsi que 2 Su-30 de même gabarit, 4 chasseurs lourds J-11, un bombardier JH-7 ainsi que 3 drones de reconnaissance lourds, un Awacs KJ-500 et 2 avions de patrouille maritime Y-8, tous à l’exception du KJ-500 ayant directement franchit la ligne de séparation de la passe de Taiwan. chose qui n’arrivait pas avant début aout et la visite de Nancy Pelosi.

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Le 7 novembre 22, 63 avions de combat dont 24 J-16 ont été déployés par Pékin au delà de la ligne de séparation du détroit de Taiwan

Ce harcèlement chinois a bien évidement un objectif de communication, et de démonstration de forces, Pékin démontrant sa capacité à soutenir une activité aérienne et navale relativement intense dans la durée. Il oblige également les armées taïwanaises à réagir, en faisant décoller sa propre chasse pour s’opposer aux incursions chinoises, mais également en déployant ses propres navires et en activant sa défense aérienne, ne serait-ce que pour suivre les trajectoires des appareils et navires adverses. Agissant ainsi, Pékin oblige Taiwan à consommer le potentiel de sa chasse composée de sensiblement moins d’appareils que l’APL, avec 300 chasseurs modernes contre plus de 1400 pour la Chine, qui plus est composée d’appareils souvent plus anciens, comme ses 27 F-5E datant des années 70, ou ses 46 Mirage 2000 et 110 F-16 C/D acquis dans les années 90. ll en va de même concernant l’activation des défenses aériennes, permettant aux avions chinois de collecter de précieuses informations électroniques sur l’emplacement et la nature de celles-ci.

De fait, cette stratégie de harcèlement sans pause menée par Pékin contre Taiwan, outre le fait qu’elle met sous tension les autorités taïwanaises et américaines, et créé un climat des plus tendus sur ce théâtre, en particulier dans et autours de la passe de Taiwan pourtant un important site de passage pour le commerce international, épuise également sans le moindre doute les hommes comme le matériel des armées taïwanaises, érodant lentement mais surement ses propres capacités de réponse tout en permettant à l’APL de collecter de précises informations. Notons, pour être parfaitement exhaustif, qu’il en va de même pour les forces armées taïwanaises, qui elles aussi récoltent de précieuses informations sur les materiels mais également sur les doctrines et stratégies employées par Pékin.

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La flotte de chasse taïwanaise est mise à rude épreuve pour faire face à la stratégie de harcèlement chinoise

Reste que cette intensification évidente de l’activité chinoise autour de Taiwan est désormais des plus préoccupantes. D’une part, comme ont pu le montrer les engagements ayant opposé la chasse turc et grecque ces dernières années, une telle stratégie est à ce point anxiogène pour les militaires que les risques d’un dérapage menant à la destruction d’avions ou de navires de part et d’autres sont très élevés, avec la menace d’un emballement hors de controle de ce conflit. Surtout, si l’objectif visé par Pékin est l’érosion des moyens de defense Taïwanais, cette stratégie ne saurait être menée sur le long terme, car au delà d’un certain seuil, et en dépit de moyens supérieurs, l’impact opérationnel négatif se fera également sentir sur les forces chinoises sollicitées pour mener ces opérations de harcèlement, avec une limite d’efficacité pouvant être atteinte dans les mois à venir, faisant naturellement faire craindre une action militaire de Pékin contre Taïwan beaucoup plus tôt qu’anticipée jusqu’ici.

Pour le chef de la dissuasion US, un conflit États-Unis Chine semble inévitable

Pour le commandant du Commandement Stratégique américain, un conflit États-Unis Chine est désormais probablement inévitable à moyen terme, et il convient pour Washington de s’y préparer, y compris dans le domaine de la dissuasion nucléaire.

Il y a juste une semaine, le chancelier allemand Olaf Scholz, accompagné d’un plein avion de chefs d’entreprise allemands, se rendait à Pékin pour rencontrer son homologue chinois, le président Xi Jinping, nouvellement réélu à la tête du pays pour une durée de cinq ans.

Pour le chef d’État allemand, il s’agissait avant tout de renforcer la coopération économique entre les deux pays, la Chine étant un marché critique pour les exportations allemandes, et le bon fonctionnement tant de son économie que de son industrie.

En Europe, cette visite engendra de nombreuses réactions, avec l’inquiétude de voir Berlin accroitre sa dépendance économique vis-à-vis de Pékin, et ainsi se retrouver, à moyen ou long terme, dans une situation similaire à celle qui est la sienne aujourd’hui du fait de sa grande dépendance au gaz russe.

Et si l’on en croit les dernières déclarations de l’Amiral Richard, chef du Commandement Stratégique américain ou Stratcom, la dissuasion du pays, le mauvais calcul du chancelier Scholz, pourrait prendre forme bien plus vite qu’anticipé.

En effet, s’exprimant dans le cadre du symposium annuel de la Naval Submarine League, l’amiral américain a dressé un tableau des plus inquiétants. Selon lui, « La guerre en Ukraine en ce moment n’est qu’une mise en bouche« , et d’ajouter « La grande (guerre) arrive, et il ne faudra plus attendre longtemps avant que nous soyons testés comme nous ne l’avons pas été depuis un long moment« .

Le fait est, l’opinion exprimée par le chef du Stratcom, est aujourd’hui largement dominante au Pentagone, et la plupart de ses officiels expliquent désormais que la confrontation avec la Chine semble inévitable, ce d’autant que les armées américaines font face à d’importantes difficultés auxquels l’Armée Populaire de Libération ne semble pas, pour sa part, exposée, en particulier dans les domaines industriels et technologiques.

P8 Poseidon de lUS Navy largant une torpille lors dun exercice ASM 1 Alliances militaires | Analyses Défense | Australie
L’US Navy dispose encore d’un important avantage technologique face à la Chine dans le domaine de la guerre sous-marine

Ainsi, pour l’Amiral Richard, l’outil de défense américain, y compris son outil de dissuasion, peut être assimilé à un navire, mais un navire qui coule, lentement certes, mais surement, alors que le fameux croisement des courbes capacitaires entre l’APL et les forces armées américaines se dessine dans un avenir de plus en plus proche.

Selon lui, le seul domaine dans lequel les États-Unis conserveraient un ascendant marqué sur l’APL, serait celui de la guerre sous-marine (notons au passage que l’Amiral Richard est sous-marinier).

Il ajoute, pour ne parler que de l’US Navy, qu’en l’absence d’une profonde mutation des capacités industrielles du pays, mais également de la méthodologie employée pour concevoir et construire les armes américaines, l’ascendant chinois à moyen terme serait inévitable, au point qu’il pourrait même mettre à mal la dissuasion américaine qui s’appuie, pour beaucoup, sur une flotte de 12 sous-marins nucléaires d’engins très évolués.

Pour donner du poids à son propos, l’Amiral Richard donna un exemple éclairant, celui du développement du missile de croisière AGM-28 Hound Dog. À la fin des années 50, avec l’apparition des missiles anti-aériens SA-2 et SA-3, il devint évident pour l’US Air Force que les bombardiers stratégiques B-52 du Strategic Air Command auraient désormais le plus grand mal à atteindre leurs cibles en Union Soviétique à l’aide de leurs bombes nucléaires gravitationnelles stratégiques.

Le Pentagone lança donc la conception d’un nouveau vecteur, le missile de croisière aéroporté AGM-28 Hound Dog, un missile d’une portée de 800 km capable d’emporter une charge nucléaire d’une mégatonne contre un objectif, à une vitesse de Mach 2, le mettant hors de portée des capacités d’interception soviétiques du moment.

Il ne fallut que 33 mois à l’US Air Force et le constructeur North American pour concevoir et produire le missile, qui entra en service sous les ailes des B-52 dès le mois de septembre 1960, à peine plus de quatre ans après l’expression de besoin.

Dans l'hypothèse d'un conflit États-Unis Chine, la dissuasion US serait appelé à jouer un rôle décisif
Il n’aura fallu que 4 ans au Stratégic Air Command de l’US Air Force et à l’avionneur North American pour concevoir et produire le missile de croisière AGM-28 pour répondre à la menace des missiles sol-air soviétiques

L’argument avancé par l’Amiral Richard n’est pas sans rappeler les déclarations du Major Général Cameron Holt, assistant au sous-secrétaire à l’Air Force en charge des acquisitions qui, à l’occasion du Government Contracting Pricing Summit en juillet 2022, affirma que la Chine produisait 5 à 6 fois plus vite ses équipements de défense que les États-Unis, et ce pour un cout jusqu’à 20 fois inférieur.

Le fait est, et même s’il est difficile de comparer la production industrielle US et chinoise, notamment du fait de l’opacité qui entoure l’Armée Populaire de Libération, il est évident que les forces chinoises se modernisent, selon les domaines, de 1,5 à 3 fois plus vite que les forces armées américaines en termes d’équipement, alors même que le budget de la Défense chinois n’équivaut qu’à 32% du budget consacré par les États-Unis à sa défense.

En outre, comme nous l’avions déjà abordé dans un précédent article, le gradient technologique, censé compenser, pour les armées occidentales, une éventuelle faiblesse numérique, est de moins en moins efficace face aux matériels chinois, en dehors, il est vrai, du domaine des sous-marins à propulsion nucléaire dans lequel les États-Unis, mais également la Grande-Bretagne et la France, conservent un ascendant technologique marqué sur les productions chinoises.

Cet étiolement de l’avantage technologique occidental est de plus en plus visible ces dernières années, comme le montrent les différents équipements à très hautes performances qui seront présentés lors du salon aéronautique de Zhuhai qui aura lieu cette semaine dans la région du Guangdong.

Pour l’Amiral Richard, il est désormais indispensable de repenser l’ensemble de la production industrielle américaine, et de revenir à certains des paradigmes des années 50, y compris dans le domaine de la dissuasion.

Car au-delà du rapport de force conventionnel avec l’Armée Populaire de Libération, le chef du Stratcom anticipe un rapide et profond durcissement des tensions mettant en œuvre la menace nucléaire dans les années à venir, comme c’est déjà le cas face à la Russie, y compris face à la Chine dans le dossier taïwanais, et face à la Corée du Nord, tous disposant d’une capacité de réponse beaucoup plus graduée que les arsenaux nucléaires occidentaux ayant fait, depuis la fin de la guerre froide, le choix du tout stratégique.

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A son arrivée à la tête de l’US Air Force, Franck Kendall Jr a fait table rase de la Digital Century Series, pour se tourner vers le F-35 et un NGAD très performant, mais très onéreux (plusieurs centaines de millions de $)

Reste que les options, pour les États-Unis, mais également pour leurs principaux alliés, pour contenir une telle menace dans les délais impartis, sont désormais peu nombreuses, et pour le moins difficiles à mettre en œuvre.

Il est ainsi exclu d’espérer, comme ce fut le cas ces dernières années, s’appuyer sur les progrès de la robotique pour répondre efficacement au rapport de force imposé par Pékin dans les 10 ou 15 années à venir, la technologie n’étant, de toute évidence, pas encore suffisamment mature pour cela, sans parler du fait que les ingénieurs chinois disposent, eux aussi, d’importants savoir-faire dans ce domaine.

De même, les changements de paradigmes industriels auxquels l’Amiral Richard font référence, supposant une conception et une production accélérée des équipements, et un tempo technologique raccourci, sont loin de faire l’unanimité tant au sein des industriels que des militaires et politiques, tous ayant évolué dans un environnement technologique basé une sur-valorisation de la R&D depuis plusieurs décennies.

Rappelons, par exemple, que le nouveau secrétaire à l’Air Force, Franck Kendall Jr, a balayé dès son arrivée au Pentagone les modèles innovants de la Digital Century Series et du programme NGAD, pour réaffirmer son soutien au F-35 et l’objectif de développer un chasseur très lourds, très technologique et très cher dans le cadre du programme NGAD. Revenir aux paradigmes et au tempo technologique des années 50 nécessiterait non seulement du temps, mais de profonds changements tant au niveau du pilotage politique qu’industriel de l’effort de défense américain.

Il ne reste guère que deux solutions au Pentagone pour répondre à ce défi. Le premier, et le plus évident, n’est autre que de plaider pour une désormais indispensable, urgente et massive augmentation du budget de la Défense US, seule solution effectivement applicable pour augmenter les capacités opérationnelles des armées US à moyen terme, et accroitre les capacités de production de l’industrie de défense américaine, que l’on sait particulièrement gourmande de crédits.

Cette solution est toutefois loin d’être évidente à mettre en œuvre, les États-Unis étant déjà très endettés à 125% de leur PIB, et le pays faisant l’objet de profondes tensions politiques ne favorisant pas l’émergence d’une dynamique efficace sur la durée dans ce domaine.

La seconde solution, de loin la plus prometteuse, repose sur une profonde évolution des liens qu’entretiennent les États-Unis avec leurs alliés, et passant d’une posture apparente de sur-protection, à une posture beaucoup plus équilibrée, s’appuyant pleinement sur les capacités militaires de ses partenaires et alliés.

Ainsi, dans le Pacifique, il semble des plus efficaces de constituer une véritable alliance militaire équilibrée regroupant l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, mais surtout le Japon et la Corée du Sud, deux pays disposant d’une capacité militaire plus que significative, ainsi que certains alliés européens ayant des intérêts régionaux.

Or, en constituant une telle alliance, les États-Unis perdraient d’importants bras de levier sur chacun de ces pays, liés à Washington par des accords de défense bilatéraux par nature déséquilibrés. De même, en Europe, ils bénéficieraient d’une mainmise moindre sur l’OTAN, obligeant les européens à assumer davantage leur propre défense, comme c’était du reste le cas lors de la Guerre Froide, les Européens alignant alors 65 à 70% des forces de l’alliance.

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L’efficacité industrielle et technologique de la Chine pose désormais un problème majeur à court terme aux États-Unis et à leurs alliés

Dès lors, il apparait que face à l’imminence de la menace chinoise, le Pentagone, et plus globalement les États-Unis, pourraient n’avoir d’autres choix que d’accepter de profondes et urgentes mutations, qui pourraient bien, à court terme, rencontrer de puissantes oppositions visant à préserver certaines positions dominantes, confortables et hautement lucratives.

De toute évidence, ce travail est désormais en cours au sein du Pentagone, les déclarations des officiels militaires américains s’harmonisant de plus en plus à ce sujet. Reste à voir à quel point la société civile, mais surtout les baronnes politiques et industrielles très puissantes outre atlantiques, sauront effectivement prendre la mesure de l’enjeu, ou si, comme c’est le cas pour ce qui concerne l’écologie et le réchauffement climatique, elles préserveront leurs intérêts immédiats au détriment d’un futur des plus inquiétants et qui semble chaque jour davantage plus inéluctable.

Car comme le climat, la Chine, ainsi que ses alliés proches, suivent une trajectoire qui ne semble pas vouloir s’infléchir, bien au contraire.

L’Inde veut developper ses propres sièges éjectables pour faciliter l’exportation de ses avions de combat

S’il existe aujourd’hui sur la planète de nombreux constructeurs proposants des avions de combat, certaines technologies clés restent l’apanage d’une poignée de pays triés sur le volet, leur conférant un puissant levier de controle sur les flottes de chasse mondiales. Ainsi, seuls 5 pays maitrisent effectivement la technologie des turboréacteurs, les Etats-Unis avec General Electric et Pratt & Whitney, la Grande-Bretagne avec Rolls-Royce, la France avec Safran, la Russie avec EUC Saturn et Klimov, et la Chine avec Shenyang et Xian. Il en va de même de l’offre en matière de sièges éjectables, une technologie maitrisée en occident par 2 sociétés, le britannique Martin-Baker et l’américain Collins Aerospace, alors que la Russie avec NPP Zvezda et la Chine avec HTY (essentiellement des copies de modèles britanniques et russes) maitrisent effectivement cette technologie. De fait, les constructeurs de sièges éjectables offrent un puissant bras de levier à leur gouvernement, comme c’est le cas de Martin-Baker, employé depuis 40 ans désormais pour empêcher la vente d’avions de combat européens et asiatiques à l’Argentine par le gouvernement britannique.

De toute évidence, cette dépendance n’est pas du gout du gouvernement indien, d’autant que les sièges éjectables britanniques sont considérés comment particulièrement onéreux (de l’ordre de 400.000 $ contre 100.000$ pour un modèle russe), et que Collins Aerospace n’a pas jusqu’ici accepté d’équiper des appareils non américains, permettant à l’entreprise britannique de s’imposer sur 75% du marché mondial. Et ce d’autant que New Delhi espérait trouver en l’Argentine une première opportunité d’exportation pour son Tejas Mk1A, alors que Buenos Aires cherche à moderniser sa flotte de chasse sous embargo britannique depuis la guerre des Malouines, et qui ne parvient désormais plus qu’à faire voler une poignée de A4 Skyhawk et peut-être quelques Super Etendard, après que Londres ait systématiquement posé son veto depuis 40 ans sur les possibles exportations vers l’adversaire d’hier. Au point que désormais, l’Argentine envisage de s’équiper de JF-17 sino-pakistanais, pouvant potentiellement être équipés de sièges éjectables chinois, au détriment des offres sud-coréennes (FA-50), israéliennes (Kfir C7) et Indiennes (Tejas Mk1A), ne laissant comme seule alternative occidentale que les F-16 américains équipés du sièges ACE II de Collins.

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La Chine est l’un des 4 pays disposant d’une offre de siège éjectable pour avions de combat

Quoiqu’il en soit, le géant aéronautique indien HAL aurait entamé les consultations afin de créer une Joint Venture pour developper une offre de siège éjectable nationale, qui se voudrait économique et débarrassée d’interférence étrangère, que ce soit pour les besoins de ses propres forces aériennes comme pour soutenir l’exportation de ses modèles. Pour l’heure, aucune information n’a filtré sur le sujet, si ce n’est qu’il s’agit, comme dit précédemment, à la fois de disposer d’un modèle plus économique que ceux proposés par Martin-Baker, et débarrassés des contraintes de licence d’exportation, afin de soutenir la compétitivité budgétaire et politique des offres indiennes en matière d’avions de combat sur la scène internationale. On notera, par ailleurs, qu’un effort similaire est entrepris afin de developper un turboréacteur performant et fiable de facture nationale, alors que les Tejas MK1 sont équipés de F404 américains, et que le Tejas Mk2 sera lui équipé de F414, domaine dans lequel le français Safran semble en bonne position pour accompagner l’effort de New Delhi.

On peut d’ailleurs s’interroger sur l’a pertinence l’opportunité pour la France de participer à l’effort indien pour developper une alternative aux sièges éjectables Martin-Baker. En effet, si l’industrie aéronautique française est l’une des plus autonomes de la planète, ses avions de chasse sont équipés, depuis le milieux des années 50, de sièges éjectables britanniques, même si ces derniers sont assemblés à Argenteuil par une co-entreprise avec le motoriste Safran. Pour autant, la coopération entre Paris et Londres dans ce domaine s’est avérée fructueuse, les britanniques n’ayant jamais entravé les exportations françaises en dehors du cas argentin depuis 1982, même lorsqu’il s’est agit de vendre des avions de combat à des régimes controversés, comme les mirage libyens, irakiens ou sud-africains. Dans ce domaine, les objectifs entre les deux pays ont traditionnellement été alignés, contrairement par exemple à l’Allemagne et les Etats-Unis, qui ont à plusieurs reprises usé du pouvoir des licences d’exportation de certains composants pour entraver les exportations françaises. En outre, le savoir-faire de Martin-Baker dans ce domaine sera probablement très difficile à égaler sans des investissements très importants, sans rapport avec les bénéfices potentiels qu’une indépendance dans ce domaine apporterait. Il est d’ailleurs plus que probable, eu égard au marché international, que New Delhi doive s’appuyer sur l’entreprise britannique dans le cadre de sa Joint Venture, alors que la coopération industrielle militaire entre l’Inde et la Russie semble, si pas à l’arrêt, en tout cas ralenties depuis plusieurs mois, probablement par crainte de sanctions américaines et occidentales.

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New Delhi entend bien exporter son LCA Tejas Mk1A, une version amélioré du chasseur léger Tejas MK1

Reste que l’intérêt pour Martin-Baker comme pour Londres de se priver du bras de levier discret mais ô combien efficace que représente aujourd’hui la maitrise presque exclusive de la technologie des sièges éjectables dans le domaine des avions de combat en occident, n’est gère évident. Plusieurs exemples récents, notamment la Corée du Sud et la Turquie, ont montré ces dernières années que la participation à des programmes intégrant d’importants pans de transferts de technologies, pouvaient dans un temps relativement court, faire émerger un sérieux concurrent sur la scène internationale. C’est le cas, par exemple, des nouveaux sous-marins Dosan Anh Changho sud-coréens conçus sur les transferts de technologies de l’allemand TKMS, qui viennent désormais menacer les marchés traditionnels des européens dans ce domaine, ou des hélicoptères turcs conçus sur les transferts de technologie italiens. Pour autant, ces dernières années, il semble que l’industrie britannique soit particulièrement friande de ce type de coopération, comme le montre les efforts déployés par BAe et Rolls-Royce aussi bien pour soutenir le programme de TFX turc que H-X japonais.

Plus léger, hybride et numérique, le remplaçant du M2 Bradley ouvre la voie de la nouvelle génération de blindés américains

Le longtemps attendu remplaçant du M2 Bradley, le véhicule de combat d’infanterie de l’US Army, issu du programme OMFV sera à la fois plus léger, hybride et numérique, loin des paradigmes de son prédécesseur.

Destiné à remplacer les véhicules de transport de troupe blindés M113, ainsi qu’à contrer les nouveaux véhicules de combat d’infanterie soviétiques BMP-1 entrés en service en 1966, le véhicule de combat d’infanterie M2 Bradley fut l’un des piliers du super programme BIG 5 lancé au début des années 70 par l’US Army pour moderniser ses capacités et prendre en compte les enseignements de la guerre du Vietnam, mais également des deux guerres israélo-arabes.

Le nouveau blindé de FMC Corporation, déjà à l’origine du M113 et du véhicule d’assaut amphibie LVPT-7, rompait profondément avec les blindés en service dans les armées occidentales, avec notamment une tourelle armée d’un canon de 25 mm M242 et d’un lance-missile antichar double TOW, lui permettant de prendre à partie des blindés lourds y compris des chars, à des distances allant jusqu’à 4 km.

La longue carrière du M2 Bradley dans l’US Army

Avec l’apparition du BMP-2 en 1984, le Bradley entama une longue série de modifications et d’améliorations pour en accroitre la survivabilité, avec des plaques de blindage réactif, de nouveaux systèmes de communication et de navigation, et un moteur de plus en plus puissant pour compenser la prise de poids, le blindé étant passé de 23 tonnes dans sa version initiale, à presque 35 tonnes dans ses dernières versions.

Le Bradley connu son heure de gloire lors de la guerre du golfe en 1991, l’US Army ayant déployé 2200 de ces blindés face à l’Irak, soit approximativement la moitié du parc. Si 20 Bradley furent détruits durant la campagne terrestre, et 8 endommagés, majoritairement du fait de tirs amis, ceux-ci détruisirent un grand nombre de blindés irakiens, y compris des chars T-72 à l’aide de ses missiles TOW, et des chars T-55 avec son canon de 25 mm armé d’obus d’obus performants à pénétrateur en uranium appauvri.

Toutefois, lors de la seconde intervention américaine en Irak, le M2 montra certaines faiblesses, en particulier en matière d’engagement urbain et face aux IED des insurgés irakiens. Il devint évident que son remplacement, envisagé depuis le début des années 2000, devait être accéléré.

C’est ainsi que naquit le programme Ground Combat Vehicle, lancé officiellement en février 2010, mais qui s’avéra rapidement une impasse du fait des exigences de l’US Army qui conduisait à concevoir un blindé à la fois très onéreux et excessivement lourd, au-delà de 70 tonnes. Le programme fut finalement abandonné en 2014, non sans avoir couté près de 20 Md$ aux contribuables américains.

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Le M2 Bradley a connu une hausse de sa masse de presque 50% au fil des années, entravant sa mobilité et impactant sa consommation

Le programme OMFV

À peine le programme GCV était-il annulé qu’il fut remplacé par un nouveau programme destiné là encore à remplacer le M2 Bradley. Celui-ci, désigné par l’acronyme OMFV pour Optionnaly Manned Fighting vehicle, fut officiellement lancé en aout 2014, en employant le budget restant non dépensé du programme GCV, au sein du super programme Next Generation Combat Vehicle.

Si le cahier des charges de l’US Army avait sensiblement évolué vis-à-vis de CGV, en particulier pour ce qui concernait certains impératifs de dimensions et de masse pour permettre au nouveau blindé d’être aérotransporté par avion C-17, celui-ci s’est très rapidement avéré déconnecté de la réalité technologique du moment, avec certaines exigences antinomiques les unes des autres, notamment pour ce qui concernait les limitations de masses face aux exigences de protection.

En outre, le calendrier imposé par l’US Army amena la plupart des industriels à se retirer de la compétition, au point qu’en janvier 2020, il ne restait que le Griffin III de Général Dynamics Land Systems en lice, alors même que celui-ci ne respectait pas le cahier des charges établi. Une nouvelle fois, le programme fut annulé, pour être relancé un mois plus tard, sur des bases industrielles et technologiques entièrement renouvelées.

Optionnaly Manned Fighting Vehicle, version 2.0

Bien que conservant la désignation OMFV, le nouveau programme de l’US Army s’appuyait cette fois sur une approche en rupture avec les deux cahiers de charges parfois délirants qui conduisirent à l’échec de GCV et de OMFV première version. Il n’était plus question désormais pour l’US Army de s’impliquer dans la conception du blindé, laissant cette tâche aux industriels, ni de poser des exigences incompatibles.

Le nouveau programme s’appuiera sur les propositions des industriels, même si certaines exigences fermes, mais raisonnables, encadrent le programme. Il y a quelques jours, l’US Army a confirmé avoir reçu les offres des 5 industriels retenus à ce jour, dont 3 seront retenues d’ici à la mi-2023 afin de construire chacun 8 prototypes qui seront testés pendant plus d’une année pour déterminer le vainqueur de la compétition, qui devra livrer les premiers blindés à partir de 2026.

Les cinq entreprises participant à cette phase sont GDLS (Abrams, Stryker, MFP), BAe (M109, M2..), Oshkosh avec une version du AS21 Redback sud-coréen, Rheinmetall avec le Lynx et l’outsider Point Blank Enterprise.

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L’AbramsX et le StrykerX de GDLS, présentés lors du salon AUSA 2022, s’appuient tous deux sur une propulsion hybride

Si chaque industriel s’appuie sur un modèle propre, l’US Army a toutefois établi une liste d’exigences ayant obligé les concepteurs à revoir en profondeur leurs blindés. Ces exigences portent sur plusieurs aspects critiques, comme la puissance de feu avec un canon de 50 mm (ou un canon de 35 mm, mais une capacité d’évolution vers un canon de 50 mm) monté dans une tourelle entièrement robotisée, une propulsion hybride pour réduire la consommation et permettre des déplacements « furtifs ».

L’équipage est limité à 2 membres (contre 3 sur un Bradley) avec un haut degré d’automatisation et une possibilité de transport de six soldats d’infanterie équipés, et la capacité à pouvoir être mis en œuvre, si besoin, à distance à la manière d’un drone terrestre.

Un blindé en rupture avec son prédécesseur

De façon intéressante, si ces exigences induisent une diminution sensible de la masse (par exemple du fait de la tourelle robotisée, donc moins blindée), et une plus grande mobilité, le cadre tracé par l’US Army dans ce domaine reste particulièrement souple. Il n’est par exemple plus question d’imposer une capacité à être aérotransportable comme dans le cas de la première itération d’OMFV, une exigence jugée désormais trop contraignante pour les industriels.

Force est de constater que ces exigences ne sont pas sans rappeler les caractéristiques de la gamme « -X » présentée par General Dynamics à l’occasion du salon AUSA, avec notamment le très remarqué AbramsX et le non-moins intéressant StrykerX, tous deux s’appuyant sur une puissance de feu renforcée, des tourelles robotisées, des équipages réduits, une propulsion hybride et un effort évident pour en réduire le poids au profit de la mobilité.

Pour cela, ces blindés s’appuient davantage sur les systèmes de protection actifs comme le Trophy et l’Iron Fist pour la protection des blindés, plutôt que sur un lourd et encombrant blindage, rompant avec 70 années de prises de masse des blindés au détriment de la mobilité et de la consommation de carburant.

Conclusion

Une chose est certaine, une victoire de GDLS dans cette compétition, après celle dans le programme de char léger MFP, confirmerait la position de force de l’industriel qui produit déjà les chars Abrams et les blindés 8X8 Stryker, et renforcerait les chances de voir l’US Army se tourner, à relativement court terme, vers les évolutions AbramsX et StrykerX présentées lors du salon AUSA.

De même, si l’un de ces deux prototypes venait à attirer l’attention de l’US Army, cela renforcerait probablement les chances de GDLS dans le cadre du programme OMFV. Quoi qu’il en soit, il semble bien que l’industriel américain ait parfaitement anticipé les évolutions en cours au sein de l’US Army.