jeudi, décembre 4, 2025
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Malgré le fonds spécial d’investissement, les armées allemandes ne cessent de s’affaiblir

Quelques jours à peine après le début de l’offensive russe contre l’Ukraine, et un post Linkedin bien senti du chef d’Etat-major de la Bundeswehr, le général Alfons Mais, au sujet de l’état de délabrement des armées allemandes, le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, surprenait l’ensemble de son auditoire, au Bundestag comme partout en Europe, en annonçant un plan visant à remobiliser et reconstruire les capacités militaires des armées allemandes pour devenir la première armée conventionnelle en Europe, en portant le budget de la défense rapidement au delà de 2% du PIB, soit plus de 75 Md€, et en créant un Fonds spécial d’Investissement doté de 100 Md€ pour palier les plus grandes défaillances à court terme. Toutefois, de l’avis des militaires, des députés de l’opposition mais également de certains membres de la coalition gouvernementale outre-Rhin, la situation de la Bundeswehr n’a cessé de se dégrader depuis cette annonce, et les effets du Fonds Spécial tardent à se faire sentir, embourbés qu’il est dans d’innombrables arbitrages et délais politico-administratifs.

C’est en tout cas ce que dénonce le vice-président du groupe parlementaire de l’Union, le député Johann Wadephul (CDU), qui ne tarie pas de critiques à l’encontre de Christine Lambrecht, la ministre de la défense allemande, ajoutant que « Il y a un manque de volonté et de Leadership de la par du ministère et de Christine Lambrecht. Sous sa responsabilité, la Bundeswehr devient chaque jour plus faible et non le contraire. C’est un développement fatal en ce moment« . Mais les critiques ne se limitent pas à l’opposition, des membres de coalition gouvernementale et même du SPD n’hésitant pas à remettre en question la gouvernance actuelle de l’effort de défense. Ainsi, pour Sebastian Schäfer membre du parti Les Verts, Président de la commission du Budget au Bundestag et membre de la commission supervisant l’emploi du fonds spécial d’investissement, les procédures pour acquérir de nouveaux armements prennent beaucoup trop de temps, alors que l’argent est déjà disponible mais non utilisée.

F35A USAF Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’Allemagne consacrera plus de 40% des crédits disponibles du Fonds spécial d’équipements pour acquérir des équipements importés, comme le F-35A et le Ch-47 américains.

Même au sein du SPD, le principal parti de la coalition gouvernementale auquel appartient Olaf Scholz, certaines critiques des lenteurs gouvernementales émergent, comme pour Eva Högl, commissaire aux Armées, qui a déclaré que la présente situation ne pouvait perdurer longtemps, et nécessitait un rapide changement de cap. Quant aux industriels allemands, ils ont eux aussi donné de la voix récemment, notamment pour critiquer les arbitrages gouvernementaux en matière d’équipements, jugés trop aisément tournés vers des solutions globales sur étagère importées, sans impliquer les capacités nationales, y compris pour la maintenance. Il est vrai qu’à ce jour, selon les annonces déjà effectuées, se seront plus de 40 des 100 Md€ disponibles qui seront intégralement investis aux Etats-Unis pour l’achat de F-35A, d’hélicoptères CH-47 et de missiles Patriot, entre autres, soit autant voire davantage que l’enveloppe prévue pour les entreprises allemandes.

Le fait est pour Olaf Scholz, comme pour Rishi Sunak, le nouveau pétillant premier ministre britannique, et même pour Emmanuel Macron, le président français, la situation économique et sociale, mais également le risque que représente la Russie aux frontières de l’Europe, ont sensiblement évolué, parfois de manière aussi radicale qu’inattendue, depuis le 24 février. Ainsi, pour l’ensemble des pays du vieux continent, cette guerre qui dure beaucoup plus longtemps que prévue, du fait de l’excellente résistance ukrainienne comme des mauvaises performances de l’Armée russe, aura totalement redistribué les cartes de la planification militaire comme économique, en mettant un coup d’arrêt brutal à la relance post-Covid, en entrainant une crise énergétique et une inflation inédite depuis les années 70, et en entraînant certains pays vers la voie de la récession.

British Army Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le nouveau premier ministre Rishi Sunak a semble-t-il abandonné l’idée de porter l’effort de défense britannique à 3% du PIB du pays

Dans le même temps, les armées russes, tout au moins leur composante conventionnelle, qui étaient perçues et craintes par l’ensemble du camps occidental avant guerre, et qui devaient, selon les simulations, balayer la résistance balte et polonaise en quelques jours seulement, s’est retrouvée non seulement neutralisée par la résistance et la determination ukrainienne, mais également repoussée et défaite en de nombreux endroits par cette armée qui pourtant emploie majoritairement des matériels soviétiques et qui est composée principalement de conscrits et de réservistes. Mieux encore, les armées russes ont perdu, en 9 mois de guerre, plus de la moitié de leur parc de chars lourds et de véhicules de combat d’infanterie, un quart de leur artillerie et de ses hélicoptères de combat, et 10 à 15% de ses forces aériennes, tout en ayant consommé, selon les estimations, entre 60 et 75% de son stock d’armes de précision, sans prendre l’ascendant opérationnel sur les défenseurs ukrainiens, alors que plus de 50% des unités professionnelles russes ont été disloquées ou largement entamées sur cette période.

Enfin, et c’est loin d’être négligeable, de nombreux pays européens, notamment en Europe du nord et de l’est, ont produit un important effort ces derniers mois pour moderniser et renforcer leurs capacités défensives, aiguillonnés qu’ils sont par leur important soutien aux forces ukrainiennes grâce au transfert d’équipements hérités de l’époque soviétique, donc aisément mis en oeuvre par les militaires de Kyiv. La seule Pologne a ainsi entrepris de se doter de plus de 1200 chars de combat modernes d’ici la fin de la décennie, épaulés par autant de VCI, 600 canons automoteurs et 500 systèmes lance-roquettes, soit une puissance de feu comparable voire supérieure en certains aspects, à la somme cumulée des forces terrestres allemandes, françaises, britanniques et italiennes. De toute évidence, avec ce renforcement polonais, et celui des autres pays d’Europe de l’Est, ainsi qu’avec l’affaiblissement notable des forces conventionnelles russes, la menace pour les pays d’Europe occidentale, a considérablement diminué depuis le début de la guerre.

Sholz Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Olaf Scholz regrette probablement les annonces faites le 27 février devant le Bundestag, promettant de porter l’effort de pense allemand au delà de 2% et de faire de la Bundeswehr la première force armée conventionnelle en Europe.

En d’autres termes, les dirigeants européens se trouvent, aujourd’hui, dans une situation radicalement différente vis-à-vis de celle qui officiait au lancement de l’offensive russe contre l’Ukraine, alors que les difficultés budgétaires et économiques ont, quant à elles, cru de manière importante. Et à l’instar de Rishi Sunak qui a, semble-t-il, abandonné l’idée de son prédécesseur Boris Johnson de viser un effort de défense britannique de 3%, ou d’Emmanuel Macron qui, de toute évidence, a revu à la baisse les ambitions initiales de la prochaine Loi de Programmation Militaire avec l’abandon ou de le report d’un ou plusieurs programmes clés, Olaf Scholz est sans le moindre doute désormais piégé entre son obligation de respecter ses engagements pris au lendemain de l’officine russe face au Bundestag, et la dégradation de l’économie allemande, la plus exposée en Europe occidentale à la fin du gaz russe.

Dans un tel contexte, on comprend que le manque d’empressement de la part des autorités allemandes pour « dépenser le fonds spécial », n’est pas tant lié à des procédures administratives et politiques trop lourdes, même si c’est incontestablement le cas outre-Rhin, qu’à la volonté de l’exécutif de temporiser et d’étaler dans le temps ses investissements, de sorte à libérer des crédits à court terme tout en respectant les engagements pris. Sachant que l’opinion publique allemande est loin d’être spécialement réactive sur ce type de sujet, il faut s’attendre, en dépit des protestations parlementaires, militaires et industrielles, à ce que cette situation perdure encore pendant de nombreux mois, voire plusieurs années.

La Guerre en Ukraine a disloqué la programmation militaire russe

Depuis 2012, le retour de Vladimir Poutine au Kremlin et l’arrivée de Sergei Choïgou au ministère de la défense, la programmation militaire russe, organisée au travers de programmes pluriannuels appelés GPV, aura été au coeur de l’effort de reconstruction des armées de Moscou. La dernière GPV, entamée en 2017, devait permettre aux armées russes de conforter leur ascendant numérique et technologique sur leurs adversaires potentiels, avec un budget annuel de 2.000 Milliards de roubles, soit 30 Md€ consacrés chaque année à l’acquisition de matériels neufs et la modernisation des équipements en service. C’est ainsi qu’il y a à peine plus d’une année, lors de la traditionnelle évaluation des progrès réalisés dans ce domaine, Sergei Choïgou annonçait que désormais, les armées russes disposaient de plus de 70% de matériels « modernes ». Les faits en Ukraine ont toutefois largement nuancé les propos du ministre russe.

En effet, sur la base des destructions visuellement confirmées de matériels russes depuis le début de l’Opération Spéciale Militaire en Ukraine, il apparait que la moitié des chars de combat détruits, endommagés ou capturés étaient des modèles soviétiques non modernisés, comme le T-72A/B/B-Obr1989, le T-80BV ou les différents T-62/64 perdus. Il en va de même concernant les véhicules blindés de combat d’infanterie, 80% des pertes étant représentées par des BMP-1 ou 2 non modernisés, ou des systèmes d’artillerie, pour lesquels 90% des systèmes perdus étaient hérités de l’époque soviétique. Dans les faits, le taux de 70% de matériels modernes n’est effectivement constaté, dans les pertes, que pour les aéronefs, les navires et les systèmes défense anti-aérienne et de guerre électronique. Quoiqu’il en soit, face aux pertes terribles ayant largement entamé les capacités des armées russes, le Kremlin a annoncé, début novembre, avoir abrogé la GPV actuellement en cours, ainsi que les travaux préparatoires pour le prochaine GPV, pour prendre, directement, le contrôle de l’effort de défense industriel russe, et concentrer les investissements vers des matériels économiques, efficaces et rapidement produits, afin de tenter de répondre au défi posé par les armées ukrainiennes soutenues par les occidentaux.

russian tank losses Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Seule la moitié des chars de combat russes perdus au combat documentée concerne des blindés « modernes » au sens de classification russe, loin des 70%+ annoncé il y a quelques mois par Sergei Choïgou

La décision du Kremlin, par ailleurs expédiée puisque devant prendre effet avant le 14 novembre, fait sens au regard de la situation. Alors que l’essentiel des troupes d’élite russe a été disloqué lors des premiers mois de combat, Moscou entend désormais s’appuyer sur une stratégie défensive basée simultanément sur la construction d’un vaste réseau de fortifications pour bloquer l’avance ukrainienne, et sur la masse issue des efforts de mobilisation présents et à venir pour armer ces défenses. Or, les mobilisés russes, du fait d’une formation rapide et du manque d’expérience militaire antérieure, ne peuvent employer efficacement des armements modernes et hautement technologiques, d’autant que ces matériels n’ont guère brillé précédemment par leur efficacité, même aux mains de militaires dûment entrainés. En outre, l’industrie de défense russe, exposée aux sanctions occidentales, peine à produire ces équipements modernes, alors qu’elle est en mesure, à moindre frais, de produire à nouveau des équipements datant des années 70 et 80, moins performants mais plus simples, et dépourvus de composants importés.

En revanche, la décision du Kremlin pourrait bien constituer le chant du cygne de nombreux programmes russes sensés offrir à Moscou un avantage technologique décisif dans les années à venir. Ainsi, il est probable que les programmes de blindés de nouvelle génération, comme le char lourd T-14, le véhicule de combat d’infanterie lourd T-16, le VCI moyen Kurganet-25, le transport de troupe blindé Boomerang, ou le canon automoteur Koalitsya, seront mis en sommeil pour un certain temps, voire pour un temps certains sachant qu’il sera très difficile pour l’industrie russe, quel que soit la conclusion de cette guerre, de reconstruire son réseau de sous-traitance occidental comme précédemment. En outre, l’effort budgétaire consenti par l’état russe pour soutenir cette guerre, avec un budget d’équipement officiel multiplié par 2 sur la seule année 2022, va entamer les capacités d’investissements futures de Moscou dans ce domaine, alors que les exportations d’armement, sources importantes de devises, ont sensiblement baissé ces derniers mois, en particulier pour ce qui concerne les commandes directes et non les livraisons sous la forme de crédits-bails.

checkmate Su7510 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le Su-75 Checkmate, au coeur de la communication russe sur la scène internationale, est désormais un projet mort né

De toute évidence, en dehors de certains programmes visiblement préservés comme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engin classe Borei-A, les frégates Admiral Gorshkov, et les avions de combat Su-57s, une majorité des programmes d’armement de nouvelle génération entamée par la Russie ces dernières années risque fort au mieux de subir d’importants retards et des diminutions sensibles de volume, au pire (du point de vue russe), d’être purement et simplement abandonnés, comme c’est déjà le cas pour l’avion de combat Su-75 Checkmate, pourtant au coeur de toute la communication de l’industrie aéronautique de défense russe il y a à peine une année, et qui a désormais totalement disparu. De toute évidence, il faudra de nombreuses années, voire plusieurs décennies, à l’industrie de défense russe pour se remettre des bouleversements actuellement en cours, avec le risque de plus en plus sensible qu’elle ne parvienne jamais à retrouver son niveau d’avant guerre, en particulier sur la scène internationale. Nul doute que la Chine saura, pour sa part, remplir le vide ainsi laissé par Moscou.

La Chine aurait développé un moteur capable d’atteindre Mach 9 avec du carburant d’aviation

Les vitesses hypersoniques constituent, depuis quelques années, un axe de recherche prioritaire pour l’ensemble des grandes armées du monde. L’annonce, en 2017, de l’entrée en service du missile hypersonique aéroporté russe Kinzhal, et quelques mois plus tard, du planeur hypersonique Avangard, a fait l’effet d’un électrochoc en occident comme dans le monde, alors qu’aucun système antimissile existant n’était alors capable de s’opposer à des vecteurs évoluant à de telles vitesses et capables de manoeuvres. Depuis, nous assistons à un emballement en matière de programme, les Etats-Unis, les européens, les chinois et les indiens ayant tous annoncé des avancées importantes dans ce domaine. Plusieurs systèmes hypersoniques sont d’ores et déjà en service, comme le Kinzhal et le Tzirkon russe, ou le DF-17 chinois, alors que les systèmes américains doivent entrer en service à partir de 2024.

Pour parvenir à ces vitesse supérieure à Mach 5 et conserver des capacités de manoeuvre, définition même d’une arme hypersonique, deux technologies de propulsion sont employées. La première, et la plus classique, s’appuie sur un moteur fusée de forte puissance et une trajectoire balistique ou semi-balistique, comme pour le Kinzhal russe dérivé du missile balistique à courte portée Iskander-M, ou le nouveau missile aéroporté YJ-21 chinois présenté pour la première fois lors du dernier salon de Zhuhai. La seconde alternative repose sur l’utilisation d’un moteur aérobie, c’est à dire employant l’air atmosphérique comme comburant. Malheureusement, un réacteur traditionnel est incapable de fonctionner au delà d’une vitesse avoisinant Mach 3, car la vitesse de l’écoulement d’air en son sein doit rester subsonique pour contrôler la combustion du carburant. Une alternative émergea au travers du Scramjet, un turboréacteur capable de ralentir et refroidir l’air atmosphérique et de contrôler la combustion à une vitesse supersonique mais inférieure à mach 2, lui permettant de fonctionner à des vitesses dépassant Mach 5.

missile DF17 70eme anniversaire Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
En octobre 2019, l’Armée Populaire de Libération présenta pour le première fois son missile hypersonique DF17 coiffé d’un planeur hypersonique. Contrairement à la Russie, la Chine ne présente jamais d’équipements qui ne soient pas d’ores et déjà opérationnels et en service lors de ses (rares) parades militaires.

Le Scramjet, ou superstatoreacteur, est aujourd’hui employé par le missile anti-navire hypersonique russe Tzirkon, et plusieurs pays travaillent activement à developper cette technologie pour en équiper leurs missiles de croisière. Mais une autre technologie a émergé il y a une dizaine d’année, pour répondre au défi hypersonique, celle des moteurs à détonation oblique, qui remplacent la classique combustion du mélange air-carburant, par une succession de détonations de ce même mélange, générant un dégagement énergétique considérablement plus élevé, tout en étant moins sensible à la vitesse de l’air, permettant d’atteindre, théoriquement, des vitesses sensiblement plus élevées que le Scramjet, avec une performance énergétique, donc une autonomie, très supérieure. Cette approche n’est pas, à proprement parler, nouvelle, le premier appareil doté d’un moteur à ondes de détonation pulsées ayant fait la démonstration de son efficacité en 2008. Pour autant, l’annonce faite par l’académie des sciences chinoise, selon laquelle un tel moteur, alimenté en carburant d’aviation, aurait été testé avec succès dans le tunnel hypersonique JF-12 de Pékin, mérite une attention particulière, d’autant que les ingénieurs chinois annoncent que le moteur serait capable d’atteindre une vitesse de Mach 9.

Selon le site South China Morning Post, ces essais auraient été menés depuis de nombreux mois sous le sceau du secret, et la décision de rendre publique les avancées chinoises n’aurait été décidées qu’après avoir passé avec succès l’ensemble des essais. Pour autant, les mots choisis dans le communiqué chinois sont importants. Ainsi, Pékin annonce avoir développé un moteur à détonation oblique employant du carburant d’aviation capable d’atteindre Mach 9, sans préciser si cette vitesse a été ou non atteinte lors des essais. En outre, on ignore la fiabilité du moteur chinois, les contraintes mécaniques et thermiques appliquées au moteur pendant son fonctionnement étant telles qu’elles engendrent un détérioration rapide de celui-ci. Ainsi, le test américain mené en 2008 ne permit de faire fonctionner ce type de moteur que moins de 10 secondes. Enfin, il est utile de se rappeler que les chercheurs chinois sont parfois coutumiers d’annonces que l’on peut qualifier de « prématurées », comme ce fut le cas en 2017 concernant des essais concluants d’un EmDrive, le graal de l’exploration spatiale censé permettre de créer une poussée sur l’unique base d’un très puissant champs électromagnétique. Or, à ce jour, rien ne permet d’attester que Pékin se soit doté d’une telle technologie, nombre de physiciens estimant même que ce type de moteur tient davantage du fantasme que d’autre chose.

Un Rafale F3 de la composante aerienne de la dissuasion francaise equipe dun missile ASMPA Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le missile de croisière supersonique français ASMPA utilise un statoréacteur pour atteindre une vitesse supérieure à Mach 3

En admettant que le succès annoncé par Pékin au sujet de son nouveau moteur soit exact, il faudra encore de nombreux mois, et plus probablement de nombreuses années, avant qu’un tel système puisse équiper un appareil, qu’il s’agisse d’un missile ou d’un aéronef piloté ou non, si tant est que cette approche puisse effectivement être employée dans ce domaine. On se rappelle ainsi les nombreux espoirs suscités par le statoréacteur pour la propulsion des aéronefs dans les années 50 et 60, alors qu’au final, cette technologie n’aura été efficacement utilisée que pour la propulsion de certains missiles, comme l’ASMPA français et plus récemment le Meteor européen. Toutefois, il s’agit, sans le moindre doute, d’une nouvelle preuve du dynamisme de la recherche appliquée chinoise, qui désormais n’a vraiment plus rien à envier à ses homologues européens, américains ou russes, en particulier dans le domaine de l’armement. ö temps pour l’espoir de compenser la supériorité numérique chinoise par une éventuelle supériorité technologique occidentale ….

La France démontre les performances de l’A330 MRTT en Inde à l’occasion de l’exercice Garuda 22

Les grands exercices militaires internationaux sont l’occasion de partager les connaissances et l’expérience des armées participantes, et d’améliorer l’interopérabilité des forces. C’est également l’occasion, parfois, de faire l’article d’un ou plusieurs équipements militaires, surtout lorsque l’on sait que le partenaire est mène des consultations dans ce domaine. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que l’Armée de l’Air et de l’espace ait envoyé en Inde, à l’occasion de l’exercice Garuda 2022 qui s’est tenu du 26 octobre au 12 novembre 2022 sur la base aérienne indienne de Jodhpur, au delà de 5 avions Rafale et de 130 aviateurs, un avion ravitailleurs A330 MRTT Phoenix, l’Inde étant engagée dans une vaste consultation pour acquérir 6 de ces appareils afin de moderniser et étendre ses capacités de ravalement en vol aujourd’hui constituée de seulement 6 IL-78 MKI pour une flotte de plus de 540 avions de chasse, là ou la France, par exemple, prévoit d’aligner 15 Phoenix pour 225 à 250 avions de combat, Marine Nationale incluse.

Si les exercices menés par les pilotes et avions des deux pays permirent d’approfondir la compréhension réciproque des procédures de chacun, comme ce fut le cas lors des 6 itérations précédentes se tenant alternativement en Inde et en France, l’exercice Garuda 22 mit particulièrement à l’honneur les performances du MRTT, capable de ravitailler aussi bien les Rafale, Mirage 2000 et Jaguar indiens de facture occidentale, que les Su-30 MKI de facture russe, et les Tejas Mk1 de facture locale, alors que 30 appareils ont participé à l’exercice cette année. Et de toute évidence, tout fut fait pour convaincre New Delhi de l’intérêt de se doter du ravitailleur européen, y compris en faisant le trajet de France jusqu’en Inde aux cotés des 5 Rafale, dans une redite des livraisons de Rafale indiens qui démontrèrent, là encore, les performances du couple formé par les deux appareils pour la projection de puissance à longue distance. Le Phoenix est, en effet, un appareil particulièrement versatile, capable aussi bien de jouer le rôle de ravitailleur en vol avec une capacité d’emport de carburant de 110 tonnes, que de servir au transport de fret voire au transport médical, avec une capacité d’évacuation de 130 civières, ainsi que de composer ces capacités, en assurant simultanément le ravitaillement en vol des chasseurs, et le transport des équipes techniques et des matériels nécessaires à la mission.

Garuda 2022 rafale tejas Su30mki Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les Rafale français ont évolué aux cotés de différents modèles d’avions de chasse en service au sein de l’IAF lors de l’exercice garuda 22, ici un Tas Mk1 (premier plan) et un Su-30MKI (arrière plan)

Pour New Delhi, l’acquisition de nouveaux avions ravitailleurs est un serpent de mer débuté dans les années 2000. EADS (devenu depuis Airbus) remporta la première compétition en 2009 face aux IL-78 russes, mais celle-ci fut annulée au bout d’un an sur fond de tensions budgétaires, pour être relancée peu de temps après. En 2013, une nouvelle fois, Airbus s’imposa avec l’A330 MRTT, et comme précédemment, le contrat ne fut jamais signé et la compétition annulée en 2016 cette fois autour des restructurations de l’effort de défense indien après l’élection de Narendra Modi au poste de premier ministre en 2014. En 2020, face aux demandes insistantes de l’Indian Air Force devant faire front simultanément à l’ouest face au Pakistan, et au nord-est face à la Chine, une nouvelle consultation fut entamée, sans qu’aucune compétition formelle ne soit effectivement lancée. Depuis, la France multiplie les initiatives pour tenter de convaincre New Delhi des performances de l’appareil européen déjà en service au sein de 10 forces aériennes, et par ailleurs retenu par deux fois par l’IAF lors des compétitions procédantes, y compris à l’aide de propositions commerciales originales comme une solution de Leasing ou de transformation d’A330-200 d’occasion en version MRTT pour en réduire les couts.

Le fait est, pour Paris, l’acquisition par New Delhi de ces avions ravitailleurs serait un atout non négligeable pour espérer de nouvelles commandes indiennes de Rafale. En effet, si le Phoenix est capable, comme il l’a démontré lors de l’exercice Garuda 22, de ravitailler l’ensemble de la flotte de chasse indienne, y compris les appareils de facture locale et russe, il constitue surtout un couple redoutable avec le Rafale, les deux appareils évoluant de concert au sein des forces aériennes françaises, y compris dans le cadre de la mission de dissuasion. Il s’agit, pour Paris, de tenter, autant que faire ce peu, de garder New Delhi éloigné de Moscou dans ce domaine, mais également des Etats-Unis et du KC-46 de Boeing, qui permettrait aux constructeurs américains de prendre pied dans la composante chasse indienne. Le fait que le Chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace, le général Stéphane Mille, ait fait le déplacement jusqu’à Jodhpur lors de l’exercice Garuda 22, et ait même volé à bord du Su-30MKI indien à cette occasion, n’y est certainement pas étranger, Paris voulant souligner son désir de coopération avec New Delhi dans la zone indo-pacifique, au delà même des questions d’exportation d’armement.

A330MRTT India Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La France tente depuis plus de 15 ans de vendre des A330 MRTT à l’Inde, et Airbus s’est delà par deux fois imposé lors de compétitions officielles malheureusement annulées.

Reste que l’on peut penser que les autorités indiennes et l’état-major de l’Indian Air Force voudront lier le volet ravitailleur au développement du programme MMRCA 2, visant à produire localement une centaine d’avions de combat de conception étrangère pour remplacer les Mig-21 bison. Le devenir de cette compétition, y compris son périmètre exacte, demeure obscure à ce jour, des rumeurs ayant ainsi fait état de la volonté de New Delhi de réduire le format initial de 114 appareils à seulement 57, pour concentrer ses investissements dans le développement d’un avion de chasse national avec le programme AMCA. Il semble toutefois peu probable, désormais, que l’IAF envisage de se tourner une nouvelle foi vers un appareil russe, comme ce fut le cas pour le Su-30MKI, ne serait-ce que pour éviter les frictions inutiles avec Washington et les risques de sanctions économiques, comme il semble désormais qu’il y ait peu de chance que l’IAF ne privilégie un chasseur monomoteur comme le F-21 américain dérivé du F-16, ou le Gripen suédois, surtout si le nombre d’appareil visé venait à être réduit.

Dans ce contexte, le Rafale, par son prix et ses performances, apparait objectivement comme le favori pour l’IAF dans le cadre de la compétition MMRCA 2, y compris face au F-15EX beaucoup plus onéreux, d’autant que les militaires indiens ne tarissent pas d’éloges sur l’appareil français, dont les derniers exemplaires de la commande de 36 appareils passée en 2016, seront livrés d’ici quelques jours. Dès lors, faire la démonstration opérationnelle in-vivo des performances avérées du couple Rafale-MRTT lors de l’exercice Garuda 22, en particulier dans le mix d’équipements indien, s’avère incontestablement une stratégie adaptée et performante pour soutenir les chances des exportations aéronautiques défense françaises dans le pays.

La Finlande officialise la commande de 38 canons automoteurs sud-coréens K9 Thunder supplémentaires

Avec plus de 850 systèmes d’artillerie en service, l’Armée Finlandaise est incontestablement celle qui, en Europe, dispose de la plus impressionnante densité de puissance de feu. Toutefois, la majorité de ces systèmes, comme le canon H63 de 122mm et le canon H83 de 155 mm, sont des systèmes tractés, que l’on sait particulièrement vulnérables sur un champs de bataille moderne. Il suffit de constater les pertes comparées de M777 tractés américains en Ukraine, vis-à-vis des systèmes automoteurs comme le Caesar ou le Pzh2000 pour s’en convaincre. En outre, les 3 quarts de cette artillerie étaient encore composés, au milieu des années 2010, de systèmes acquis auprès de l’Union Soviétique, moins performants et moins précis que leurs homologues occidentaux. Pour palier cette faiblesse, Helsinki commanda, en mars 2017, 48 canons automoteurs sud-coréens K9 Thunder prélevés sur l’arsenal des armées sud-coréennes pour 160 m$, avec une option pour 48 systèmes supplémentaires.

Les livraisons des systèmes sud-coréens d’occasion intervinrent entre 2017 et 2021, et donnèrent rapidement satisfaction aux militaires finlandais. En octobre 2021, Helsinki leva l’option sur 10 systèmes supplémentaires, pour un montant de 30 m$, 5 devant être livrés en 2021, les 5 autres en 2022. Le début de l’agression russe contre l’Ukraine, et la candidature finlandaise à l’OTAN, ont probablement fini de convaincre les autorités d’Helsinki, qui viennent de lever le solde de l’option prévue, soit 38 systèmes supplémentaires, pour un montant de 134 m$, ce qui amènera le parc finlandais à 96 K9, pour un pays de seulement 5,5 millions d’habitants doté d’une armée de terre n’alignant que 19.000 hommes en temps de pays, dont seulement 3.700 militaires professionnels.

finland Leopard2 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’Armée finlandaise aligne 239 chars lourds Leopard 2

L’arrivée du K9 a considérablement fait évoluer les performances de l’artillerie automotrice finlandaise, qui jusque là s’appuyait sur 74 2S1 Gvozdika de 122mm et de facture soviétique, entrés en service au début des années 70. En effet, là ou le 2S1 peine à soutenir une cadence de tir de 2 obus par minute, avec une portée maximale de 20km, le K9 Thunder sud-coréen peut soutenir sans effort une cadence de tir de 6 à 8 obus par minute grâce à son système de chargement automatique, avec une portée de 40km, pouvant même dépasser les 50km avec des obus à propulsion additionnée. En outre, le système sud-coréen s’avère autrement plus précis que ses homologues soviétiques, notamment grâce à la centrale à interdite TALIN, à l’utilisation du positionnement GPS, et à un calculateur de tir très performant, le mettant au même niveau que les meilleurs systèmes occidentaux comme le Caesar français ou le Pzh2000 allemand. En outre, le K9 est à la fois très mobile, avec de larges chenilles propulsées par un moteur turbo-diesel de 1000 cv lui conférant un remarquable rapport puissance/poids de 21 cv par tonne, y compris sur des sols boueux ou enneigés, mais il est également bien protégé contre les armes légères et les éclats d’artillerie.

Mais les plus grands atouts du K9, aujourd’hui, ne résident ni dans les performances du système, ni dans sa mobilité, mais dans l’efficacité de l’offre sud-coréenne elle-même. En premier lieu, le Thunder est économique, et même très économique lorsqu’on le compare à d’autres systèmes chenillés équivalents comme le Pzh2000 allemand, ou le M109 Paladin américain. En effet, le canon automoteur sud-coréen est proposé, à l’exportation à une tarif évoluant autour des 5 m$ l’unité, 3 fois moindre que celui de ces homologues occidentaux. tout en offrant des performances très proches de ceux-ci. D’autre part, Séoul se montre particulièrement accommodant vis-à-vis des demandes de ses clients, ci en acceptant de prélever presque une centaine de systèmes à son propre inventaire certes pléthorique de 1300 K9, pour répondre aux besoins finlandais, là en proposant des accords de production locale et de transferts de technologies très favorables comme vis-à-vis de l’Inde, de la Turquie et de l’Egypte, ou encore en proposant des delais de livraison très courts, comme avec la Pologne.

K 9 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le K9 a été exporté sous diverses version dans 8 pays pour prés de 1000 exemplaires, en faisant le système d’artillerie moderne le mieux exporté ces 15 dernières années.

Il n’est donc pas étonnant, dans ce contexte, que de plus en plus de forces armées, y compris en Europe, se tournent vers des systèmes d’armes sud-coréens, ceux-ci s’imposant de manière croissante dans les compétitions internationales ces dernières années, y compris face aux ténors occidentaux comme Krauss Maffei Wegman et Rheinmetall, américains comme GDLS et même russes, comme Rosoboronexport dans le domaine des armements terrestres. En outre, et c’est loin d’être négligeable, Séoul est beaucoup moins contraint que ses homologies occidentaux sur la scène internationale, quant à ses exportations, raison pour laquelle, par exemple, Ankara s’est tourné vers Hyundai Rotem pour son artillerie automotrice mais également pour répondre aux problèmes de train propulsif de son char lourd Altay. Ceci explique pourquoi, entre 2019 et 2022, les exportations défense sud-coréennes annuelles ont été multipliées par 3 pour atteindre 10 Md$, venant flirter avec les niveaux moyens de grands pays européens comme la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, après avoir largement dépassé ceux d’autres acteurs importants, y compris la Chine.

Le Japon veut armer ses sous-marins de missiles de croisière à changement de milieu

Relativement préservé lors de la Guerre Froide, le Japon a, contrairement à l’Allemagne, conservé jusqu’à aujourd’hui les contraintes strictes de sa constitution d’après-guerre en matière de forces armées. Ainsi, pour Tokyo, les forces armées nippones, désignées sous le titre de forces d’auto-défense, ne sont conçues que pour assurer la défense immédiate du pays. De fait, même si les forces nippones sont loin d’être négligeables, avec notamment une force aérienne alignant 240 avions de combat dont 150 F-15J, et une force navale forte de 20 sous-marins, 36 destroyers (dont 8 AEGIS), 8 frégates (22 au final) ainsi que 2 porte-aéronefs légers, celles-ci n’étaient pas dotées, jusqu’il y peu, de capacités de frappe à longue portée et de projection de puissance, dans le respect de la constitution du pays.

Ces dernières années, toutefois, face au durcissement de la menace posée par l’effort de guerre chinois, mais également par la Corée du Nord et la Russie, les positions des autorités nippones ont sensiblement évolué. Ainsi, en 2019, le gouvernement de Shinzo Abe entreprit d’adoucir les contraintes strictes imposées aux forces d’autodéfense nippones pour répondre aux enjeux sécuritaires, ouvrant la voie, dès l’année suivante, à la transformation des deux porte-hélicoptères de la classe Izumo pour pouvoir mettre en oeuvre le chasseur bombardier F-35B à décollage et atterrissage vertical ou court, permettant à la marine de se doter de deux porte-avions pour la première fois depuis 1945. De même, les forces aériennes japonaises purent s’équiper de missiles à moyenne et longue portée, dans une logique de frappes préventives pour contrer la menace que représente désormais les missiles à trajectoire semi-balistique et autres missiles hypersoniques qui échappent aux capacités d’interception traditionnelle du système AEGIS.

Taigei class submarine Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les nouveaux sous-marins de la classe Taigei sont parfaitement adaptés pour mettre en oeuvre des missiles de croisière à changement de milieu, pour peu que leurs tubes lance-torpilles soient adaptés.

Depuis, Tokyo a poursuivi son lent mais inexorable glissement pour se doter d’un arsenal défensif complet, comme le fit l’Allemagne Fédérale dans les années 50. Le nouveau Livre Blanc, publié au mois d’aout, consacre cette transformation, avec en ligne de mire la menace chinoise et russe identifiée, c’est une première pour Tokyo, comme des « menaces majeures » pour le Japon. De nombreux programmes d’armement ont été lancés concomitamment, qu’il s’agisse de l’avion de nouvelle génération F-X destiné à remplacer les F-2, de systèmes d’armes à énergie dirigée et électromagnétiques, ou de manière plus traditionnelle, avec la modernisation de la flotte nippone avec l’arrivée des sous-marins de la classe Taigei et des frégates de la classe Mogami. Pour répondre à la menace balistique, et étendre les capacités de frappe à longue portée du pays, les forces d’autodéfense nippones ont également entrepris l’évolution de son système anti-navire Type-12 qui arme actuellement ses batteries côtières, pour en faire un missile de croisière d’une portée de 1000 km, capable de frapper des cibles terrestres. Prévu initialement pour armer les navires et avions de combat nippone, cette évolution du Type-12 armera également, à l’avenir, les sous-marins japonais, une version à changement de milieu devant être développé dans les années à venir.

C’est en tout cas se qu’annonce le site japonais en langue anglaise asahi.com, citant des sources concordantes du gouvernement et des autorités militaires. Il faut dire que le missile de croisière à changement de milieu offre d’importantes capacités opérationnelles, notamment en permettant de mettre en oeuvre des capacités de frappes secondaires, contribuant ainsi à la dissuasion du pays. En outre, il permet de mener des frappes préventives, notamment pour décapiter les capacités de frappes et de commandement de l’adversaire avant que celui-ci puisse les mettre en oeuvre, comme c’est le cas, par exemple, des sous-marins sud-coréens armés de missiles balistiques et de croisière à changement de milieu, en application de la doctrine « 3 axes », sur laquelle repose la défense du pays face à la Corée du nord. Pour Tokyo, il s’agit donc d’un atout de taille dans l’arsenal défensif et dissuasif du pays, alors que le Japon est directement menacé tant la la Chine que la Corée du Nord et la Russie, 3 pays disposant d’importantes capacités de frappe balistiques.

Type 12 missile Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Entré en service en 2015, le missile anti-navire Type-12 constitue aujourd’hui le fer de lance de la défense côtière nippone

Mais l’intérêt d’un Type-12 à changement de milieu ne se limite pas aux besoins défensifs du pays. En effet, depuis quelques années, Tokyo a entrepris d’accroitre sa compétitivité et sa présence sur les marchés internationaux, en particulier dans le domaine de la construction sous-marine, le pays pouvant s’appuyer sur la très performante classe Taigei, premier sous-marin à propulsion conventionnelle à entrer en service équipé de batteries Lithium-Ions. Or, sur ce marché, disposer d’un arsenal offensif complet, incluant un missile de croisière à changement de milieu, constitue un atout de taille, seuls deux pays occidentaux proposant cette possibilité à ce jour, la Corée du Sud avec la classe Dosan anh Changho, et la France avec les sous-marins Barracuda et le missile MdCN qui arme également les SNA de la classe Suffiren. Cet argument est d’ailleurs régulièrement mis en avant par Naval Group lors des compétitions auxquels le groupe français participe face à d’autres modèles européens comme le A26 suédois ou le Type 212/214 allemand, aucun n’ayant à ce jour d’armement comparable à proposer.

Le développement du nouveau missile japonais sera, selon toute probabilité, annoncé officiellement d’ici la fin de l’année, à l’occasion de la présentation de la révision des 3 documents clés encadrant l’effort de défense nippon suivant la publication du Livre Blanc cet été : La Stratégie de Défense Nationale, le Guide du Programme de Défense Nationale et le Programme de Défense à Moyen-terme, équivalent de la Loi de Programmation Militaire en France. Toutefois, eu égard aux nombreuses ambitions annoncées ces dernières semaines par Tokyo, qu’il s’agisse du domaine terrestre avec de nouveaux blindés, du domaine aérien avec le programme F-X et un programme de drones Loyal Wingmen, et du domaine naval avec les programmes Taigei et Mogami, et la construction de deux destroyers AEGIS supplémentaires, il faudra que l’effort de défense suive pour financer l’ensemble de ces programmes. On comprend pourquoi en Juillet dernier, les autorités nippones avaient annoncé qu’elles entendaient briser le plafond de verre de 1% du PIB qui officiait jusqu’à présent, et même viser un effort de défense à 2% du PIB à terme.

Le spectre d’une mobilisation générale après Noel s’étend en Russie

Après 9 mois d’une opération spéciale militaire qui ne devait durer qu’une semaine, des dizaines de milliers de morts et plus de la moitié de ses unités de première ligne détruites, les autorités russes peinent à trouver des solutions pour tenter d’inverser la situation catastrophique de ses armées en Ukraine. Face à des troupes ukrainiennes portées par une succession de victoires, un moral en acier et des équipements occidentaux de plus en plus nombreux et efficaces, les armées de Moscou déployées dans ce qui demeurent une opération militaire spéciale dans le discours du Kremlin, ne parviennent plus à prendre l’initiative, et peine à contenir les poussées de forces ukrainiennes souples et agiles, capables de frapper dès qu’une faiblesse est détectée.

Dans le même temps, l’industrie de défense russe, pourtant l’un des avantages critiques de Moscou en amont du conflit, rencontrent de plus en plus de difficultés pour ne serait-ce que produire au même rythme qu’avant-guerre, handicapée qu’elle est par les difficultés d’approvisionnement en matière de composants occidentaux, mais également par la mobilisation partielle qui la prive d’une partie de sa main d’œuvre, au point qu’il manquerait, aujourd’hui, 400.000 personnes pour lui permettre de retrouver ses capacités de production. De nombreux indices, comme la décision de « moderniser » 800 chars T-62, un blindé conçu à la fin des années 50 et produit dans les années 60, pour compenser les pertes enregistrées en Ukraine, mettent en évidence les tensions qui frappent l’industrie de défense russe aujourd’hui, et qui fait dire à de plusieurs analystes que la Russie a désormais dépassé le seuil au delà duquel elle n’est effectivement plus en mesure de se relever de cette désastreuse campagne du point de vue de ses forces armées conventionnelles.

T 62 Captured Ukrain Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Près d’une centaine de chars T-62 ont d’ores et déjà été perdus par les armées russes en Ukraine

En dehors de l’arme nucléaire, qui marquerait incontestablement le début d’un conflit mondial majeur, il ne reste donc plus qu’une alternative à Moscou pour tenter de renverser la dynamique en Ukraine, en s’appuyant sur sa population de 140 millions d’habitants par ailleurs encore sous contrôle, au travers d’une mobilisation générale. C’est en tout cas l’hypothèse qui aujourd’hui se répand comme une trainée de poudre au travers de l’ensemble du pays, au travers d’une rumeur de plus en plus précise selon laquelle le Kremlin déclenchera une mobilisation générale au début de l’année 2023, au delà des fêtes de noël. Pour de nombreux russes, y compris parmi ses élites, cette rumeur est prise très au sérieux, au point d’envisager de quitter le pays avant cette échéance.

Une mobilisation générale permettrait en effet à la Russie de densifier considérablement les lignes de défense durcies qui sont en cours de construction à quelques kilomètres des lignes d’engagement, à partir du nord dans l’oblat de Luhansk, jusqu’aux rives sud du Dniepr après l’évacuation de Kherson, en passant par un réseau défensif en construction au nord ouest de Mariupol. Les forces produites par une mobilisation générale ne pouvant efficacement mener des opérations offensives, sauf à suivre une stratégie comparable à celle employée par les forces chinoises en Corée en 1951, la densification des défenses, même en s’appuyant sur des équipements obsolètes comme le char T-62, peut en effet amener Kyiv à la table des négociations face aux pertes subies pour tenter de percer ce dispositif. Au final, il semble bien que Moscou vise désormais à créer, en Ukraine, un situation comparable à celle qui prévaut en Corée le long du 72ème parallèle, avec deux dispositifs défensifs interdisants la manoeuvre de chaque belligérant. En outre, Moscou disposera toujours de moyens pour frapper l’Ukraine dans la profondeur comme c’est le cas aujourd’hui, alors que Kyiv n’a pas accès à de telles capacités, ses partenaires craignants une escalade du conflit le cas échéant.

Tranchees Russe Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les Armées russes sont engagées dans la construction d’un vaste réseau défensif qui s’étendra du Dniepr au sud à l’Oblast de Luhansk au nord, pour tenter de bloquer la progression ukrainienne.

Reste qu’une mobilisation générale serait un pari très risqué pour le régime de Vladimir Poutine. D’une part, il est probable que dans une telle hypothèse, une nouvelle vague d’exode touchera la population russe, en particulier pour ce qui concerne les forces vives les plus éduquées du pays ce qui entamera sur la durée les possibilités pour la Russie de se relever économiquement au delà de ce conflit. D’autre part, même si l’immense majorité de la population russe demeure largement sous contrôle de la propagande et du discours officiel des autorités du pays, les risques de voir la grogne populaire se transformer en protestation au sein des grandes villes comme Moscou, Saint-Petersbourg ou Rostov, iront croissants, avec le risque qu’une simple étincelle provoque un embrasement, voire une guerre civile. Enfin, face aux erreurs stratégiques répétées de la part du Kremlin, on ne peut exclure des mouvements de protestation au sein des armées elles-même.

Airbus DS propose à la Corée du Sud une collaboration pour exporter ses nouveaux avions de combat

Mi-septembre, Varsovie commandait 48 chasseurs légers FA-50 à la Corée du Sud pour un montant de 3 Md$. L’appareil, dérivé de l’avion d’entraînement et d’attaque T-50 Golden Eagle, aura pour fonction de remplacer les Mig-29 encore en service au sein des forces aériennes polonaises, et d’épauler les F-16 déjà en service, ainsi que les F-35A commandés en 2019. Selon Varsovie, qui s’est par ailleurs intimement rapproché de Séoul avec la commande de Chars K2, de canons automoteurs K9 et de lance-roquettes multiples K239 dans un effort inédit pour moderniser et étendre ses capacités militaires, cette commande a été largement influencée par les prix attractifs et les délais de livraison proposés par l’industrie aéronautique sud-coréenne, notamment face à l’autre alternative considérée, le F-16V américain. De toute évidence, l’attractivité des offres sud-coréennes dans ce domaine n’a pas échappé à Airbus DS, le groupe aéronautique européen ayant, semble-t-il, proposé à Seoul une collaboration pour exporter le FA-50 mais également les autres avions sud-coréens, en particulier en Europe.

En effet, selon le ministre de l’industrie sud-coréen, Lee Chang-yang, cité par l’agence de presse Yonhap, le CEO d’Airbus DS, Michael Schoellhorn, lui aurait fait une proposition en ce sens lors d’une rencontre à Seoul, afin d’étendre la coopération du groupe européen avec l’industrie aéronautique spatiale sud-coréenne. Selon les détails donnés par le ministre, plusieurs sujets auraient été abordés, comme le déploiement d’un site de R&D Airbus en Corée du Sud, comme c’est déjà le cas en Inde, en Malaisie, à Singapour ainsi qu’en Chine. En outres, certaines coopérations seraient envisagées dans le domaine des semi-conducteurs, des batteries, des systèmes d’affichage, du logiciel ainsi que l’impression 3D.

KF21 Boramae first flight Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le KF-21 Boramae a fait son premier vol en juillet 2022

Toutefois, au-delà de la coopération technologique en matière de sous-traitance et de co-développement, il fut également question, dans cette discussion, d’une collaboration entre Airbus DS et l’industrie aéronautique sud-coréenne, pour exporter les avions de combat développés par Séoul en Europe. Cette discussion a sans le moindre doute été aiguillonnée par la vente des FA-50 à la Pologne, d’autant qu’aucun appareil équivalent n’est au catalogue d’Airbus DS à ce jour. Mais au delà du cas du Golden Eagle, se profile également, et à relativement court terme, le KF-21 Boramae, le nouvel avion de combat moyen dont deux prototypes suivent une intense campagne d’essais, et qui représentera, très bientôt, un concurrent de poids face au JAS-39 E/F Gripen suédois, mais également face au Rafale français et ses nouvelles versions F4 puis F5, ce d’autant que le chasseur sud-coréen sera proposé à un tarif agressif, en faisant une alternative à ces deux appareils, ainsi qu’au F-16V américain.

On voit, dans cette stratégie déployée par Airbus DS, une méthode employée de longue date par Berlin dans ce domaine. Ainsi, en 2004, les groupes allemands Diehl Défense et Rheinmetall créèrent avec l’israélien Rafael la société Eurospike destinée à co-produire en Europe les missiles antichars israéliens Spike, tournant le dos au GIE Euromissile rassemblant la France et l’Allemagne, et qui produisit pendant 3 décennies les systèmes Milan et HOT, deux très importants succès y compris à l’exportation. Cette co-entreprise permit au Spike de s’exporter massivement en Europe, le missile étant aujourd’hui en service dans 12 forces armées sur le vieux continent. La même stratégie semble être à l’oeuvre aujourd’hui pour le système Arrow-3 que Berlin souhaite acquérir auprès d’Israel afin de constituer le bouclier antimissile européen Sky Shield auquel 15 pays participent, avec la co-entreprise EuroArrow.

Rafael Spike Estonia 00 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le missile antichar israélien Spike s’est imposé en Europe en grande partie grâce à la création de la co-entreprise Eurospike en 2004

De fait, ce rapprochement proposé par Michael Schoellhorn avec l’industrie aéronautique sud-coréenne, revêt de nombreux atours des coopérations entre l’Allemagne et Israel, avec en ligne de mire l’émergence d’un concurrent de l’offre aéronautique européenne, en particulier dans le domaine des chasseurs légers et moyens, comme ceux produits par la France et la Suède. Il est ainsi interessant de garder à l’esprit que Berlin et Airbus DS poussent autant que possible pour faire du NGF un chasseur lourd de plus de 35 tonnes dans le cadre du programme SCAF, là où la France vise un chasseur moyen de 30 tonnes pour pouvoir embarquer à bord de son ou ses porte-avions. Dans ce contexte, il est logique pour Berlin de se rapprocher de Séoul qui propose un chasseur léger, le FA-50, et un chasseur moyen, le KF-21 Boramae, pour compléter sa gamme, tout en menaçant les parts de marché potentielles des autres européens, qu’il s’agisse d’un chasseur moyen français comme le Rafale, d’un chasseur monomoteur comme le Gripen E/F, ou d’un avion d’entrainement et d’attaque comme le M346 italien.

Il faudra donc se montrer, pour la France, particulièrement attentif quant au développement de cette initiative, qui pourrait fort bien sabrer le peu de marchés européens échappant aux Etats-Unis, pour les constructeurs aéronautiques européens. Cette initiative montre également, s’il était nécessaire de le faire, que le programme SCAF et son chasseur NGF, tel qu’envisagé aujourd’hui, ne sera absolument pas en mesure de répondre aux besoins d’un grand nombre de forces aériennes européennes, pour qui l’appareil sera probablement trop onéreux à l’achat comme à la mise en oeuvre. La France, la Suède, mais également l’Italie et la Grèce, auraient dans ce domaine tout intérêt à coopérer pour répondre à ces besoins, faute de quoi une grande partie de la chasse européenne dans les décennies à venir pourrait bien être construite à 8.000 km du vieux continent.

Jakarta libère 3,9 Md$ pour une nouvelle tranche de Rafale et des Mirage 2000 d’occasion

De toute évidence, les autorités indonésiennes semblent convaincues par les avions de combat français ! En effet, après avoir signé, en février 2022, une lettre d’intention pour commander 42 avions Rafale à Dassault Aviation, puis avoir versé, en septembre, le premier acompte pour 6 de ces appareils, Jakarta vient d’obtenir du Ministère des Finances une ligne de crédit de 3,9 Md$ pour acquérir une second lot de Rafale, entre 12 et 18 appareils, ainsi que les 12 Mirage 2000 EDA et DDA qataris comme solution intermédiaire dans l’attente de l’arrivée d’appareils plus modernes. Il s’agit, bien évidemment, d’une excellente nouvelle pour l’industrie aéronautique et de défense française, qui voit non seulement le carnet de commande du Rafale s’étoffer une nouvelle fois, mais qui bénéficiera également des contrats de maintenance pour la flotte de Mirage 2000, par ailleurs un appareil très performant pour répondre aux besoins spécifiques de l’Indonésie, en particulier en matière de défense aérienne et d’interception.

Mais cette decision, qui peut paraître aller de soit puisque Jakarta s’était déjà engagé à commander 42 appareils à Dassault, marque en réalité un profond changement d’attitude des autorités indonésiennes qui, ces 15 dernières années, avaient surtout fait montre d’un manque de determination et de constance dans l’execution de leurs négociations dans ce domaine. On se rappelle, naturellement, de l’épisode des 11 Su-35s qui devaient remplacer les Su-27 et Su-30 indonésiens, et qui se perdit en négociations sans fins entre Jakarta et Moscou quant aux conditions de paiement, pour au final être purement et simplement annulées après que la législation américaine CAATSA fut entrée en service. Mais ce fut également le cas concernant la participation indonésienne dans le programme KF-21 Boramae avec la Corée du Sud, Jakarta ayant systématiquement oublié de payer son partenaire, ceci ayant même entrainé, un temps, le retour de la centaine d’ingénieurs indonésiens qui participaient au programme en Corée du Sud. D’ailleurs, il semble que le problème ne soit toujours pas pleinement réglé, puisque l’Indonésie serait toujours redevable de 550 m$ à Séoul quant à sa participation à ce programme.

f Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les négociations entre Jakarta et Washington autour de la vente de 36 F-15EX pour 13,9 Md$ semblent compliquées, de l’aveux même de Boeing

Plus récemment encore, ce fut au tours des américains de se confronter aux méthodes indonésiennes de négociation à ce sujet. Alors que Jakarta officialisait la commande de 42 Rafale en février, une seconde commande, cette fois portant sur 36 F-15EX américains, fut également annoncée comme « autorisée », pour un montant de 13 Md$. Toutefois, depuis, les négociations avec Boeing semblent piétiner et suivre une trajectoire qui n’est pas sans rappeler celle des Su-35s russes. En effet, si en septembre, le Foreign Military Sales autorisa la vente des 36 appareils à Jakarta pour 13,9 Md$, le constructeur américain a, plus récemment, émis de sérieuses reserves quant à la capacité des autorités indonésiennes à financer un tel programme. Il semble que, comme ce fut le cas avec la Russie au sujet des Su-35s, Jakarta ait proposé à Washington de payer une partie des 13 Md$ en exportations indonésiennes, probablement en Huile de palme et autres matières premières, ce qui, de toute evidence, n’est guère du gout des autorités américaines.

De fait, l’annonce par Jakarta sur la mise à disposition des crédits pour l’acquisition des Mirage 2000 Qatari comme d’un nouveau lot de Rafale, ce après une première commande il y a juste quelques mois des 6 premiers appareils, marque la profonde confiance qu’accorde les autorités indonésiennes en la France et ses avions de combat. Il est vrai que le durcissement des tensions entre les Etats-Unis et la Chine autour du dossier taïwanais, ainsi que les incursions désormais quotidiennes des avions de combat chinois dans la zone de défense aérienne taïwanaise, obligent désormais le pays à prendre très au sérieux les risques de conflit dans la région, ce alors que ses forces aériennes demeurent composées d’un assemblage hétéroclite de chasseurs russes dépassés et de F-16 américains dont beaucoup ont, eux aussi, connus des jours meilleurs. Il lui est donc indispensable de reconstituer rapidement une capacité de réponse, ne serait-ce que pour tenir à distance les protagonistes, domaine dans lequel le rapide et agile Mirage 2000 apportera une réponse adaptée.

Rafale Mirage2000 qatar Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
l’acquisition des Mirage 2000 Qatari permettra à Jakarta de sensiblement accroitre ses capacités de défense aérienne à court terme

Quant au Rafale, il est désormais evident qu’il est beaucoup moins cher à l’achat comme à la mise en oeuvre que le F-15EX de Boeing, ce malgré les prix de communication parfois affichés par le constructeur américain, puisque les 42 Rafale indonésiens, livrés eux aussi avec leur stock d’armement, de pièces et de services, couteront 40% moins cher que les 36 F-15EX américains, si tant est que Jakarta aille effectivement au terme de ces négociations. Or, par son allonge et ses capacités d’emport, l’avion français n’à guère à rougir vis-à-vis de son homologue américain, qu’il s’agisse des missions air-air ou air-sol-surface, ce alors que Jakarta garde toujours un pied dans le prometteur programme sud-coréen KF-21 Boramae, qui devrait entrer en service dans la seconde moitié de la décennie.

Quoiqu’il en soit, alors que plusieurs commentateurs voyaient dans le couple KF-21/F-15EX la nemesis du Rafale en Indonésie, tout porte à croire, désormais, que Jakarta ira bien au terme de ses ambitions vis-à-vis du chasseur français, pour devenir, à terme, le second opérateur de Rafale à l’international, ne cédant dans ce domaine qu’à l’Egypte et ses 54 appareils. A moins, comme on peut l’espérer, que l’Inde elle aussi privilégie les offres françaises face aux appareils américains pour équiper ses porte-avions et renforcer ses forces aériennes, alors que le dernier des 36 Rafale commandés par New Delhi en 2017 sera livré le mois prochain. Alors que les rumeurs au sujet d’une commande serbe voire irakienne se font de plus en plus pressantes, tout indique que le succès commercial du joyau de Dassault ne s’émoussera pas dans les mois et années à venir.

Face à la menace hypersonique balistique iranienne, Israel accélère le développement de l’Arrow-4

Entré en service au debut des années 2000, le système anti-balistique israélien Arrow-2 fut conçu pour contrer la menace croissante portée par le développement, en Iran, de nouveaux missiles balistiques à moyenne portée, susceptibles d’atteindre l’état d’Israël. Il permet de détecter des cibles balistiques jusqu’à 500 km de distance, et de les intercepter à une distance maximale de 100 km et une altitude inférieure à 50 km. Face à l’entrée en service de missiles balistiques iraniens à plus longue portée au debut des années 2010, Tel-Aviv décida de développer une capacité anti-balistique complémentaire à celle de l’Arrow-2, l’Arrow-3 permettant d’intercepter des cibles exo-atmosphériques, jusqu’à une distance de 2.400 km, grâce à la technologie des imposteurs cinétiques employées également par le missile SM3 sur système AEGIS de l’US Navy, ainsi que le système THAAD de l’US Army. Le nouveau système entra en service en 2017, et bénéficia d’un large soutien budgétaire et technologique des Etats-Unis.

Toutefois, à l’instar des systèmes américains Patriot PAC-3 et THAAD, le couple Arrow-2/Arrow-3 se montre, aujourd’hui, en difficulté pour intercepter de nouveaux types de missiles balistiques associant une trajectoire semi-balistique et des capacités de manoeuvre, capacités dont il semble que l’Iran serait en passe de se doter, ce après la Russie, la Chine et la Corée du Nord. Au mois de février 2022, le premier ministre israélien Benni Gantz annonça donc l’entame des travaux de conception d’un successeur à l’Arrow-2, désigné Arrow-4, destiné précisément à contrer ce type de menace émergente, qu’il s’agisse des missiles hypersoniques à trajectoire surbaissée ou équipés de planeurs hypersoniques capables de manoeuvrer jusqu’à l’impact pour déjouer les défenses anti-missiles adverses, avec pour objectif de mettre en service cette nouvelle capacité anti-balistique d’ici la fin de la présente décennie.

Iran hypersonic Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La semaine dernière, l’Iran a annoncé qu’elle disposait désormais d’un missile balistique capable de manoeuvres hypersoniques endo et exo-atmosphériques.

Les declarations faites la semaine dernière Amir Ali Hajizadeh, Chef de la division aéronautique des Gardiens de la Révolution iraniens, ont de toute evidence amené les autorités israéliennes à accélérer le développement de ce nouveau système. En effet, selon Amir Ali Hajizadeh, l’Iran disposerait désormais d’un missile hypersonique capable d’évoluer dans et hors de l’atmosphère, ce qui pourrait, en toute hypothèse, menacer directement Israel en surclassant le bouclier anti-missile et anti-aérien composé des systèmes Arrow 2 et 3, ainsi que du système anti-aérien à moyenne et longue portée David Sling et du système à courte portée Iron Dome. Et de toute evidence, Jerusalem prend très au sérieux ces declarations, puisque selon un article publié par le site américain Breaking Defense, les autorités israéliennes, comme le Missile Defense Directorate du Ministère de la Défense, auraient entrepris d’accélérer le développement de l’Arrow-4, et ce depuis déjà 2 mois, sans que l’on sache précisément quel serait le nouveau calendrier visé.

Il faut dire que le développement de l’Arrow-4 ne se resume pas au développement d’un nouvel intercepteur capable de prendre à partie une cible capable de manoeuvre et de changement de milieux (endo et exo atmosphérique), même si cela représente déjà, à lui seul, un enjeu technologique de grande complexité. Il s’agit également de disposer des capacités de detection avancée, de classification et de suivi de telles menaces, qui par leur vitesse et leur manoeuvres, complexifient considérablement l’ensemble de la chaine anti-balistique, notamment par son imprévisibilité et ses délais réduits. Il s’agit donc, face à une telle menace, non seulement de détecter sa position, trajectoire et vitesse de la menace, mais de deployer des capacités d’interception susceptibles de couvrir toutes les cibles potentielles visées par ce missile, avec une contrainte de vitesse relative très importante. Il faudra certainement attendre pour en savoir plus quant aux ambitions, au calendrier mais également aux acteurs industriels israéliens et américains engagés dans le développement de ce programme, qui constitue déjà un enjeu stratégique pour Jerusalem face à la menace de plus en plus sensible de voir Téhéran se doter de capacités nucléaires à relativement court terme.

iris t 3 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le système IRIS-T au coeur du bouclier Sky Shield Allemand ne dispose d’aucune capacité anti-balistique, contrairement au SAMP-T Mamba franco-italien

La decision israélienne d’accélérer le développement du système Arrow-4 met également en lumière l’une des plus importantes failles conceptuelles du bouclier anti-aérien et anti-missiles Sky Shield proposé par l’Allemagne à ses voisins européens, et auquel 15 pays dont 13 appartiennent à l’UE, ont déjà adhéré. A l’instar de la défense israélienne, celui-ci se compose d’une réponse multicouche pour traiter les menaces, avec le système israélien Arrow-3 pour l’exo-atmosphérique contre les missiles balistiques à moyenne portée, le Patriot PAC-3 pour traiter les missiles balistiques à courte portée et la défense anti-aérienne à longue portée, et le système allemand IRIS-T SLM pour la menace moyenne portée moyenne couche, ce dernier système étant avant tout destiné à traiter la menace aérienne et les missiles de croisière. Or, aucun de ces systèmes n’est en mesure de contrer efficacement les nouvelles armes hypersoniques russes, comme le missile balistique aéroporté Kinzhal, et celui-ci peinera probablement à contrer le pourtant parfaitement connu missile balistique à courte portée Iskander-M, précisément conçu pour évoluer au dessus du plafond d’interception du Patriot, et sous le planché d’interception du THAAD et donc de l’Arrow-3. En d’autres termes, le Sky Shield allemand est incapable de couvrir la bande d’altitude allant de 50 à 80/90 km, celle qui précisément fait l’objet de toutes les attentions de la part de Moscou, Pékin, Pyongyang et Téhéran.

Certes, Berlin s’est engagé, avec Madrid et plusieurs autres acteurs européens, dans le développement d’un système précisément conçu pour contrer ce type de menace, le programme EHDI, destiné à detecter et intercepter les nouveaux missiles hypersoniques. Mais en excluant la France et l’Italie de ce programme européen, et en écartant MBDA du programme européen Twister, les européens se privent des seuls acteurs du vieux continent ayant précisément une expertise avérée dans ce domaine, ce qui laisse très probablement un vaste champs libre, face à l’urgence de la menace, pour des coopérations trans-atlantiques et donc pour une main mise renforcée de Washington sur l’un des aspects les plus stratégiques de la défense et de la dissuasion européenne. A moins, naturellement, que Berlin entende une nouvelle fois se tourner vers Jerusalem et son futur Arrow-4 pour traiter ce sujet, comme c’est déjà le cas avec l’Arrow-3, et avant cela avec le missile antichar Spike.