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12 porte-avions, 150 destroyers et frégates, 66 SNA ..: le nouveau plan de l’US Navy relève enfin le défi chinois

Comme nous l’avons déjà plusieurs fois abordé, la planification capacitaire de l’US Navy aura été pour le moins chaotique ces 20 dernières années, entre des dépenses inconsidérées dans certains programmes mal calibrés comme les destroyers Zumwalt et les corvettes LCS, et des arbitrages contradictoires de la part de la Maison Blanche et du Congrès. Le défi était donc de taille pour l’Amiral Gilday, le Chef des Opérations Navales, de remettre de l’ordre dans cette planification, tout en remettant l’exécutif et le legistalitif américains dans une même direction, afin de relever ce qui semble bien représenter le plus grand défi pour la puissance navale américaine de l’histoire, la montée en puissance de la force navale chinoise. Après plusieurs tâtonnements et une approche à 3 options présentées il y a quelques mois, le CNO a enfin présenté le très attendu Navigation Plan 2022, le document qui représente la stratégie militaire mais également industrielle recommandée par l’Etat-Major de l’US Navy pour les deux décennies à venir.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce document prend enfin la pleine mesure du défi que représente la montée en puissance de la Chine dans le domaine militaire, et en particulier dans le domaine naval, alors que Pékin produit désormais 5 à 6 nouveaux destroyers et croiseurs chaque année, 2 à 3 nouvelles frégates, ainsi qu’un porte-avions tous les 3 ans et 1 grand navire amphibie tous les ans, et que l’on estime qu’il lui est désormais possible de lancer un sous-marin à propulsion nucléaire et 1 à 2 sous-marins à propulsion conventionnelle chaque année. En d’autres termes, en s’appuyant sur la dynamique actuelle, la République Populaire de Chine disposera, à horizon 2035/2040, d’une force navale composée de 4 à 5 porte-avions, de 80 destroyers et croiseurs, de 60 frégates et de 20 grands navires amphibies, épaulés de 15 à 20 sous-marins nucléaires d’attaque et d’une soixantaine de sous-marins conventionnels pour se confronter à la 7ème flotte de l’US Navy en charge du Pacifique occidental et de l’Ocean Indien. Cette flotte serait alors parfaitement dimensionnée pour mener une offensive sur Taïwan, en particulier la mise en oeuvre d’un blocus naval susceptible de maintenir l’US Navy à distance. En outre, dans le même temps, la Russie semble décidée à accentuer la production de ses propres sous-marins, en particulier ses SSGN classe Iassen-M et ses SSK classe Lada et Improved Kilo, tout en soutenant un effort pour produire une flotte hauturière composée de frégates et destroyers modernes, mais dépourvue de porte-aéronefs.

FA XX US Navy Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Vue d’artiste du NGAD F/A-XX proposé par Boeing

Pour répondre à cette double-menace, et conserver des capacités de manoeuvre significatives en Méditerranée et dans le Golfe Persique, l’Amiral Gilday a décidé de poser sans fioriture le problème devant les décideurs politiques américains de la Maison Blanche comme du Congrès. Selon le document présenté, il est en effet nécessaire que l’US navy évolue vers un format ambitieux susceptible de relever le défis posé par Pékin et Moscou, en s’appuyant sur un plan prévoyant une montée en puissance sur une vingtaine d’années afin de retrouver des capacités perdues depuis la fin de la Guerre Froide, et dépassant même largement les attentes de la 3ème et plus ambitieuse option présentée il y a juste 3 mois au Congrès. Le format de l’US navy s’appuierait alors en 2045 sur :

  • 12 sous-marins nucléaires lance-missiles baltiques SSBN de la classe Columbia
  • 12 porte-avions à propulsion nucléaire de la classe Improved Nimitz et Ford
  • 66 sous-marins nucléaires d’attaque et lance-missiles de croisières de la classe Virginia, de la nouvelle classe SSN(x) et de la nouvelle classe de SSGN destinée à remplacer les 4 Ohio assurant cette fonction
  • 96 grands navires de surface combattants des classes Zumwalt, Burke et de la la nouvelle de destroyer DDG(x)
  • 56 « petits » navires de surface combattants de la classe Constellation
  • 31 grands navires amphibies et 18 nouveaux navires amphibies legers
  • 82 navires logistiques et de soutien
  • 150 grands navires de surface et sous-marins autonomes robotisés
  • 1.300 chasseurs de 5ème génération F-35C et nouveaux NGAD F/A-XX
  • 900 plate-formes anti-sous-marines aéroportées comme le P-8A Poseidon et le MH-60R
  • 750 avions et hélicoptères de support

Concrètement, il s’agirait du plus important effort capacitaire entreprit par l’US Navy depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui nécessiterait d’accroitre sensiblement les capacités de production industrielle des chantiers navals américains dans les années à venir. Ainsi, pour obtenir une telle flotte opérationnelle en 2045, il serait nécessaire de produire 1 nouveau porte-avions tous les 3 ans(+30%), 2,5 nouveaux sous-marins nucléaires par an(+25%), 2,5 destroyers(+75%), 2 frégates(+100%), 1,5 navires amphibies et 2 navires logistiques chaque année(+100%), soit une hausse moyenne de plus de 50% des capacités de production américaines et de 25% du format de la flotte elle-même vis-à-vis de la trajectoire actuelle. En outre, il faudra produire mais également entretenir et contrôler les quelques 150 navires autonomes prévus, soit une capacité à concevoir, former et mettre en oeuvre sur une base quasi-vierge. Enfin, il sera nécessaire d’augmenter de plus de 60% le format de la flotte de chasse de l’US Navy, tout en assurant le remplacement des quelques 750 Super Hornet et Growler actuellement en service, tout en augmentant de 50% les flottes de lutte ASM et de support.

FFGX Constellation Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Les frégates de la classe Constellation auront une jauge de plus de 7.200 tonnes, mais sont considérées comme de « petites unités de surface combattantes » dans la taxonomie de l’US Navy

On remarquera en outre certaines dispositions radicales prises par ce plan, comme la suppression totale des LCS d’ici 2045 (et probablement avant cela) pour se concerner sur une flotte de 56 frégates de la classe Constellation pour assurer la protection anti-sous-marine et l’escorte des unités navales, ainsi que la suppression de l’ensemble des chasseurs Super Hornet de la flotte de chasse, ne laissant que peu d’espoir quant aux futurs évolutions qui seront apportées à l’appareil dans les années à venir (un point déterminant dans la compétition avec le Rafale M en Inde). On remarquera également que l’US Navy continue clairement de considérer le porte-avions comme le pivot de sa stratégie de suprématie navale, tout en insistant sur le besoin de developper des capacités de protection « terminale » de type énergie dirigée et hard-kill pour protéger ces navires de la menace que représentent les missiles antinavires hypersoniques ou furtifs. A ce titre, la flotte de chasse portée à 1300 appareils de 5ème génération + permettra d’armer les porte-avions US à plus de 60 à 70 avions de combat, hors drones, bien au delà des 44 Super Hornet qui arment les Nimitz aujourd’hui. Enfin, un effort très important est annoncé en matière de lutte anti-sous-marine, avec l’arrivée de 56 frégates dédiées à cette mission, de 300 plate-formes aériennes spécialisées supplémentaires, sans parler de la plus-value apportée par les navires autonomes dans cette mission.

Le défi est donc de taille pour l’Amiral Gilday. Non seulement devra-t-il convaincre l’exécutif et le Congrès de la nécessité de financer un tel programme, qui nécessiterait une hausse de 6 à 7 Md$ des crédits annuels d’équipement dédiés à l’US Navy, et ce dès les années à venir pour tenir l’échéance de 2045, mais il faudra très probablement augmenter les crédits dédiés aux ressources humaines, ainsi qu’au fonctionnement de cette flotte, probablement de l’ordre de 50 à 65% hors inflation en tenant compte des optimisations d’équipages et de procédures de maintenance potentielles dans les années à venir, raison pour laquelle le navigation Plan 2022 demande une hausse annuelle de 3 à 5% (hors inflation) du budget alloué à l’US Navy sur l’ensemble de la période, soit une hausse de 65% du budget sur la période de 20 ans. Pour autant, les tensions croissantes en Europe face à la Russie, dans le Pacifique occidental face à la Chine, et la réthorique de plus en plus martiale de Moscou et surtout de Pékin dans de nombreux domaines, en particulier au sujet de Taïwan, laissent peu de marges aux décideurs américains s’ils entendent effectivement contenir la menace.

Le nouveau Livre Blanc de la Défense nippon désigne Chine et Russie comme des menaces majeures

« Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant« . Cette célèbre phrase de Talleyrand prononcée par le diplomate français au sommet de Vienne en 1814, pourrait être la punchline du nouveau Livre Blanc sur la Défense publié au pays du soleil levant. En effet, le Japon pourtant traditionnellement discret et circonspect sur la scène internationale, se montre particulièrement directif et clair dans ce document qui encadrera l’effort de défense nippon pour la décennie à venir, en désignant sans ambages la Russie comme une « nation agressive » d’une part, et la Chine et ses ambitions sur Taïwan comme une menace majeure pour la paix regionale et les équilibres internationaux garants de la paix, d’autant que l’ile autonome depuis 1949 est présentée dans le document comme un partenaire stratégique pour Tokyo, qui en outre partage les mêmes valeurs démocratiques que le Japon. Et d’assurer que le Japon devrait faire tout ce qui s’avèrerait nécessaire pour maintenir le statu quo qui permit à la République Populaire de Chine et à la République de Chine de coexister et même de croitre conjointement ces 70 dernières années.

Alors que les autorités chinoises multiplient les mises en garde et les démonstrations de forces autours de Taïwan sur fond de possible visite de Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre des Représentants américaine, à Taipei à l’occasion d’une tournée asiatique débutant aujourd’hui à Singapour, la publication de ce nouveau livre blanc met clairement l’accent sur le risque de conflit qui existe désormais dans le Pacifique, tant avec la Chine autour de la question Taïwanaise, qu’avec la Russie au sujet du different territorial qui oppose les deux pays autours des iles Kouriles, faisant notamment un parallèle avec la situation ayant précédé au déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, cette dernière représentant selon Tokyo une menace pour la paix dépassant le cadre purement européen.

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Selon Tokyo, la volonté de Pékin de réintégrer Taïwan à la République Populaire de Chine, par la force si nécessaire, représente une menace critique pour les intérêts nippons

Au delà du risque inhérent aux ambitions chinoises et russes, Tokyo s’inquiète également, dans ce document cadre, des liens qui se créent entre ces deux nations, susceptibles de créer un challenge pour la paix et les équilibres mondiaux bien au delà de ce qui purent exister par le passé, en particulier dans la zone indo-pacifique, il est vrai relativement préservée au delà de guerre de Corée et des guerres indochinoises lors de la guerre froide. En particulier, la volonté désormais claire de Pékin de rattacher Taïwan par la force si nécessaire à la République Populaire de Chine, est désigné dans le document comme une menace critique aux intérêts nippons, un terme qui prend tout son sens à la lecture de la constitution nippone révisée en 2019 par Shinzo Abe alors premier ministre, et qui autorise l’emploie de la force armées, et notamment des forces d’autodéfense nippones, pour protéger les intérêts vitaux du pays, y compris de manière préventive.

De fait, ce nouveau Livre Blanc nippon constitue une évolution profonde et même radicale de la position de Tokyo au sujet des tensions internationales, en particulier celles qui trouvent leurs racines à proximité de l’archipel. Les autorités ont déjà annoncé qu’elles entendaient désormais briser le plafond de verre qui limitait les dépenses de défense du pays à 1% du PIB, pour atteindre un niveau équivalent à 2% du PIB du pays dans les années à venir, faisant potentiellement du Japon la troisième puissance militaire mondiale en terme de dépenses avec un budget de plus de 100 Md$ par an. En outre, le pays a engagé plusieurs programmes technologiques de défense très ambitieux, qu’il s’agisse de developper des missiles hypersoniques sur base de Scramjet, d’armes à énergie dirigée et de canons électriques, de drones et d’avions de combat, y compris en se rapprochant de nouveaux partenaires comme le Royaume-Uni pour le developpement du programme de chasseur de nouvelle génération F-X.

rail gun japan Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le Japon a lancé plusieurs grands programmes technologiques de défense, y compris un programme de Rail Gun destiné à intercepter les missiles balistiques et hypersoniques

Reste que si les inquiétudes et ambitions des autorités japonaises sont légitimes et justifiées, la réponse potentielle que pourra produire le pays sera nécessairement limitée par la démographie du pays, et par la vulnérabilité relative d’une super-puissance totalement insulaire et dépourvue de ressources naturelles. A l’instar de l’Allemagne ou de la Corée du Sud, un nombre croissant de voix s’élèvent dans les grandes villes nippones afin de doter le pays d’une capacité de dissuasion nucléaire, pour assurer sa sécurité au delà de la protection offerte par les Etats-Unis. Le pays dispose en effet de toutes les ressources, y compris en terme de matériaux fissibles et de capacités d’enrichissement, pour produire rapidement des armes nucléaires, ainsi que de vecteurs pour les mettre en oeuvre, dans une posture ambiguë volontairement entretenue par les autorités nippones ur le sujet, en qualifiant le pays de « potentiellement nucléaire ». L’augmentation du budget des armées nippones comme de la menace exercée par Pékin et Moscou sur les intérêts nippons, pourraient des lors bien amener Tokyo a franchir le Rubicon, surtout si la position américaine dans cette partie du monde venait à être affaiblie.

Le Livre Blanc publié la semaine dernière ne fait nullement référence à une telle hypothèse, et reste pour l’heure accès sur des objectifs technologiques purement conventionnels. Pour autant, il montre sans ambiguïté un changement de posture radical de la part des autorités nippones en matière de défense et de politique étrangère, en particulier dans le bras de fer qui se dessine autour du couple sino-russe, perçu comme une menace majeure pour la sécurité du pays. Au delà des aspects purement militaires, il est probable que le Japon tendra à réduire l’exposition de son économie envers ces deux pays, précisément pour éviter que ne se reproduisent les conséquences auxquelles l’Europe doit faire face du fait de sa dépendance aux gaz et pétrole russe, et qui pourrait fort bien se reproduire vis-à-vis de la Chine le cas échéant. Rappelons en effet que la Chine est aujourd’hui, devant les Etats-Unis, le premier partenaire commercial de l’Union européenne, avec plus de 586 Md$ d’échanges en 2021, et ce malgré un déficit commercial colossal de 181 Md$ vis-à-vis de la Chine, et que Tokyo et Pékin avaient été, au 1er janvier 2021, les architectes de la mise en oeuvre de l’immense zone de libre indo-pacifique. De toute évidence, les choses sont appelées à rapidement évoluer dans ce domaine aussi dans les mois et années à venir.

L’Armée espagnole s’intéresserait au canon CAESAR de Nexter

Avec l’avion de combat Rafale, le canon CAESAR conçu et produit par Nexter, est incontestablement aujourd’hui l’un des équipements de défense français qui rencontre le plus grand succès sur la scène internationale. En effet, le CAmion Equipé d’un Système d’ARtillerie, a déjà été choisi par 8 forces armées étrangères, dont 4 membres de l’OTAN (Belgique, Danemark, Republique Tchèque et Lituanie), et de nouvelles commandes devraient prochainement être confirmées en provenance d’Irak et de Colombie. Le CAESAR semble également très bien se comporter en Ukraine, où 18 de ces systèmes ont été offerts par la France aux forces ukrainiennes pour soutenir la résistance face à l’agression russe. Et il se pourrait bien qu’un nouveau client européen se révèle dans les mois à venir, l’Espagne semblant très intéressée par le système d’artillerie de Nexter pour remplacer son artillerie autotractée dans le cadre du programme Army 35.

Selon le site infodefensa.com, une délégation du 12ème Groupe d’Artillerie de Campagne appartenant à la brigade de Guadarrama, se serait en effet rendue à Suippes auprés du 40ème régiment d’Artillerie de l’Armée de Terre, pour mener une evaluation technique et tactique du CAESAR mais également des autres systèmes en service au sein du régiment, comme le système Mistral 3 pour la defense anti-aérienne rapprochée, ou le radar Murin. Si ce type d’échange est loin d’être exceptionnel entre unités alliées, il s’inscrirait, selon le site espagnol, dans une démarche visant à évaluer l’opportunité de se tourner vers le CAESAR pour remplacer les M105A5 actuellement en service au sein des forces terrestres espagnoles, mais également pour se doter de cette capacité d’artillerie sur roues qui offre, de toute évidence, d’importantes plus-value opérationnelles, y compris en matière d’engagement de haute intensité. S’il s’agit effectivement de remplacer les M109A5 espagnols, les discussions entre Paris et Madrid pourraient constituer le plus important contrat d’exportation potentiel pour le CAESAR de Nexter, portant sur plus d’une centaine d’exemplaires.

CAESAR A400M Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
le CAESAR de Nexter a été conçu pour être aisément aérotransportable à bord d’avions comme le C-130 ou l’A400M

Le remplacement des systèmes d’artillerie sous blindage chenillés comme le M109, n’était pourtant pas l’objectif initial de Nexter lorsqu’il présenta son CAESAR en 1994. Le système visait en effet avant tout à apporter une alternative économique et performante aux systèmes d’artillerie tractée, en l’occurence pour remplacer les canons de 155mm TRF1 de l’Armée de terre. Pour cela, Nexter associa un système d’artillerie moderne à un camion 6×6, pour un prix d’acquisition et de mise en oeuvre égal à celui du couple canon tracté – tracteur, tout en offrant une mobilité bien plus importante. Au fil des années et des démonstrations opérationnelles d’efficacité aux mains des artilleurs français, mais également thaïlandais et saoudiens, le CAESAR s’est révélé être effectivement une alternative aux systèmes tractés, mais également, par son excellente mobilité, aux systèmes chenillés sous blindage dans un contexte de haute intensité.

Pour cela, le système français s’appuie sur sa capacité à être mis en batterie, tirer une salve de 6 obus de 155mm par canon, et quitter la zone de tir en moins de 3 minutes, soit moins de temps qu’il n’est nécessaire à un système de contre-batterie performant pour détecter, diriger le tir et engager une batterie adverse. En outre, par sa configuration 6×6 et sa masse réduite de seulement 17 tonnes, le CAESAR peut non seulement quitter la zone de tir en 45 secondes après le dernier tir, mais il peut s’en éloigner très rapidement, le mettant hors de portée des obus et roquettes guidés capables de repérer une cible dans un périmètre donné. Enfin, et c’est loin d’être négligeable, le CAESAR est economique, avec un prix d’acquisition de l’ordre de 4 à 5 m$, soit moins du tiers de celui d’un M109 ou d’un Pzh.2000, et son prix de mise en oeuvre et de possession conserve ce même ratio favorable, d’autant qu’il repose sur des technologies mécaniques relativement simples et accessibles, et de matériaux et composants d’une grande robustesse.

Canon automoteur M109 Paladin de lUS Army Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
le CAESAR est 2 fois plus léger et plus mobile que le M109 américain, tout en étant plus de 3 fois moins cher à l’achat comme à la mise en oeuvre

De fait, ce qui était initialement un système d’artillerie lourd adapté à un système de mobilité léger de sorte à pouvoir être aisément aérotransporté par avions A400M ou C-130, et à évoluer aux seins des très mobiles GTIA et SGTIA de l’Armée de Terre notamment en opérations exterieures, s’est peu à peu révélé être une alternative à des systèmes bien plus lourds et onéreux, tout en disposant d’une efficacité opérationnelle et d’une survivabilité au moins aussi élevées. Dans ce domaine, le nouveau CAESAr NG, déjà commandé par l’Armée de Terre française et par les forces armées terrestres belges, accentuera ces qualités dédiées à la haute intensité, grâce à un blindage renforcé de l’habitable contre les armes légères et les shrapnels d’obus (Stanag 4), et un moteur deux fois plus puissant afin d’accroitre la pourtant déjà très confortable mobilité du CAESAR 6×6 original. Il n’est donc en rien étonnant que de nouvelles forces armées s’intéressent à cet équipement qui pourrait bien, par ses qualités conceptuelles, préfigurer les évolutions profondes de la conception de véhicules de combat blindés dans les années et décennies à venir.

L’échec probable de SCAF a-t-il été planifié par Berlin de longue date ?

Qu’il s’agisse des autorités industrielles, militaires et même politiques, il n’y a plus guère aujourd’hui de voix en France comme en Allemagne pour espérer que le programme de Système de Combat Aérien du Futur, ou SCAF, aille à son terme. Même le ministère français des armées, porte-voix des ambitions de coopération européenne et franco-allemande de l’Elysée depuis plus de 5 ans maintenant, se montre si pas résigné, mais pour le moins discret voir dubitatif sur le sujet. Cet échec en devenir, qui semble désormais presque inéluctable, est souvent présenté comme la conséquence d’une opposition industrielle entre Dassault Aviation et Airbus Défense&Space au sujet du Next Generation Fighter, le premier et le plus important pilier du programme SCAF, dont le pilotage était attribué à l’avionneur français dés le début du programme, mais dont les modalités de coopération sont remises en cause par Airbus D&S. Pourtant, à bien y regarder, cet échec probable trouve ses racines dans des décisions successives venues de Berlin, et ce des 2017, alors même que le SCAF prenait à peine corps dans le discours d’Angela Merkel et Emmanuel Macron.

Un article en deux parties publié sur le site Defense-aérospace, dresse en effet la liste de ces décisions qui sont venues saborder l’ambition de coopération franco-allemande des deux chefs d’Etat, et ce bien au delà du seul programme SCAF. Rappelons en effet qu’initialement, cette coopération portait sur le SCAF, mais également sur le programme Main Ground Combat System ou MGCS pour remplacer les chars lourds Leclerc et Leopard 2, le programme Maritime Air Warfare System ou MAWS destiné à remplacer les avions de patrouille maritime P3 et Atlantique 2, le programme Common Indirect Fire System ou CIFS pour remplacer les systèmes d’artillerie à horizon 2035, l’Eurodrone pour produire un drone de combat Male européen, et enfin Tigre III, l’évolution de l’hélicoptère de combat Tigre, l’un des rares programmes franco-allemand de défense récent ayant atteint son terme.

mgcs illustration rheinmetall Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le MGCS devait initialement être développé à parité par KMW et Nexter au sein de la co-entreprise KNDS. L’arrivée de Rheinmetall imposée par le Bundestag aura totalement déstabilisé les équilibres industriels en son sein, vouant le programme à un échec prévisible.

Ainsi, dès décembre 2017, Berlin mettait un coup de canif plus que significatif dans la coopération défense franco-allemande en annonçant le lancement de deux satellites de reconnaissance Electro-optiques, alors que depuis 2008, les deux pays s’étaient entendus sur un partage de compétences dans ce domaine, la France mettant en oeuvre des satellites Electro-optiques, l’Allemagne des satellites équipés de radar. Quelques mois plus tard, Berlin imposa son veto quant à l’exécution de contrats d’exportation d’équipements blindés français équipés de moteurs allemands vers l’Arabie saoudite, ce qui mit a mal l’ensemble du contrat avec Ryad. Pourtant, deux années plus tard, l’Allemagne autorisa l’exportation de camions militaires vers ce même pays. En 2019, Berlin imposa l’arrivée de l’industriel Rheinmetall dans le programme MGCS, alors même que le partage industriel autour de ce programme avait été organisé autour de la fusion de Krauss Maffei Wegman et du français Nexter, ce dernier assumant au sein du nouveau programme le même rôle que Rheinmetall au sein des programmes Leopard 1 et 2, déstabilisant de fait profondément le programme.

Dans le même temps, Berlin annonça la commande de 5 avions de patrouille maritime P8A Poseidon américains, portant un sévère coup d’arrêt au programme MAWS, même si à cette époque, la décision allemande était présentée comme un Gap-Filler, un moyen d’assurer la transition entre la flotte trop vieillissante de P3C Orion encore en service, et l’arrivée du MAWS d’ici une dizaine d’années. Pour autant, les autorités allemandes n’ont pas même considéré sérieusement l’offre de Paris de moderniser 4 Atlantique 2 en plus des 18 en cours de modernisation pour la Marine Nationale, précisément pour assurer cette même transition, ce qui aurait mis Paris et Berlin sur un pied d’égalité dans ce domaine. Toujours en 2019, l’absence de progrès autours du programme CIFS amenèrent les autorités à annoncer que le programme n’était plus « urgent » et qu’il n’aboutirait probablement pas avant 2040.

P 8 RAF Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Les autorités allemandes ont annoncé la commande de 5 P8A Poseidon américains de patrouille maritime, chiffre qui a récemment été porté à 12 appareils, portant un coup d’arrêt définitif au programme MAWS

Ces derniers mois, la situation s’est encore largement détériorée, avec la probable commande d’hélicoptères AH-64E Apache par l’Allemagne plutôt que de participer au programme Tigre III, la décision d’équiper le drone Euromale sous pilotage allemand par Airbus DS, d’un moteur italien d’origine américaine plutôt que d’un moteur français 100% européen, et l’acquisition de F-35A pour assurer la mission nucléaire au sein de la Luftwaffe. Dans le même temps, les exigences allemandes du point de vue industriel n’ont cessé de croitre, tant autour du programme SCAF, alors que le seul pilier dirigé par la France est précisément le pilier 1 du NGF, contre 4 piliers dirigés par l’Allemagne, 1 par l’Espagne, et 1 par une coopération franco-allemande, en l’occurence le pilier propulseur piloté conjointement par Safran et MTU. Le programme MGCS, quant à lui, est intégralement piloté par l’Allemagne, la France ne pilotant désormais que 3 des 9 piliers du programme, de même pour le programme Euromale. Quant aux programmes MAWS et CIFS, ils sont pour ainsi dire aux oubliettes, avec bien peu de chance de sortir des limbes. On pourrait éventuellement penser que cette façon de présenter les choses est issue d’un biais franco-français, mais le journaliste qui en est à l’origine est britannique.

Une telle conjonction de décisions défavorables ne peut s’expliquer par les seules évolutions du contexte politique et géopolitique en Allemagne et en Europe. Au contraire, il apparut dès le début de ces programmes de coopération qu’une bonne partie de l’écosystème défense allemand, y compris les armées, ne voyait pas d’un bon oeil ces ambitions franco-allemandes, et préféraient s’en tenir aux partenariats existants, que ce soit avec la Grande-Bretagne et l’Italie, ou avec les Etats-Unis dans le domaine des capacités aériennes, ainsi qu’aux capacités propres à l’industrie allemande dans le domaine des véhicules blindés. Le chef d’Etat-Major de la Luftwaffe, le Lt. Gen. Karl Müllner, avait même annoncé sa préférence pour le F-35A américain pour remplacer les Tornado allemands en 2018, mettant à mal la ligne tracée par Paris et Berlin à cette époque de rester à l’écart du F-35 pour soutenir SCAF, ce qui lui valut finalement son poste. Mais la plus ferme opposition, au delà des milieux militaires industriels allemands, vint incontestablement du Bundestag, le parlement allemand s’étant dès le début montré plus que circonspect et exigent pour tous les aspects de ces coopérations qui ne profitaient pleinement et directement à l’industrie allemande.

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Berlin a finalement arbitré en faveur du F-35A pour assurer la mission de partage nucléaire de l’OTAN

Pour autant, la responsabilité quant à la présente situation n’est pas uniquement imputable aux autorités allemandes, à son industrie et ses armées. En effet, nombre de décisions françaises, ou plutôt de non-décisions, contribuèrent à dégrader la contexte global dans lequel ont évolué ces programmes. Pour le président Macron, et pour son équipe, la coopération européenne est au coeur de la stratégie et des ambitions politiques visées, en dépit de nombreux revers et déceptions dans ce domaine. De fait, afin de préserver l’intégrité de ces programmes, la France a consenti à de nombreuses reculades, voire à quelques humiliations, sans réagir sur la scène publique, ce qui eut très probablement pour conséquence d’enhardir les allemands dans leurs exigences. Les militaires français, quant à eux, et à leur habitude, n’avaient guère voix au chapitre, et se sont contentés de suivre la ligne fixée par l’exécutif. Les industriels français, enfin, étaient plus ou moins tous persuadés que ces programmes n’iraient pas à leur terme, tout au moins dans leurs confidences privées, et se sont donc mis en position d’attente pendant plusieurs années. Ce ne fut que lorsque Berlin vint directement menacer les joyaux de la couronnes, Dassault Aviation, que la BITD française se mit en ordre de bataille pour stopper la progression allemande qui s’est souvent faite aux dépends de savoir-faire critiques pour l’industrie de défense française.

Quoiqu’il en soit, une telle succession de décisions et d’arbitrages défavorables à la coopération franco-allemande par Berlin ces 5 dernières années, laisse effectivement planer le doute quant à la volonté, de longue date, de mettre fin à ces programmes, ainsi qu’à une démarche planifiée pour y parvenir sans en porter la responsabilité sur la scène publique. En effet, paradoxalement, l’opinion publique allemande est plutôt favorable à cette coopération franco-allemande en matière de défense, et une rupture unilatérale de ces programmes par Berlin serait de fait mal perçue par les allemands eux-mêmes. Ceci explique peut-être cette stratégie visant à mettre la France dans une position l’obligeant à refuser toute nouvelle concession, faisant de Paris et de l’industrie de défense française l’origine du problème, qui plus est pour un détail technique potentiellement mal compris par la majorité de l’opinion publique. Par ailleurs, depuis plusieurs années, Berlin semble mettre en oeuvre des stratégies de contournement face à l’échec prévisible de ces programmes, avec l’acquisition de F-35A, de P-8A et d’AH-64E, l’arrivée de nouveaux blindés comme le Panther 2 de Rheinmetall, et le maintient de canaux privilégiés avec Londres et Rome pour un éventuel basculement vers le Tempest. Dans le même temps, Airbus D&S a accentué son expertise dans le domaine des drones de combat furtifs, avec le programme LOUT.

KF41 PANTHER Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le KF-51 Panther de Rheinmetall présenté au salon Eurosatory 2022 apparait plus que jamais comme une alternative allemande au MGCS

En d’autres termes, aujourd’hui, tous les indicateurs pointent vers la fin prochaine du programme SCAF, mais également des programmes MGCS, CIFS et MAWS. Le Tigre III ne sera quant à lui très certainement développé que par Paris et Madrid, au plus grand bonheur des industriels allemands qui continueront de participer au programme, alors que le drone Euromale sortira probablement des lignes de production aux Forceps, et arrivera en unité opérationnelle lorsque les drones MALE de nouvelle génération américains, chinois, russes et turques feront de même. Une chose est certaine, ces 20 dernières années, les réels succès européens en matière de coopération technologique de défense, se comptent sur les doigts d’une seule main, avec l’A400M et le NH90 d’une part, même si ces appareils et leurs processus industriels sont loins d’être exempts de reproche, le système anti-aérien Aster/ SAMP-T-/PAAMS et les frégates Horizon franco-italiennes d’autre part.

Les échecs, quant à eux, pourraient remplir un livre, avec le porte-avions, les frégates anti-aériennes et les drones de combat franco-britanniques tous abandonnés, le scandale du pillage industriel dans la coopération industrielle fraco-espagnole autour du sous-marin Scorpene, ou encore l’échec de la coopération franco-italienne dans le domaine naval avec des FREMM qui ne partagent pas 10% de leurs ADN et une compétition plus acerbe que jamais dans le domaine naval entre les deux pays. A l’inverse, les coopérations avec d’autres pays, comme la Grèce, la Belgique et bientôt la Roumanie, semblent pour la France bien plus prometteuses, chacun y trouvant non pas un concurrent mais un partenaire susceptible d’apporter compétences et besoins complémentaires de ceux de l’hexagone. Si l’objectif politique reste pour la France de favoriser les partenariats européens, il est probable qu’il faille, à l’avenir, privilégier ce type de parteriats par nature dissymétriques, plutôt que de chercher à concevoir des partenariats symétriques avec de grandes BITD par experience voués à l’échec à plus de 80%.

La Corée du Sud tente de proposer son sous-marin Dosan Anh Changho à l’Australie

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les autorités sud-coréennes ne ménagent pas leurs efforts pour promouvoir leurs équipements de défense de par le Monde. Après avoir convaincu l’Egypte d’acquérir 200 canons automoteurs K-9, et signé un partenariat avec la Turquie pour mener à terme la construction du char de combat Altay, Séoul s’est associé à Varsovie dans ce qui pourrait être l’un des plus ambitieux efforts de coopération industriel de défense de la décennie. En Australie, les autorités sud-coréennes sont déjà parvenues à placer le canon automoteur K-9 dans le cadre du programme Land 8116, Canberra ayant annoncé en décembre 2021 l’acquisition de 30 systèmes automoteurs blindés K-9 désignés AS9 pour l’occasion, et de 15 véhicules de transport de munitions et de rechargement AS10, pour 1 Md$ australiens, un peu de plus de 700 m€. Et comme c’est le cas en Turquie et en Pologne, Séoul entend bien profiter de cette dynamique engagée en Australie.

En premier lieu, le véhicule de combat d’infanterie AS21 Redback est aujourd’hui en finale face au KF41 Lynx allemand dans le cadre de la compétition dans le cadre de la compétition Land 400 passe 3 pour l’acquisition entre 300 et 450 véhicules de combat d’infanterie pour l’Armée Australienne, compétition pour laquelle de nombreux échos laissent penser que le blindé sud-coréen aurait la préférence des autorités australiennes, notamment en raison d’un prix plus accessible. De fait, les entreprises de défense sud-coréennes disposent désormais d’un réseau efficace en Australie, formé d’anciennes personnalités politiques et militaires, pour soutenir leurs propositions. C’est précisément ce réseau qui a été mis à contribution pour présenter, de manière totalement non officielle, une offre sud-coréenne pour répondre au problème de plus en plus pressant pour Canberra au sujet du renouvellement de sa flotte de sous-marins, dans un exercice de communication parfaitement maitrisé par Séoul.

Collins sous marins australie Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Même modernisés et prolongés, le 6 Collins de la Royal Australian Navy ne pourront ternir la ligne au delà de 2035

Nous ne reviendrons pas sur les conséquences de l’annulation du contrat SEA 1000 par l’ancien premier ministre australien Scott Morrison au profit de l’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire américains ou britanniques. Il devient désormais de plus en plus évident que la Royal Australian Navy va devoir faire face à un rupture capacitaire importante entre le retrait de ses 6 sous-marins de la classe Collins, qui devrait intervenir au plus tard d’ici 2035, et l’arrivée des premiers sous-marins à propulsion nucléaire développés dans le cadre de l’alliance AUKUS, qui n’interviendra pas avant 2040, dans le meilleur des cas. De fait, pendant plus de 10 ans, les forces navales australiennes feront face à un déficit capacitaire marqué dans le domaine de la guerre sous-marine, avec au moins 5 années de rupture capacitaire totale, alors même qu’à cette période, la menace chinoise atteindra son paroxysme. Si allemands, suédois et même japonais tentent depuis plusieurs mois de proposer de manière discrète une solution de transition aux autorités australiennes, les sud-coréens ont, quant à eux, choisit une approche probablement bien plus efficace, en visant directement l’opinion publique du pays.

Concrètement, ce fut à l’occasion d’un dîner donné par l’ambassadeur sud-coréen en Australie, Jeong-sik Kang, qu’une presentation eut lieu afin de venter les qualités d’une éventuelle coopération entre Canberra et Séoul dans ce domaine. Selon la presentation faite en présence de nombreux journalistes et de l’ancien ambassadeur australien en Corée du Sud, Séoul pourrait proposer à l’Australie la livraison d’un premier sous-marin à propulsion conventionnelle de la classe Dosan Anh Changho d’ici seulement 7 années, de sorte à permettre à la Marine Royale Australienne d’effectuer sereinement sa transition vers les sous-marins à propulsion nucléaire américains (ou britanniques). D’une longueur de 83 mètres pour un deplacement en plongée de 3.200 tonnes, le Dosan Anh Changho dispose d’une propulsion anérobie et de batteries Lithium lui offrant une très bonne autonomie en plongée. En outre, le navire emporte jusqu’à 10 silos verticaux pour mettre en oeuvre des missiles de croisière voire des missiles balistiques tactiques, offrant des capacités de frappe vers la terre appréciée des australiens. Enfin, le navire est relativement economique, avec un prix d’acquisition de moins d’un milliard de $, qui marquera nécessairement les esprits de l’opinion publique australienne face aux 50 Md$ pour 12 sous-marins du programme SEA 1000, et ce même si le contexte industriel et les navires sont totalement différents et ne permettent pas de comparaison efficace.

Lancement du sous marin AIP coreen KSS III Dosan Ahn Chang Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Les sous-marins de la classe Dosan Anh Changho sont dérivés du Type 214 allemands, produits précédemment sous licence par la Corée du Sud dans le cadre du programme KSS-II.

De fait, en bien des aspects, la proposition sud-coréenne peut apparaitre plus que séduisante pour l’opinion publique australienne comme pour une partie de sa classe politique, et la démarche sud-coréenne vise précisément à se positionner sur ce marché avec cet appui, en mettant en avant ses principaux atouts : délais, couts, performances et VLS. Reste que le Dosan Anh Changho est un navire de la génération des Scorpene français, Götland suédois et Type-214 allemands, et qu’il ne peut en aucun cas prétendre égaler les performances des Shortfin Barracuda français, des Type-212NG allemands ou du Type-26 suédois, des navires qui précisément étaient visés par la Royal Australian Navy dans le cadre du programme SEA 1000. En effet, ceux-ci offrent de nombreuses plus values opérationnelles face aux Type 039A chinois et autres Project 636.3 russes, alors que les navires de génération antérieure évoluent dans une catégorie similaire. A titre d’exemple, le Shortfin Barracuda choisi initialement par Canberra pouvait maintenir une vitesse de croisière silencieuse de plus de 12 noeuds grâce à son Pump-jet, une hélice carénée réduisant les bruits de cavitation, là ou le Dosan Anh Changho, qui en est dépourvu et utilise une hélice traditionnelle, ne pourra faire de même au delà de 6 à 8 noeuds, une contrainte de grande importance face aux immensités de l’océan pacifique.

Reste que le plus interessant dans la démarche sud-coréenne n’est pas tant le sous-marin proposé, son prix ou ses délais, mais la cible visée par cette démarche, à savoir l’opinion publique australienne. Cette stratégie est à l’opposée de celle appliquée, sans grand succès, par la France mais également par beaucoup d’autres pays, qui vise avant tout les décideurs en place. Dans le cas des sous-marins australiens, il ne fait aucun doute que la meilleure solution pour Canberra serait de louer pour 10 ou 20 ans 2 ou 3 sous-marins nucléaires d’attaque français de la classe Suffren, des navires à la fois très performants, avec des capacités opérationnelles sans aucune mesure avec les sous-marins sud-coréens, allemands ou suédois, livrables avec des délais compatibles avec les besoins de la RAN, avec des couts de locations attractifs. Cerise sur le gâteau, les sous-marins français sont les seuls navires de ce type à fonctionner avec de l’uranium faiblement enrichie, et donc compatible avec les contraintes internationales liées au traité de non prolifération.

Suffren Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
La location de 2 ou 3 SNA classe Suffren français par l’Australie serait probablement la meilleure solution pour Canberra pour faire la jonction entre le retrait des Collins et l’arrivée des nouveaux sous-marins co-développés avec les Etats-Unis

Pour autant, et même en amont de l’annulation unilatérale du contrat qui liait l’Australie à Naval Group pour la construction des 12 sous-marins de la classe Attak, l’opinion publique australienne était vent debout contre ce programme depuis plusieurs années, présenté par la presse mais également par une partie de la classe politique comme excessivement cher, voir comme frauduleux. Jamais la moindre indication d’une malversation française n’a été apportée par ses détracteurs, mais le mal était fait dans l’opinion publique australienne, d’autant que Naval Group ne fit presque aucun effort pour tenter de séduire cette opinion, comme c’est de coutume pour l’industrie de défense française. De fait, si la France voulait effectivement proposer une alternative à l’Australie aujourd’hui, en dépit d’arguments très solides susceptibles d’emporter la décision, elle se heurterait à une opinion publique hostile qui ne comprendrait pas un tel revirement. Notons au passage qu’il en irait probablement de même vis-à-vis de l’opinion publique française, en tout cas vis-à-vis d’une partie d’entre elle. Dans tous les cas, ici, les sud-coréens montrent probablement la voie la plus efficace pour se positionner dans des pays ou l’opinion publique joue un rôle déterminant, comme c’est également le cas en Pologne par exemple.

Pologne et Corée du Sud s’associent sur le long terme pour une coopération industrielle défense ambitieuse

1000 chars lourds, 672 canons automoteurs, au moins 50 avions de combat, et plusieurs centaines de lance-roquettes multiples … Ce sont les chiffres extraordinaires entourant le partenariat défense que la Pologne et la Corée du Sud s’apprêtent à signer, pour faire de la Corée du Sud un des leaders mondiaux du marché des véhicules blindés, et de la Pologne le pilier européen de la production de ce type de véhicule dans les années à venir. En effet, au delà du renforcement spectaculaire des capacités des armées polonaises, qui aligneront à la fin de la décennie 1500 chars modernes, autant de véhicules de combat d’infanterie, 1200 systèmes d’artillerie mobile et plusieurs milliers de blindés légers, soit davantage que les forces françaises, allemandes, britanniques, italiennes, néerlandaises et belges réunies, cette nouvelle coopération permettra à Varsovie de se doter d’une industrie de pointe dans ce domaine, capable de produire en masse des armements co-developpés avec Séoul et offrant des performances et des prix des plus attractifs, dans une stratégie reposant sur 3 étapes successives qui semble avoir été parfaitement pensée.

La première étape de cet ambitieux partenariat vise à entamer la conversion des armées polonaises aux armements sud-coréens. Ainsi, Varsovie va commander 180 chars K2 Black Panther assemblés en Corée du Sud et qui seront livrés d’ici 2025 pour remplacer les T-72 et PT-91 transférés en Ukraine. De même, 48 nouveaux canons automoteurs AHS Krab seront assemblés d’ici 2024, alors que Varsovie arbitrera dans les mois à venir quant au nombre de systèmes lance-roquettes à longue portée HIMARS américains et K239 Chunmoo qui seront commandés, sachant qu’un total de 500 systèmes de ce type devront armer les brigades polonaises. Enfin, afin de remplacer ses Mig-29 et Su-22, la Pologne va commander 48 chasseurs légers FA-50 Golden Dragon dans leur version Block 20 (Block 10 pour les 12 premiers appareils qui pourraient être livrés dès cette année), équipés d’un radar AESA, de la nacelle de désignation Sniper et du missile air-air AIM-9X sidewinder. A partir de 2025, les appareils seront portés vers un nouveau standard intégrant notamment le missile air-air à moyenne portée AIM-120.

K 9 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Les armées polonaises aligneront 624 canons automoteurs de 155 mm K-9PL d’ici la fin de la décennie, aux cotés de 96 Krab, soit une puissance de feu supérieure à celle des armées françaises, allemandes, italiennes et britanniques réunies.

La seconde phase débutera à partir de 2024, et reposera sur la montée en puissance de l’industrie polonaise de défense. Ainsi, une nouvelle usine permettra d’assembler quelques 820 chars lourds K-2PL, évolution du K2 Black Panther sud-coréen intégrant notamment un blindage renforcé, une Vetronique multi-directionnelle de nouvelle génération et un système hard-kill de protection active, ainsi que 624 systèmes d’artillerie K-9PL basés sur la version K9A2 du Thunder. La production polonaise débutera quant à elle en 2026, les premiers lots de véhicules étant quant à eux produits en Corée du Sud. Cette phase pourrait également voir la construction de véhicules de combat d’infanterie AS21 Redback afin d’équiper les unités mettant en oeuvre les Abrams américains, alors que le VCI Borzuk de conception et de fabrication locale sera destiné à opérer au contact de K-2PL. En outre, durant cette phase, les 180 K2 commandés initialement seront portés au standard K-2PL.

La troisième phase, qui débutera en 2026, portera sur la conception en coopération avec Séoul des successeurs du K2 et du K9. Il s’agira donc pour Varsovie de se positionner comme un acteur majeur en Europe dans le domaine des blindés de nouvelle génération, face aux programmes MGCS et CIFS franco-allemands. Mais le partenariat pourrait largement dépasser le seul cadre des véhicules blindés. Ainsi, Varsovie aurait déjà signifié son intérêt pour le nouveau chasseur KF-21 Boramae qui a effectué son premier vol la semaine dernière en Corée du Sud. En outre, tous porte à croire que d’autres coopérations de même ordre pourraient être envisagées à l’avenir. On pense notamment au replacement de la flotte sous-marine polonaise, un projet à l’arrêt depuis 2 ans maintenant, alors que la Corée du Sud est désormais en capacité de proposer des sous-marins conventionnels de la classe Dosan Ahn Chango à l’exportation, des navires dont les performances sont proches de celles des Scorpene français et Type 214 allemands.

KF21 Boramae first flight Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Varsovie s’intéresserait déjà au chasseur furtif KF-21 Boramae sud-coréen

On le comprend, la stratégie commune mise en place par Varsovie et Séoul est extrêmement ambitieuse et agressive, et il ne fait guère de doute qu’elle permettra à la Pologne de se positionner dans les nombreuses compétitions en Europe et alentours qui ne manqueront pas d’émerger dans les années à venir pour la modernisation des parcs blindés sur le vieux continent, avec des arguments de poids à en juger par l’excellente tenue des AS21 et autres K9 lors des évaluations internationales. Surtout, Varsovie pourra proposer des prix, ainsi que des délais, sur lesquels il sera très difficile pour Paris, Londres, Berlin et même Stockholm de rivaliser. En outre, la Pologne pourra appuyer ses offres sur la crédibilité de sa nouvelle puissance militaire conventionnelle qui, dans le cadre de ce que l’on sait de la planification militaire en Europe aujourd’hui, sera incontestablement la plus importante et puissante force terrestre conventionnelle non américaine au sein de l’OTAN. En d’autres termes, Varsovie entend créer, sur le vieux continent, un nouveau standard qui s’avèrerait très difficile à contrer pour les industries d’Europe de l’ouest, mais également pour les Etats-Unis.

On peut à ce titre s’interroger sur les causes ayant engendré l’émergence d’un programme de défense aussi ambitieux et radical à Varsovie. Certes, la menace russe a pris corps de manière plus que considérable en Europe de l’Est après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour autant, les rapports de forces globaux n’ont guère évoluer. Au contraire, la puissance militaire conventionnelle russe sortira incontestablement très éprouvée de ce conflit, et devra lécher ses plaies pendant de nombreuses années avant de retrouver sa capacité à faire jeu égal avec l’OTAN en Europe, quel que soit l’évolution de cette opération militaire spéciale. Il est en revanche probable que les tergiversations allemandes, italiennes et françaises aux premiers mois du conflit auront fini de convaincre Varsovie (il ne fallait probablement guère faire d’effort en ce sens), que l’Europe de l’Ouest ne représentait pas un allié fiable pour faire face à la menace russe. Dans le même temps, les Etats-Unis ont également fait montre d’une reserve certaine, tout au moins du point de vue polonais, dans l’aide accordée à Kyiv, et dans le renforcement attendu des pays au contact du bloc russe. Enfin, qu’il s’agisse des refus répétés des européens au sujet de la candidature polonaise aux programmes MGCS et SCAF, mais également du manque de flexibilité des industries américaines concernant les compensations industrielles autour du programme F-35 ou M1A2, il est probable que Varsovie s’était mis en quête d’un partenaire plus flexible lui permettant de créer une réelle industrie de défense performante en Europe de l’Est.

K239 Chunmoo Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Les armées polonaises veulent disposer de 500 systèmes lance-roquettes multiples HIMARS et K239 d’ici la fin de la décennie, soit plus que le nombre de ce type de systèmes dans tout le reste de l’Europe.

Il est commun, et en grande partie justifié, en Europe de l’Ouest de vilipender les choix polonais en matière d’équipements de défense. En effet, depuis l’arrivée de Andrzej Duda à la présidence polonaise, Varsovie a fait montre d’un tropisme excluant presque systématiquement les materiels européens de ses compétitions de défense. Longtemps, il était possible de penser que la stratégie polonaise était de s’attirer les bonnes grâces de Washington grâce aux commandes de systèmes Patriot, Himars, Javelin, F-35 et Abrams. Toutefois, le partenariat très ambitieux signé par Varsovie avec Séoul montre un visage sensiblement différent. S’il ne fait guère de doute que les autorités polonaises ne font aucune confiance aux européens de l’Ouest pour sa défense, l’objectif visé par les autorités polonaises se rapproche bien davantage d’une autonomie stratégique que d’une soumission inconditionnelle à Washington. Et il convient de reconnaitre que, du point de vue polonais, cette stratégie fait très certainement sens en bien des aspects.

La technologie des Jumeaux Numériques peut-elle sauver les programmes SCAF et MGCS ?

Depuis le début de l’année 2022, le programme SCAF pour Système de Combat Aérien du Futur, qui rassemble l’Allemagne, l’Espagne et la France, en vue de concevoir le remplaçant du Rafale français et du Typhoon Européen, est à l’arrêt, sur fond de désaccord profond quant au partage industriel autour du premier pilier du programme visant à concevoir le NGF, Next Generation Fighter, l’avion de combat au coeur de ce programme. En effet, les deux industriels majeurs du programme, le français Dassault Aviation et l’allemand Airbus Defense & Space, ne parviennent pas à s’entendre sur un compromis quant au pilotage de ce pilier, initialement attribué à Dassault mais contesté dans sa forme actuelle par Airbus. Ces tensions ne sont, en fait, que la partie émergente sur la scène publique de profondes divergences qui entravent le bon déroulement de ce programme Européen qui se voulait, lors de son lancement par Angela Merkel et Emmanuel Macron, représenter le coeur de l’effort commun vers une défense européenne renforcée.

Si jusqu’il y a quelques semaines, les tensions semblaient ne concerner que Dassault et Airbus DS, celles-ci ont largement dépassé le cadre purement industriel ces derniers jours, après que les armées allemandes aient, dans un rapport, indiqué qu’en cas de voie sans issue, il convenait de mettre fin au programme. La semaine dernière face au Sénat, le ministre français des Armées, Sebastien Lecornu, a pour sa part indiqué qu’il entendait rencontrer ses homologues allemand et espagnol en septembre à ce sujet, tout en glissant aux sénateurs qu’il soutenait l’industrie française et les positions de Dassault Aviation. Pour en finir avec ce tableau bien peu séduisant, Dassault Aviation a indiqué que le programme avait, en 2 ans de coopération, enregistré 3 années de délais supplémentaires, et qu’il était désormais très improbable, si le programme devait aller à son terme, qu’il puisse livrer un appareil de combat opérationnel avant 2045 voire 2050, ce qui n’est pas sans poser d’importants problèmes aux forces aériennes des 3 pays qui risqueraient, dans cette hypothèse, de se retrouver en situation de faiblesse opérationnelle sur la période 2040-2050, alors même que tout indique que les deux décennies entre 2030 et 2040 seront le théâtre d’un pic d’instabilité géopolitique dans le Monde, y compris en Europe.

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Russie, Chine, Etats-Unis mais encore Corée du Sud ou Grande-Bretagne, sont engagés dans une course technologique aux armements à tempo rapide, ne permettant pas au SCAF de rester figer dans de longues hésitations politco-industrielles.

Faut-il vraiment essayer de sauver SCAF ?

Les difficultés croissantes rencontrées par le programme SCAF, et la défiance endémique entre les industries de défense allemandes et françaises, ont entrainé une certaine forme de radicalisation des positions de nombreux acteurs militaires, industriels et même politiques au sujet de cette coopération. De fait, de part et d’autre du Rhin, des voix de plus en plus nombreuses appellent plus ou moins ouvertement à mettre fin à ce programme, qu’il s’agisse de se tourner vers d’autres partenariat européens comme avec la Grande-Bretagne ou l’Italie, vers le partenaire historique américain ou pour developper en autonomie le programme, quitte à envisager d’en réduire les ambitions. De manière étonnante, les deux camps considèrent que les accords qui encadrent le programme ne sont pas équilibrés et au bénéfice de l’autre, qu’il s’agisse d’un partage industriel qui ne respecterait pas le principe de « Best Athlet » et qui serait trop en faveur des entreprises allemandes coté français, ou d’une coopération industrielle et technologique jugée trop opaque et la crainte de ne représenter qu’un tiroir caisse pour developper des capacités réclamées uniquement par le France (Dissuasion, Aviation embarquée) coté allemand. En outre, à l’instar du programme MGCS de char de combat de nouvelle génération, il apparait de plus en plus que les attentes opérationnelles des forces aériennes françaises et allemandes divergent bien au delà du cosmétique, amenant chacun à craindre de developper l’avion de l’autre, et non celui dont ses forces aériennes ont besoin.

Dans ces conditions, appeler à la fin prématurée du SCAF peut sembler la meilleure solution pour éviter de perdre un temps précieux alors que la situation géostratégique et la course aux armements ne permettent plus de telles hésitations. Pour autant, si les programmes venaient à se scinder, chacun développant son propre avion de combat comme ce fut le cas pour le Rafale/Typhoon dans les années 90 et pour le Tornado/Mirage 2000 dans les années 70, l’industrie aéronautique européenne, en tant qu’entité globale, conserverait une position au mieux identique à celle qui est la sienne aujourd’hui, et dont on peut voir les faiblesses face au raz-de-marré F-35 en Europe. En effet, au delà des premières commandes basées sur une coopération industrielle ab-initio, comme avec la Grande-Bretagne, l’Italie et les Pays-Bas, le succès du F-35 en Europe s’explique aujourd’hui en grande partie par le fait qu’il représente, désormais, un standard aéronautique de défense en Europe, alors que 12 pays du vieux continent ont décidé de s’équiper de l’avion américain. De fait, à l’instar du succès du char Leopard 1&2 ou du F-16 en leur temps, nombre de forces aériennes ont choisi le Lighting 2 ces dernières années du fait de la dynamique industrielle et commerciale qu’il représente, et qu’aucun avion européen ne parvient à contester.

F35 Italien Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Avec 12 pays utilisateurs ou clients sur le vieux continent, le F-35 constitue aujourd’hui incontestablement le standard en Europe en matière d’avion de combat

En divisant les programmes, cette même situation perdurera en Europe pour la prochaine génération d’avion de combat, avec le risque de voir l’offre industrielle européenne s’étioler dans ce domaine, face à l’omniprésence américaine et à l’émergence de nouveaux acteurs susceptibles de diminuer les marchés exports extra-européens indispensables à sa survie. En revanche, un programme commun fédérant l’Allemagne, la France et l’Espagne, permettrait non seulement de viser un parc initial de 600 à 700 appareils, mais également de renforcer l’attractivité de l’offre sur la scène européenne et internationale, de sorte à dépasser le seuil permettant à ce système de s’imposer comme un standard opérationnel, à l’instar de ce que représente le F-35 aujourd’hui au sein d’une stratégique parfaitement maitriser par Lockheed-Martin dans ce domaine. En effet, plus un appareil est diffusé, plus il est attractif non seulement pour les clients qui y voient un risque moindre dans la durée, mais également pour les industriels qui développent des systèmes périphériques, comme les armements, qui y voient un marché potentiel étendu accessible, faisant de fait de l’appareil un standard, voire une norme, même si celui-ci s’appuie sur de nombreuses technologies propriétaires, comme c’est le cas du F-35. De fait, si scinder le programme SCAF peut apparaitre comme une décision rationnelle et efficace à court terme pour préserver les intérêts industriels et opérationnels des pays, lui permettre de subsister constitue incontestablement la décision la plus raisonnable pour qui veut garantir la pérennité de l’industrie aéronautique militaire européenne.

La Technologie des Jumeaux Numériques

Toutefois, parvenir au sauver SCAF apparait aujourd’hui aussi ardu que de résoudre le problème des 3 corps. En effet, les divergences, tant du point de vue industriel qu’opérationnel entre la France et l’Allemagne, que la défiance entre les deux cotés du Rhin, sont telles qu’il semble impossible d’amener ce programme à son terme et de concevoir effectivement un avion de combat et son système de systèmes commun entre Paris et Berlin. Même une décision politique ferme semble désormais hors de propos, tant elle s’opposerait au rejet des industriels, et qu’elle ne perdurerait que le temps d’un mandat électoral. Pour y parvenir, il conviendrait donc d’engager une profonde mutation conceptuelle au sein du programme lui-même, offrant la souplesse nécessaire pour permettre aux divergences de s’exprimer, tout en capitalisant sur le plus grand nombre de convergences. Dans ce contexte, la solution pourrait bien venir d’une technologie désormais parfaitement mature et employée par l’industrie aéronautique depuis deux décennies, les Jumeaux Numériques.

Rafale Catia e1658764131752 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
CATIA permet de concevoir des jumeaux numériques de grande précision, capable de manipuler des données bien plus étendues que les seules paramètres physiques des pièces constitutives des appareils

Développée par la société Dassault Systems avec le logiciel CATIA puis 3DExperience, cette technologie permettait initialement de concevoir un Jumeau Numérique d’un avion (ou d’autres produits industriels comme les voitures voire les bouteilles de parfum), de sorte à disposer d’un plan fonctionnel dynamique en 3 Dimensions permettant d’en optimiser l’assemblage, le fonctionnement et la maintenance. Ainsi, l’ensemble des composants d’un avion de combat peut être observé au sein de son jumeau numérique, de sorte à en évaluer l’efficacité cinétique et capacitaire, mais également l’accessibilité pour la maintenance. Aujourd’hui, le concept dépasse largement ce cadre initial, et permet notamment d’évaluer dynamiquement les conséquences de tout changement, y compris sur la chaine industrielle elle-même, allant jusqu’à intégrer des données dépassant le cadre purement technique, comme les évaluations de couts, la robustesse de la chaine de sous-traitance, ou l’optimisation de la chaine de production.

C’est précisément cette capacité nouvelle à intégrer des données dépassant le cadre technologique qui pourrait permettre d’apporter une solution efficace pour sauver le programme SCAF, dans le fond si pas dans la forme. En effet, cette capacité à modéliser l’ensemble des critères constitutifs de l’ensemble des éléments d’un avion de combat, et de ses systèmes connectés, peut permettre de faire évoluer le SCAF d’un programme visant à developper un système commun, en un programme visant à developper un framework et des outils communs, tant du point de vue technologique que normatif, mais qui laisserait aux acteurs la capacité d’implémenter les variations qu’ils souhaitent pour répondre spécifiquement à leurs besoins, tout en préservant les principaux atouts d’un programme en coopération, à savoir les effets de seuils et de masse, tant sur la soutenabilité budgétaire que sur l’attractivité commerciale.

Vers un programme étendu basé sur les « Cousins numériques »

De fait, dans cette approche, SCAF ne serait plus un programme de 7 piliers partagés entre Paris, Berlin et Madrid, mais une approche technologique et normative permettant d’optimiser le developpement de systèmes de combat aérien. Ainsi, l’ensemble des systèmes estampillés SCAF devrait pouvoir prendre place au sein d’un système de systèmes unique, et d’échanger efficacement avec ce noyau et ses systèmes rattachés, de sorte à garantir une efficacité et une maintenabilité optimum, tout en réduisant la charge des développements itératifs à produire. Dit autrement, un turboréacteur SCAF devra être en mesure de se connecter au système de systèmes, mais également avoir des dimensions et des performances normalisées, et respecter les procédures de maintenance comme l’utilisation d’un banc unique pour être référencé comme tel. Aux industriels de s’entendre dans ce cadre pour concevoir seuls ou en coopération le ou les moteurs qui répondront aux besoins des avionneurs. Cette approche est, dans l’esprit, relativement proche de celle qui fit le succès de Windows dans le monde de l’informatique. Si l’interface graphique est en général perçu comme le principal apport de Windows face aux systèmes d’exploitation précédents, comme DOS, c’est en réalité sa capacité à interfacer l’ensemble des périphériques et logiciels au travers d’une couche de communication intégrée appelée HAL, permettant enfin de n’installer qu’un pilote par périphérique, et non un pilote par périphérique et par logiciel comme précédemment, qui constitua son principal apport et la clé de son succès.

SCAF 2 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
En tant que système de systèmes, SCAF a d’immenses capacités normatives en Europe et dans le monde pour peu qu’il parvienne à dépasser un seuil de représentativité suffisant au sein des forces aériennes

De fait, dans une telle approche, il sera possible de concevoir plusieurs appareils au sein du programme SCAF, comme un chasseur moyen polyvalent embarqué pour la France, un chasseur bombardier lourd pour l’Allemagne, et un chasseur monomoteur léger pour la Suède, tout en conservant un ADN commun plus que significatif entre chacun de ces appareils, permettant à tous les systèmes périphériques d’équiper chacun des appareils indifféremment et sans surcout de portage. En outre, ces appareils partageraient de nombreux systèmes noyaux communs, comme le système de systèmes, le ou les propulseurs, voire l’interface homme machine et les systèmes de communication, de sorte que les objectifs de seuils industriels visés par SCAF soient atteints voire même largement dépassés, tout en offrant une extraordinaire évolutivité de l’offre elle-même, le système CATIA/3DExperience assurant la conception mais également la conformité des développements.

Il est interessant de constater qu’une telle approche est conceptuellement très proche de celle développée par le Docteur Will Roper lorsqu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force avec la Digital Century Série. Ainsi, en poussant le concept et l’outil cadre, il pourrait être possible non seulement de developper des appareils complémentaires au sein d’une même gamme, mais également d’en optimiser le processus de partage industriel, en y intégrant des données industrielles relatives à la Supply Chain, mais également au transport, à l’accès aux matières premières et à la main d’œuvre qualifiée, voire en y intégrant les aspects de fiscalité et de retour budgétaire à l’échelle des états. Selon les travaux de Roper, une telle approche aurait permis de considérablement diminuer les couts de R&D mais également de production et de maintenance des appareils de combat et de leurs systèmes, tout en en optimisant la maintenance. Dès lors, non seulement cette approche permettrait de proposer un cadre de coopération acceptable par les parties et mutuellement et réciproquement profitable, mais il permettrait d’étendre le périmètre de la coopération à d’autres acteurs, qu’ils soient industriels ou étatiques, de sorte à en accroitre la représentativité et donc la puissance du caractère normatif. Et c’est ainsi que la terre, le soleil et la lune trouvent leur équilibre, tout en y intégrant les autres plaintes, lunes et comètes du système solaire.

NGAD next gen air dominance USAF Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le NGAD américain visait à devenir le socle de la Digital Century Série lorsque le Dr Will Roper dirigeait les acquisitions de lUS Air Force. Cette approche innovante a cependant été abandonné par le nouveau Secrétaire à l’Air force Franck Kendall.

En outre, si l’approche répond aux attentes et contraintes du programme SCAF, elle permettrait d’en faire de même avec nombre de programmes en coopération, qui eux aussi rencontrent d’importantes difficultés. Ainsi, le programme Main Ground Combat System, ou MGCS, destiné à remplacer les Leopard 2 allemands et Leclerc français, fait lui aussi face à de profondes divergences tant industrielles qu’opérationnelles, au point d’en menacer la pérennité. Quant aux programmes Common Indirect Fire System ou CIFS, devant concevoir les systèmes d’artillerie de nouvelle génération, et MAWS ou Maritime Airborne Warfare System, destiné à concevoir les systèmes de patrouille maritime du futur, ils sont soit à l’arrêt, soit proche de l’abandon pure et simple. Or, la coopération normative selon le principe des cousins numériques, permettrait de lever nombre des entraves qui bloquent la poursuite de ces programmes, tout en répondant aux attentes des armées et des industriels; que ce soit au sein d’une coopération franco-allemande ou d’une coopération européenne plus étendue.

Conclusion

On le comprend, la fin du programme SCAF, comme des autres programmes en coopération, même si elle est souhaitée par beaucoup, n’a rien d’inéluctable. Toutefois, il s’avère probablement indispensable de repenser en profondeur la nature même de ces coopérations de sorte à trouver des portes de sortie applicables et performantes, notamment en terme de calendrier. Car si aujourd’hui, le principal atout de ces programmes réside, dans le discours officiel, dans le partage des charges budgétaires entre plusieurs acteurs pour en accroitre la soutenabilité, force est de constater que l’immense majorité des coopérations passées a été marquée par des délais de developpement extraordinairement longs et des surcouts budgétaires qui, parfois, vinrent à annuler le bénéfice de la coopération elle-même. Or, dans le contexte géopolitique présent et prévisible à court et moyen terme, il apparait que les contraintes de calendrier pour le developpement de nouveaux systèmes d’armes seront au moins aussi déterminantes que les contraintes budgétaires, qu’elles soient ou non partagées entre européens.

germany and france announces main ground combat system mgcs contract Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
La réalité industrielle et capacitaire du SCAF s’applique également au programme MGCS qui fait face aux même difficultés en matière de partage industriel.

Dès lors, il convient que la coopération européenne ou internationale dans ce domaine s’inscrive dans un ce cadre stricte, en proposant une approche à la fois dynamique, efficace et souple permettant de mutualiser le developpement de ce qui fait sens de l’être, d’optimiser la maintenance et la représentativité des équipement, sans venir ralentir les développements et les processus industriels. Une approche comme celle décrite ici, organisée autour des systèmes de conception numériques aux performances étendues pour l’occasion, pourrait effectivement répondre à ces contraintes qui entravent aujourd’hui la poursuite des programmes SCAF ou MGCS, et qui peuvent apparaitre antagonistes dans la conception du moment de ces programmes. Reste que, d’une manière ou d’une autre, il est désormais plus que nécessaire que les décisions soient prises rapidement, tant le tempo technologique s’est accéléré dans le monde en matière de technologies de défense, faute de quoi ce ne sera pas le F-35 qui aura été la cause de la fin de l’industrie aéronautique de défense européenne, mais son incapacité à s’imaginer au delà de son nom modèle traditionnel et historique.

Note : Merci a Alain Dugousset pour l’entretien qui permit de rédiger cet article

Offensive contre Taïwan : Quand et comment la Chine passera-t-elle à l’action ?

Depuis plusieurs années, les tensions entre Washington et Pékin comme la crainte de voir Pékin déclencher une offensive contre Taïwan, n’ont cessé de croitre. Elles représentent désormais un sujet flirtant avec le casus belli en permanence, entre les incursions de la marine et des forces aériennes américaines et alliées en Mer de Chine du Sud et dans le détroit de Taïwan, les interceptions et les incursions navales et aériennes de l’Armée Populaire de Libération autour de l’ile, et les ripostes successives et réciproques dès lors que Washington envoie un nouveau chargement d’armement, des parlementaires ou des membres du gouvernement à Taipei.

La dynamique belliqueuse est telle qu’à présent, les forces armées des deux pays se sont engagées dans une course aux armements pour surpasser l’adversaire dans ce qui semble de plus en plus comme une confrontation inévitable.

Pour autant, personne n’envisage à ce jour qu’un déclenchement des hostilités intervienne dans les mois ou les années à venir, le Pentagone estimant pour sa part que la période de danger débutera en 2027.

À la vue des programmes industriels en cours à Pékin, Taipei et Washington, des développements géopolitiques et des ambitions des dirigeants des grandes puissances mondiales, quelle serait la date la plus probable pour une offensive chinoise afin de reprendre possession de Taïwan, et quelle serait alors la stratégie choisie par Pékin pour y parvenir ?

Vers un blocus plutôt qu’un assaut aéro-amphibie massif

Souvent, lorsque le scénario d’une offensive chinoise sur Taïwan est étudié, celui-ci repose sur un vaste assaut aéro-amphibie contre l’ile, précédé d’un intense bombardement à l’aide de missiles balistiques et de croisière, voire de drones, pour venir à bout des infrastructures défensives de l’ile.

Or, une telle hypothèse serait, quels que soient le niveau de préparation et les moyens déployés par Pékin, une stratégie extrêmement risquée pour l’Armée Populaire de Libération.

En effet, les rares opérations aéro-amphibies majeures ayant été menées avec succès dans l’histoire, l’ont été contre des côtes faiblement défendues (Opération Torche en 1942, Opération Mousquetaire en 1956), ou lorsque l’assaillant disposait de manière incontestable de la supériorité aérienne et navale, et de moyens importants pour affaiblir les défenses et lignes logistiques de l’adversaire, comme les opérations Overlord et Dragoon en 1944, les débarquements d’Iwo Jima et Okinawa en 1945, l’opération Chromite (débarquement Incheon) en 1950, ou de San Carlos en 1982).

Operation Mousquetaire 1er REP Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le débarquement des forces françaises et britanniques en Égypte en 1956 fut un des tournants de la Guerre Froide. En dépit du succès militaire des forces européennes, celles-ci durent se retirer face à la menace soviétique d’utiliser l’arme nucléaire et la condamnation de Washington de cette opération.

Or, comme l’ont parfaitement montré les déboires de la marine et des forces aériennes russes en Ukraine, il est très hasardeux de vouloir priver un adversaire de ses capacités défensives aériennes, anti-aériennes et anti-navires, même en faisant un usage intensif de frappes préventives de missiles de croisière et balistiques.

De fait, la mobilisation d’une large flotte navale et aérienne pour mener un assaut contre Taïwan, ne pourrait avoir lieu qu’après que les forces aériennes, les défenses anti-aériennes, les défenses côtières et la Marine taïwanaise auront été totalement neutralisées. Elle n’interviendra qu’après une première phase de combat d’une durée relativement longue.

Le risque sera alors élevé qu’une telle guerre aérienne, balistique et cyber, provoque l’intervention des Etats-Unis et de ses alliés, mais également, comme c’est le cas en Ukraine, la radicalisation de la population civile taïwanaise, rendant des plus difficiles l’éventuelle administration de l’ile une fois les forces taïwanaises vaincues.

Une autre possibilité existe toutefois pour Pékin, celle de s’en remettre non pas à un assaut aéro-amphibie, mais à un blocus naval et aérien imperméable de l’ile, de sorte à faire fléchir dans la durée la détermination des Taïwanais eux-mêmes, tout en limitant les confrontations entre l’APL et les forces taïwanaises, tout au moins en évitant qu’elles ne touchent de trop les populations et infrastructures civiles.

À l’instar du blocus naval et aérien mis en œuvre par J. F Kennedy en 1962 autour de Cuba suite à la livraison de missiles balistiques à moyenne portée soviétiques sur l’ile, l’objectif d’un tel blocus serait de garder à distance le soutien militaire et technologique américain et occidental vers l’ile, tout en mettant l’US Navy et l’US Air Force dans une situation complexe à conduire sur le plan des relations internationales.

Dans la durée, le blocus mettrait également à mal l’ensemble de l’économie de l’ile, mais également de la planète entière, très dépendante des semi-conducteurs produits dans le pays.

De fait, et même si des affrontements seront inévitables entre forces taïwanaises et chinoises dans une telle hypothèse, la confrontation restera sous un seuil susceptible de ne pas mobiliser les opinions publiques et les leaders politiques occidentaux, contrairement à la situation à laquelle la Russie fait face aujourd’hui, après les nombreuses frappes et exactions contre les civils ukrainiens par les armées russes.

Une offensive contre Taïwan necessiterait une vaste flotte amphibie
Même si la Marine chinoise disposera bientôt d’une douzaine de grands navires amphibies Type 072 et Type 075, un assaut amphibie contre Taïwan serait une opération militaire très risquée sans avoir l’assurance de disposer d’une supériorité aérienne et navale absolue pour les forces chinoises.

Pour peu que le blocus soit suffisamment justifié sur la scène publique et internationale, et que les moyens pour en assurer l’efficacité soient effectivement mis en œuvre sur une durée suffisante de plusieurs mois, il est très probable qu’il s’agirait alors de la meilleure stratégie pour Pékin afin de reprendre le contrôle de la 23ᵉ province, tout en gardant sous contrôle les résistances civiles des Taïwanais eux-mêmes, et en présentant sur la scène internationale une narrative susceptible de démobiliser de nombreux alliés potentiels de l’ile.

Quels moyens pour tenir un blocus naval face à l’US Navy ?

Si l’hypothèse d’un blocus naval et aérien de Taïwan peut apparaitre la plus prometteuse pour Pékin, sa mise en œuvre est, en revanche, pour le moins problématique. En effet, la Marine chinoise ne dispose pas, à ce jour, des moyens suffisants pour mener une telle action.

Celle-ci pourrait nécessiter de s’opposer à une Task Force américaine alignant deux voire trois porte-avions de la classe Nimitz ou Ford, leur escorte et surtout les quelque 180 aéronefs qu’ils pourraient mettre en œuvre.

Pour y parvenir, la Marine chinoise devrait, en effet, disposer de quatre groupes aéronavals centrés chacun autour d’un porte-avions à la mer. Le premier serait positionné entre Taïwan et les Philippines, un autre au nord-est de Taïwan, et deux disposés à l’est de l’ile, de sorte à créer un périmètre de protection de 270° autour de Taïwan.

Les 90° restants seraient du ressort des forces aériennes chinoises basées dans les provinces de Guangdong au sud, Zhejiang au nord et Fujian face au détroit de Taïwan.

Avec un tel dispositif, la Marine chinoise serait en mesure de mobiliser à courte échéance trois porte-avions pour contrer une menace aéronavale américaine d’où qu’elle vienne avec une force au moins équivalente à celle qui lui serait opposée.

Elle disposerait alors d’un potentiel dissuasif plus que suffisant, ainsi qu’une capacité de couverture très étendue, les appareils basés à terre pouvant assurer la protection directe des navires alors que les aéronefs embarqués profiteraient de leur allonge supplémentaire pour couvrir un périmètre défensif étendu.

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Le porte-avions Fujian chinois dépassé les 80.000 tonnes et pourra mettre en oeuvre de nouveaux appareils comme le chasseur lourd J-15T, le chasseur moyen furtif J-35 et l’avion de veille aérienne avancée KJ-600 grâce à ses 3 catapultes électromagnétiques.

Reste que pour maintenir à la mer sur la durée 4 groupes aéronavals de ce type, la Marine chinoise devrait disposer d’au moins 7 porte-avions, mais également d’une quinzaine de croiseurs Type 055, d’autant de destroyers anti-aériens Type 052D/DL et de frégates anti-sous-marines Type 054A/B, ainsi que d’une dizaine de navires de ravitaillement lourds et d’une douzaine de sous-marins nucléaires d’attaque.

En outre, l’aéronavale chinoise devrait aligner plus de 250 avions de chasse embarqués modernes, une trentaine d’avions de veille et un grand nombre d’appareils de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine, sans parler des drones aériens, navals et sous-marins qui s’imposeraient dans le mix opérationnel des marines et forces aériennes dans les années à venir.

Or, à ce jour, la Marine chinoise aligne uniquement 2 porte-avions, un troisième venant d’être lancé, 6 croiseurs Type 055, deux navires étant proches de la livraison, 28 destroyers Type 052D et 30 frégates Type 054A.

En outre, ces navires qui doivent également assurer les missions d’escorte des navires amphibies et de protection des côtes et voies navigables stratégiques pour l’économie chinoise.

Dans le domaine sous-marin, elle dispose seulement de six sous-marins nucléaires d’attaque, dont trois sont effectivement considérés comme performants, les Type 09IIIG. La situation n’est guère plus brillante concernant l’aéronautique navale avec, au mieux, une cinquantaine de chasseurs embarqués J-15 en service, aucun appareil de veille embarquée, ni aucun drone.

Quels délais pour disposer des forces nécessaires à une offensive contre Taïwan ?

Pour atteindre une telle force navale susceptible de mener la mission désignée, il serait donc nécessaire pour Pékin de mettre en service 5 nouveaux porte-avions, 10 à 12 croiseurs et autant sous-marins nucléaires d’attaque supplémentaires, au moins 12 à 16 nouveaux destroyers et nouvelles frégates, et plus de 200 avions de combat et appareils embarqués.

Non seulement faudra-t-il concevoir et construire ces navires, aéronefs et drones, mais il sera également indispensable de former et d’entrainer les équipages qui les serviront, et qui devront potentiellement se confronter à la Marine la plus expérimentée de la planète en matière de guerre aéronavale, l’US Navy.

Pour autant, la Marine chinoise, comme les industriels qui l’alimentent en navires et aéronefs, ont fait montre d’une extraordinaire capacité de planification ces dernières années, lui permettant de disposer simultanément de nouveaux navires, de nouveaux équipages et de nouveaux aéronefs, comme ce fut le cas pour les porte-avions Liaoning et Shandong précédemment.

Ainsi, le nouveau porte-avions de 80.000 tonnes Fujian, équipé de catapultes électromagnétiques, entrera en service concomitamment aux chasseurs J-15T et J-35, et de l’avion de veille aérienne KJ-600 qui formeront son groupe aérien embarqué, alors qu’un important effort est produit pour former de nouveaux pilotes et personnels de maintenance à cette même échéance.

Shenyang J 35 David Wang Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
La meilleure photo du nouveau chasseur furtif J-35 qui équipera les futurs porte-avions chinois

Concrètement, et en tenant compte des capacités de production dont ont déjà fait preuve les chantiers navals chinois et la Marine chinoise, il est probablement que le nouveau porte-avions Fujian et son groupe de combat entreront en service en 2024.

Son sister-ship fera de même en 2026 ou 2027 selon toute probabilité, alors que le premier porte-avions à propulsion nucléaire Type 004 n’entrera pas en service avant 2030, et plus précisément 2031. Les deux derniers navires, sûrement du même type, entreront quant à eux en service en 2033/34 et 2035/36 selon toute probabilité.

Il s’agit, selon toute vraisemblance, du calendrier le plus contraignant pour réaliser cette capacité aéronavale, les croiseurs, destroyers et frégates étant d’ores et déjà produits à un rythme largement suffisant de 10 navires par an, et les nouveaux avions de combat au-delà de 20 appareils par an.

Enfin, Pékin a récemment étendu et modernisé ses moyens industriels pour produire de nouveaux sous-marins nucléaires, à un rythme au moins égal à 1 nouveau submersible par an.

De fait, si effectivement, à compter de 2027/2028, la Marine chinoise disposera bien de 4 groupes aéronavales susceptibles d’égaler, sur le papier, la puissance navale américaine déployée dans le Pacifique, il faudra attendre 2035 pour que celle-ci soit effectivement capable de répondre à parité à la capacité de mobilisation réelle de l’US Navy et de ses alliés sur ce théâtre, afin de mener un blocus naval et aérien de Taïwan tout en dissuadant Washington d’intervenir.

On notera d’ailleurs que cette hypothèse fait probablement partie des axes envisagés par la planification de l’US Navy qui, après avoir envisagé de réduire sa flotte de porte-avions lourds à 8 unités, vise désormais à revenir à une flotte forte de 12 navires, lui permettant de mobiliser simultanément non pas 3, mais 4 porte-avions dans le Pacifique au besoin.

L’imprévisibilité du facteur humain

Reste que cette analyse repose sur des éléments purement objectifs et techniques, alors que la prise de décision, notamment au niveau politique, s’appuie sur des ressorts souvent bien différents.

Ainsi, l’analyse a priori des rapports de force et des capacités des armées ukrainiennes et russes début février 2022, ne permettait pas d’envisager que Moscou puisse effectivement lancer une offensive rapide contre l’Ukraine, qui plus est une offensive généralisée allant bien au-delà du seul Donbass.

Ceci explique, en grande partie, pourquoi de nombreux analystes, mais également de nombreux services de renseignement, furent surpris de l’offensive russe, les risques, au final, tout à fait avérés, ne compensant pas les bénéfices potentiels.

C’était toutefois sans compter sur un facteur déterminant, ou plutôt la conjonction de deux facteurs, à savoir l’ambition de Vladimir Poutine de laisser une trace dans l’histoire de la Russie, au même titre que Staline ou Pierre le Grand, et la menace représentée désormais par son âge et ce qui semble être de réels problèmes de santé pour y parvenir.

Les historiens pourront sans doute lever le voile dans plusieurs années sur les ressorts de cette décision qui déstabilisa l’équilibre mondial, mais il ne fait guère de doute que le facteur humain, en l’occurrence, le profil du président Poutine, joua un rôle critique dans cette décision.

Putin Xi Jinping Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Xi Jinping, comme Vladimir Poutine, a l’ambition de marquer l’histoire de son pays, et vise pour cela la réintégration de la province de Taïwan à la République Populaire de Chine.

Or, ce qui est vrai pour Vladimir Poutine, l’est assurément pour Xi Jinping. Lui aussi ambitionne de laisser une trace indélébile dans l’histoire, et s’est fixé pour objectif, pour y parvenir, de rattacher Taïwan à la République Populaire de Chine sur sa mandature.

À l’instar de Vladimir Poutine, Xi Jinping a 69 ans, et voit désormais la fenêtre des opportunités se réduire alors que son âge avance dans un pays où l’espérance de vie des hommes est juste de 75 ans (67 ans en Russie).

Dès lors, le chef de l’État chinois fait face à un important dilemme, entre une trajectoire capacitaire pointant vers 2035 et la crainte de ne plus être à la tête de l’État chinois, voire sur la planète, à cette échéance, pour en récolter les lauriers historiques face à la postérité.

La question est donc de savoir quel sera l’échéance la plus contraignante aux yeux du président chinois, et à quel point les questions d’ego viendront effectivement obscurcir une stratégie parfaitement exécutée par les armées et l’industrie chinoise depuis une vingtaine d’années.

Conclusion

On le comprend, à ce jour, et pour encore quelques années, toute initiative chinoise d’ordre militaire contre Taïwan relèverait d’un aventurisme des plus dangereux pour Pékin.

Toutefois, les capacités et qualités démontrées par les industries et les armées chinoises ces dernières années dans le pilotage de leur modernisation, laissent envisager que d’ici à une douzaine d’années, elles seront, en effet, en mesure de faire jeu égal avec la très puissante US Navy dans le Pacifique, ou tout au moins dans le Pacifique occidental, et seraient alors en capacité de mener une opération militaire destinée à réintégrer Taïwan dans le giron de Pékin.

À ce titre, on notera que les projections faites quant au développement de l’outil de dissuasion nucléaire chinois, suit également une trajectoire et un calendrier identique, avec une puissance optimum susceptible de tenir en respect les Etats-Unis au-delà de 2030 au mieux, 2035 au plus tard.

La question reste néanmoins entière, quant à savoir si le président Xi Jinping saura faire preuve de plus de patience et de prudence que son homologue russe afin de garantir l’efficacité et le succès probable d’une telle opération, ou si son égo prendra le dessus pour tenter de devenir l’unificateur moderne de la Chine et rejoindre, dans l’histoire chinoise, des figures emblématiques comme Mao Zedong, le père de la Chine moderne, et Qin Shi Huang, son premier empereur qui unifia les 7 royaumes combattants en 221 avant notre ère.

Après Bruxelles et Athènes, Bucarest montre la voie à la France pour la coopération européenne de Défense

Dans une interview donné à un média local, le ministre de La Défense roumain, Vasile Dîncu, a révélé que la Roumanie et la France avaient signé une lettre d’intention portant sur l’acquisition de sous-marins Scorpene et d’hélicoptères de conception française pour les armées du pays. Les autorités françaises, comme c’est souvent le cas désormais, sont restées discrètes sur le sujet, tout comme les industriels concernés, se contentant de confirmer que des discussions avancées avaient lieux avec Bucarest dans le cadre d’une coopération militaire et industrielle étendue. Ces discussions, qui prennent place dans une coopération politique et militaire déjà engagée de longue date entre les deux pays, notamment avec la commande de 4 corvettes Gowind 2500 construites localement en 2019. Pour autant, cette annonce s’inscrit également dans un contexte géopolitique et sécuritaire marqué par le déploiement de forces françaises, l’équivalent d’un Groupement tactique Interarmées de 800 hommes, et d’une batterie de défense anti-aérienne SAMP/T Mamba en Roumanie dans le cadre de la stratégie de réassurance des pays de l’OTAN formant la frontière occidentale de l’Alliance face à la Russie.

Or, ce contexte particulier, qui aura incontestablement favorisé le rapprochement entre Paris et Bucarest sur ces dossiers, n’est pas sans rappeler celui qui précéda au rapprochement similaire entre la France et la Grèce, et qui se concrétisa par la commande de 24 avions Rafale et de 3 frégates FDI par Athènes, ainsi que par la signature d’un accord de défense bilateral entre les deux pays, de sorte à dissuader la Turquie et son président R.T Erdogan de toute initiative malheureuse en Mer Egée et à Chypre. La France avait en effet déployé, à l’été 2020, des avions Rafale et plusieurs unités navales de la Marine Nationale en Mer Egée pour contenir les déploiements navals et aériens turcs autour du navire d’exploration minière Orus Reis.

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Les premiers avions Rafale grecs ont été opérationnels moins de 12 mois après la signature de la première commande par Athènes

Deux ans plus tôt, en 2018, la Belgique se tournait vers la France pour le programme CaMo, visant à rapprocher les forces terrestres des deux pays tant dans le domaine opérationnel que du point de vue des équipements, et qui donna lieu à l’a commande de 382 véhicules blindés VBMR Griffon et de 60 chars legers EBRC Jaguar. Plus récemment, l’Armée de terre belge commanda également 28 canons portés de 155mm CAESAR NG, les mêmes qui équiperont l’Armée de terre française, de sorte à ce que les deux forces armées soient à ce point proches qu’elles seront interchangeables au sein d’un déploiement, y compris à l’échelle d’un GTIA ou d’un SGTIA. Bruxelles et Amsterdam confièrent également au français Naval Group et au belge ECA la conception et la fabrication de sa nouvelle flotte de navire de guerre contre les mines, un contrat de 2md€ pour 12 navires, 6 par pays.

Dans les deux cas, la décision des capitales européennes furent en grande partie conditionnée par des considérations non pas industrielles ou économiques, mais purement opérationnelles, en privilégiant le partenariat militaire avec la France et ses Armées, et en faisant confiance à celles-ci pour renforcer leurs propres capacités défensives le cas échéant. Et force est de constater que le même schéma peut être observé en Roumanie concernant les discussions entamées autour d’un programme d »hélicoptères pourtant à l’arrêt depuis plus de 3 ans maintenant, et surtout d’un programme de sous-marins à propulsion conventionnelle susceptible de contester la suprématie navale absolue de Moscou en Mer Noire. Il est d’ailleurs probable que le plébiscite européen autour de l’avion F-35, accentué par les tensions paroxystiques atteintes avec la Russie, repose lui aussi sur un mécanisme similaire, l’US Air Force étant perçue pour beaucoup de pays comme la seule force aérienne majeure susceptible de tenir à distance les forces russes dans les années à venir, au point de faire désormais de l’avion européen le réel standard des avions de combat sur le vieux continent, avec 12 forces aériennes ayant commandé ou annoncé qu’elles le feraient l’avion américain sur le vieux continent, Prague et Athènes s’étant récemment prononcés en faveur du F-35.

caesar Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Bruxelles a récemment annoncé la commande de 1! systèmes d’artillerie portée CAESAR et l’approfondissement du partenariat stratégique avec la France dans le cadre du dispositif CaMo

Or, au delà des aspects commerciaux et sociaux que de tels contrats d’armement engendrent, ces coopérations autours de programmes majeurs de défense participent à créer une proximité géopolitique stratégique pour le France, tant au sein de l’Union européenne que de l’OTAN, permettant notamment de compenser le radicalisme de certains, ou l’omniprésence d’autres. Qui plus est, plusieurs pays européens restent, à ce jour, ouverts à de nouvelles coopération en particulier dans le domaine de La Défense, pour peu que celles-ci soient mutuellement profitables. C’est notamment le cas de la Suède qui représente, aujourd’hui, incontestablement un partenaire potentiel stratégique pour la France pour les questions de défense et les programmes industriels.

Les pays d’ex-yougoslavie, Croatie et Serbie en tête, représentent également des partenaires clés dans ces domaines, d’autant qu’ils sont également acteurs d’une zone d’instabilité critique sur le vieux continent. L’arc bosphorien, rassemblant la Grèce, Chypre, la Roumanie et la Bulgarie, constitue un axe d’effort stratégique pour Paris, tant pour contrôler la menace russe que les aspirations territoriales turques, ce d’autant que Paris entretient dans le même temps des relations privilégiées avec Le Caire et Abu Dabi, deux pays qui eux aussi veulent jouer un rôle en Méditerranée Orientale et dans cette partie du Moyen-Orient faisant face à ces pays européens. Enfin, le Portugal est bien souvent négligé dans les partenariat européens, alors que le pays dispose d’une industrie aéronautique performante, une position stratégique sur la façade atlantique, et dispose de relations privilégiée avec le Brésil et certains pays d’Afrique.

FRace troupe roumanie Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
le déploiement de 800 chasseurs alpins français en Roumanie quelques jours à peine après le début de l’invasion russe de l’Ukraine aura incontestablement joué un rôle dans le rapprochement entre paris et Bucarest et l’ouverture de négociations au sujet de l’acquisition de sous-marins et hélicoptères français par les armées roumaines

Reste que, pour apparaitre effectivement comme un partenaire fiable dans les questions de défense, et pour créer des relations bilatérales privilégiées qui vont souvent bien au delà de ces questions à en juger par les exemples grecs et belges, il est nécessaire, pour la France, de disposer de capacités miltaires crédibles, et de moyens disponibles pour des déploiements de réassurances au delà du symbole. S’il semble indispensable désormais que le format des armées françaises évolue dans le cadre de la prochaine LPM, on peut s’interroger sur l’efficacité relative du déploiement de 800 hommes pendant 6 mois en Roumanie, et de celui de 5000 hommes pendant 10 ans en Afrique Sud-saharienne, tant du point de vue industriel que du point de vue de la politique internationale et du rôle de la France sur la scène mondiale. A tension opérationnelle égale pour les Armées, le déploiement d’un équivalent de forces identique à celui déployé dans le cadre de Barkhane vers les alliés européens, en Grèce, en Roumanie, mais également en Suède ou en Bulgarie, aurait très probablement des résultats bien plus significatifs et bénéfiques pour la France dans de nombreux aspects, y compris en faisant évoluer son image dans d’autres pays européens par nature plus américano ou germanophiles.

Dans tous les cas, l’exemple roumain confirme, une nouvelle fois, que la France est effectivement en capacité d’améliorer et d’étendre son audience en Europe, et d’y accroitre ses partenariats et contrats de Défense, pour peu que le pays prenne en compte et réponde aux attentes et inquiétudes de ces partenaires, y compris par des mesures de réassurance. On ne peut qu’espérer que ce constat n’aura pas échappé aux planificateurs français, comme aux conseils qui participent aujourd’hui à la préparation de la nouvelle Loi de Programmation Militaire qui doit être dévoilée et votée en 2023. De toute évidence, la France a encore de nombreuses opportunités de coopération en Europe, bien au delà du seul couple franco-allemand par ailleurs de plus en plus problématique, ou des rapports teintés d’une compétition féroce qui existent avec l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Espagne.

La Chine, elle aussi, développerait une torpille à propulsion nucléaire

L’arrivée prochaine du couple stratégique formé par le sous-marin nucléaire lance missiles Belgorod, une variation de la classe Antey, et de la torpille drone stratégique à propulsion nucléaire Poseidon, au sein de la Marine Russe, a fait coulé beaucoup d’encre ces dernières semaines en occident, même si l’apport stratégique effectif de ce binôme capable d’éliminer une grande ville côtière avec sa tête de 2 mégatonnes, est plus que discutable. Pour autant, le principe a semble-t-il inspiré les ingénieurs chinois, qui viennent à leur tour d’annoncer la conception d’une torpille équipée d’un réacteur nucléaire miniaturisé. En revanche, le concept opérationnel visé par la Marine Chinoise diffère grandement de celui de la Poseidon, le rendant à la fois bien plus adapté à une utilisation militaire, et bien moins cher à produire.

Le site South China Morning Post basé à Hong-Kong, s’est en effet fait l’écho d’un article publié par le directeur scientifique de l’Institut chinois de l’Energie Atomique Guo Jian dans le Journal des systèmes autonomes sous-marins, une publication professionnelle de la Corporation Chinoise des Industries de Construction Navale. Le scientifique chinois y détaille la conception d’une torpille tactique équipée d’un réacteur nucléaire miniaturisé, lui permettant de maintenir pendant 200 heures une vitesses de 30 noeuds. La torpille, suffisamment miniaturisée pour être mise en oeuvre à partir des tubes lance-torpilles des sous-marins nucléaires d’attaque chinois, éjecterait son coeur nucléaire une fois la cible identifiée, et l’engagerait à l’aide de ses batteries électriques, à l’instar d’une torpille traditionnelle, sans risque de contamination nucléaire, d’autant que l’arme n’emploierait que des charges militaires conventionnelles, et non une ogive nucléaire.

Belgorod Antei Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le Belgorod est aujourd’hui le plus imposant sous-marin en service dans le monde, avec un deplacement de 30.000 tonnes en plongée, afin de mettre en oeuvre jusqu’à 6 torpilles nucléaires Poseidon

Le modèle chinois, et son concept d’emploi, diffèrent donc radicalement de ceux de la torpille Poseidon, qui ne peut être mise en oeuvre que dans le cadre d’une guerre nucléaire totale pour laquelle elle n’apporterait que peu de plus-values, et qui requiert un sous-marin spécialement modifié pour être déployée. La torpille chinois s’apparente en effet à une arme purement conventionnelle et tactique, permettant par exemple d’engager des forces navales à très grande distance avec une autonomie de 6000 nautiques soit assez pour frapper les navires à quai à Pearl Harbour à partir de la Mer de Chine, ou pour patrouiller des zones navales à l’instar d’un drone MALE ou d’une Munition vagabonde. Elle répond donc aux contraintes immédiates de la Marine Chinoise, qui ne dispose que de 6 sous-marins nucléaires d’attaque modernes Type 093 capables d’engagement océaniques, mais qui aligne plus d’une quarantaine de sous-marins à propulsion conventionnelle Type 039 conçu pour opérer à proximité relative des cotes chinoises et de leur port d’attache.

Ce d’autant que si la torpille est donnée pour pouvoir naviguer 200 heures à 30 noeuds, on ignore son autonomie de patrouille à vitesse plus réduite. Un simple calcul énergétique laisse en effet supposer qu’elle pourrait patrouiller pendant plus de 800 heures, plus de 30 jours, à 6 noeuds après avoir rejoint une zone de patrouille à 1000 nautiques de son point de départ. De fait, la torpille chinoise pourrait constituer une excellente arme de déni d’accès naval, tant pour les cibles de surface que sous-marines, pour peu qu’elle puisse être controlée à partir de base terrestre en coordination avec des moyens de détection aéro-largués, comme des bouées acoustiques par exemple, ou par des systèmes sonar pré-positionnés à l’image de la ligne de station SOSUS qui protègent les côtes américaines dans l’Atlantique.

Type 039 Song Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
La marine chinoise ne dispose que de 6 sous-marins nucléaires d’attaque classe Shang, mais d’une quarantaine de SSK classe Song et Yuan

Au delà d’un potentiel opérationnel bien plus étendu que celui de la Poseidon, la nouvelle torpille chinoise bénéficiait, selon Guo Jian, d’un atout supplémentaire et déterminant. Elle serait, en effet, relativement economique à produire, tout au moins au regard d’un système équipé d’une propulsion de ce type, et surtout en comparaison de la torpille Poseidon qui demeure avant tout une arme stratégique confidentielle. De fait, selon le scientifique chinois, la torpille pourrait être produite en quantité bien plus importante que son homologue russe, et donc atteindre un seuil de densité lui permettant de jouer un rôle significatif en cas de guerre conventionnelle, en particulier pour empêcher l’US Navy d’entraver la liberté d’action navale des forces chinoises.

Mais cette annonce ouvre également un immense potentiel aux forces chinoises pour prendre un ascendant marqué sur les forces occidentales dans ce que l’on peut qualifié d’enjeu énergétique pour la conduite de la guerre terrestre. Comme l’ont montré de nombreux travaux académiques et prospectifs, l’efficacité des forces terrestres engagées dans une conflit majeur de haute intensité dépendra en grande partie de leurs capacités à répondre au défi énergétique, que ce soit par une logistique irréprochable et bien protégée, ou par l’utilisation de moyens de production énergétique déportés et d’une certaine sobriété énergétique des forces. Dans ce contexte, disposer d’une micro centrale nucléaire contenue dans une tube blindé de 50 cm de diamètre et de moins de 2 mètres de long (dimension disponible dans une torpille classique pour un tel dispositif) capable de produire en permanence plusieurs dizaines de kilowatts pendant 30 jours, représenterait un atout plus que considérable.

Project Pele reacteur nucleaire Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Assaut amphibie
Le projet Pelé de l’US Army vise à developper un réacteur nucléaire autonome transportable pour alimenter les zones de déploiements opérationnelles en énergie

Toutefois, il convient de garder à l’esprit l’utilisation d’un réacteur nucléaire, aussi miniaturisé qu’il puisse être, requiert notamment de grandes quantités d’eau fraiche pour contrôler la réaction exothermique. Bien évidemment, pour une torpille destiner à ne garder la mer qu’une fois pendant au mieux 30 jours, mettre en oeuvre un tel système de refroidissement est relativement aisé, d’autant que contrairement aux sous-marins nucléaires, la torpille n’a pas de contraintes de discrétion particulières, et que l’eau fraiche n’est pas une denrée rare dans les profondeurs océaniques. Pour transposer le système en générateur terrestre, il conviendrait en revanche de disposer d’un système de refroidissement autonome bien plus conséquent et sécurisé, d’autant qu’en cas de fusion incontrôlée, il n’est pas question de larguer le réacteur dans les profondeurs de l’océan. Dès lors, il semble que la technologie chinoise décrite se rapproche de celle développée par l’US Army dans le cadre du programme Pelé, transposée simplement dans un environnement plus favorable permettant d’en réduire l’infrastructure de refroidissement et donc de prendre place à bord d’une torpille tactique. Reste que cela montre, s’il était encore besoin de le faire, que la Chine n’a désormais plus grand chose à envier téchnologiquement parlant à l’Occident et aux Etats-Unis en matière de défense.